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13/09/2024 | FRANCE | N°23NT03652

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 4ème chambre, 13 septembre 2024, 23NT03652


Vu les autres pièces du dossier.



Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.



Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.



Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Derlange,

- et les conclusions de Mme Rosemberg, rapporteure publique.





Considérant ce qui suit :



1. M. B..., ressortissant arménien, né le 11 juin 1984, a déclaré être entré en France au cours de l'...

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Derlange,

- et les conclusions de Mme Rosemberg, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant arménien, né le 11 juin 1984, a déclaré être entré en France au cours de l'année 2019. Par un arrêté du 17 octobre 2023, pris sur le fondement du 2° de l'article L. 615-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet des Côtes-d'Armor lui a fait obligation de quitter le territoire français à destination du pays dont il a la nationalité. Par un arrêté du même jour, il l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours. M. B... relève appel du jugement du 7 novembre 2023 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces arrêtés.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 615-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut décider de mettre en œuvre une décision obligeant un étranger à quitter le territoire d'un autre État dans les cas suivants : (...) /2° L'étranger a fait l'objet, alors qu'il se trouvait en France, d'une décision d'éloignement exécutoire prise par l'un des autres États membres de l'Union européenne (...) / Les conditions d'application du 2° sont fixées par décret en Conseil d'Etat. ". Aux termes de l'article R. 615-2 du même code : " L'autorité administrative peut, en application du 2° de l'article L. 615-1, décider de mettre en œuvre une décision d'éloignement exécutoire prise par l'un des autres Etats membres de l'Union européenne (...) lorsque cette décision est fondée : / 1° Sur une menace grave et actuelle pour l'ordre public ou la sécurité nationale et prise par l'un de ces Etats dans l'un des cas suivants : /a) lorsque l'étranger a fait l'objet d'une condamnation par l'Etat qui lui a délivré un titre de séjour, pour une infraction passible d'une peine privative de liberté d'au moins un an ; b) lorsqu'il existe des raisons sérieuses de croire que l'étranger a commis des faits punissables graves ou des indices réels qu'il envisage de commettre de tels faits sur le territoire d'un des Etats mentionnés au premier alinéa ; / 2° Sur le non-respect de la réglementation nationale, relative à l'entrée ou au séjour des étrangers, de l'Etat qui a édicté cette décision d'éloignement (...) ".

3. Il appartient au juge administratif, saisi de conclusions dirigées contre une décision de l'autorité administrative de mettre en œuvre une décision obligeant un étranger à quitter le territoire d'un autre État membre de l'Union européenne au motif qu'il a fait l'objet, alors qu'il se trouvait en France, d'une décision d'éloignement exécutoire prise par les autorités de cet autre État, de se prononcer sur les conditions de mise en œuvre du pouvoir de cette autorité, notamment sur le caractère exécutoire de cette dernière décision, alors même qu'elle a été prononcé par une autorité étrangère. En particulier le juge administratif contrôle l'exactitude des motifs donnés par l'administration et prononce l'annulation de la décision qui lui est déférée lorsque le motif invoqué repose sur des faits matériellement inexacts.

4. Pour justifier la légalité de son arrêté obligeant M. B... à quitter le territoire français, le préfet des Côtes-d'Armor se borne à renvoyer à une " fiche Schengen ", établie le 20 août 2020, par les autorités polonaises, signalant qu'il a fait l'objet d'une mesure d'interdiction du territoire en vertu de la législation polonaise, valable jusqu'au 28 mars 2024, au motif que " la poursuite de sa résidence sur le territoire constituerait une menace pour la sécurité de l'État, la défense et l'ordre public ou est contraire aux intérêts de la république de Pologne ". Ce motif seul ne permet pas d'identifier sur la base de laquelle des situations énumérées limitativement à l'article R. 615-2 précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile le préfet des Côtes-d'Armor a fait obligation à M. B... de quitter le territoire français à destination du pays dont il a la nationalité. Aucun autre élément de cet arrêté, ni aucune autre pièce du dossier ne permet de le faire. Dans ces conditions, la base légale de l'arrêté du 17 octobre 2023 obligeant M. B... à quitter le territoire français n'est pas établie. Il doit donc être annulé, ainsi que, par voie de conséquence, la décision d'assignation à résidence du même jour, prise sur son fondement.

5. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction, sous astreinte :

6. Le présent arrêt implique seulement que le préfet des Côtes-d'Armor réexamine la situation de M. B..., dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

7. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de M. B... au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

D E C I D E :

Article 1er : L'article 2 du jugement du 7 novembre 2023 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rennes a rejeté la requête présentée par M. B... devant ce tribunal est annulé.

Article 2 : Les arrêtés du 17 octobre 2023 par lesquels le préfet des Côtes d'Armor a fait obligation à M. B... de quitter le territoire français à destination du pays dont il a la nationalité et l'assignant à résidence pour une durée de quarante-cinq jours sont annulés.

Article 3 : Il est enjoint au préfet des Côtes d'Armor de procéder à un nouvel examen de la situation de M. B... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B... est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à Me Oueslati et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Une copie en sera transmise, pour information, au préfet des Côtes d'Armor.

Délibéré après l'audience du 27 août 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- M. Derlange, président assesseur,

- Mme Picquet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 septembre 2024.

Le rapporteur,

S. DERLANGE

Le président,

L. LAINÉ

Le greffier,

C. WOLF

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23NT03652


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NT03652
Date de la décision : 13/09/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINÉ
Rapporteur ?: M. Stéphane DERLANGE
Rapporteur public ?: Mme ROSEMBERG
Avocat(s) : OUESLATI

Origine de la décision
Date de l'import : 18/09/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-09-13;23nt03652 ?
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