Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La SAS Cilaos a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler les arrêtés du 28 mars 2019 par lesquels le maire de la commune de Pont-Saint-Martin a décidé d'exercer le droit de préemption en vue de l'acquisition des parcelles cadastrées A 900, A 901, A 902, A 1013, A 1022, A 1027, A 1068 et A 1420, situées dans le secteur de " la Planche au Bouin ", ainsi que la décision du 5 juillet 2019 par laquelle il a rejeté son recours gracieux dirigé contre ces arrêtés.
Par un jugement n° 1909569 du 15 novembre 2022, le tribunal administratif de Nantes a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 16 janvier et 3 août 2023, la SAS Cilaos, représentés par Me Bonnat, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nantes du 15 novembre 2022 ;
2°) d'annuler les arrêtés du 28 mars 2019 et la décision du 5 juillet 2019 du maire de Pont-Saint-Martin ;
3°) d'enjoindre à la commune de Pont-Saint-Martin de lui proposer d'acquérir les parcelles concernées ;
4°) de mettre à la charge de la commune de Pont-Saint-Martin une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est insuffisamment motivé au sujet du moyen tiré de la méconnaissance des dispositions des articles L. 153-36 à L. 153-38 du code de l'urbanisme ;
- le maire de Pont-Saint-Martin a méconnu les dispositions combinées des articles L. 210-1 et L. 300-1 du code de l'urbanisme ;
- les arrêtés contestés sont insuffisamment motivés ; les fondements des décisions de préemption litigieuses sont imprécis ce qui démontre l'absence de projet ;
- l'objectif de développement du logement social mentionné dans ces décisions ne relève pas de la notion d'aménagement au sens de l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme ;
- aucun élément ne permet de démontrer que les parcelles préemptées seraient nécessaires pour atteindre l'objectif de production de 130 logements dans le secteur de la Planche au Bouin ;
- il n'est pas justifié de l'antériorité du projet allégué ;
- le projet ne répond pas à un intérêt général suffisant, notamment au regard de son coût financier et compte tenu de ce qu'il fait double emploi avec l'initiative privée.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 28 juillet et 29 août 2023, la commune de Pont-Saint-Martin, représentée par Me Saint-Supéry, demande à la cour de rejeter la requête de la SAS Cilaos et de mettre à sa charge une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens de la société requérante ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Derlange, président assesseur,
- les conclusions de Mme Rosemberg, rapporteure publique,
- et les observations de Me Bonnat, pour la société Cilaos, et de Me Lucas, substituant Me Saint-Supéry, pour la commune de Pont-Saint-Martin.
Considérant ce qui suit :
1. Par des arrêtés du 28 mars 2019, le maire de la commune de Pont-Saint-Martin a décidé d'exercer, au nom de la commune, le droit de préemption aux fins d'acquérir les terrains non bâtis des parcelles cadastrées A 900, A 901, A 902, A 1013, A 1022, A 1027, A 1068 et A 1420, situées dans le secteur de la Planche au Bouin sur le territoire de la commune. La société Cilaos, spécialisée dans les domaines de l'aménagement foncier et de la promotion immobilière, acquéreur évincé de ces parcelles, a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler ces arrêtés ainsi que la décision du 5 juillet 2019 du maire de Pont Saint-Martin rejetant son recours gracieux. Elle fait appel du jugement du 15 novembre 2022 par lequel le tribunal a rejeté cette demande.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés. ".
3. Le tribunal, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments présentés par la société requérante, a répondu avec la précision requise au point 8 du jugement attaqué au moyen soulevé par la SAS Cilaos tiré de ce que les décisions contestées auraient dû être précédées d'une modification du plan local d'urbanisme conformément aux articles L. 153-36 à L. 153-38 du code de l'urbanisme, dès lors qu'elle n'a fait valoir aucune disposition ou principe précis qui l'aurait imposé. Dans ces conditions, le moyen d'irrégularité tiré de l'insuffisance de motivation du jugement attaqué doit être écarté.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
4. Aux termes de l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme : " Les droits de préemption institués par le présent titre sont exercés en vue de la réalisation, dans l'intérêt général, des actions ou opérations répondant aux objets définis à l'article L. 300-1, (...) ou pour constituer des réserves foncières en vue de permettre la réalisation desdites actions ou opérations d'aménagement. / (...) ". Aux termes de l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction applicable à la date de la décision contestée : " Les actions ou opérations d'aménagement ont pour objets de mettre en oeuvre un projet urbain, une politique locale de l'habitat, (...) de lutter contre l'insalubrité et l'habitat indigne ou dangereux, de permettre le renouvellement urbain, de sauvegarder ou de mettre en valeur le patrimoine bâti ou non bâti et les espaces naturels. / L'aménagement, au sens du présent livre, désigne l'ensemble des actes des collectivités locales ou des établissements publics de coopération intercommunale qui visent, dans le cadre de leurs compétences, d'une part, à conduire ou à autoriser des actions ou des opérations définies dans l'alinéa précédent et, d'autre part, à assurer l'harmonisation de ces actions ou de ces opérations. (...) ".
5. Il résulte de ces dispositions que, pour exercer légalement ce droit, les collectivités titulaires du droit de préemption urbain doivent, d'une part, justifier, à la date à laquelle elles l'exercent, de la réalité d'un projet d'action ou d'opération d'aménagement répondant aux objets mentionnés à l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme, alors même que les caractéristiques précises de ce projet n'auraient pas été définies à cette date, et, d'autre part, faire apparaître la nature de ce projet dans la décision de préemption. La mise en œuvre de ce droit doit, eu égard notamment aux caractéristiques du bien faisant l'objet de l'opération ou au coût prévisible de cette dernière, répondre à un intérêt général suffisant.
6. En premier lieu, les arrêtés contestés visent notamment les articles L. 210-1 et L. 300-1 du code de l'urbanisme, la délibération du 10 octobre 2013 du conseil municipal de Pont-Saint-Martin approuvant son plan local d'urbanisme (PLU), une délibération du 21 mars 2019 approuvant l'intention et les modalités de concertation préalable d'une opération d'aménagement du secteur de la Planche au Bouin ainsi que les déclarations d'intention d'aliéner reçues le 5 février 2019. Ces arrêtés justifient l'exercice du droit de préemption par un projet d'aménagement d'un quartier résidentiel de 130 logements, comportant de l'habitat social, sur le secteur de la Planche au Bouin, dans le cadre d'une orientation d'aménagement et de programmation (OAP) dédiée, pour remédier en particulier aux carences de la commune en matière de logement social, et par le fait que ce site constitue le plus important secteur d'extension urbaine inscrit au PLU. Les décisions de préemption sont ainsi suffisamment motivées en droit et en fait, contrairement à ce que soutient la SAS Cilaos.
7. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que le PLU de Pont-Saint-Martin élaboré en 2013 s'était fixé pour objectif " 35% de logements locatifs sociaux pour les opérations de plus de 400 m² de surface de plancher ou de plus de cinq logements dans les zones AU d'habitat " et identifiait déjà le secteur de la Planche au Bouin comme ayant une vocation de développement urbain, en zone AU à urbaniser, avec une capacité d'accueil de 130 logements, dont 46 au titre de la mixité sociale. Une OAP dédiée avait également été définie, l'identifiant comme " secteur d'extension urbaine " qui " sera l'ensemble foncier périphérique le plus important du dispositif d'extension du pôle de Pont Saint Martin ". Le rapport de présentation du PLU faisait aussi ressortir que le site a " l'avantage d'être dans la continuité du tissu aggloméré, dans un contexte paysager et environnemental de qualité. ". En outre, à l'occasion d'une délibération du 21 mars 2019 les membres du conseil municipal ont approuvé à l'unanimité le lancement d'études préalables à l'opération d'aménagement sur le secteur de la Planche au Bouin et ont validé les périmètres et les objectifs du projet, ainsi que les modalités de concertation. Il ressort ainsi des pièces du dossier que la commune de Pont-Saint-Martin justifiait, à la date des arrêtés contestés, de la réalité d'un projet d'action ou d'opération d'aménagement, alors même que les caractéristiques précises de ce projet n'auraient pas été définies à cette date, et fait apparaître la nature de ce projet dans ces décisions de préemption. Dès lors qu'il appartient au juge de l'excès de pouvoir d'apprécier la réalité du projet justifiant l'exercice par la commune de son droit de préemption à la date de la décision et non au moment où elle prend connaissance de la déclaration d'intention d'aliéner (DIA) le bien considéré, la SAS Cilaos ne peut utilement faire valoir que la délibération du 21 mars 2019 aurait été motivée par la prise de connaissance, le 5 février 2019, par la commune de Pont-Saint-Martin de ces DIA. Enfin, la SAS Cilaos ne peut davantage utilement soutenir que le fait qu'une convention de mandat d'études préalables à l'aménagement n'a été signée que le 23 janvier 2020, soit plus de dix mois après la délibération approuvant le lancement d'études préalables, démontrerait que le projet n'était pas suffisamment défini, dès lors que ce faisant elle ne conteste pas la réalité du projet en cause. Dans ces conditions, les moyens tirés de l'absence de projet et de son imprécision ou du défaut d'antériorité du projet doivent être écartés.
8. En troisième lieu, le fait que l'opération envisagée sur le secteur de la Planche au Bouin permettra d'offrir, dans un environnement de qualité, des logements, notamment sociaux, dans une commune dont il n'est pas contesté qu'elle connait depuis quelques années un développement démographique important et une carence en logements sociaux, répond à un intérêt général suffisant. Pour le contester, la SAS Cilaos soutient que l'objectif de développement du logement social ne relève pas de la notion d'aménagement au sens de l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme, ce qui est contredit par les termes précités tout à fait clairs de cet article. Si elle soutient que le coût financier de l'opération est disproportionné, elle se borne à se prévaloir du montant des études préalables, de 101 840 euros hors taxes, qui rapporté au nombre d'habitants n'apparait pas excessif. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le coût prévisible du projet le prive d'un intérêt général suffisant. Enfin, la circonstance alléguée qu'il ferait double emploi avec l'initiative privée, qui n'est d'ailleurs pas établie, ne le prive pas de son objet d'intérêt général.
9. En quatrième et dernier lieu, la SAS Cilaos ne peut utilement soutenir qu'aucun élément ne permet de démontrer que les parcelles préemptées seraient nécessaires pour atteindre l'objectif de production de 130 logements dans le secteur de la Planche au Bouin dès lors qu'aucun critère de " nécessité " n'est fixé par les dispositions précitées du code de l'urbanisme pour justifier une opération de préemption et qu'ainsi qu'il vient d'être dit le projet de la commune de Pont-Saint-Martin répond à un objet d'intérêt général. En tout état de cause, il ressort des pièces du dossier que les parcelles en cause se trouvent dans le secteur de la Planche au Bouin et sont donc nécessaires pour poursuivre l'objectif de développement de l'habitat résidentiel avec mixité sociale qui lui est donné.
10. Il résulte de tout ce qui précède que la SAS Cilaos n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle, à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la commune de Pont-Saint-Martin, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.
12. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la SAS Cilaos la somme de 1 500 euros à verser à la commune de Pont-Saint-Martin sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la SAS Cilaos est rejetée.
Article 2 : La SAS Cilaos versera une somme de 1 500 euros à la commune de Pont-Saint-Martin au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Cilaos et à la commune de Pont-Saint-Martin.
Délibéré après l'audience du 5 mars 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- M. Derlange, président assesseur,
- Mme Picquet, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 mars 2024.
Le rapporteur,
S. DERLANGE
Le président,
L. LAINÉ
Le greffier,
C. WOLF
La République mande et ordonne au préfet de la Loire-Atlantique en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23NT00119