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02/05/2024 | FRANCE | N°23NT00432

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 1ère chambre, 02 mai 2024, 23NT00432


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



L'EURL Anjou Bâtiment a demandé au tribunal administratif de Nantes de prononcer la décharge, en droits et intérêts de retard, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2015 et 2016.



Par un jugement n° 2002191 du 16 décembre 2022, le tribunal administratif de Nantes a prononcé un non lieu à statuer et a rejeté le surplus de sa demande.



Procédure de

vant la cour :



Par une requête, enregistrée le 16 février 2023, l'EURL Anjou Bâtiment, représentée par Me...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'EURL Anjou Bâtiment a demandé au tribunal administratif de Nantes de prononcer la décharge, en droits et intérêts de retard, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2015 et 2016.

Par un jugement n° 2002191 du 16 décembre 2022, le tribunal administratif de Nantes a prononcé un non lieu à statuer et a rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 16 février 2023, l'EURL Anjou Bâtiment, représentée par Me Rouxel, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il rejette le surplus des conclusions de sa demande ;

2°) de prononcer la décharge sollicitée ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'administration a méconnu le principe d'un débat oral et contradictoire lors de la vérification de comptabilité ; les interventions n'ont été que des visites de courtoisie ;

- le service aurait irrégulièrement emporté les fichiers informatiques des écritures comptables sans en avoir accusé réception ;

- la proposition de rectification est insuffisamment motivée ;

- elle conteste la rectification relative à la construction liée à des travaux, laquelle n'était pas achevée à la date du 31 décembre 2016 et celle relative à la renonciation à recettes ;

- c'est à tort que l'administration a remis en cause la provision de 41 374,44 euros relative à la SCI Euro Immo en 2015 et 2016, celles de 6 248,26 euros et de 328,83 euros relatives à la société Harmonier Habitat en 2016 et celle de 62 525,78 euros relative à la SCI Tomblaine en 2015 et 2016 ainsi que des frais de déplacement.

Par un mémoire en défense, enregistré le 24 juillet 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- la demande de première instance est irrecevable pour tardiveté ;

- les moyens relatifs à la rectification relative à la renonciation à recettes sont irrecevables ;

- les moyens soulevés par l'EURL Anjou Bâtiment ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Geffray,

- et les conclusions de M. Brasnu, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. L'EURL Anjou Bâtiment, spécialisée dans les travaux de bâtiment, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité au titre des exercices clos en 2015 et 2016 à l'issue de laquelle l'administration, par une proposition de rectification du 9 juillet 2018, a remis en cause notamment des provisions pour créances douteuses et des frais de déplacement dès lors qu'ils n'étaient pas justifiés. Par un jugement du 16 décembre 2022, le tribunal administratif de Nantes a prononcé un non-lieu à statuer à concurrence de 1 712 euros en droits et 72 euros en intérêts de retard et rejeté le surplus de la demande de l'EURL tendant à la décharge, en droits et intérêts de retard, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2015 et 2016. L'EURL relève appel de ce jugement.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. En premier lieu, dans le cas où la vérification de la comptabilité d'une entreprise a été effectuée, comme il est de règle, dans ses propres locaux, c'est au contribuable qui allègue que les opérations de vérification ont été conduites sans qu'il ait eu la possibilité d'avoir un débat oral et contradictoire avec le vérificateur de justifier que ce dernier se serait refusé à un tel débat. Il résulte de l'instruction que le vérificateur a effectué des interventions dans les locaux de l'EURL Anjou Bâtiment les 2, 19, 23 et 29 mars 2018, 12 avril, 3 mai 2018, 8 et 15 juin 2018 et 6 juillet 2018, dont deux visites en présence du gérant les 2 mars et 6 juillet 2018, cette dernière date étant la réunion de synthèse. La SARL qui se borne à affirmer que les interventions n'ont été que des visites de courtoisie et n'établit pas que le vérificateur se serait refusé à tout échange n'apporte pas la preuve qu'elle a été privée d'un débat oral et contradictoire avec le vérificateur.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales, dans sa version applicable aux impositions en litige : " I. - Lorsque la comptabilité est tenue au moyen de systèmes informatisés, le contribuable qui fait l'objet d'une vérification de comptabilité satisfait à l'obligation de représentation des documents comptables mentionnés au premier alinéa de l'article 54 du code général des impôts en remettant au début des opérations de contrôle, sous forme dématérialisée répondant à des normes fixées par arrêté du ministre chargé du budget, une copie des fichiers des écritures comptables définies aux articles 420-1 et suivants du plan comptable général. / Le premier alinéa du présent article s'applique également aux fichiers des écritures comptables de tout contribuable soumis par le code général des impôts à l'obligation de tenir et de présenter des documents comptables autres que ceux mentionnés au premier alinéa du même article 54 et dont la comptabilité est tenue au moyen de systèmes informatisés. / L'administration peut effectuer des tris, classements ainsi que tous calculs aux fins de s'assurer de la concordance entre la copie des enregistrements comptables et les déclarations fiscales du contribuable. L'administration détruit, avant la mise en recouvrement, les copies des fichiers transmis. (...). ".

4. D'une part, le moyen tiré de ce que le service aurait irrégulièrement emporté les fichiers informatiques des écritures comptables sans en avoir accusé réception doit être écarté comme manquant en fait dans la mesure où le gérant de l'EURL Anjou Bâtiment a signé le 19 mars 2018 un document précisant la description des fichiers remis au service.

5. Les dispositions de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales interdisent à l'administration fiscale de conserver les copies des fichiers d'écritures comptables après la mise en recouvrement des impositions. Ces dispositions, ainsi que cela ressort des travaux préparatoires dont elles sont issues, sont destinées à garantir au contribuable que des impositions ultérieures ne seront pas établies sur la base des données contenues dans ces fichiers. L'omission de restitution des copies des fichiers en cause, en méconnaissance des dispositions précitées, est susceptible d'entacher la régularité des impositions qui viendraient à être ultérieurement établies sur la base des données qu'ils contiennent. Elle est, en revanche, à la supposer établie, sans influence sur les impositions mises en recouvrement après la consultation et l'exploitation des fichiers. L'appelante ne saurait dès lors utilement invoquer, dans le présent litige, un manquement de l'administration à son obligation de destruction et le fait que le service ne lui a pas restitué les fichiers.

6. Enfin, l'EURL Anjou Bâtiment reprend en appel sans apporter des éléments nouveaux en fait et en droit son moyen invoqué en première instance et tiré de la motivation insuffisante de la proposition de rectification, en méconnaissance des articles L. 57 et R. 57-1 du livre des procédures fiscales. Il y a lieu, par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal administratif, d'écarter ce moyen.

Sur le bien-fondé des impositions supplémentaires :

En ce qui concerne la rectification relative à la renonciation à recettes :

7. Le redressement relatif à la renonciation à recettes a été diminué dans le cadre de la réponse aux observations du contribuable du 3 octobre 2018 et le surplus a ensuite été abandonné dans le cadre du mémoire en défense du 13 mai 2020 devant le tribunal administratif. Il y a lieu d'écarter comme inopérants les moyens relatifs à cette rectification compte tenu du non-lieu à statuer prononcé par le tribunal administratif et qui n'est pas contesté en appel.

En ce qui concerne la rectification relative aux travaux en cours au 31 décembre 2016 :

8. Cette rectification ayant été acceptée par l'EURL Anjou Bâtiment le 7 septembre 2018, le moyen tiré de ce que la construction liée à ces travaux n'était pas achevée à la date du

31 décembre 2016 doit être en tout état de cause écarté.

En ce qui concerne les provisions pour créances douteuses :

9. Le 1 de l'article 39 du code général des impôts dispose que : " Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...), notamment : / 5° Les provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précisées et que des évènements en cours rendent probables, à condition qu'elles aient été effectivement constatées dans les écritures de l'exercice ".

10. Il résulte de ces dispositions qu'une entreprise peut valablement porter en provision et déduire des bénéfices imposables d'un exercice des sommes correspondant à des pertes ou charges qui ne sont supportées qu'ultérieurement par elle, à la condition que ces pertes ou charges soient nettement précisées quant à leur nature et susceptibles d'être évaluées avec une approximation suffisante, qu'elles apparaissent, en outre, comme probables eu égard aux circonstances constatées à la date de clôture de l'exercice et qu'enfin, elles se rattachent par un lien direct aux opérations de toute nature déjà effectuées à cette date par l'entreprise.

11. En vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, s'il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits qu'elle invoque au soutien de ses prétentions, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci. Il appartient, dès lors, au contribuable de justifier tant du montant des charges qu'il entend, en application du I de l'article 39 du code général des impôts précité, déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du même code que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité. Le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée. Dans l'hypothèse où le contribuable s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite au service, s'il s'y croit fondé, d'apporter la preuve de ce que la charge en cause n'est pas déductible par nature, qu'elle est dépourvue de contrepartie, qu'elle a une contrepartie dépourvue d'intérêt pour le contribuable ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive.

S'agissant de la provision de 41 374,44 euros (SCI Euro Immo) en 2015 et 2016 :

12. L'EURL Anjou Bâtiment a construit deux maisons pour la SCI Euro Immo dont un des associés est le gérant de l'EURL. Le solde de 49 483,83 euros toutes taxes comprises devait être réglé à la date de cession par la SCI des deux maisons. Aucun règlement n'étant intervenu depuis cette date, l'EURL a estimé que la créance était irrécouvrable et constitué une provision pour créance douteuse à hauteur de 100 % de la créance due, soit 41 374,44 euros hors taxe. L'EURL Anjou Bâtiment n'a présenté aucune pièce justificative de cette provision en dehors des factures clients. Il résulte de l'instruction que l'une des maisons construites a été vendue par la SCI Euro Immo le 17 janvier 2012 pour un prix de 385 000 euros et que l'autre maison a été mise en location entre 2012 et 2016. Ainsi, l'EURL qui ne démontre pas avoir effectué toutes les diligences en vue du recouvrement de sa créance alors même que l'insolvabilité de la SCI Euro Immo n'est pas démontrée, n'établit pas le caractère irrécouvrable de la créance en cause.

La provision n'est donc pas justifiée.

S'agissant de la provision de 6 248,26 euros et de 328,83 euros (société Harmonier Habitat) en 2016 :

13. L'EURL Anjou Bâtiment a conclu un marché avec la société Harmonie Habitat pour la construction de dix-sept logements individuels. Compte tenu de ce qu'un solde de 6 248 euros est demeuré impayé au 31 décembre 2016, elle a constitué une provision correspondant à cette somme, augmentée de 328,83 euros, soit le montant de la retenue de garantie. Toutefois, il résulte de l'instruction que le litige entre les deux parties est apparu non en 2016 mais en 2017 compte tenu des lettres en février et mai 2017, rappelées dans la proposition de rectification. De plus, il n'est pas contesté par l'EURL que la provision litigieuse, qui est antérieure à la réception du chantier, est prématurée. C'est donc à bon droit que le service a remis en cause cette provision.

S'agissant de la provision de 62 525,78 euros (SCI Tomblaine) en 2015 et 2016 :

14. La provision de l'intégralité de la somme de 67 149 euros hors taxes a été acceptée dans son principe par l'administration dès lors que son client, la SCI Tomblaine, devait payer cette somme à l'EURL Anjou Bâtiment. Toutefois, compte tenu de la dette de l'EURL à l'égard de son sous-traitant, la société BTG 49, soit une somme de 62 525 euros hors taxes, l'administration a estimé que la provision à prendre en compte résulte de la différence entre le montant du solde dû avec le client de l'EURL et le solde dû avec son sous-traitant, soit 4 623 euros, et qu'elle était justifiée dans cette mesure. L'EURL, qui n'apporte aucun élément de nature à établir que la perte probable au 31 décembre 2015 excédait la différence entre le montant du solde dû par la SCI Tomblaine et celui dû par cette dernière à la société BTG 49, ne justifie pas du bien-fondé de la provision au-delà de la somme de 4 623 euros admise en déduction.

En ce qui concerne les frais de déplacement :

15. Aux termes de l'article 39 du code général des impôts : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, sous réserve des dispositions du 5, notamment : / 1° Les frais généraux de toute nature, les dépenses de personnel et de main-d'œuvre, le loyer des immeubles dont l'entreprise est locataire. (...) / (...) ".

16. L'EURL Anjou Bâtiment demande la prise en compte de frais de déplacement afférents à un véhicule de type Ford Galaxy, soit 7 500 kilomètres pour un montant de

2 615,50 euros, au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2016. Toutefois, l'EURL, qui n'apporte aucun élément permettant de justifier des dépenses portées au titre des frais généraux en déduction de son résultat imposable au titre de l'exercice clos en 2016, ne démontre pas que ces frais auraient été exposés dans l'intérêt direct de l'entreprise en raison de l'utilisation, par son gérant, de ce véhicule et n'établit pas davantage que les frais de déplacements dont elle demande la prise en compte se rattachent à sa gestion normale. L'administration pouvait, par suite et à bon droit, réintégrer la somme à son résultat au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2016.

17. Il résulte de tout ce qui précède et sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir tirée de la tardiveté de la demande de première instance que l'EURL Anjou Bâtiment n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions relatives aux frais liés au litige doivent être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de l'EURL Anjou Bâtiment est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à l'EURL Anjou Bâtiment et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 12 avril 2024 à laquelle siégeaient :

- M. Quillévéré, président de chambre,

- M. Geffray, président-assesseur,

- M. Viéville, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 mai 2024.

Le rapporteur

J.E. GEFFRAYLe président

G. QUILLÉVÉRÉ

La greffière

A. MARCHAIS

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 23NT0043202


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23NT00432
Date de la décision : 02/05/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. QUILLÉVÉRÉ
Rapporteur ?: M. Jean-Eric GEFFRAY
Rapporteur public ?: M. BRASNU
Avocat(s) : ROUXEL

Origine de la décision
Date de l'import : 05/05/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-05-02;23nt00432 ?
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