Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 6 octobre 2023 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert aux autorités portugaises.
Par un jugement n° 2316867 du 11 décembre 2023, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 11 janvier 2024, Mme B..., représentée par Me Pasteur, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nantes du 11 décembre 2023 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 6 octobre 2023 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert aux autorités portugaises ;
3°) d'enjoindre au préfet de Maine-et-Loire de lui délivrer l'attestation prévue à l'article L. 521-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et, à titre principal, de lui délivrer une attestation de demande d'asile en procédure normale ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans le délai de 48 heures à compter de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'arrêté contesté est insuffisamment motivé en droit et en fait ;
- le préfet de Maine-et-Loire a méconnu l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 et l'article L. 141-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le préfet de Maine-et-Loire n'a pas examiné sérieusement sa situation ;
- le préfet de Maine-et-Loire a commis une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013.
Par un mémoire en défense, enregistré le 29 mars 2024, le préfet de Maine-et-Loire conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.
Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 19 janvier 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Derlange, président assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., ressortissante angolaise, née le 25 décembre 1985, a sollicité l'asile le 26 juillet 2023. Par un arrêté du 6 octobre 2023, le préfet de Maine-et-Loire a ordonné son transfert aux autorités portugaises. Mme B... relève appel du jugement du 11 décembre 2023 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. En premier lieu, l'arrêté contesté portant transfert aux autorités portugaises de Mme B... comporte les circonstances de fait et de droit qui en constituent le fondement et est, par suite, suffisamment motivé en droit et en fait, contrairement à ce que soutient l'intéressée.
3. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de Maine-et-Loire n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation personnelle, médicale et familiale de Mme B..., notamment en termes de vulnérabilité. Par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté contesté serait entaché d'un défaut d'examen de la situation de la requérante doit être écarté.
4. En troisième lieu, aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un Etat membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment : /a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un Etat membre différent ainsi que des conséquences du passage d'un Etat membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l'Etat membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée ; /b) des critères de détermination de l'Etat membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée, y compris du fait qu'une demande de protection internationale introduite dans un Etat membre peut mener à la désignation de cet Etat membre comme responsable en vertu du présent règlement même si cette responsabilité n'est pas fondée sur ces critères ; /c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 et de la possibilité de fournir des informations sur la présence de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent dans les Etats membres, y compris des moyens par lesquels le demandeur peut fournir ces informations ; /d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert ; /e) du fait que les autorités compétentes des Etats membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d'exécuter leurs obligations découlant du présent règlement ; /f) de l'existence du droit d'accès aux données le concernant et du droit de demander que ces données soient rectifiées si elles sont inexactes ou supprimées si elles ont fait l'objet d'un traitement illicite, ainsi que des procédures à suivre pour exercer ces droits (...). /2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les Etats membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. / Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de l'entretien individuel visé à l'article 5. (...) ".
5. Il résulte de ces dispositions que le demandeur d'asile auquel l'administration entend faire application du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit se voir remettre l'ensemble des éléments d'information prévus au paragraphe 1 de l'article 4 du règlement. La remise de ces éléments doit intervenir en temps utile pour lui permettre de faire valoir ses observations, c'est-à-dire au plus tard lors de l'entretien prévu par les dispositions de l'article 5 du même règlement, entretien qui doit notamment permettre de s'assurer qu'il a compris correctement ces informations. Eu égard à leur nature, la remise par l'autorité administrative de ces informations prévues par les dispositions précitées constitue pour le demandeur d'asile une garantie.
6. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... s'est vu remettre, le 26 juillet 2023 le jour même de l'enregistrement de sa demande d'asile en préfecture, et à l'occasion de l'entretien individuel, les brochures A et B conformes aux modèles figurant à l'annexe X du règlement d'exécution (UE) n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014, dont elle a signé les pages de garde, qui contiennent les informations prescrites par les dispositions précitées, en langue portugaise. Il ressort du compte-rendu de son entretien du 26 juillet 2023, conduit avec un interprète en langue portugaise, qu'elle a déclaré que " les guides A, le guide du demandeur d'asile et le guide B lui ont été remis complets dans une langue qu'elle déclare lire, parler et comprendre " et " l'information sur les règlements communautaires m'a été remise ". Dans ces conditions, elle n'est pas fondée à soutenir que les éléments d'information prévus au paragraphe 1 de l'article 4 du règlement n° 604/2013 ne lui ont pas été remis en temps utile, ni par suite que son droit à l'information résultant de ces dispositions a été méconnu.
7. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 141-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'un étranger fait l'objet d'une décision (...) de transfert vers l'Etat responsable de l'examen de sa demande d'asile et qu'il ne parle pas le français, il indique au début de la procédure une langue qu'il comprend. Il indique également s'il sait lire. / Ces informations sont mentionnées sur la décision (...) de transfert ou dans le procès-verbal prévu au premier alinéa de l'article L. 813-13. Ces mentions font foi sauf preuve contraire. La langue que l'étranger a déclaré comprendre est utilisée jusqu'à la fin de la procédure. / Si l'étranger refuse d'indiquer une langue qu'il comprend, la langue utilisée est le français. ".
8. Mme B... ne peut utilement se prévaloir de ces dispositions pour soutenir que les éléments d'information prévus au paragraphe 1 de l'article 4 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 ne lui ont pas été transmis en temps utile dès lors que ces dispositions ne précisent pas à quelle moment ces informations doivent être portées à la connaissance de l'intéressé et qu'en tout état de cause, elle n'allègue pas n'avoir pas pu comprendre la procédure menée à son encontre pour des raisons linguistiques.
9. En cinquième lieu, aux termes de l'article 17 du même règlement : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'Etat membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'Etat membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...) / (...) ". Par ailleurs, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
10. Mme B... soutient que l'état de santé de sa fille, née le 20 janvier 2014, fait obstacle à leur transfert au Portugal. Toutefois, ses seules allégations et le certificat médical du 3 novembre 2023 d'un pédiatre, praticien hospitalier, qu'elle produit, concluant seulement qu'un " suivi cinétique est nécessaire pour s'orienter vers une étiologie ", ne permettent pas d'établir que cette enfant se trouvait à la date de l'arrêté contesté dans une situation de vulnérabilité exceptionnelle imposant d'instruire la demande d'asile de la requérante en France, ni d'ailleurs qu'elle ne pourrait pas faire l'objet d'une prise en charge médicale, en tant que de besoin, au Portugal. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision litigieuse serait entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article 17 du même règlement doit être écarté.
11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions à fin d'annulation doivent être rejetées.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
12. Le présent arrêt, qui rejette la requête de Mme B..., n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions de l'intéressée aux fins d'injonction doivent être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
13. Les dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que le conseil de Mme B... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié Mme A... B..., à Me Pasteur et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Une copie en sera transmise, pour information, au préfet de Maine-et-Loire.
Délibéré après l'audience du 2 avril 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- M. Derlange, président assesseur,
- Mme Picquet, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 avril 2024.
Le rapporteur,
S. DERLANGE
Le président,
L. LAINÉ
Le greffier,
C. WOLF
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 24NT00106