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03/09/2024 | FRANCE | N°24NT00902

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 4ème chambre, 03 septembre 2024, 24NT00902


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 23 janvier 2024 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a ordonné son transfert en Bulgarie.



Par un jugement n° 2401501 du 5 mars 2024, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande de M. A....



Procédure devant la cour :



Par une requête, enregistrée le 22 mars 2024, M. A..., repré

senté par Me Renaud, auquel s'est substituée Me Prélaud, demande à la cour :



Avant dire droit :



1°) de su...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 23 janvier 2024 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a ordonné son transfert en Bulgarie.

Par un jugement n° 2401501 du 5 mars 2024, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande de M. A....

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 22 mars 2024, M. A..., représenté par Me Renaud, auquel s'est substituée Me Prélaud, demande à la cour :

Avant dire droit :

1°) de surseoir à statuer et de saisir la Cour de justice de l'Union européenne des questions préjudicielles ainsi formulées : " La charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et plus particulièrement les termes de son préambule mais également ceux de ses articles 7 et 8 ainsi que le règlement européen n° 603/2013 du 26 juin 2013 s'opposent-ils à ce qu'il puisse être procédé à la consultation du fichier EURODAC aux fins d'édiction d'un arrêté de transfert en application du règlement 604/2013 du 26 juin 2013 par un agent de préfecture sans qu'il ne soit possible pour l'étranger destinataire de l'arrêté de transfert d'obtenir des garanties quant à l'habilitation de l'agent procédant à la consultation du fichier Eurodac ' " ; " Les règlements n° 604/2013 et 603/2013 du 26 juin 2013 s'opposent-ils à ce qu'un Etat membre puisse édicter un arrêté de transfert reposant sur la consultation du fichier Eurodac sans que cet Etat membre ne puisse justifier de la régularité de cette consultation et notamment du cadre spatio-temporel dans lequel elle intervient ' " ;

2°) de solliciter du préfet de Maine-et-Loire la transmission des relevés de prestations de la société ISM Interprétariat pour la journée du 20 décembre 2023 en préfecture de la Loire- Atlantique ;

3°) de solliciter la transmission des documents horodatés via Dublinet justifiant de l'envoi d'une demande de comparaison d'empreintes ainsi et surtout que de la preuve d'une réponse du point d'accès national qui ne saurait être postérieure à son placement en procédure Dublin ;

Au fond :

1°) d'annuler le jugement du magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes du 5 mars 2024 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de Maine-et-Loire du 23 janvier 2024 portant transfert en Bulgarie ;

3°) d'enjoindre au préfet de Maine-et-Loire d'enregistrer sa demande d'asile en procédure normale ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 600 euros hors taxes sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- il y a lieu de saisir la Cour de justice de l'Union européenne de questions préjudicielles relatives à la nécessité pour les Etats membres de justifier au regard des règlements n° 603/2013 et 604/2013 du 26 juin 2013 de l'habilitation de leurs agents à consulter le fichier Eurodac dans le cadre de l'édiction d'un arrêté de transfert ;

- le préfet de Maine-et-Loire a méconnu l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 et l'article L. 141-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le préfet de Maine-et-Loire a méconnu l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le préfet de Maine-et-Loire n'établit pas que l'agent qui a utilisé Eurodac était habilité au regard des articles 3, 24, 29 et 34 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le préfet de Maine-et-Loire a méconnu l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le préfet de Maine-et-Loire a méconnu l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le préfet de Maine-et-Loire a commis une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le préfet de Maine-et-Loire doit justifier des relevés de prestations de la société ISM Interprétariat pour la journée du 20 décembre 2023 et des documents horodatés via Dublinet justifiant de l'envoi d'une demande de comparaison d'empreintes ainsi et surtout que de la preuve d'une réponse du point d'accès national qui ne saurait être postérieure à son placement en procédure Dublin.

Par un mémoire en défense, enregistré le 17 mai 2024, le préfet de Maine-et-Loire conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 10 juin 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013 ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Derlange, président assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant afghan, né le 1er janvier 1984, a sollicité l'asile, le 20 décembre 2023. Par un arrêté du 23 janvier 2024, le préfet de Maine-et-Loire a ordonné son transfert aux autorités bulgares, responsables de l'examen de sa demande d'asile. Il relève appel du jugement du 5 mars 2024 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. En premier lieu, aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un Etat membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment : /a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un Etat membre différent ainsi que des conséquences du passage d'un Etat membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l'Etat membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée ; /b) des critères de détermination de l'Etat membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée, y compris du fait qu'une demande de protection internationale introduite dans un Etat membre peut mener à la désignation de cet Etat membre comme responsable en vertu du présent règlement même si cette responsabilité n'est pas fondée sur ces critères ; /c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 et de la possibilité de fournir des informations sur la présence de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent dans les Etats membres, y compris des moyens par lesquels le demandeur peut fournir ces informations ; /d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert ; /e) du fait que les autorités compétentes des Etats membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d'exécuter leurs obligations découlant du présent règlement ; /f) de l'existence du droit d'accès aux données le concernant et du droit de demander que ces données soient rectifiées si elles sont inexactes ou supprimées si elles ont fait l'objet d'un traitement illicite, ainsi que des procédures à suivre pour exercer ces droits (...). /2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les Etats membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. / Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de l'entretien individuel visé à l'article 5. (...) ". Aux termes de l'article L. 141-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'un étranger fait l'objet d'une décision de refus d'entrée en France, de placement en rétention ou en zone d'attente, de retenue pour vérification du droit de circulation ou de séjour ou de transfert vers l'Etat responsable de l'examen de sa demande d'asile et qu'il ne parle pas le français, il indique au début de la procédure une langue qu'il comprend. Il indique également s'il sait lire. / Ces informations sont mentionnées sur la décision de refus d'entrée, de placement ou de transfert ou dans le procès-verbal prévu au premier alinéa de l'article L. 813-13. Ces mentions font foi sauf preuve contraire. La langue que l'étranger a déclaré comprendre est utilisée jusqu'à la fin de la procédure. Si l'étranger refuse d'indiquer une langue qu'il comprend, la langue utilisée est le français. ".

3. Il résulte de ces dispositions que le demandeur d'asile auquel l'administration entend faire application du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit se voir remettre l'ensemble des éléments d'information prévus au paragraphe 1 de l'article 4 du règlement. La remise de ces éléments doit intervenir en temps utile pour lui permettre de faire valoir ses observations, c'est-à-dire au plus tard lors de l'entretien prévu par les dispositions de l'article 5 du même règlement, entretien qui doit notamment permettre de s'assurer qu'il a compris correctement ces informations. Eu égard à leur nature, la remise par l'autorité administrative de ces informations prévues par les dispositions précitées constitue pour le demandeur d'asile une garantie.

4. Il ressort des pièces du dossier que M. A... s'est vu remettre le 20 décembre 2023, le jour même de l'enregistrement de sa demande d'asile en préfecture, et à l'occasion de l'entretien individuel, les brochures A et B conformes aux modèles figurant à l'annexe X du règlement d'exécution (UE) n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014, dont il a signé les pages de garde, qui contiennent les informations prescrites par les dispositions précitées, en langue pachto, qu'il a déclaré comprendre et avec l'aide d'un interprète dans la même langue. Il ressort en outre du compte-rendu de son entretien du 20 décembre 2023, qui a donc été conduit avec l'assistance d'un interprète en langue pachto, qu'il a déclaré que " le guide du demandeur d'asile et l'information sur les règlements communautaires m'ont été remis dans une langue que je déclare comprendre. " et " Je reconnais que les informations contenues dans le guide du demandeur d'asile, ainsi que dans les brochures A et B m'ont été communiquées oralement et je reconnais les avoir comprises ". Il ressort du compte-rendu de l'entretien du 20 décembre 2023 que M. A... a eu le temps de s'exprimer sur sa situation, les seules circonstances que l'entretien ait été conduit par le biais d'un interprète par téléphone et n'ait duré qu'une vingtaine de minutes ne suffisant pas à en établir l'irrégularité ou le caractère inexact ou incomplet. Enfin, dès lors que l'information prescrite à l'article 4 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 a été remise à M. A... lors de l'introduction du dépôt de sa demande d'asile et au plus tard lors de l'entretien qui a été conduit à cette occasion, quand bien même cette information a été remise postérieurement à la prise d'empreintes, il n'est pas fondé à soutenir que cette information ne lui aurait pas été donnée en temps utile. Dans ces conditions, son droit à l'information résultant de l'article 4 précité du règlement n° 604/2013 n'a pas été méconnu.

5. En outre, les dispositions de l'article 29 du règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013 et, en tout état de cause, les articles du même règlement invoqués par le requérant au même titre, ont pour objet et pour effet de permettre d'assurer la protection effective des données personnelles des demandeurs d'asile concernés, laquelle est garantie par l'ensemble des États membres relevant du régime européen d'asile commun, notamment par la remise de brochures d'information lors de l'entretien individuel. La méconnaissance de cette obligation d'information dans une langue comprise par le demandeur d'asile ne peut être utilement invoquée à l'encontre des décisions par lesquelles la France transfère un demandeur d'asile aux autorités compétentes pour examiner sa demande, si bien que la question préjudicielle soulevée par le requérant à ce sujet n'est pas pertinente et qu'il n'est pas nécessaire de prendre une mesure d'instruction aux fins d'obtenir des documents relatifs à la comparaison d'empreintes via Dublinet. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des articles 3, 24, 29 et 34 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 doit, en tout état de cause, être écarté, sans qu'il soit besoin de procéder à une mesure d'instruction aux fins d'obtenir du préfet de Maine-et-Loire la transmission des relevés de prestations de la société ISM Interprétariat.

6. En deuxième lieu, aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'Etat membre responsable, l'Etat membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. / (...) 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. / 6. L'Etat membre qui mène l'entretien individuel rédige un résumé qui contient au moins les principales informations fournies par le demandeur lors de l'entretien. Ce résumé peut prendre la forme d'un rapport ou d'un formulaire type. (...) ".

7. Il ressort des mentions figurant sur le compte-rendu signé par M. A... qu'il a bénéficié le 20 décembre 2023, avant l'intervention de la décision contestée, de l'entretien individuel prévu par l'article 5 précité du règlement n° 604/2013 et qu'il a été mis à même de s'exprimer sur sa situation. Il n'est pas établi qu'il ne contient pas les principales informations fournies par le demandeur lors de l'entretien. De même, aucun élément du dossier ne permet d'établir que cet entretien n'aurait pas été mené par une personne qualifiée en vertu du droit national alors que l'agent qui a procédé à cet entretien est identifié par la mention " Préfecture de la Loire-Atlantique - L'agent habilité " et ses initiales manuscrites. En tout état de cause, l'absence de plus de précision sur l'identité dudit agent n'a pas privé l'intéressé de la garantie que constitue le bénéfice de cet entretien individuel. Dès lors, le moyen tiré de la violation des dispositions de l'article 5 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 n'est pas fondé et doit être écarté.

8. En quatrième et dernier lieu, aux termes du 2 de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'État membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre État membre peut être désigné comme responsable (...) ". Aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'État membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'État membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...) ". Par ailleurs, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

9. Ces dispositions doivent être appliquées dans le respect des droits garantis par la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par ailleurs, eu égard au niveau de protection des libertés et des droits fondamentaux dans les Etats membres de l'Union européenne, lorsque la demande de protection internationale a été introduite dans un Etat autre que la France, que cet Etat a accepté de prendre ou de reprendre en charge le demandeur et en l'absence de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, les craintes dont le demandeur fait état quant au défaut de protection dans cet Etat membre doivent en principe être présumées non fondées, sauf à ce que l'intéressé apporte, par tout moyen, la preuve contraire.

10. M. A... n'établit pas que, comme il le soutient, il aurait été victime de violences et de traitements indignes lors de son séjour en Bulgarie. Il fait état de l'existence de défaillances affectant les conditions d'accueil et de prise en charge des demandeurs d'asile faisant l'objet de mesures de transfert auprès des autorités bulgares, mais les documents qu'il produit à l'appui de ces affirmations ne permettent pas de tenir pour établi que sa propre situation serait exposée à un risque sérieux de ne pas être traitée par les autorités bulgares dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile, alors que la Bulgarie est un Etat membre de l'Union européenne, partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. En particulier, si M. A... produit des documents illustrant les difficultés des autorités bulgares à faire face à des afflux massifs de migrants et des pratiques de " push back ", cela ne permet pas d'en inférer que son renvoi vers la Bulgarie en exécution d'une décision de transfert pour le traitement de sa demande d'asile dans ce pays, en application du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013, entraînerait un risque sérieux qu'il soit exposé à un défaut d'instruction de sa demande d'asile et à des traitements indignes en violation des règles du droit européen de l'asile. En outre, les éléments qu'il produit ne suffisent pas à établir qu'il y a de sérieuses raisons de croire que les pratiques illégales parfois relevées dans cet État devraient être qualifiées de défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs d'asile, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. Enfin, les autres éléments présentés, notamment d'ordre médical, ne permettent pas d'établir que M. A... se trouvait à la date de l'arrêté contesté dans une situation de vulnérabilité exceptionnelle imposant d'instruire sa demande d'asile en France. Par suite, les moyens tirés de ce que la décision litigieuse méconnaîtrait l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ainsi que les dispositions du 2 de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, et serait entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article 17 de ce règlement, doivent être écartés.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du 23 janvier 2024 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a ordonné son transfert aux autorités bulgares et que ses conclusions à fin d'annulation et avant dire droit doivent être rejetées.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

12. Le présent arrêt n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions de l'intéressé aux fins d'injonction doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

13. Les dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que le conseil de M. A... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à Me Prélaud et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Une copie en sera transmise, pour information, au préfet de Maine-et-Loire.

Délibéré après l'audience du 27 août 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- M. Derlange, président assesseur,

- Mme Picquet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 septembre 2024.

Le rapporteur,

S. DERLANGE

Le président,

L. LAINÉ

Le greffier,

C. WOLF

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 24NT00902


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 24NT00902
Date de la décision : 03/09/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINÉ
Rapporteur ?: M. Stéphane DERLANGE
Rapporteur public ?: Mme ROSEMBERG
Avocat(s) : RENAUD

Origine de la décision
Date de l'import : 08/09/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-09-03;24nt00902 ?
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