Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 21 mars 2023 par lequel la préfète du Bas-Rhin a refusé de l'admettre au séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2302802 du 14 juin 2023, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 15 novembre 2023, M. A..., représenté par Me Berry, demande à la cour :
1°) avant dire droit, d'appeler à la cause l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), d'enjoindre à l'OFII et à la préfète du Bas-Rhin de produire les éléments sur lesquels ils se sont fondés pour considérer qu'il pourrait bénéficier d'un traitement approprié en Géorgie ;
2°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg ;
3°) d'annuler l'arrêté du 21 mars 2023 ;
4°) d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin de lui délivrer un titre de séjour sous astreinte de cent euros par jour de retard à l'expiration d'un délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir, d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin de réexaminer sa situation dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer dans cette attente une autorisation provisoire de séjour, sous astreinte de cent euros par jour de retard ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- la décision portant refus de séjour méconnaît les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il ne peut bénéficier de soins effectifs en Géorgie ;
- l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français s'impose comme la conséquence de l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnait le 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'annulation de la décision fixant le pays de renvoi s'impose comme la conséquence de l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français ;
- cette décision méconnaît les dispositions de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense enregistré le 18 juin 2024, la préfète du Bas-Rhin conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que les moyens de la requête de M. A... ne sont pas fondés.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 12 octobre 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme Peton a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant géorgien né en 1964, déclare être entré en France le 11 décembre 2018. Sa demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) le 29 novembre 2019. Le 11 octobre 2019, M. A... a sollicité son admission au séjour en se prévalant de son état de santé. Il a alors bénéficié d'une carte de séjour temporaire d'un an, dont il a sollicité le renouvellement le 22 février 2022. Par un arrêté du 21 mars 2023, la préfète du Bas-Rhin a refusé de l'admettre au séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. A... relève appel du jugement du 14 juin 2023, par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" d'une durée d'un an ". Aux termes de l'article R. 425-11 du même code : " Pour l'application de l'article L. 425-9, le préfet délivre la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'office et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé ".
3. Il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance du titre de séjour prévu par l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de vérifier, au vu de l'avis émis par le collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, que cette décision ne peut avoir de conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'étranger, et en particulier d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale dans le pays dont l'étranger est originaire. Lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'étranger, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans son pays d'origine. Si de telles possibilités existent mais que l'étranger fait valoir qu'il ne peut en bénéficier, soit parce qu'elles ne sont pas accessibles à la généralité de la population, eu égard notamment aux coûts du traitement ou à l'absence de modes de prise en charge adaptées, soit parce qu'en dépit de leur accessibilité, des circonstances exceptionnelles tirées des particularités de sa situation personnelle l'empêcheraient d'y accéder effectivement, il appartient à cette même autorité, au vu de l'ensemble des informations dont elle dispose, d'apprécier si cet étranger peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine. Pour déterminer si un étranger peut bénéficier effectivement dans le pays dont il est originaire d'un traitement médical approprié, au sens de l'article L. 425-9 précité, il convient de s'assurer, eu égard à la pathologie de l'intéressé, de l'existence d'un traitement approprié et de sa disponibilité dans des conditions permettant d'y avoir accès, et non de rechercher si les soins dans le pays d'origine sont équivalents à ceux offerts en France ou en Europe.
4. Pour refuser un titre de séjour à M. A..., la préfète du Bas-Rhin s'est fondée sur l'avis du collège des médecins de l'OFII du 30 mai 2022 indiquant que l'état de santé de M. A... nécessite une prise en charge médicale, dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, mais qu'eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il peut y bénéficier effectivement d'un traitement approprié et qu'au vu des éléments du dossier, son état de santé lui permet de voyager sans risque vers son pays d'origine. Pour contester cet avis, M. A... produit plusieurs certificats médicaux indiquant que son état de santé nécessite un suivi régulier ainsi qu'un traitement spécifique à la suite, notamment, d'une transplantation hépatique. Il produit également des documents de l'organisation mondiale de la santé et de l'organisation suisse d'aide aux réfugiés faisant état des difficultés du système de santé géorgien. Toutefois, ces seuls éléments ne suffisent pas à démontrer que M. A... ne pourrait bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine. Enfin, à la supposer avérée, la circonstance que l'OFII ait considéré dans ses deux avis précédents que M. A... ne pouvait bénéficier de soins effectifs dans son pays d'origine ne suffit pas à démontrer que les soins nécessités, à la date de la décision contestée, ne seraient pas accessibles. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que le préfet aurait méconnu les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
5. En deuxième lieu, M. A... n'établit pas l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour. Par suite, le moyen tiré de ce que l'obligation de quitter le territoire français est fondée sur une décision de refus de titre de séjour illégale doit être écarté.
6. En troisième lieu, compte tenu de ce qui a été dit quant aux conditions d'application de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile au cas de M. A..., ce dernier n'est pas fondé à soutenir que les dispositions du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile faisaient obstacle à ce qu'il lui soit fait obligation de quitter le territoire français.
7. En quatrième lieu, M. A... n'établit pas l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de renvoi est fondée sur une décision portant obligation de quitter le territoire français illégale doit être écarté.
8. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut désigner comme pays de renvoi : / 1° Le pays dont l'étranger a la nationalité, sauf si l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Cour nationale du droit d'asile lui a reconnu la qualité de réfugié ou lui a accordé le bénéfice de la protection subsidiaire ou s'il n'a pas encore été statué sur sa demande d'asile ; / 2° Un autre pays pour lequel un document de voyage en cours de validité a été délivré en application d'un accord ou arrangement de réadmission européen ou bilatéral ; / 3° Ou, avec l'accord de l'étranger, tout autre pays dans lequel il est légalement admissible. / Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. ". Selon cet article 3 : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. ".
9. Les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales font obstacle à l'éloignement vers son pays d'origine d'un ressortissant étranger gravement malade lorsqu'il y a des motifs sérieux de croire que cette personne, bien que ne courant pas de risque imminent de mourir, ferait face, en raison de l'absence de traitements adéquats dans le pays de destination ou du défaut d'accès à ceux-ci, à un risque réel d'être exposée à un déclin grave, rapide et irréversible de son état de santé entraînant des souffrances intenses ou à une réduction significative de son espérance de vie. Ces cas très exceptionnels correspondent à un seuil élevé pour l'application de l'article 3.
10. Il ne ressort pas du dossier que la vie ou la liberté de M. A..., dont la demande d'asile a été rejetée, seraient menacées en Géorgie, où il peut bénéficier d'une prise en charge médicale appropriée à son état de santé, ou qu'il risquerait d'être exposé dans ce pays à la torture ou à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. Il n'en ressort pas davantage qu'il serait à brève échéance exposé, en cas de retour dans son pays, à une réduction significative de son espérance de vie par rapport à celle, d'ailleurs non précisée, qui serait la sienne en France ou qui aurait été la sienne lorsqu'il a quitté la Géorgie. Dès lors, en fixant le pays de destination, la préfète du Bas-Rhin n'a pas méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
11. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Par suite, sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions y compris celles tendant à ce qu'il soit enjoint à l'OFII de produire les éléments sur lesquels il s'est fondé pour considérer qu'il pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié en Géorgie, et celles tendant au bénéfice de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et à Me Berry.
Copie en sera adressée au préfet du Bas-Rhin.
Délibéré après l'audience du 13 mai 2025, à laquelle siégeaient :
- M. Durup de Baleine, président,
- M. Barlerin, premier conseiller,
- Mme Peton, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 3 juin 2025.
La rapporteure,
Signé : N. PetonLe président,
Signé : A. Durup de Baleine
Le greffier,
Signé : A. Betti
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Le greffier,
A. Betti
2
N° 23NC03351