Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Pigeon TP Loire Anjou a demandé au tribunal administratif de Nantes à titre principal de condamner le centre hospitalier Sèvre et Loire à lui verser une somme de 159 808,90 euros TTC au titre du solde du marché conclu avec celui-ci le 17 mai 2016 pour la construction du site hospitalier du Loroux-Bottereau et la restructuration partielle du site hospitalier de Vertou (lot n°1 Terrassement-VRD) et d'assortir cette somme des intérêts moratoires au taux fixé par l'article 8 du décret n° 2013-269 du 29 mars 2013, soit 8,05%, à compter du 13 décembre 2019, date de remise du projet de décompte final et à titre subsidiaire de condamner la société AIA Life Designer à lui verser une somme de 159 808,90 euros TTC, sous déduction des sommes au paiement desquelles le centre hospitalier aura été condamné et d'assortir cette somme des intérêts moratoires au taux fixé par l'article 8 du décret n° 2013-269 du 29 mars 2013, soit 8,05%, à compter du 13 décembre 2019, date de remise du projet de décompte final.
Par un jugement n° 2005058 du 5 avril 2023, le tribunal administratif de Nantes a fixé le solde du marché conclu le 17 mai 2016 entre le centre hospitalier Sèvre et Loire et la société Pigeon TP Loire Anjou à la somme de 630,32 euros TTC au crédit de cette société, a condamné le centre hospitalier Sèvre et Loire à verser à la société Pigeon TP Loire Anjou la somme de 630,32 euros TTC, avec intérêts au taux de 8,05% à compter du 20 mai 2020, et a rejeté le surplus des conclusions des parties.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 12 juin et 20 décembre 2023 et 14 mai 2024, la société Pigeon TP Loire Anjou, représentée par Me Henrion, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nantes du 5 avril 2023 en tant qu'il a rejeté le surplus de ses conclusions ;
2°) de condamner en conséquence le centre hospitalier à lui verser la somme de 1 379 067,90 euros TTC, sous déduction des acomptes déjà versés pour un montant de 1 219 259,03 euros TTC, soit 159 808,90 euros TTC, avec intérêts moratoires de 8,05% à compter du 13 décembre 2019 et jusqu'au complet paiement du prix ;
3°) de mettre à la charge du centre hospitalier Sèvre et Loire la somme de 8 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- elle a dû effectuer des travaux de reprise de la plateforme endommagée au cours de l'édification du bâtiment qui doivent être payés par le maître d'ouvrage ; l'article 43 du CCAG Travaux était applicable ; le maître d'ouvrage a mis à disposition des constructeurs les voies en cours de réalisation par la société Pigeon TP Loire Anjou sans avoir préalablement réalisé de constat contradictoire ; en ordonnant la reprise, sur la base d'un devis dont elle ne conteste pas le montant, et sans proposer de prix provisoire, suivant la procédure prévue à l'article 14 du CCAG travaux, la personne publique a, d'une part, commandé les travaux, et d'autre part, renoncé à en contester le montant ; il n'était pas techniquement possible de poursuivre la construction des voies sans avoir préalablement repris la couche de forme ; le coût des travaux de reprise a été transmis au maître de l'ouvrage et au maître d'œuvre, à leur demande, par courrier recommandé du 15 décembre 2017 et s'élève à 98 927,64 euros TTC ;
- s'agissant de la modification de la structure de voirie ayant fait l'objet de l'ordre de service n° 2, avec la réalisation de travaux selon dimensionnement majoré à 25 poids lourds par jour, elle doit être indemnisée d'un surcoût de 34 776 euros TTC ; le maître d'ouvrage a commis une faute dans la définition préalable des besoins et la préparation du marché ainsi qu'au moment de l'analyse des offres ;
- la pénalité de 25 538,37 euros pour retard dans la remise du dossier des ouvrages exécutés (DOE) après exécution n'est pas justifiée dès lors qu'il n'y a pas eu de mise en demeure préalable à l'application de ces pénalités, que le centre hospitalier n'a pas établi les manquements et qu'elle a remis les DOE conformes pour la date de réception ;
- sur la réintégration de la retenue de parfait achèvement, le jugement du tribunal administratif de Nantes sera confirmé sur ce point.
Par un mémoire en défense, enregistré le 15 novembre 2023, le centre hospitalier Sèvre et Loire, représenté par Me Mouriesse, conclut :
1°) à titre principal, au rejet de la requête ;
2°) à titre subsidiaire, à ce que la société AIA Ingénierie Holding soit condamnée à le garantir contre toute éventuelle condamnation susceptible d'être prononcée à son encontre, tant en principal, intérêts, frais et accessoires ;
3°) à ce que soit mise à la charge de la société Pigeon TP Loire Anjou la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la requête d'appel est irrecevable car tardive et pour défaut de production du jugement attaqué ;
- les stipulations de l'article 43 du CCAG Travaux ne trouvent pas à s'appliquer, et en tout état de cause, les dégradations sont du fait de la société Pigeon TP Loire Anjou, qui conservait la garde de la chaussée et leur reprise était incluse dans le marché, rémunéré à prix forfaitaire ;
- l'ordre de service n° 1 avait pour objet d'obliger la société Pigeon TP Loire Anjou à reprendre ses travaux suspendus sans aucune raison justifiée, en décembre 2017, et ne constituent pas des travaux supplémentaires ;
- les travaux visés dans l'ordre de service n° 2 étant prévus par le marché, ils ne sauraient constituer ni des travaux supplémentaires indispensables à la réalisation de l'ouvrage selon les règles de l'art, ni des prestations supplémentaires devant être rémunérées par des " prix nouveaux " ;
- la société Pigeon TP Loire Anjou ne démontre pas que les dimensionnements prévus au marché étaient inadaptés ;
- les pénalités prévues pour un retard dans la remise des DOE sont dues de plein droit et sans mise en demeure préalable du cocontractant, dès constatation par le maître d'œuvre du dépassement des délais de remise ;
- la circonstance que le maître d'ouvrage a réglé la totalité du prix forfaitaire intégrant la remise des DOE ne saurait faire obstacle au bien-fondé des pénalités de retard ;
- la société Pigeon TP Loire Anjou ne conteste pas que son DOE remis le 12 avril 2019 était incomplet ;
- la société requérante avait droit à la restitution de la retenue de garantie et le jugement attaqué a été exécuté sur ce point ;
- à titre subsidiaire, il devra être garanti de toute condamnation par la maîtrise d'œuvre.
Par un mémoire en intervention, enregistré le 17 avril 2024, la société AIA Life Designers, représentée par Me Livory, conclut :
1°) à titre principal, au rejet de la requête ;
2°) à titre subsidiaire, à ce que l'appel en garantie présenté par le centre hospitalier Sèvre et Loire soit rejeté ;
3°) à ce que soit mise solidairement à la charge des parties perdantes la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la société AIA Ingénierie Holding n'existe pas ;
- la maîtrise d'œuvre a parfaitement joué son rôle d'assistant aux côtés du maître de l'ouvrage et l'appel en garantie présenté par le centre hospitalier n'est pas justifié ;
- s'agissant de l'ordre de service n° 1, les zones à reprendre étaient à la marge des surfaces traitées et aucune préconisation n'avait été formulée après mise en œuvre des plateformes provisoires alors que l'usage était connu ; il ne s'agit donc pas de travaux supplémentaires ;
- s'agissant de l'ordre de service n° 2, la société Pigeon TP Loire Anjou a pris des hypothèses de trafic moyen journalier annuel trop faibles et le cahier des clauses techniques particulières (CCTP) précisait bien que la voirie à réaliser soit dimensionnée pour un trafic T5 de 1 à 25 poids lourds par jour ;
- l'application des pénalités de retard face au délai de remise du DOE est justifiée ;
- la maîtrise d'œuvre n'est pas concernée par la retenue de garantie.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Picquet,
- les conclusions de Mme Rosemberg, rapporteure publique,
- et les observations de Me Henrion pour la société Pigeon TP Loire Anjou et de Me Benatsou, substituant Me Mouriesse, pour le Centre Hospitalier Sèvre et Loire.
Une note en délibéré, présentée pour la société Pigeon TP Loire Anjou, a été enregistrée le 29 septembre 2024.
Considérant ce qui suit :
1. Dans le cadre d'une opération de construction du site hospitalier du Loroux-Bottereau et de restructuration partielle du site de Vertou, l'hôpital intercommunal " Sèvre et Loire ", devenu centre hospitalier Sèvre et Loire, a lancé une procédure de mise en concurrence. Le lot n° 1 Terrassement-VRD a été attribué à la société Pigeon TP Loire Anjou par acte d'engagement signé le 17 mai 2016. La maîtrise d'œuvre a été confiée à un groupement ayant pour mandataire la société AIA Associés. Les travaux ont été réceptionnés le 4 décembre 2018. Le 13 décembre 2019, la société Pigeon TP Loire Anjou a adressé au maître d'œuvre et au maître d'ouvrage son projet de décompte final pour un montant global de 1 320 846,98 euros TTC. Par courrier notifié à la société requérante le 6 janvier 2020, le maître d'ouvrage a notifié le décompte général de ses travaux pour un montant de 1 219 259,03 euros TTC en retenant une somme de 1 245 364,30 euros TTC au titre des travaux réalisés, une somme de 58 221,01 euros TTC au titre de la révision des prix, une retenue de 30 646,04 euros TTC au titre de pénalités de retard ainsi qu'une retenue de 630,32 euros TTC au titre de la garantie de parfait achèvement, avec un solde nul. Par courrier du 22 janvier 2020, la société Pigeon TP Loire Anjou a présenté un mémoire en réclamation à l'encontre du décompte général. La société Pigeon TP Loire Anjou a demandé au tribunal administratif de Nantes de condamner le centre hospitalier Sèvre et Loire à lui verser une somme de 159 808,90 euros TTC au titre du solde du marché. Par un jugement du 5 avril 2023, le tribunal a fixé le solde du marché conclu le 17 mai 2016 entre le centre hospitalier Sèvre et Loire et la société Pigeon TP Loire Anjou à la somme de 630,32 euros TTC au crédit de cette société, a condamné le centre hospitalier à verser à la société la somme de 630,32 euros TTC, avec intérêts au taux de 8,05% à compter du 20 mai 2020, et a rejeté le surplus des conclusions des parties. La société Pigeon TP Loire Anjou fait appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de ses conclusions.
Sur les demandes de rémunération de travaux supplémentaires :
S'agissant de la somme de 98 927,64 euros TTC correspondant aux travaux réalisés suivant l'ordre de service n° 1 :
2. Le titulaire d'un marché conclu à prix global et forfaitaire peut obtenir une rémunération complémentaire lorsqu'il effectue des prestations non prévues au marché et commandées par ordre de service. Par ailleurs, le caractère global et forfaitaire du prix du marché ne fait pas obstacle à ce que l'entreprise cocontractante sollicite une indemnisation au titre de travaux supplémentaires effectués, même sans ordre de service, dès lors que ces travaux étaient indispensables à la réalisation de l'ouvrage dans les règles de l'art. La charge définitive de l'indemnisation incombe, en principe, au maître de l'ouvrage. Dans ce cadre, l'entreprise peut également solliciter l'indemnisation des travaux supplémentaires utiles à la personne publique contractante lorsqu'ils sont réalisés à sa demande. Toutefois, le maître d'ouvrage est fondé, en cas de faute du maître d'œuvre, à l'appeler en garantie, sans qu'y fasse obstacle la réception de l'ouvrage. Il en va ainsi lorsque la nécessité de procéder à ces travaux n'est apparue que postérieurement à la passation du marché, en raison d'une mauvaise évaluation initiale par le maître d'œuvre, et qu'il établit qu'il aurait renoncé à son projet de construction ou modifié celui-ci s'il en avait été avisé en temps utile. Il en va de même lorsque, en raison d'une faute du maître d'œuvre dans la conception de l'ouvrage ou dans le suivi de travaux, le montant de l'ensemble des travaux qui ont été indispensables à la réalisation de l'ouvrage dans les règles de l'art est supérieur au coût qui aurait dû être celui de l'ouvrage si le maître d'œuvre n'avait commis aucune faute, à hauteur de la différence entre ces deux montants.
3. Par ordre de service n° 1 du 29 mars 2018, le maître d'œuvre a demandé à la société Pigeon TP Loire Anjou de procéder notamment à la reprise de la couche de forme des voiries internes. Par courrier du 10 avril 2018, la société requérante a formulé des réserves sur ce point en faisant valoir que cette couche de forme avait été endommagée au cours des travaux de construction des bâtiments par les entreprises responsables du gros œuvre. La société Pigeon TP Loire Anjou demande la réintégration de la somme de 98 927,64 euros TTC au titre des surcoûts qu'elle estime avoir supportés du fait de la réalisation des travaux, selon elle supplémentaires, de reprise des travaux de terrassement après intervention du gros œuvre.
4. En premier lieu, aux termes de l'article 43 du CCAG Travaux : " Mise à disposition de certains ouvrages ou parties d'ouvrages 43.1. Le présent article s'applique lorsque le marché, ou un ordre de service, prescrit au titulaire de mettre, pendant une certaine période, certains ouvrages ou certaines parties d'ouvrages, non encore achevés, à la disposition du maître de l'ouvrage et sans que celui-ci en prenne possession, afin notamment de lui permettre d'exécuter, ou de faire exécuter par d'autres entrepreneurs, des travaux autres que ceux qui font l'objet du marché. (...) ". L'article 7.4 du cahier des clauses administratives particulières (CCAP) stipule : " mise à disposition de certains ouvrages ou parties d'ouvrages : sans objet ". Un phasage des travaux de voirie était prévu par le calendrier d'exécution du marché, avec, après la réalisation des travaux de terrassement et de la couche de forme des futures voiries, une interruption des travaux de terrassement - VRD pour permettre la construction des bâtiments puis la réalisation de la couche de fondation/base de chaussée et le revêtement final sur la voirie couche de surface. Cependant, ce phasage des travaux de voirie ne peut être regardé comme une mise à disposition de la voirie par le maître de l'ouvrage pendant la réalisation du gros œuvre au sens de l'article 43 du CCAG Travaux, alors d'ailleurs que les plateformes de chantier étaient achevées avant le chantier et que les travaux de gros œuvre sont inclus dans un lot du même marché. Par conséquent, la société Pigeon TP Loire Anjou ne saurait utilement se prévaloir des stipulations de l'article 43 du CCAG Travaux et elle n'est pas fondée à soutenir que le maître de l'ouvrage a commis une faute en n'incluant pas le mécanisme prévu à l'article 43 lors de la rédaction des pièces du marché et en ne demandant pas au maître d'œuvre de dresser l'état des lieux prévu au 2 du même article 43.
5. En second lieu, l'article 1.13 du CCTP stipule que : " (...) Le lot TERRASSEMENTS-VRD livre les plateformes générales de chantier au lot GROS-ŒUVRE qui réceptionne. (...) Le lot GROS-OEUVRE livre les plateformes générales de chantier aux lots TERRASSEMENTS - VRD qui réceptionnent. (...) Après réception citée précédemment, l'entreprise titulaire du lot TERRASSEMENTS VRD doit, à partir de ces plateformes : - Le maintien en état des plateformes générales de chantier pendant la durée du chantier, - La réalisation des couches de forme sous voiries définitives : • recharge de la couche de forme en matériaux sains sur 10 cm d'épaisseur minimum, de façon à obtenir une couche de forme sous voirie définitive d'épaisseur 55 cm, selon les prescriptions de l'étude géotechnique (...) ".
6. L'ordre de service n° 1 du 29 mars 2018 portait sur la " réalisation des couches de forme sous voirie, couches de fondation, couche de base et revêtements finaux ", afin d'obliger la société TP Pigeon Loire Anjou à reprendre les travaux qu'elle avait suspendus en décembre 2017. Si, le 17 novembre 2017, la société Pigeon TP Loire Anjou a constaté des plateformes de voirie dégradées après l'intervention des entreprises devant réaliser le gros œuvre et le second œuvre, il ressort notamment des photographies jointes au constat contradictoire du 9 avril 2018 que les dégradations mentionnées par la société requérante n'excèdent pas celles d'une piste utilisée par des engins de chantier au cours d'intempéries, alors qu'au vu de l'article 1.13 du CCTP, des travaux de recharge de la couche de forme devaient être réalisés par la société Pigeon TP Loire Anjou à l'issue de la réalisation du gros œuvre et du second œuvre. Au surplus, la maîtrise d'œuvre avait signalé à la société Pigeon TP Loire Anjou, par un courrier du 6 octobre 2017, qu'à la suite des travaux d'assainissement et de réseaux souples réalisés par cette dernière, les empierrements des voies de circulation, zones de retournement et de stockage avaient été détériorés sans remise en état, la société requérante n'ayant pas contesté ce point. Dans ces conditions, les travaux de reprise des plateformes réalisés par la société requérante après l'intervention des entreprises de gros œuvre, s'ils ont été prescrits par ordre de service, n'allaient pas au-delà des prestations qui incombaient contractuellement à la société requérante et ne peuvent être regardés comme des travaux supplémentaires. Par conséquent, la société requérante ne saurait utilement se prévaloir de l'article 14 du CCAG Travaux imposant au pouvoir adjudicateur de notifier un prix provisoire en cas de " prestations supplémentaires ".
7. Il résulte de ce qui précède que la société Pigeon TP Loire Anjou n'est pas fondée à demander la réintégration de la somme de 98 927,64 euros TTC à son crédit dans le solde du marché.
S'agissant de la somme de 34 776 euros TTC correspondant au travaux réalisés suivant l'ordre de service n° 2 :
8. Par ordre de service n° 2 du 14 juin 2018, le maître d'œuvre a ordonné à la société Pigeon TP Loire Anjou de réaliser la voirie lourde, concernant la cour logistique et son accès, en respectant les hypothèses de dimensionnement énoncées au CCTP pour la voirie lourde, à savoir un trafic T5, représentant jusqu'à 25 poids lourds par jour et par sens, une durée de service de 15 ans et un taux de croissance nul.
9. Aux termes de l'article 1.3 du CCTP, page 34 : " Dimensionnement des chaussées Les hypothèses à prendre en compte pour les voiries lourdes à l'intérieur de la parcelle sont les suivantes : - Trafic T5, - Durée de service : d = 15 ans, - Taux de croissance : 0%, - Poids lourds : charge utile supérieure à 5 tonnes (...) les altimétries finies des aménagements extérieurs devront satisfaire à la règlementation en vigueur, notamment celle concernant les PMR (cf. pentes à respecter, notamment pour les zones circulées et accessibles aux PMR). Les épaisseurs des chaussées sont données à titre indicatif. Il appartient à l'Entreprise de confirmer ces structures ou de définir ses propres dimensionnements suivant le " Manuel de conception des chaussées neuves à faible trafic " (SETRA/LCPC) ou le guide " Dimensionnement des structures de chaussées urbaines " (CERTU) et les recommandations de l'étude de sol, avant la signature du Marché. Avant mise en œuvre, les structures de l'ensemble des chaussées devront avoir été validées par le maître d'œuvre, le contrôleur technique et un géotechnicien. (...) ". Le CCTP prévoyait un trafic T5, soit un nombre de poids lourds d'1 à 25 unités par jour. La société Pigeon TP Loire Anjou n'avait pas joint à son offre un dimensionnement différent de celui indiqué dans le CCTP. Un sondage, réalisé à la demande de la maîtrise d'œuvre sur la couche de forme, a révélé que l'épaisseur n'était pas conforme aux indications du CCTP. La société Pigeon TP Loire Anjou a précisé, le 22 juin 2018, avoir pris, pour réaliser les travaux et déterminer l'épaisseur de la voirie lourde, une hypothèse de trafic de 5 poids lourds par jour, soit la moyenne géométrique de la classe concernée et non pas le haut de la classe, par référence à la norme NFP 98-086. Cependant, son offre ne mentionnait pas cette hypothèse de trafic de 5 poids lourds par jour et les documents du marché ne se référaient pas à la norme NFP 98-086. La société Pigeon TP Loire Anjou n'a fourni des notes de calcul intégrant une hypothèse de trafic de 5 poids lourds par jour qu'au printemps 2018 et le maître d'œuvre, par courriel du 7 juin 2018, lui a indiqué : " concernant le trafic T 5, 5 pl/j/sens/voie est insuffisant notamment pour la cour logistique. Rien ne dit que le nombre ne sera pas supérieur, un tel arbitrage de votre part sur le nombre est erroné ". La société requérante n'apporte aucun élément permettant d'établir que pour dimensionner la voirie lourde de la cour logistique, de classe T5, il y avait lieu de retenir la moyenne géométrique de 5 poids lourds par jour plutôt que la fourchette haute de 25 poids lourds par jour, d'ailleurs également mentionnée à l'annexe B de la norme NFP 98-086. Dans ces conditions, la société Pigeon TP Loire Anjou n'est pas fondée à soutenir que les travaux demandés, qui correspondent à la mise aux normes de la classe T5 mentionnée par le CCTP, excédaient ce qui était prévu par les stipulations applicables au marché litigieux. Pour les mêmes motifs, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que le maître de l'ouvrage aurait commis une faute dans la définition préalable de ses besoins et la préparation du marché.
10. Il résulte de ce qui précède que la société Pigeon TP Loire Anjou n'est pas fondée à demander la réintégration de la somme de 34 776 euros TTC à son crédit dans le solde du marché.
Sur les pénalités de retard dans la remise de documents :
11. En premier lieu, aux termes de l'article 4.3.8 du CCAP : " Les dossiers des ouvrages exécutés (DOE) seront remis par le titulaire à la Maîtrise d'œuvre pour la date de réception. Les pièces constitutives du DOE sont précisées dans l'annexe n° 2 du CCTP commun. / En toute hypothèse, ce dossier doit permettre au maître d'ouvrage d'exploiter, d'entretenir et de maintenir l'ouvrage. Tout retard constaté dans la remise des DOE ou tout dossier incomplet, inexploitable ou erroné fera l'objet d'une pénalité de 500 Euros par jour calendaire de retard. ". Il résulte de ces stipulations que les parties ont entendu rendre ces pénalités applicables par la seule échéance du terme de la prestation qu'elles visent. Par conséquent, aucune mise en demeure préalable n'était obligatoire. Enfin, les circonstances que le maître d'ouvrage n'a pas émis de réserve sur ce point dans le procès-verbal de réception, a ensuite levé la totalité des réserves et a réglé la totalité du prix forfaitaire intégrant la remise des DOE ne sauraient faire obstacle au bien-fondé des pénalités de retard contractuellement prévues.
12. En second lieu, aux termes de l'article 1.1.5 du CCTP : " Le Dossier des Ouvrages Exécutés (DOE) sera obligatoirement présenté comme suit et comprendra notamment les documents suivants : PARTIE 1 - Pièces graphiques : - plans et schémas/croquis/détails de récolement des aménagements et ouvrages extérieurs, réalisés et existants conservés, réalisés par un géomètre agréé (les indications topographiques des ouvrages seront rattachées au N.G.F.) : • revêtements de sols (localisation par type et coupes de principe de la composition des chaussées), • implantation des équipements (regards, éclairages, mobiliers,...), • plantations, • nivellement des espaces extérieurs (dont voiries et espaces plantés) dans l'emprise du projet et de ses abords, - plans et schémas/croquis/détails de récolement des réseaux et ouvrages extérieurs, réalisés et existants conservés, réalisés par un géomètre agréé, comportant le repérage triangulaire des ouvrages principaux, les longueurs, sections et natures des différentes canalisations, les profondeurs des réseaux et l'altitude des ouvrages (les indications topographiques des ouvrages seront rattachées au N.G.F.), PARTIE 2 - Carnet technique : - liste et notices/fiches techniques de tous les matériels et fournitures, faisant apparaître clairement les références exactes des produits/matériels mis en œuvre. Egalement attendus : localisation descriptive des fournitures, avis techniques et documents de certification du matériel, - toutes les notes techniques produites : schémas, notes de calcul, schémas des installations (notamment électriques pour éclairage, contrôle d'accès), - rapports des procédures et résultats des essais nécessaires avant mise en service du projet (dont ceux précisés dans le présent CCTP,) notamment pour les passages caméras dans les réseaux d'assainissement ; contrôles demandés par les concessionnaires/gestionnaires locaux ; procès-verbaux des organismes de contrôle divers ; certificats d'essais / attestations de mise en route d'installations des équipements ; certificats de conformité,... - toutes les fiches d'interface inter-lots et équipements/bâtiment établies pour le projet durant les études et les travaux. (...) ".
13. Si la société Pigeon TP Loire Anjou a remis son DOE le 12 avril 2019, il ressort d'un courrier du maître d'œuvre du 20 janvier 2020 que la classe de précision de récolement des réseaux devait être revue, que des altimétries étaient manquantes, que des incohérences existaient entre les plans et les ouvrages exécutés et que les certifications nécessaires étaient manquantes. Contrairement à ce que soutient la société requérante, il s'agit là de points figurant dans les obligations contractuelles mentionnées au point précédent. Les réserves n'ayant été levées que le 25 novembre 2019, la société Pigeon TP Loire Anjou avait à cette date 366 jours de retard dans la remise de ces documents. Dans ces conditions, le centre hospitalier était fondé à appliquer à la société requérante les pénalités litigieuses, qu'il a au demeurant limitées. Par conséquent, la société Pigeon TP Loire Anjou n'est pas fondée à demander la réintégration de la somme litigieuse à son crédit dans le solde du marché.
14. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les fins de non-recevoir opposées à la requête d'appel par le centre hospitalier, que la société Pigeon TP Loire Anjou n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté le surplus de sa demande.
Sur les frais liés au litige :
15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du centre hospitalier Sèvre et Loire, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la société Pigeon TP Loire Anjou demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à sa charge, la somme de 1 500 euros à verser au centre hospitalier Sèvre et Loire au titre des frais qu'il a exposés et non compris dans les dépens au titre de l'instance d'appel. Il y a également lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du centre hospitalier Sèvre et Loire la somme de 1 500 euros à verser à la société AIA Ingénierie Designers au titre des frais qu'elle a exposés et non compris dans les dépens au titre de l'instance d'appel.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la société Pigeon TP Loire Anjou est rejetée.
Article 2 : La société Pigeon TP Loire Anjou versera la somme de 1 500 euros au centre hospitalier Sèvre et Loire sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le centre hospitalier Sèvre et Loire versera la somme de 1 500 euros à la société AIA Ingenierie Designers sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Pigeon TP Loire Anjou, au centre hospitalier Sèvre et Loire et à la société AIA Ingenierie Designers.
Délibéré après l'audience du 24 septembre 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- M. Derlange, président assesseur,
- Mme Picquet, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 octobre 2024.
La rapporteure,
P. PICQUET
Le président,
L. LAINÉ
Le greffier,
C. WOLF
La République mande et ordonne au préfet de la Loire-Atlantique en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23NT01724