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13/09/2024 | FRANCE | N°24NT01473

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 4ème chambre, 13 septembre 2024, 24NT01473


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. C... B... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 12 février 2024 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert aux autorités maltaises.



Par un jugement n° 2403731 du 28 mars 2024, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête, enregistrée le 17 mai 2024, M. B...

A..., représenté par Me Neraudau, demande à la cour :



1°) d'annuler le jugement du magistrat désigné par le préside...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 12 février 2024 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert aux autorités maltaises.

Par un jugement n° 2403731 du 28 mars 2024, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 17 mai 2024, M. B... A..., représenté par Me Neraudau, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes du 28 mars 2024 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 12 février 2024 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert aux autorités maltaises ;

3°) d'enjoindre au préfet de Maine-et-Loire de lui délivrer une attestation de demande d'asile en procédure normale ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans les meilleurs délais ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 2 000 euros hors taxes sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le premier juge a omis de se prononcer sur le moyen tiré de la méconnaissance des articles 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, en ce qui concerne les risques encourus à Malte ;

- le premier juge a insuffisamment motivé son jugement en réponse au moyen tiré de la méconnaissance de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 et du défaut d'examen particulier de sa situation ;

- l'arrêté contesté est insuffisamment motivé et procède d'un examen incomplet de sa situation ;

- il n'a pas bénéficié d'un entretien individuel dans les conditions de qualification prévues à l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le préfet de Maine-et-Loire a méconnu l'article 3 et commis une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- il a méconnu l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 juin 2024, le préfet de Maine-et-Loire conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

M. B... A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 18 avril 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Derlange, président assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... A..., ressortissant soudanais, né le 26 février 1998, a sollicité l'asile le 30 janvier 2024. Par un arrêté du 12 février 2024, le préfet de Maine-et-Loire a ordonné son transfert aux autorités maltaises. M. B... A... relève appel du jugement du 28 mars 2024 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, le jugement attaqué répond avec la précision nécessaire, au point 13, alors que les premiers juges n'étaient pas tenus de répondre à l'ensemble des arguments de M. B... A..., au moyen tiré de la méconnaissance des articles 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne en raison des risques auxquels il serait exposé à Malte. Par suite, le moyen tiré de l'omission à statuer sur un tel moyen doit être écarté.

3. En second lieu, aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés. ".

4. Le jugement attaqué répond avec la précision nécessaire, respectivement au point 8 et au point 4, alors que les premiers juges n'étaient pas tenus de répondre à l'ensemble des arguments de M. B... A..., aux moyens tirés de la méconnaissance de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 et du défaut d'examen particulier de sa situation, en particulier au titre de sa vulnérabilité.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

5. En premier lieu, l'arrêté contesté portant transfert aux autorités maltaises comporte les circonstances de fait et de droit qui en constituent le fondement et est, par suite, suffisamment motivé en droit et en fait, contrairement à ce que soutient M. B... A....

6. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de Maine-et-Loire n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de M. B... A..., notamment au regard de sa vulnérabilité et de son parcours migratoire à Malte.

7. En troisième lieu, aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'Etat membre responsable, l'Etat membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. / (...) 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. / 6. L'Etat membre qui mène l'entretien individuel rédige un résumé qui contient au moins les principales informations fournies par le demandeur lors de l'entretien. Ce résumé peut prendre la forme d'un rapport ou d'un formulaire type. (...) ".

8. Il ressort des mentions figurant sur le compte-rendu signé par M. B... A... qu'il a bénéficié le 30 janvier 2024, soit avant l'intervention de la décision contestée, de l'entretien individuel prévu par l'article 5 précité du règlement n° 604/2013. Il ressort du compte-rendu de l'entretien du 30 janvier 2024 que M. B... A... a été mis à même de s'exprimer sur sa situation. Aucun élément du dossier n'établit que cet entretien n'aurait pas été mené par une personne qualifiée en vertu du droit national du seul fait que l'agent qui a procédé à cet entretien n'est identifié que par ses initiales manuscrites apposées à côté des termes " Préfecture du Val-d'Oise " et du tampon de cette préfecture. En tout état de cause, l'absence de plus de précision sur l'identité dudit agent n'a pas privé l'intéressé de la garantie que constitue le bénéfice de cet entretien individuel. Dès lors, le moyen tiré de la violation des dispositions de l'article 5 du règlement du 26 juin 2013 n'est pas fondé et doit être écarté.

9. En quatrième et dernier lieu, aux termes du 2 de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'État membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre État membre peut être désigné comme responsable (...) ". Aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'État membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'État membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...) ". Par ailleurs, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

10. Eu égard au niveau de protection des libertés et des droits fondamentaux dans les Etats membres de l'Union européenne, lorsque la demande de protection internationale a été introduite dans un Etat autre que la France, que cet Etat a accepté de prendre ou de reprendre en charge le demandeur et en l'absence de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, les craintes dont le demandeur fait état quant au défaut de protection dans cet Etat membre doivent en principe être présumées non fondées, sauf à ce que l'intéressé apporte, par tout moyen, la preuve contraire. La seule circonstance qu'à la suite du rejet de sa demande de protection par cet Etat membre l'intéressé serait susceptible de faire l'objet d'une mesure d'éloignement ne saurait caractériser la méconnaissance par cet Etat de ses obligations.

11. M. B... A... soutient qu'il a fait l'objet de mauvais traitements et de détention arbitraire à Malte, sans toutefois que cela ressorte des pièces du dossier. Il fait état de défaillances dans le traitement des demandes d'asile à Malte et du fait que sa demande d'asile n'y a pas été traitée sérieusement mais il n'établit pas que ces défaillances auraient un caractère systémique. En effet, les documents qu'il produit à l'appui de ces affirmations ne permettent pas de tenir pour établi que sa propre demande d'asile serait exposée à un risque sérieux de ne pas être traitée par les autorités maltaises dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile, alors que Malte est un Etat membre de l'Union européenne, partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. En particulier, s'il soutient qu'il n'est pas possible de s'assurer qu'il aura effectivement accès à la procédure d'asile et aux conditions matérielles d'accueil en cas de transfert vers Malte d'autant plus qu'il n'est pas regardé comme demandeur d'asile dans cet État, il ne l'établit pas alors que le préfet de Maine-et-Loire justifie que par une décision du 30 janvier 2024 Malte a accepté sa responsabilité dans l'examen de cette demande d'asile en application de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013. Par ailleurs, dès lors que la décision de transfert litigieuse n'emporte pas éloignement vers le Soudan, M. D... ne peut utilement soutenir que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes aurait dû prendre en compte les risques auxquels il serait exposé dans ce pays. Les autres éléments présentés n'établissent pas qu'il se trouvait à la date de l'arrêté contesté dans une situation de vulnérabilité exceptionnelle imposant d'instruire sa demande d'asile en France. Par suite, les moyens tirés de ce que la décision litigieuse serait contraire aux articles 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article 17 du règlement doivent être écartés.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions à fin d'annulation doivent être rejetées.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

13. Le présent arrêt, qui rejette la requête de M. B... A..., n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions de l'intéressé aux fins d'injonction doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

14. Les dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que le conseil de M. B... A... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié M. C... B... A..., à Me Neraudau et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Une copie en sera transmise, pour information, au préfet de Maine-et-Loire.

Délibéré après l'audience du 27 août 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- M. Derlange, président assesseur,

- Mme Picquet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 septembre 2024.

Le rapporteur,

S. DERLANGE

Le président,

L. LAINÉ

Le greffier,

C. WOLF

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 24NT01473


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 24NT01473
Date de la décision : 13/09/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINÉ
Rapporteur ?: M. Stéphane DERLANGE
Rapporteur public ?: Mme ROSEMBERG
Avocat(s) : NERAUDAU

Origine de la décision
Date de l'import : 18/09/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-09-13;24nt01473 ?
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