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28/06/2024 | FRANCE | N°23NT00137

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 4ème chambre, 28 juin 2024, 23NT00137


Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 16 janvier 2023 et le 9 novembre 2023, la SAS Celsol, représentée par Me Guillini et Me Fresneau, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :



1°) d'annuler l'arrêté du 18 novembre 2022 par lequel le maire de la commune de Plourin-lès-Morlaix, au vu de l'avis défavorable de la Commission nationale d'aménagement commercial (CNAC) du 13 octobre 2022, a refusé de lui délivrer un permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale ;

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2°) de mettre en demeure la CNAC de communiquer les éléments produits par la socié...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 16 janvier 2023 et le 9 novembre 2023, la SAS Celsol, représentée par Me Guillini et Me Fresneau, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler l'arrêté du 18 novembre 2022 par lequel le maire de la commune de Plourin-lès-Morlaix, au vu de l'avis défavorable de la Commission nationale d'aménagement commercial (CNAC) du 13 octobre 2022, a refusé de lui délivrer un permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale ;

2°) de mettre en demeure la CNAC de communiquer les éléments produits par la société Casino France en complément de son recours et qu'elle a refusé de lui transmettre ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat et des sociétés Distribution Casino France et PLMP une somme de 5 000 euros chacun au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'absence de communication des éléments produits par la société Casino France en complément de son recours devant la commission d'aménagement commercial (CNAC) méconnaît les obligations s'imposant à l'administration en matière d'accès aux documents administratifs ; cette circonstance a eu une influence sur le sens de l'avis de la CNAC ;

- l'avis de la CNAC est insuffisamment motivé et est entaché d'erreurs de droit et d'appréciation ;

- ainsi, le projet est situé dans le tissu urbain de Morlaix, au cœur d'un quartier comprenant habitat, services public et commerces ; ce projet s'inscrit dans le cadre des orientations du schéma de cohérence territoriale (SCoT) qui préconise le rééquilibrage des activités économiques entre l'est et l'ouest de l'agglomération et répond aux besoins de la population nouvelle du pôle Saint-Fiacre ; la localisation du site du projet ne renvoie à aucun des critères d'appréciation au regard desquels la CNAC est appelée à se prononcer ;

- la CNAC devait exclusivement s'assurer de la conformité du projet au document d'orientations et d'objectifs (DOO) du SCoT de Morlaix Communauté, ce qui est le cas en l'espèce, et n'avait pas à prendre en compte l'orientation d'aménagement et de programmation (OAP) du plan local d'urbanisme intercommunal (PLUi) - H de Morlaix Communauté ; en tout état de cause, l'appréciation de la CNAC est erronée car le projet est compatible avec le PLUi-H dès lors qu'il est prévu sans consommation d'espaces supplémentaires dans la continuité du bâtiment existant ;

- la circonstance que le projet fasse passer le magasin au format d'hypermarché est sans incidence sur l'appréciation des critères énoncés à l'article L. 752-6 du code de commerce ;

- la CNAC ne pouvait légalement lui opposer que le projet n'est pas justifié par des nécessités démographiques avérées et de nouveaux besoins ; en tout état de cause, il n'est pas démontré que les besoins de la population seraient aujourd'hui satisfaits de manière suffisante ;

- le projet a un faible impact sur les commerces du centre-ville de Morlaix et la simple évocation du taux de vacance commerciale ne saurait suffire pour caractériser une atteinte à ces commerces ; au surplus, le projet contribue au rééquilibrage des activités économiques entre l'est et l'ouest de l'agglomération tel que préconisé par le SCoT et a principalement un impact sur les commerces alimentaires de grande surface, étant précisé que le principal pôle commercial de l'agglomération est localisé en périphérie ouest ;

- le site du projet est déjà fortement imperméabilisé et l'extension des espaces verts permettra d'améliorer sensiblement sa perméabilité, ainsi que le reconnaît la CNAC ; il ne peut lui être opposé l'absence de noues et de toitures végétalisées dès lors qu'elle a indiqué qu'une fois ce projet réalisé, elle va aménager des ombrières équipées de panneaux photovoltaïques sur le parc de stationnement pour accroître notamment son autonomie énergétique et que c'est la raison pour laquelle la société a renoncé à perméabiliser une partie des aires de stationnement.

Par un mémoire en défense, enregistré le 14 septembre 2023, les sociétés Distribution Casino France et PLMP, représentées par Me Bolleau, demandent à la cour de rejeter la requête de la SAS Celsol et de mettre à sa charge une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- la localisation du projet présente une difficulté au regard des objectifs et critères visés par l'article L. 752-6 du code de commerce ;

- le projet présente des effets négatifs sur l'animation de la vie urbaine et la qualité environnementale ; ainsi, les communes de Morlaix et Plourin-lès-Morlaix connaissent toutes les deux une légère déprise démographique ; la ville de Morlaix connait un taux de vacance commerciale de 17,7 %, elle est identifiée comme axe 2 de l'ORT de Morlaix visant justement à rechercher un équilibre plus juste entre le centre-ville et la périphérie ; une OAP du PLUi interdit toute extension des espaces commerciaux de périphérie et privilégie un développement par densification des parcelles existantes.

Par un mémoire en défense, enregistré le 24 novembre 2023, la commission nationale d'aménagement commercial (CNAC) demande à la cour de rejeter la requête de la SAS Celsol.

Elle soutient que les moyens soulevés par la SAS Celsol ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 mars 2024, la commune de Plourin-lès-Morlaix, représentée par Me Gourvennec et Me Tremouilles, demande à la cour de faire droit à la requête de la SAS Celsol.

Elle soutient que :

- la distance du projet par rapport aux centres-villes de Morlaix et de Plourin-lès-Morlaix n'est pas de nature à compromettre les objectifs prévus par la loi, notamment l'objectif d'aménagement du territoire, alors que la zone de Saint-Fiacre fait partie de l'enveloppe urbaine de la ville de Morlaix ;

- il résulte des dispositions de l'article L. 752-6 du code de commerce que ce n'est qu'en l'absence de SCoT que la commission doit vérifier que le projet est compatible avec le volet commercial des OAP des PLUi ; en tout état de cause, le projet est compatible avec l'OAP qui privilégie un développement par densification des parcelles existantes ;

- il n'y a pas de risque de baisse d'attractivité du centre-ville de la ville de Morlaix mais un rééquilibrage des activités économiques compatible avec le SCoT ;

- le projet répond aux objectifs de développement durable et de protection des consommateurs.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de commerce ;

- le code de l'urbanisme ;

- la loi n° 73-1193 du 27 décembre 1973

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Lainé,

- les conclusions de Mme Rosemberg, rapporteure publique ;

- et les observations de Me Fresneau représentant la SAS Celsol, de Me Delaunay substituant Me Gourvennec, représentant la commune de Plourin-les-Morlaix, et de Me Louche, représentant la société Casino distribution France et la société PLMP.

Considérant ce qui suit :

1. La SAS Celsol exploite depuis 1991 au sein d'un espace commercial situé au lieu-dit plateau Saint-Fiacre à Plourin-lès-Morlaix un hypermarché à l'enseigne Intermarché, d'une surface de vente de 2 282 m2, et un " drive " de trois pistes. Souhaitant développer un espace de vente dédié aux producteurs locaux et aux produits bio, ainsi qu'une gamme plus importante de produits élaborés sur place et non alimentaires, elle a déposé le 1er avril 2022 une demande de permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale pour procéder à l'extension de son hypermarché d'une surface de vente de 1 218 m2 et pour porter le " drive " à cinq pistes afin de répondre aux nouveaux modes de consommation des ménages et de sécuriser son accès en évitant aux clients de retirer leurs commandes à l'accueil du magasin. La commission départementale d'aménagement commercial (CDAC) du Finistère a rendu un avis favorable à cette extension le 19 mai 2022. Les sociétés Casino France et PLMP ont cependant saisi la commission nationale d'aménagement commercial (CNAC) d'un recours par courrier du 17 juin 2022. La CNAC, qui a fait droit à ce recours par un avis du 13 octobre 2022 défavorable à la demande d'autorisation, relève notamment, d'une part, qu'une orientation d'aménagement et de programmation du plan local d'urbanisme intercommunal (PLUi) de Morlaix Communauté interdit toute extension des espaces commerciaux de périphérie, que les communes de Plourin-lès-Morlaix et Morlaix connaissent une légère déprise démographique, que la zone de chalandise est en légère augmentation démographique et que le projet n'est pas justifié par des nécessités démographiques avérées et de nouveaux besoins, d'autre part, que la ville de Morlaix, centralité commerciale de la zone de chalandise, connaît un taux de vacance commerciale de 17,7 % et que le projet sera de nature à détourner le chaland du centre-ville, en outre, qu'un effet d'appel de l'ensemble commercial est à craindre au détriment des centres-villes et qu'il existe un risque de captage des flux de résidents des communes limitrophes, notamment celle de Plourin-lès-Morlaix se rendant à Morlaix pour travailler, enfin, que la perméabilisation du site déjà fortement imperméabilisé aurait pu être améliorée avec des noues et des toitures végétalisées. Par un arrêté du 18 novembre 2022, le maire de la commune de Plourin-lès-Morlaix, lié par cet avis défavorable, a refusé de délivrer le permis de construire sollicité valant autorisation d'exploitation commerciale. La SAS Celsol demande à la cour d'annuler cet arrêté.

Sur les conclusions tendant à obtenir de la CNAC la production de documents :

2. La SAS Celsol demande à la cour de mettre en demeure la CNAC de communiquer les éléments produits par la société Distribution Casino France en complément de son recours et qu'elle a refusé de lui transmettre après avoir pris un avis défavorable le 13 octobre 2022, dès lors qu'il y aurait méconnaissance du caractère contradictoire de la procédure et que ces éléments sont susceptibles d'avoir influencé l'avis de la commission.

3. Seule la décision par laquelle l'administration compétente confirme, au vu de l'avis de la commission d'accès aux documents administratifs, son refus de communiquer les documents administratifs requis par un requérant, est susceptible d'être déférée au juge de l'excès de pouvoir. D'une part, la SAS Celsol ne justifie d'aucune saisine de la commission d'accès aux documents administratifs. D'autre part, si le juge peut, il est vrai, dans le cadre de son pouvoir général d'instruction, demander à l'une ou l'autre des parties de produire tout acte ou document qu'il estime utile à la solution du litige, il n'y a pas lieu, en l'espèce, de prononcer une telle mesure d'instruction, le dossier étant en état d'être jugé.

Sur la légalité de l'avis de la CNAC du 13 octobre 2022 :

4. Aux termes de l'article L. 752-1 du code du commerce : " Sont soumis à une autorisation d'exploitation commerciale les projets ayant pour objet : / (...) / 2° L'extension de la surface de vente d'un magasin de commerce de détail ayant déjà atteint le seuil des 1 000 mètres carrés (...) / (...) / 7° La création ou l'extension d'un point permanent de retrait par la clientèle d'achats au détail commandés par voie télématique, organisé pour l'accès en automobile. / (...) ". Aux termes du troisième alinéa de l'article 1er de la loi du 27 décembre 1973 d'orientation du commerce et de l'artisanat : " Les pouvoirs publics veillent à ce que l'essor du commerce et de l'artisanat permette l'expansion de toutes les formes d'entreprises, indépendantes, groupées ou intégrées, en évitant qu'une croissance désordonnée des formes nouvelles de distribution ne provoque l'écrasement de la petite entreprise et le gaspillage des équipements commerciaux et ne soit préjudiciable à l'emploi ". Aux termes de l'article L. 750-1 du code de commerce : " Les implantations, extensions, transferts d'activités existantes et changements de secteur d'activité d'entreprises commerciales et artisanales doivent répondre aux exigences d'aménagement du territoire, de la protection de l'environnement et de la qualité de l'urbanisme. Ils doivent en particulier contribuer au maintien des activités dans les zones rurales et de montagne ainsi qu'au rééquilibrage des agglomérations par le développement des activités en centre-ville et dans les zones de dynamisation urbaine./ Dans le cadre d'une concurrence loyale, ils doivent également contribuer à la modernisation des équipements commerciaux, à leur adaptation à l'évolution des modes de consommation et des techniques de commercialisation, au confort d'achat du consommateur et à l'amélioration des conditions de travail des salariés ".

5. Aux termes de l'article L. 752-6 du même code : " I.- L'autorisation d'exploitation commerciale mentionnée à l'article L. 752-1 est compatible avec le document d'orientation et d'objectifs des schémas de cohérence territoriale ou, le cas échéant, avec les orientations d'aménagement et de programmation des plans locaux d'urbanisme intercommunaux comportant les dispositions prévues au deuxième alinéa de l'article L. 151-6 du code de l'urbanisme. / La commission départementale d'aménagement commercial prend en considération : / 1° En matière d'aménagement du territoire : / a) La localisation du projet et son intégration urbaine ; / b) La consommation économe de l'espace, notamment en termes de stationnement ; / c) L'effet sur l'animation de la vie urbaine, rurale et dans les zones de montagne et du littoral ; / d) L'effet du projet sur les flux de transports et son accessibilité par les transports collectifs et les modes de déplacement les plus économes en émission de dioxyde de carbone ; / e) La contribution du projet à la préservation ou à la revitalisation du tissu commercial du centre-ville de la commune d'implantation, des communes limitrophes et de l'établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre dont la commune d'implantation est membre ; / f) Les coûts indirects supportés par la collectivité en matière notamment d'infrastructures et de transports ; / 2° En matière de développement durable : / a) La qualité environnementale du projet, notamment du point de vue de la performance énergétique et des émissions de gaz à effet de serre par anticipation du bilan prévu aux 1° et 2° du I de l'article L. 229-25 du code de l'environnement, du recours le plus large qui soit aux énergies renouvelables et à l'emploi de matériaux ou procédés éco-responsables, de la gestion des eaux pluviales, de l'imperméabilisation des sols et de la préservation de l'environnement ; / b) L'insertion paysagère et architecturale du projet, notamment par l'utilisation de matériaux caractéristiques des filières de production locales ; / c) Les nuisances de toute nature que le projet est susceptible de générer au détriment de son environnement proche. Les a et b du présent 2° s'appliquent également aux bâtiments existants s'agissant des projets mentionnés au 2° de l'article L. 752-1 ; / 3° En matière de protection des consommateurs : / a) L'accessibilité, en termes, notamment, de proximité de l'offre par rapport aux lieux de vie ; / b) La contribution du projet à la revitalisation du tissu commercial, notamment par la modernisation des équipements commerciaux existants et la préservation des centres urbains ; / c) La variété de l'offre proposée par le projet, notamment par le développement de concepts novateurs et la valorisation de filières de production locales ; / d) Les risques naturels, miniers et autres auxquels peut être exposé le site d'implantation du projet, ainsi que les mesures propres à assurer la sécurité des consommateurs (...) ".

6. Il résulte de ces dispositions combinées que l'autorisation d'aménagement commercial ne peut être refusée que si, eu égard à ses effets, le projet contesté compromet la réalisation des objectifs énoncés par la loi. Il appartient aux commissions d'aménagement commercial, lorsqu'elles statuent sur les dossiers de demande d'autorisation, d'apprécier la conformité du projet à ces objectifs, au vu des critères d'évaluation mentionnés à l'article L. 752-6 du code de commerce. Les dispositions ajoutées au I de l'article L. 752-6 du code de commerce, par la loi du 23 novembre 2018, poursuivent l'objectif d'intérêt général de favoriser un meilleur aménagement du territoire et, en particulier, de lutter contre le déclin des centres-villes. Elles se bornent à prévoir un critère supplémentaire pour l'appréciation globale des effets du projet sur l'aménagement du territoire et ne subordonnent pas la délivrance de l'autorisation à l'absence de toute incidence négative sur le tissu commercial des centres-villes.

En ce qui concerne la compatibilité du projet avec le schéma de cohérence territoriale (SCoT) de Morlaix Communauté :

7. Il appartient aux commissions d'aménagement commercial non de vérifier la conformité des projets d'exploitation commerciale qui leur sont soumis aux énonciations des schémas de cohérence territoriale, mais d'apprécier la compatibilité de ces projets avec les orientations générales et les objectifs qu'ils définissent.

8. Il est constant que la zone de Saint-Fiacre où le projet de la SAS Celsol se situe constitue un des quatre " pôles commerciaux principaux " identifiés dans le schéma de cohérence territoriale (SCoT) de Morlaix Communauté et que ce projet apparaît ainsi compatible avec les orientations de ce document, qui préconise de " créer les conditions d'accueil permettant d'assurer un rééquilibrage des activités économiques entre l'est et l'ouest ". Par ailleurs, il résulte des dispositions précitées du premier alinéa du I de l'article

L. 752-6 du code de commerce que, dès lors que la zone de chalandise est couverte par les dispositions d'un SCoT, il n'appartenait pas à la commission nationale d'apprécier la légalité du projet au regard du plan local d'urbanisme intercommunal. En tout état de cause, ce projet est compatible avec les orientations d'aménagement et de programmation du PLUi-H de Morlaix Communauté, dès lors qu'il se situe en zone Uic, destinée aux zones urbaines à vocation d'activités économiques qualifiées d'espace commercial périphérique, et privilégie un développement par densification de la parcelle existante, ainsi que le relève le rapport d'instruction devant la CNAC.

En ce qui concerne l'objectif d'aménagement du territoire :

9. Il ressort des pièces du dossier que, bien que situé à 2,5 km du centre-ville de Morlaix et 4,3 km du centre-ville de Plourin-lès-Morlaix, dans la continuité de quartiers d'habitation, le projet, qui consiste à étendre une surface de vente existante en l'augmentant de 53 % et à moderniser l'établissement, contribuera à réduire l'évasion commerciale vers d'autres pôles commerciaux situés à l'ouest et l'est de Morlaix et en lien avec la proximité des pôles commerciaux de Lannion, Landivisiau ou Guingamp. Ce projet permet également de dynamiser l'activité commerciale de la zone d'aménagement concerté de Saint-Fiacre, tout en rééquilibrant l'activité commerciale autour de Morlaix, même si la zone de chalandise n'est qu'en faible accroissement démographique, de l'ordre de 0,5 % entre 2009 et 2019, et redistribue des parts de marchés entre les grandes enseignes du territoire. Alors que le principal pôle commercial est constitué d'un hypermarché de plus de 9 000 m2 de surface de vente en périphérie ouest de l'agglomération, aucun élément du dossier n'indique que le projet risque de capter 179 000 euros de chiffre d'affaires (CA) aux commerces de centre-ville, contrairement à ce qu'indique l'avis de la CNAC, ce chiffre concernant en réalité le CA capté sur les commerces alimentaires spécialisés de la zone de chalandise du projet dans son ensemble, soit 0,7% du CA réparti sur 88 magasins alimentaires.

10. Enfin, s'il est constant que la vacance commerciale est de 17,4 % dans un environnement proche du projet, soit supérieure à la moyenne nationale, l'analyse d'impact précise, sans être sérieusement contredite, d'une part, qu'il n'existe que deux établissements de type alimentaire à Plourin-lès-Morlaix, une enseigne alimentaire concurrente et une boulangerie/pâtisserie, et que cette commune ne dispose que de deux locaux vacants sur un total de quatorze locaux qui sont en très bon état et pourront être réinvestis rapidement.

Le taux de vacances commerciale est donc à relativiser compte-tenu du nombre total de commerces. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que la vacance commerciale de la commune de Morlaix, qui représente 75 locaux sur un total de 423, soit 17,7 %, résulte moins du jeu de la concurrence que de la vétusté des locaux commerciaux du centre-ville, de l'inadéquation de leur taille et de l'absence d'adaptation aux normes d'accessibilité PMR pour au moins 39 d'entre eux. De plus, il ressort des pièces du dossier que si la commune de Morlaix bénéficie d'une opération de revitalisation de son territoire (ORT) en faveur de son centre-ville, y sont déjà implantées des " locomotives alimentaires généralistes ", telles qu'un supermarché de 1 200 m2 et un magasin " populaire " de 442 m2. Or, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'augmentation des rayons " bio " et des produits locaux et frais de l'hypermarché de la SAS Celsol va concurrencer ces commerces de proximité et " serait de nature à détourner le chaland du centre-ville ", contrairement à ce que mentionne l'avis de la CNAC. Dans ces conditions, il ne ressort pas des pièces du dossier que le projet, qui s'appuie sur une activité existante cohabitant déjà avec les commerces de centre-ville, y compris de Plerin-lès-Morlaix, porterait atteinte à l'animation de la vie urbaine et déséquilibrerait le maillage commercial, alors surtout que même l'avis défavorable du ministre chargé du commerce mentionne que " Le projet permettra de valoriser davantage les productions des partenaires locaux à travers le concept " FAB'MAG " ".

11. Il résulte de ce qui précède que la SAS Celsol est fondée à soutenir que la CNAC a commis une erreur d'appréciation en considérant que son projet portera atteinte à l'objectif d'aménagement du territoire mentionné à l'article L. 752-6 du code de commerce.

En ce qui concerne l'objectif de développement durable :

12. Il ressort des pièces du dossier que le projet, qui ne consomme aucun espace supplémentaire au sol, prévoit une densification des espaces verts, augmentant leur surface de 907 m2, ce qui permet d'améliorer la perméabilité du site qui passera de 3,8 % à 8,5 %, avec, sur les neuf arbres actuels, quatre abattus mais soixante-cinq plantés. Il comprend aussi l'installation de 392 m2 de panneaux photovoltaïques en toiture, de vingt emplacements supplémentaires pour le stationnement des vélos et la création de quatre places équipées pour l'alimentation des véhicules électriques dont une accessible aux personnes à mobilité réduite.

13. Il en ressort que la société requérante est fondée à soutenir que la CNAC a commis une erreur d'appréciation en considérant que son projet portera atteinte à l'objectif de développement durable mentionné à l'article L. 752-6 du code de commerce au motif que " la perméabilisation de ce site déjà fortement imperméabilisé aurait pu être améliorée avec des noues et des toitures végétalisées ".

14. Il résulte de tout ce qui précède que la SAS Celsol est fondée à soutenir que c'est à tort que la Commission nationale d'aménagement commercial a considéré que le projet en litige ne répondait pas suffisamment aux critères d'aménagement du territoire et de développement durable énoncés à l'article L. 752-6 du code de commerce.

15. Pour l'application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, aucun autre moyen n'est de nature, en l'état de l'instruction, à conduire à l'annulation de l'arrêté litigieux.

L'arrêté du maire de Plourin-lès-Morlaix du 18 novembre 2022 pris en application de l'avis illégal de la Commission nationale d'aménagement commercial du 13 octobre 2022 est lui-même illégal et doit, dès lors, être annulé.

Sur les frais liés au litige :

16. Les conclusions présentées par les sociétés Distribution Casino France et PLMP au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées, dès lors que la SAS Celsol n'est pas la partie perdante.

17. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de ces deux sociétés et de l'Etat, chacun, une somme de 1 500 euros à verser à la SAS Celsol au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : L'arrêté du maire de la commune de Plourin-lès-Morlaix du 18 novembre 2022 est annulé en tant qu'il vaut refus d'autorisation d'exploitation commerciale.

Article 2 : Les sociétés Distribution Casino France et PLMP ainsi que l'Etat verseront chacun à la SAS Celsol une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la SAS Celsol est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Celsol, aux sociétés Distribution Casino France et PLMP, à la commune de Plourin-lès-Morlaix et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Une copie en sera adressée, pour information, à la Commission nationale d'aménagement commercial.

Délibéré après l'audience du 11 juin 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- M. Derlange, président assesseur,

- Mme Chollet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 juin 2024.

Le président de chambre, rapporteur,

L. LAINÉ

L'assesseur le plus ancien

dans le grade le plus élevé,

S. DERLANGE

La greffière,

A. MARTIN

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23NT00137


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NT00137
Date de la décision : 28/06/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINÉ
Rapporteur ?: M. Laurent LAINÉ
Rapporteur public ?: Mme ROSEMBERG
Avocat(s) : SELARL LE ROY GOURVENNEC PRIEUR

Origine de la décision
Date de l'import : 07/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-06-28;23nt00137 ?
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