Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Derlange, président assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., ressortissante géorgienne, née le 4 mai 1992, est entrée en France, sans visa, selon ses déclarations, en décembre 2019, pour y demander l'asile. Mme B... a demandé un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en raison de l'état de santé de ses deux enfants. Par un arrêté du 30 septembre 2022, le préfet du Calvados a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Mme B... fait appel du jugement du 15 septembre 2023 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Les parents étrangers de l'étranger mineur qui remplit les conditions prévues à l'article L. 425-9, ou l'étranger titulaire d'un jugement lui ayant conféré l'exercice de l'autorité parentale sur ce mineur, se voient délivrer, sous réserve qu'ils justifient résider habituellement en France avec lui et subvenir à son entretien et à son éducation, une autorisation provisoire de séjour d'une durée maximale de six mois. (...) Elle est délivrée par l'autorité administrative, après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans les conditions prévues à l'article L. 425-9. ". Aux termes de l'article L. 425-9 du même code : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat ". Aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans leur rédaction applicable à la date de l'arrêté contesté : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : (...) 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ".
3. Lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans le pays dont l'étranger est originaire et que si ce dernier y a effectivement accès. Toutefois, la partie qui justifie de l'avis d'un collège des médecins de l'OFII qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié et effectivement accessible dans le pays de renvoi. Pour déterminer si un étranger peut bénéficier effectivement dans le pays dont il est originaire d'un traitement médical approprié, au sens de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il convient de s'assurer, eu égard à la pathologie de l'intéressé, de l'existence d'un traitement approprié et de sa disponibilité dans des conditions permettant d'y avoir accès, et non de rechercher si les soins dans le pays d'origine sont équivalents à ceux offerts en France ou en Europe.
4. Le collège des médecins de l'OFII a estimé, dans ses avis du 5 avril 2023 sur lesquels le préfet du Calvados s'est fondé, que si l'état de santé de chacune des enfants de la requérante nécessite une prise en charge médicale, son défaut ne devrait pas entraîner de conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'il leur était possible de voyager sans risque vers leur pays d'origine. Les certificats médicaux en dates des 14 et 23 mars 2023 et 26 juin 2023, produits par Mme B..., font état de la gravité du handicap et des déficiences de ses enfants, de la nécessité d'une prise en charge médicale appropriée mais pas du fait qu'un défaut d'une telle prise en charge devrait entraîner de conséquences d'une exceptionnelle gravité. Le certificat du 6 juillet 2023 qu'elle produit également, qui indique que l'état de santé des deux enfants justifie des soins et suivis pluridisciplinaires et qu'en l'absence de soins leur état de santé se dégraderait plus vite avec un risque vital en jeu, compte tenu de son caractère imprécis et isolé ne suffit pas pour remettre en cause l'avis du collège des médecins de l'OFII du 5 avril 2023. Par suite, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que le préfet du Calvados aurait méconnu les dispositions de l'article L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni en tout état de cause celles du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
6. Au regard de ce qui a été dit au point 4, le moyen tiré de ce que l'arrêté contesté méconnaitrait les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en raison de l'impossibilité pour les enfants de Mme B... d'accéder en Géorgie aux soins que leur état de santé nécessite, doit être écarté.
7. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale ".
8. Eu égard de ce qui a été dit au point 4, en se bornant à soutenir qu'en cas d'exécution de la mesure d'éloignement, ses enfants n'auront pas accès aux soins spécifiques pour leur handicap, Mme B... n'apporte aucun élément probant pour établir que le préfet du Calvados aurait porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale. Il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme B... ne pourrait pas rentrer en Géorgie avec son époux et leurs enfants alors que leurs demandes d'asile ont été rejetées par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) le 24 février 2020 et par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 17 juillet 2020 et que ses parents, son frère et sa sœur résident dans ce pays, dans lequel elle a vécu jusqu'à l'âge de vingt-sept ans. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
12. En quatrième et dernier lieu, aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ".
13. Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Elles sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation.
14. Compte tenu de ce qui a été dit aux points 4 et 8, la seule circonstance avancée qu'en cas d'exécution de la mesure d'éloignement litigieuse, les enfants de Mme B... n'auront pas accès aux soins pluridisciplinaires spécifiques pour leur handicap ne suffit pas à caractériser une atteinte suffisamment grave à l'intérêt supérieur de ces enfants relevant d'une méconnaissance des stipulations précitées du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
15. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 30 septembre 2022 par lequel le préfet du Calvados lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
16. Le présent arrêt, qui rejette la requête de Mme B..., n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions de la requérante aux fins d'injonction doivent être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
17. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que Mme B... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B..., à Me Bara Carré et au ministre de l'intérieur.
Une copie en sera transmise, pour information, au préfet du Calvados.
Délibéré après l'audience du 8 octobre 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- M. Derlange, président assesseur,
- Mme Picquet, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 octobre 2024.
Le rapporteur,
S. DERLANGE
Le président,
L. LAINÉ
La greffière,
A. MARTIN
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 24NT00521