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01/10/2024 | FRANCE | N°23NT02850

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 6ème chambre, 01 octobre 2024, 23NT02850


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. F... C... et Mme E... D... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a implicitement rejeté le recours, réceptionné le 11 juillet 2022, contre la décision de l'autorité consulaire française à Bamako refusant de délivrer à M. C... un visa de long séjour en qualité de conjoint étranger d'une ressortissante française.



Par un j

ugement n°2214795 du 31 août 2023, le tribunal administratif de Nantes a annulé cette décision et a enj...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... C... et Mme E... D... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a implicitement rejeté le recours, réceptionné le 11 juillet 2022, contre la décision de l'autorité consulaire française à Bamako refusant de délivrer à M. C... un visa de long séjour en qualité de conjoint étranger d'une ressortissante française.

Par un jugement n°2214795 du 31 août 2023, le tribunal administratif de Nantes a annulé cette décision et a enjoint au ministre de l'intérieur et des outre-mer de délivrer le visa sollicité dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 26 septembre 2023, le ministre de l'intérieur et des outre-mer demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 31 août 2023 ;

2°) de rejeter la demande présentée devant le tribunal administratif par M. C... et Mme D....

Il soutient que :

- c'est à tort que le tribunal a annulé la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France, dès lors qu'en prenant en compte l'obtention et l'usage de faux documents ou de titres d'identité et de voyage frauduleusement obtenus, l'administration pouvait estimer que la présence en France de M. C... alias M. B... A... constituait une menace à l'ordre public propre à justifier que lui soit refusée la délivrance d'un visa de long séjour ;

- le mariage de M. C... a été contracté dans le but de faciliter l'installation en France de ce dernier et il n'y a aucune intention matrimoniale de la part du requérant ;

- le droit de mener une vie privée et familiale normale ne saurait s'interpréter comme comportant l'obligation générale pour un Etat de respecter le choix, par des couples mariés, de leur domicile commun et d'accepter l'installation de conjoints non nationaux en France.

Par un mémoire en défense, enregistré le 17 juin 2024, M. C... et Mme D... concluent au rejet de la requête et de mettre à la charge de l'État la somme de 1 800 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils font valoir qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pons ;

- et les observations de Me Pollono, représentant M. C... et Mme D....

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., ressortissant malien né en 1987, et Mme D..., ressortissante française née en 1971, ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a implicitement rejeté le recours formé contre la décision de l'autorité consulaire française à Bamako rejetant implicitement la demande de visa de long séjour présentée par M. C..., en qualité de conjoint étranger d'une ressortissante française. Par un jugement du 31 août 2023, le tribunal administratif de Nantes a annulé cette décision. Le ministre de l'intérieur et des outre-mer relève appel de ce jugement.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 312-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le visa de long séjour est délivré de plein droit au conjoint de ressortissant français. Il ne peut être refusé qu'en cas de fraude, d'annulation du mariage ou de menace à l'ordre public. ". En application de ces dispositions, il appartient en principe aux autorités consulaires ou diplomatiques de délivrer au conjoint étranger d'un ressortissant français dont le mariage n'a pas été contesté par l'autorité judiciaire le visa nécessaire pour que les époux puissent mener une vie familiale normale. Pour y faire obstacle, il appartient à l'administration, si elle allègue une fraude, d'établir, sur la base d'éléments précis et concordants, que le mariage a été entaché d'une telle fraude, de nature à justifier légalement le refus de visa. La seule circonstance que l'intention matrimoniale d'un seul des deux époux ne soit pas contestée ne fait pas obstacle à ce qu'une telle fraude soit établie.

3. D'une part, pour contester l'annulation de la décision en litige, le ministre fait valoir que M. C... a comparu le 1er octobre 2018 devant la police judiciaire à Vesoul et a été placé en garde à vue pour " aide à l'entrée et au séjour irrégulier ". Toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier que cette procédure a conduit à une condamnation de M. C.... S'il est constant que lors de sa garde à vue pour séjour irrégulier en 2018, il est ressorti de l'examen de son dossier par le système " Visabio " que M. C... avait sollicité, le 2 octobre 2013, un visa sous une autre identité, cette seule circonstance n'est pas de nature à caractériser une menace à l'ordre public, propre à justifier que lui soit refusée la délivrance d'un visa de long séjour.

4. D'autre part, M. C... et Mme D... se sont mariés le 1er novembre 2021 à Bamako. Les requérants ont déclaré s'être rencontrés au mois d'avril 2018 en France par le biais de la communauté Emmaüs et ont expliqué avoir noué une relation en France, puis entre la France et le Mali lorsque M. C..., dépourvu d'autorisation de séjour, a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français exécutée au mois de novembre 2018. Il ressort également des pièces du dossier que le maire de Briis-sous-Forges (Essonne), commune de résidence de Mme D..., a reçu l'intéressée au mois de juin 2021 pour un entretien à la suite duquel il a adressé à l'autorité consulaire française à Bamako une lettre résumant l'historique de la relation de M. C... et Mme D..., dans laquelle l'élu local indique notamment que " le projet d'avenir des deux futurs époux est de partager leur vie au quotidien ". La décision du procureur de la République de Nantes du 23 août 2021 est également produite à l'appui de leur demande, informant Mme D... de sa décision, consécutive à sa saisine par l'autorité consulaire française de Bamako, de ne pas s'opposer au mariage et de lui délivrer un certificat de capacité à mariage. Enfin, si M. C... a déclaré au mois d'octobre 2018 entretenir une relation récente avec une personne différente de Mme D..., rencontrée sur les réseaux sociaux, cet élément de fait n'est pas contradictoire avec les faits exposés dans la requête, ressortant également du courrier du maire de Briis-sous-Forges, qui relate qu'au moment de leur rencontre, Mme D... était mariée, et M. C... " accompagné mais sans attache réelle et sérieuse ". Enfin, les requérants produisent de nombreuses attestations de proches relatant le caractère sérieux et durable de leur relation. Dans ces conditions, le ministre n'est pas fondé à soutenir que le mariage Mme D... et de M. C... a été contracté dans le but de faciliter l'installation en France de dernier et qu'il n'existe aucune intention matrimoniale de la part de M. C....

5. Il résulte de ce qui précède que le ministre de l'intérieur et des outre-mer n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a implicitement rejeté le recours, réceptionné le 11 juillet 2022, contre la décision de l'autorité consulaire française à Bamako refusant de délivrer à M. C... un visa de long séjour en qualité de conjoint étranger d'une ressortissante française.

Sur les frais liés au litige :

6. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros au titre des frais exposés par M. C... et Mme D... et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er: La requête du ministre de l'intérieur et des outre-mer est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera à M. C... et Mme D... une somme de 1 200 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de M. C... et Mme D... est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à M. F... C... et Mme E... D....

Délibéré après l'audience du 13 septembre 2024 à laquelle siégeaient :

- M. Gaspon, président de chambre,

- M. Coiffet, président-assesseur,

- M. Pons, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 1er octobre 2024.

Le rapporteur,

F. PONSLe président,

O. GASPON

La greffière,

I. PETTON

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N°23NT02850 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NT02850
Date de la décision : 01/10/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. GASPON
Rapporteur ?: M. François PONS
Rapporteur public ?: Mme BOUGRINE
Avocat(s) : CABINET POLLONO

Origine de la décision
Date de l'import : 06/10/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-10-01;23nt02850 ?
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