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25/10/2024 | FRANCE | N°23NT03574

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 4ème chambre, 25 octobre 2024, 23NT03574


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Caen de condamner le département de la Manche à lui verser la somme de 71 714,32 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 21 décembre 2021, en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de l'illégalité de la décision du 28 décembre 2016 lui retirant son agrément d'accueillant familial de personnes âgées ou handicapées.



Par un jugement n° 2102870 du 6 octobre 20

23, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Caen de condamner le département de la Manche à lui verser la somme de 71 714,32 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 21 décembre 2021, en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de l'illégalité de la décision du 28 décembre 2016 lui retirant son agrément d'accueillant familial de personnes âgées ou handicapées.

Par un jugement n° 2102870 du 6 octobre 2023, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 3 décembre 2023 et un mémoire enregistré le 24 septembre 2024 qui n'a pas été communiqué, Mme A..., représentée par Me Fourmont, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Caen du 6 octobre 2023 ;

2°) de faire droit à sa demande de première instance ;

3°) de mettre à la charge du département de la Manche une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'illégalité de la décision du 28 décembre 2016 lui retirant son agrément d'accueillant familial, annulée par le jugement du tribunal administratif de Caen du 3 mai 2019, devenu définitif, engage la responsabilité pour faute du département de la Manche ;

- elle doit obtenir la réparation du préjudice financier constitué par des pertes de revenus, pour deux personnes accueillies pendant trois ans, pour un montant de 66 714,32 euros ;

- elle est fondée à demander réparation d'un préjudice moral à hauteur de 5 000 euros.

Par un mémoire en défense, enregistré le 12 mars 2024, le département de la Manche, représenté par Me Labetoule, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de Mme A... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- à titre principal, la requête d'appel est irrecevable car non signée, ne comportant aucun moyen d'appel et tardive ;

- à titre subsidiaire, les moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés.

Vu :

- le code de l'action sociale et des familles ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Picquet,

- et les conclusions de Mme Rosemberg, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Par une décision du président du conseil départemental de la Manche du 26 avril 2013, Mme A... a été agréée en qualité d'accueillante familiale, afin d'accueillir à son domicile une personne âgée ou handicapée adulte à temps plein. Cet agrément a été étendu à l'accueil de deux personnes âgées ou handicapées à partir du 22 janvier 2015 pour une période de cinq ans renouvelable. Par une décision du 6 octobre 2016, à la suite de signalements portant sur une suspicion de maltraitance à l'encontre de personnes vulnérables qu'elle hébergeait, le président du conseil départemental a mis fin à cet agrément à compter du 29 septembre 2016. Sur recours gracieux formé par Mme A... le 2 novembre 2016, la collectivité a retiré cet arrêté. Le président du conseil départemental a repris un arrêté ayant le même objet le 28 décembre 2016. Par un jugement du 3 mai 2019, le tribunal administratif de Caen a annulé l'arrêté du 28 décembre 2016 pour vice de procédure. Par un arrêté du 14 janvier 2020, le président du conseil départemental a renouvelé l'agrément de Mme A... pour une période allant du 22 janvier

2020 au 21 janvier 2025. Mme A... a adressé au département de la Manche une réclamation indemnitaire préalable du 19 octobre 2021, qu'il a reçue le 21 octobre 2021 et à laquelle il n'a pas répondu. Elle a demandé au tribunal administratif de Caen que le département de la Manche soit condamné à lui verser la somme totale de 71 714,32 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis pendant la période de retrait de son agrément du fait de l'illégalité de la décision du 28 décembre 2016. Par un jugement du 6 octobre 2023, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande. Mme A... fait appel de ce jugement.

Sur les conclusions indemnitaires présentées par Mme A... :

2. Aux termes de l'article L. 441-1 du code de l'action sociale et des familles : " Pour accueillir habituellement à son domicile, à titre onéreux, des personnes âgées ou handicapées adultes n'appartenant pas à sa famille jusqu'au quatrième degré inclus (...), une personne ou un couple doit, au préalable, faire l'objet d'un agrément, renouvelable, par le président du conseil départemental de son département de résidence qui en instruit la demande. (...) / L'agrément ne peut être accordé que si les conditions d'accueil garantissent la continuité de celui-ci, la protection de la santé, la sécurité et le bien-être physique et moral des personnes accueillies, si les accueillants se sont engagés à suivre une formation initiale et continue et une initiation aux gestes de secourisme organisées par le président du conseil départemental et si un suivi social et médico-social des personnes accueillies peut être assuré. (...) ". Aux termes de l'article L. 441-2 du même code : " Le président du conseil départemental organise le contrôle des accueillants familiaux, de leurs remplaçants et le suivi social et médico-social des personnes accueillies. / Si les conditions mentionnées au troisième alinéa de l'article L. 441-1 cessent d'être remplies, il enjoint à l'accueillant familial d'y remédier dans un délai fixé par le décret mentionné au même article. S'il n'a pas été satisfait à cette injonction, l'agrément est retiré après avis de la commission consultative. (...) En cas d'urgence, l'agrément peut être retiré sans injonction préalable ni consultation de la commission précédemment mentionnée. ".

3. Lorsqu'un accueillant familial sollicite le versement d'une indemnité en réparation du préjudice subi du fait de l'illégalité d'un retrait d'agrément entaché d'un vice de procédure, il appartient au juge de rechercher, en forgeant sa conviction au vu de l'ensemble des pièces produites par les parties et, le cas échéant, en tenant compte du motif pour lequel le juge administratif a annulé cette décision, si la même décision aurait pu légalement être prise dans le cadre d'une procédure régulière. Si tel est le cas, le préjudice allégué ne peut alors être regardé comme trouvant sa cause directe dans le vice de procédure entachant la décision administrative illégale.

4. Pour procéder au retrait de l'agrément dont Mme A... bénéficiait, le président du conseil départemental de la Manche a considéré que celle-ci ne garantissait pas, contrairement aux exigences posées par les dispositions de l'article L. 441-1 du code de l'action sociale et des familles, le bien-être, la santé et la sécurité des personnes accueillies. Il s'est fondé, notamment, sur les propos virulents tenus par l'intéressée envers la référente " autonomie handicap " du territoire de solidarité du Mortainais, sur les témoignages des personnes accueillies faisant état de mauvais traitements à leur égard ou encore sur le signalement effectué par l'association tutélaire des majeurs protégés auprès du procureur de la République et a estimé, eu égard à la gravité de ces faits, qu'il y avait lieu de procéder au retrait immédiat de l'agrément accordé. Pour annuler la décision du 28 décembre 2016 retirant à Mme A... son agrément en qualité d'accueillante familiale, le tribunal administratif de Caen a retenu, dans son jugement du 3 mai 2019, qu'en l'absence d'urgence, Mme A... n'ayant plus de personnes accueillies à son domicile, le département de la Manche n'avait pu régulièrement retirer l'agrément dont la requérante était titulaire, comme il l'a fait, sans avis préalable de la commission consultative de retrait.

5. Il résulte de l'instruction, en particulier des témoignages de personnes antérieurement accueillies chez Mme A... de 2013 à 2016 faisant état de violences physiques et de mauvais traitements, tels que coups sur les bras, coups de pied, douche à l'eau froide, repas insuffisants, que les conditions d'accueil de cette dernière ne garantissaient pas le bien-être physique et moral des personnes accueillies. Mme A..., en se bornant à soutenir que la plainte ayant donné lieu à la décision de retrait était anonyme, n'établit pas que ces motifs reposeraient sur des faits matériellement inexacts ou seraient entachés d'une erreur d'appréciation. Par suite, il résulte de l'instruction que la même décision de retrait d'agrément aurait été prise dans le cadre d'une procédure régulière. Ainsi, les préjudices qu'aurait subis la requérante du fait de l'illégalité de la décision de retrait de son agrément d'accueillante familiale ne peuvent être regardés comme la conséquence du vice dont cette décision était entachée et Mme A... n'est donc pas fondée à en demander réparation. Au surplus, les préjudices allégués ne sont pas établis, Mme A... ne démontrant, ni même ne soutenant, avoir dû mettre fin à l'accueil d'une personne âgée ou handicapée ou refusé d'en accueillir une nouvelle et ne démontrant pas davantage avoir subi un préjudice moral.

6. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les fins de non-recevoir opposées en appel par le département de la Manche, que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande indemnitaire.

Sur les frais liés au litige :

7. Le département de la Manche n'étant pas la partie perdante dans la présente instance, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à sa charge la somme demandée à ce titre par Mme A.... En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme A... la somme de 1 500 euros au bénéfice du département de la Manche, en application de ces dispositions.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Mme A... versera au département de la Manche une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au président du conseil départemental de la Manche.

Délibéré après l'audience du 8 octobre 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- M. Derlange, président assesseur,

- Mme Picquet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 octobre 2024.

La rapporteure,

P. PICQUET

Le président,

L. LAINÉ

La greffière,

A. MARTIN

La République mande et ordonne au préfet de la Manche en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 23NT03574


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NT03574
Date de la décision : 25/10/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. LAINÉ
Rapporteur ?: Mme Pénélope PICQUET
Rapporteur public ?: Mme ROSEMBERG
Avocat(s) : FOURMONT JEAN-PAUL

Origine de la décision
Date de l'import : 03/11/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-10-25;23nt03574 ?
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