La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

13/09/2024 | FRANCE | N°24NT01418

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 4ème chambre, 13 septembre 2024, 24NT01418


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 27 décembre 2023 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert aux autorités espagnoles.



Par un jugement n° 2400916 du 3 avril 2024, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête, enregistrée le 15 mai 2024 et un mém

oire enregistré le 8 juillet 2024 qui n'a pas été communiqué, Mme A..., représentée par Me Lachaux, demande à la cour :



...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 27 décembre 2023 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert aux autorités espagnoles.

Par un jugement n° 2400916 du 3 avril 2024, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 15 mai 2024 et un mémoire enregistré le 8 juillet 2024 qui n'a pas été communiqué, Mme A..., représentée par Me Lachaux, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes du 3 avril 2024 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 27 décembre 2023 du préfet de Maine-et-Loire ;

3°) d'enjoindre au préfet de Maine-et-Loire de lui délivrer une attestation de demande d'asile en procédure normale ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle n'a pas bénéficié d'un entretien dans les conditions prévues à l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le préfet de Maine-et-Loire a commis une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- l'arrêté contesté est entaché d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;

- l'arrêté contesté méconnaît l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 30 mai 2024, le préfet de Maine-et-Loire conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés.

Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 26 avril 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013 ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Picquet.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., de nationalité guinéenne, née le 3 avril 2003 à Conakry, déclarant être entrée irrégulièrement en France le 29 octobre 2023, a présenté une demande d'asile auprès de la préfecture de la Loire-Atlantique le 27 novembre 2023. Les recherches effectuées sur le fichier Eurodac ont fait apparaître que ses empreintes avaient été précédemment relevées en Espagne le 22 octobre 2023 pour avoir franchi irrégulièrement la frontière de ce pays dans la période de douze mois précédant le dépôt de sa demande d'asile. Les autorités espagnoles ont été saisies d'une demande de prise en charge de l'intéressée, qu'elles ont expressément acceptée par décision du 15 décembre 2023. Par un arrêté du 27 décembre 2023 dont Mme A... a demandé au tribunal administratif de Nantes l'annulation, le préfet de Maine-et-Loire a décidé de remettre Mme A... à ces autorités. Par un jugement du 3 avril 2024, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Mme A... fait appel de ce jugement.

2. En premier lieu, aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'Etat membre responsable, l'Etat membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. / (...) 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. / 6. L'Etat membre qui mène l'entretien individuel rédige un résumé qui contient au moins les principales informations fournies par le demandeur lors de l'entretien. Ce résumé peut prendre la forme d'un rapport ou d'un formulaire type. (...) ".

3. Il ressort des mentions figurant sur le compte-rendu signé par Mme A... qu'elle a bénéficié le 27 novembre 2023, soit avant l'intervention de la décision contestée, de l'entretien individuel prévu par l'article 5 précité du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013. De même, aucun élément du dossier n'établit que cet entretien n'aurait pas été mené par une personne qualifiée en vertu du droit national du seul fait que l'agent qui a procédé à cet entretien n'est identifié que par la mention " Préfecture de la Loire-Atlantique L'agent habilité " et ses initiales manuscrites. Enfin, il ressort du compte-rendu de cet entretien, eu égard aux détails précis qu'il expose, qu'il a permis à Mme A... de faire état des informations utiles. Dès lors, le moyen tiré de la violation des dispositions de l'article 5 du règlement du 26 juin 2013 n'est pas fondé et doit être écarté.

4. En second lieu, aux termes du 2 de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'État membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre État membre peut être désigné comme responsable (...) ". Aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'État membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'État membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...) ". Par ailleurs, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

5. Ces dispositions doivent être appliquées dans le respect des droits garantis par la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par ailleurs, eu égard au niveau de protection des libertés et des droits fondamentaux dans les Etats membres de l'Union européenne, lorsque la demande de protection internationale a été introduite dans un Etat autre que la France, que cet Etat a accepté de prendre ou de reprendre en charge le demandeur et en l'absence de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, les craintes dont le demandeur fait état quant au défaut de protection dans cet Etat membre doivent en principe être présumées non fondées, sauf à ce que l'intéressé apporte, par tout moyen, la preuve contraire. La seule circonstance qu'à la suite du rejet de sa demande de protection par cet Etat membre l'intéressé serait susceptible de faire l'objet d'une mesure d'éloignement ne saurait caractériser la méconnaissance par cet Etat de ses obligations.

6. D'une part, il ne ressort pas des pièces du dossier ni des termes de l'arrêté contesté que le préfet de Maine-et-Loire aurait entaché cet arrêté d'un défaut d'examen particulier de la situation personnelle de la requérante.

7. D'autre part, si Mme A... soutient qu'en cas de transfert vers l'Espagne, elle risque d'être éloignée, par ricochet, vers son pays d'origine où elle encoure des traitements inhumains et dégradants contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ces circonstances à elles seules ne sont pas susceptibles de caractériser la méconnaissance par l'Espagne de ses obligations quant au traitement de sa demande de protection. En tout état de cause, elle n'établit pas, ni même n'allègue, faire l'objet d'une mesure d'éloignement qui, de surcroît, présenterait un caractère définitif. La requérante, par la seule production de rapports généraux, de données statistiques et d'articles de presse, n'établit ni l'existence de défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs d'asile en Espagne à la date de l'arrêté litigieux, alors que ce pays est un Etat membre de l'Union européenne, partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni qu'elle ne pourrait y faire valoir tout nouvel élément concernant sa situation personnelle. Les circonstances invoquées qu'elle aurait été mariée de force, aurait subi des persécutions graves de la part de son mari dans son pays d'origine et est hébergée chez son compagnon qu'elle a rencontré à son arrivée en France, ne suffisent pas, en l'absence d'éléments étayés, à la placer dans une situation d'exceptionnelle vulnérabilité justifiant que sa demande d'asile soit instruite en France. Si elle indique avoir des brûlures au niveau de l'appareil génital en raison du contact prolongé avec l'eau de mer lors de sa traversée pour rejoindre les Iles Canaries, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle ne pourrait pas bénéficier en Espagne de soins adaptés et du suivi nécessaire à son état de santé et que le transfert n'aurait pas lieu dans des conditions permettant de sauvegarder de manière appropriée et suffisante son état de santé, alors même que sa demande d'asile n'a pas encore été enregistrée en Espagne. Par suite, les moyens tirés de ce que la décision litigieuse serait contraire à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et à l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 doivent être écartés.

8. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 27 décembre 2023 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert aux autorités espagnoles, responsables de l'examen de sa demande d'asile. Ses conclusions à fin d'injonction, ainsi que celles tendant au bénéfice des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, doivent, par voie de conséquence, être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Une copie en sera transmise, pour information, au préfet de Maine-et-Loire.

Délibéré après l'audience du 27 août 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- M. Derlange, président-assesseur,

- Mme Picquet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 septembre 2024.

La rapporteure,

P. PICQUET

Le président,

L. LAINÉ

Le greffier,

C. WOLF

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 24NT01418


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 24NT01418
Date de la décision : 13/09/2024

Composition du Tribunal
Président : M. LAINÉ
Rapporteur ?: Mme Pénélope PICQUET
Rapporteur public ?: Mme ROSEMBERG
Avocat(s) : LACHAUX

Origine de la décision
Date de l'import : 18/09/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-09-13;24nt01418 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award