Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 15 septembre 2021 par lequel le ministre de l'intérieur a prononcé sa radiation des cadres pour abandon de poste.
Par un jugement n° 2107945 du 6 juillet 2023, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 7 septembre 2023 et 13 avril 2024, Mme B..., représentée par Me Branchet, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg ;
2°) d'annuler l'arrêté du 15 septembre 2021 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la décision est insuffisamment motivée a été prise au terme d'une procédure irrégulière dès lors que le principe du contradictoire a été méconnu ;
- la procédure est irrégulière en l'absence de mise en demeure ;
- le préfet était tenu de prendre en compte la procédure contentieuse concernant la date de consolidation de son accident de service ;
- la décision attaquée est illégale en l'absence de mentions relatives aux voies de recours contre l'avis du comité médical : elle n'a pas été mise en mesure de contester cet avis et a dès lors été privée d'une garantie ;
- elle a une volonté de garder un lien avec le service et il existe un motif sérieux justifiant son absence ;
- la décision est entachée d'un détournement de pouvoir.
Par un mémoire en défense enregistré le 2 avril 2024, le ministre de l'intérieur et des outre-mer conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Peton,
- les conclusions de Mme Bourguet, rapporteure publique,
- et les observations de Me Branchet pour Mme B....
Considérant ce qui suit :
1. Mme B... était adjointe administrative de 2ème classe du ministère de l'intérieur, affectée à la préfecture de la Moselle. Le 11 juillet 2018, elle avait chuté en descendant les escaliers de la préfecture. Par un arrêté du 24 août 2018, le préfet de la Moselle a reconnu l'imputabilité au service de cet accident. Mme B... a bénéficié de plusieurs périodes d'arrêt de travail au titre de son accident de service. Par un arrêté du 17 septembre 2020, le préfet de la Moselle a décidé de fixer une date de consolidation de l'état de santé de Mme B... au 17 mars 2020, sans séquelles, de ne retenir aucun taux d'incapacité permanente partielle et de prendre en charge les soins postérieurs à la date de l'arrêté du 17 septembre 2020 au titre de la maladie ordinaire. Le même jour, le préfet a décidé de placer Mme B... en congé maladie ordinaire du 18 mars 2020 au 29 septembre 2020 et de ne lui accorder le bénéfice que d'un demi-traitement du 16 juin au 29 septembre 2020. Puis, par un arrêté du 1er octobre 2020, le préfet de la Moselle a décidé de prolonger le congé maladie ordinaire de Mme B... du 30 septembre 2020 au 30 octobre 2020 et de ne lui accorder le bénéfice que d'un demi-traitement du 30 septembre et 30 octobre 2020.
2. Le congé de maladie ordinaire de Mme B... a été prolongé du 31 octobre 2020 au 22 janvier 2021 par trois arrêtés successifs. Dans sa séance du 17 décembre 2020, le comité médical départemental a considéré que Mme B... était apte à réintégrer ses fonctions à compter du 18 janvier 2021 en préconisant un aménagement de son poste de travail. Par une lettre du 7 janvier 2021, le préfet de la Moselle lui a enjoint de reprendre ses fonctions le 18 janvier 2021. Mme B... a repris ses fonctions le 18 janvier 2021 mais a transmis à son employeur un nouveau certificat d'arrêt de travail le 19 janvier 2021 et a été placée en congé de maladie ordinaire du 19 janvier au 17 février 2021. Mme B... a fait l'objet d'une nouvelle expertise médicale le 12 février 2021 à l'issue de laquelle le médecin agréé l'a considérée apte à reprendre ses fonctions, avec un éventuel aménagement de poste, à définir avec le médecin de prévention. Par une lettre du 9 mars 2021, le préfet de la Moselle a enjoint à Mme B... de réintégrer ses fonctions à compter du 19 mars suivant. Mme B... n'a pas repris ses fonctions et a transmis un certificat de prolongation d'arrêt de travail pour la période du 19 mars au 16 avril 2021. Une nouvelle expertise été réalisée le 9 avril 2021, à l'issue de laquelle le médecin agréé a confirmé l'aptitude au service de l'intéressée, avec un éventuel aménagement de poste. En conséquence, le préfet de la Moselle lui a une nouvelle fois demandé, par lettre du 14 avril 2021, de reprendre ses fonctions, cette fois à compter du 19 avril 2021. Mme B... n'a pas repris ses fonctions et a transmis un certificat de prolongation d'arrêt de travail. Le ministre de l'intérieur a prononcé la radiation des cadres pour abandon de poste de Mme B... à compter 19 avril 2021 par une décision du 15 septembre 2021. Mme B... relève appel du jugement du 6 juillet 2023 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration, codifiant les dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2, ainsi que les décisions qui, bien que non mentionnées à cet article, sont prises en considération de la personne, sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable. " Aux termes du dernier alinéa de l'article L. 121-2 du même code : " Les dispositions de l'article L. 121-1, en tant qu'elles concernent les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2, ne sont pas applicables aux relations entre l'administration et ses agents. ".
4. La décision en litige, qui comporte l'énoncé des considérations de fait et de droit sur lesquelles elle se fonde, se borne à tirer les conséquences du caractère non justifié de l'absence de Mme B... à compter du 19 avril 2021 et ne revêt pas le caractère d'une décision prise en considération de la personne. Ainsi, la situation de la requérante, agent de l'administration, relève de l'une des exceptions prévues à l'article L. 121-2 du code des relations entre le public et l'administration, de sorte que la procédure contradictoire préalable mentionnée à l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration n'est pas applicable. Par suite, les moyens tirés de l'insuffisance de motivation et de la méconnaissance du principe du contradictoire doivent être écartés.
5. En deuxième lieu et d'une part, une mesure de radiation des cadres pour abandon de poste ne peut être régulièrement prononcée que si l'agent concerné a, préalablement à cette décision, été mis en demeure de rejoindre son poste ou de reprendre son service dans un délai approprié qu'il appartient à l'administration de fixer. Une telle mise en demeure doit prendre la forme d'un document écrit, notifié à l'intéressé, l'informant du risque qu'il encourt d'une radiation des cadres sans procédure disciplinaire préalable. Lorsque l'agent ne s'est pas présenté et n'a fait connaître à l'administration aucune intention avant l'expiration du délai fixé par la mise en demeure, et en l'absence de toute justification d'ordre matériel ou médical, présentée par l'agent, de nature à expliquer le retard qu'il aurait eu à manifester un lien avec le service, cette administration est en droit d'estimer que le lien avec le service a été rompu du fait de l'intéressé.
6. D'autre part, lorsque l'agent a été reconnu apte à reprendre ses fonctions par le comité médical, mais que, mis en demeure de rejoindre son poste, il refuse de le faire en produisant un certificat médical prescrivant un nouvel arrêt de travail, il appartient à l'autorité administrative, avant de prononcer une éventuelle mesure de radiation des cadres à raison d'un abandon de poste, d'apprécier si ce certificat médical apporte des éléments nouveaux par rapport aux constatations sur la base desquelles a été rendu l'avis du comité médical. Elle ne peut donc légalement refuser d'examiner les éléments ainsi invoqués au motif qu'elle serait tenue par l'avis du comité médical.
7. Mme B... soutient qu'elle a reçu une lettre d'information sans mise en demeure formelle. Toutefois, par un courrier du 14 avril 2021, le préfet de la Moselle lui a enjoint de reprendre ses fonctions à compter du lundi 19 avril en lui indiquant qu'une nouvelle prolongation d'arrêt de travail ne permettrait plus de justifier de son absence et qu'en l'absence de réintégration elle serait considérée en absence injustifiée, avant de préciser que dans le cas où l'intéressée ne reprendrait pas ses fonctions le 19 avril 2021, elle s'exposerait à une procédure d'abandon de poste sans procédure disciplinaire préalable. Contrairement à ce que soutient Mme B..., il ne s'agit pas d'une précision purement informative et de nature hypothétique. Par ailleurs, la circonstance que le préfet n'ait pas mentionné dans ce courrier la procédure pendante devant le tribunal administratif de Strasbourg dirigée contre les arrêtés des 17 septembre 2020 et 1er octobre 2020 est sans incidence. En conséquence, Mme B... a, préalablement à l'intervention de la décision du 15 septembre 2021, été mise en demeure de rejoindre son poste ainsi qu'informée du risque qu'elle encourrait d'une radiation des cadres sans procédure disciplinaire préalable.
8. En troisième lieu, la procédure de radiation des cadres pour abandon de poste débute lorsque l'agent est mis en demeure par son employeur de reprendre son service. Les éventuelles irrégularités antérieures à cette mise en demeure ou afférentes à une procédure distincte ne peuvent, dès lors, avoir d'incidence sur la légalité de cette décision. Par ailleurs, l'avis du comité médical n'a pas le caractère d'une décision et aucune disposition législative ou règlementaire n'impose la mention des voies et délais de recours sur un tel avis. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité d'un avis du comité médical ne peut qu'être écarté.
9. En quatrième lieu, à la date de la décision contestée, Mme B... avait été reconnue apte à reprendre ses fonctions d'adjointe administrative au bureau de l'admission au séjour de la préfecture de la Moselle à compter du 18 janvier 2021 par un avis du comité médical départemental en date du 17 décembre 2020. Contrairement à ce que soutient la requérante, la reprise de son poste n'était pas conditionnée par un aménagement de poste, lequel n'était présenté que comme une éventualité tant par le comité médical que par le médecin agréé qui l'a vue à plusieurs reprises d'une part, et sans que l'administration ne soit tenue de respecter un principe de précaution d'autre part. A la suite d'une reprise de ses fonctions le 18 janvier 2021, Mme B... a transmis un certificat d'arrêt de travail le 19 janvier 2021. Il résulte de l'instruction que ce certificat a ensuite été suivi de certificats de prolongation de cet arrêt tous les mois. Toutefois, par deux expertises médicales des 12 février 2021 et 9 avril 2021, le médecin agréé de l'administration a considéré que Mme B... était apte à reprendre ses fonctions et a précisé que les certificats d'arrêts de maladie présentés par l'agent devaient être pris en compte au titre de la maladie ordinaire. Le préfet de la Moselle a adressé à Mme B... une nouvelle mise en demeure de reprendre son poste le 14 avril 2021 précisant qu'une nouvelle prolongation d'arrêt de travail ne permettrait plus de justifier de son absence. L'intéressée n'a pas déféré à cette mise en demeure et s'est bornée à adresser aux services de la préfecture un nouveau certificat médical de prolongation d'arrêt de travail établi par son médecin traitant le 16 avril 2021, alors que ce nouveau certificat n'apporte aucun élément nouveau relatif à son état de santé. En conséquence, et contrairement à ce que soutient la requérante, la seule production d'un certificat médical d'arrêt de travail ne suffisait pas à justifier qu'elle était dans l'impossibilité de reprendre son travail et elle doit être regardée comme ayant rompu le lien qui l'unissait à son employeur. Dès lors, le ministre de l'intérieur, en prononçant la radiation des cadres de Mme B... pour abandon de poste, n'a pas commis d'illégalité et ce, alors même que l'intéressée allègue avoir entendu maintenir un lien avec le service.
10. En dernier lieu, le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi.
11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Par suite, sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions y compris celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 13 mai 2025, à laquelle siégeaient :
- M. Durup de Baleine, président,
- M. Barlerin, premier conseiller,
- Mme Peton, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 3 juin 2025.
La rapporteure,
Signé : N. PetonLe président,
Signé : A. Durup de Baleine
Le greffier,
Signé : A. Betti
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Le greffier,
A. Betti
N° 23NC02849 2