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21/05/2024 | FRANCE | N°23NT00831

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 6ème chambre, 21 mai 2024, 23NT00831


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision du 4 novembre 2019 par laquelle le directeur régional des finances publiques de Bretagne et d'Ille-et-Vilaine l'a informée d'un indu de rémunération depuis le 30 mars 2018 et de sa récupération sur son traitement à compter du mois de novembre 2019 dans la limite de la quotité saisissable et de la décision implicite rejetant son recours gracieux.



Par un jugement n° 200173

9 du 26 janvier 2023, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.



Procédure...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision du 4 novembre 2019 par laquelle le directeur régional des finances publiques de Bretagne et d'Ille-et-Vilaine l'a informée d'un indu de rémunération depuis le 30 mars 2018 et de sa récupération sur son traitement à compter du mois de novembre 2019 dans la limite de la quotité saisissable et de la décision implicite rejetant son recours gracieux.

Par un jugement n° 2001739 du 26 janvier 2023, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 24 mars 2023 et un mémoire enregistré le 14 mars 2024, Mme B..., représentée par Me Deleurme-Tannoury, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 26 janvier 2023 ;

2°) d'annuler la décision du 4 novembre 2019 ainsi que la décision rejetant son recours gracieux ;

3°) de la décharger du remboursement de l'indemnité dite " allocation complémentaire de fonctions Assistance Usagers " qui lui a été versée du 30 mars 2018 jusqu'au mois de novembre 2019, pour un montant global de 1 735,61 euros ;

4°) d'enjoindre à la direction générale des finances publiques de réexaminer sa situation et de la rétablir dans ses droits en lui versant l'allocation complémentaire de fonctions pour la part " sujétion ", dont le règlement a été interrompu à compter du mois de novembre 2019 ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la somme litigieuse de 1735,61 euros ne lui a pas été versée à tort dès lors que ni le décret du 2 mai 2022, ni l'arrêté du 21 juillet 2014, ne limitent le versement de la part " sujétion " de l'ACF aux seuls agents occupant des fonctions d'opérateur téléphonique dans des entités limitativement énumérées ; cette indemnité aurait dû continuer à lui être versée ;

- elle n'a jamais été informée que son changement d'affectation entraînerait la suppression de cette indemnité ;

- les décisions contestées sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la demande de remboursement, intervenue tardivement, à supposer qu'elle soit légale, est constitutive d'une faute dans la mesure où elle est susceptible d'entraîner des conséquences financières graves pour elle.

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 mai 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;

- le décret n° 2002-710 du 2 mai 2002 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Gélard,

- les conclusions de Mme Bougrine, rapporteure publique,

- et les observations de Me Deleurme-Tannoury, représentant Mme B....

Considérant ce qui suit :

1. Entre le 23 novembre 2015 et le 29 mars 2018, Mme B..., agente administrative de 1ère classe du ministère des finances, était affectée au service " Trésorerie du Contrôle automatisé des amendes " (TCA) de Rennes, rattaché à la direction régionale des finances publiques d'Ille-et-Vilaine. Elle y exerçait les fonctions d'opératrice téléphonique et, à ce titre, percevait la part " sujétions " de l'allocation complémentaire de fonctions, pour un montant mensuel de 91,75 euros. A compter du 30 mars 2018, elle a été mutée à la division " Dépenses de l'Etat " puis, à compter du 23 juin 2019, au service de publicité foncière de Rennes 1. Par une décision du 4 novembre 2019, le directeur régional des finances publiques de Bretagne et d'Ille-et-Vilaine lui a indiqué que, depuis le 30 mars 2018, ses fonctions ne lui permettaient plus de percevoir l'indemnité dite " allocation complémentaire de fonctions Assistance Usagers ", correspondant à la part " sujétions " de cette indemnité, et qu'elle était redevable d'une somme de 1 735,61 euros correspondant au maintien du versement de ce complément indemnitaire au-delà du 29 mars 2018. Mme B... relève appel du jugement du 26 janvier 2023 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa requête tendant à l'annulation de la décision du 4 novembre 2019 et de la décision implicite rejetant son recours gracieux présenté le 19 décembre 2019.

Sur les conclusions tendant à l'annulation des décisions contestées :

2. D'une part, aux termes des dispositions de l'article 37-1 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations : " Les créances résultant de paiements indus effectués par les personnes publiques en matière de rémunération de leurs agents peuvent être répétées dans un délai de deux années à compter du premier jour du mois suivant celui de la date de mise en paiement du versement erroné, y compris lorsque ces créances ont pour origine une décision créatrice de droits irrégulière devenue définitive (...)". Par suite, à la date du 4 novembre 2019, l'administration pouvait demander à Mme B... le reversement de la partie de sa rémunération perçue à tort entre le 30 mars 2018 et le 31 octobre 2019.

3. Par ailleurs, la décision en litige, prise sur le fondement des dispositions précitées de l'article 37-1 de la loi du 12 avril 2000, qui n'a pas pour objet de procéder au retrait d'une décision créatrice de droit dès lors qu'elle se fonde sur une erreur de liquidation, n'appartient à aucune des catégories de décisions devant être motivées en application des articles L. 211-2 et L. 211-3 du code des relations entre le public et l'administration. Par suite, la circonstance, pour regrettable qu'elle soit, que la décision contestée ne précise pas les montants qui seront prélevés chaque mois sur son salaire, est sans incidence sur sa légalité.

4. D'autre part, aux termes de l'article 1er du décret du 2 mai 2002 relatif à l'allocation complémentaire de fonctions en faveur des personnels du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, des établissements publics administratifs placés sous sa tutelle, des juridictions financières et des autorités administratives indépendantes relevant du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie pour leur gestion : " Les fonctionnaires, les personnels (...) du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie (...) peuvent bénéficier d'une allocation complémentaire de fonctions (...) ". Les modalités d'attribution de cette prime ont été précisées par le ministre des finances et des comptes publics, la ministre de la décentralisation et de la fonction publique et le secrétaire d'Etat chargé du budget, dans un arrêté du 21 juillet 2014 relatif à l'allocation complémentaire de fonctions en faveur des personnels des corps de catégories A, B et C exerçant leurs fonctions à la direction générale des finances publiques. Aux termes de l'article 2 de cet arrêté : " Cette indemnité a pour objet de rémunérer les travaux de toute nature qui peuvent être confiés aux personnels au sein des services de la direction générale des finances publiques, compte tenu des contraintes et sujétions de service liées à la technicité de leurs fonctions (...) ". Selon l'article 3 du même texte, le critère " sujétions pour fonctions particulières " est applicable aux missions de vérification, de contrôle et de contentieux, missions de recouvrement et d'assistance et missions dont l'exercice comporte des contraintes particulières, liées notamment à la zone géographique d'intervention et aux horaires. Aux termes de l'article 8 de cet arrêté interministériel : " Le directeur général des finances publiques est chargé de l'application du présent arrêté, qui sera publié au Journal officiel de la République française. ".

5. Par une note de service RH 1A n° 2014/05/6908 du 27 mai 2014, le directeur général des finances publiques a précisé le régime indemnitaire applicable aux agents de la direction générale des finances publiques (DGFIP) à compter du 1er juillet 2014. Ce directeur, agissant sous l'autorité du ministre en sa qualité de chef de service, était compétent pour préciser les modalités d'attribution de l'allocation complémentaire de fonctions instituée par le décret du 2 mai 2002. Par suite, et eu égard aux dispositions rappelées au point 4, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que ni le décret du 2 mai 2022, ni l'arrêté du 21 juillet 2014, ne limitent le versement de la part " sujétions " de l'allocation complémentaire de fonctions (ACF) aux seuls agents occupant des fonctions d'opérateur téléphonique.

6. Cette note de service du 27 mai 2014 précise que bénéficieront de la part " sujétions pour fonctions particulières " de l'allocation complémentaire de fonctions, au titre des missions d'assistance aux usagers " plates-forme téléphoniques ", les opérateurs téléphoniques affectés au sein de la trésorerie en charge du contrôle automatisé des amendes de Rennes (TCA). En revanche, le service " facturier justice " relevant de la division dépenses de l'Etat, dans lequel Mme B... a été affectée à compter du 30 mars 2018, ne figurait pas parmi les services ouvrant droit à ce complément d'allocation. A compter du 30 mars 2018, Mme B..., qui n'exerçait plus les fonctions d'opératrice téléphonique à la TCA de Rennes, ne remplissait dès lors plus les conditions requises pour percevoir ce complément indemnitaire.

7. Selon la note du 27 mai 2014 les personnels des services de publicité foncière étaient éligibles à l'ACF " sujétions ". Toutefois, par une note de service RH 1A n° 2016/05/9553 du directeur général de la DGFiP du 13 juillet 2016, relative à la " réorganisation des missions de l'enregistrement et évolution du régime indemnitaire des personnels des services de publicité foncière (SPF) à compter du 1er septembre 2016 ", il a été décidé que les agents nouvellement affectés dans un SPF à compter du 1er septembre 2016 se verraient attribuer le régime indemnitaire " standard " ne comprenant pas la part " sujétions " de l'ACF. Seuls les agents déjà en fonction dans ce service ont pu bénéficier du maintien, à titre personnel, de leur régime indemnitaire antérieur. Par suite, Mme B..., affectée à compter du 25 juin 2019 au service de la publicité foncière (SPF) de Rennes, ne pouvait pas prétendre à ce complément indemnitaire.

8. Il résulte de tout ce qui vient d'être dit, que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que les décisions contestées, tendant à la restitution des primes versées à tort entre le 30 mars 2018 et le 31 octobre 2019, seraient entachées d'illégalité.

Sur les conclusions tendant à la décharge de la somme litigieuse de 1 735,61 euros :

9. La circonstance que Mme B... n'aurait pas été informée que ses changements d'affectations, intervenus les 30 mars 2018 et 23 juin 2019, entraîneraient la suppression du versement de la part " sujétions " de l'allocation complémentaire de fonctions qu'elle percevait jusqu'alors à raison de ses fonctions d'opératrice téléphoniques au sein de la TCA de Rennes est sans incidence sur le montant de la somme qui lui est réclamée. L'intéressée fait valoir par ailleurs que la demande de remboursement intervient tardivement. S'il est vrai que l'erreur de liquidation concernant son salaire, entièrement imputable à l'administration, a perduré du 30 mars 2018 au 31 octobre 2019, pour regrettable que soit ce délai, il résulte de ce qui a été dit au point 2 que les indemnités versées à tort pouvaient être répétées dans un délai de deux ans. Enfin, la requérante soutient que le remboursement de cette somme est susceptible d'entraîner pour elle des conséquences financières dommageables. L'intéressée, qui ne démontre pas avoir sollicité un étalement de sa dette, n'apporte toutefois aucun élément de nature à établir que la répétition de ces sommes indues la placerait dans une situation financière difficile. Pour l'ensemble de ces raisons, les conclusions présentées par Mme B... tendant à la décharge de la somme litigieuse, ne peuvent, en tout état de cause, qu'être rejetées.

10. Il résulte de tout ce qui précède, que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement à Mme B... de la somme qu'elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B..., au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Une copie en sera adressée pour information au directeur régional des finances publiques d'Ille-et-Vilaine.

Délibéré après l'audience du 3 mai 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Gaspon, président de chambre,

- M. Coiffet, président-assesseur,

- Mme Gélard, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 mai 2024.

La rapporteure,

V. GELARDLe président,

O. GASPON

La greffière,

C. VILLEROT

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23NT00831


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NT00831
Date de la décision : 21/05/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. GASPON
Rapporteur ?: Mme Valérie GELARD
Rapporteur public ?: Mme BOUGRINE
Avocat(s) : DELEURME-TANNOURY

Origine de la décision
Date de l'import : 26/05/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-05-21;23nt00831 ?
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