Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Le préfet du Calvados a déféré M. B... A... devant le tribunal administratif de Caen, en application de l'article L. 774-2 du code de justice administrative, comme prévenu d'une contravention de grande voirie et lui a demandé, d'une part, de le condamner au paiement de l'amende maximale prévue par les articles L. 2132-26 du code général de la propriété des personnes publiques et 131-13 du code pénal, en raison de l'atteinte à l'intégrité du domaine public maritime, et, d'autre part, de lui enjoindre de remettre en état ce dernier dans un délai de deux mois, ou à défaut, d'autoriser l'administration à y procéder d'office.
Par un jugement n° 2200025 du 4 avril 2023, le président du tribunal administratif de Caen a condamné M. A... à payer une amende de 1 000 euros, lui a enjoint de procéder à la plantation de végétaux équivalents à ceux supprimés sur la partie de la plage de Blonville-sur-Mer sur laquelle il a procédé à des extractions de sable dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement et a autorisé l'administration, passé ce délai, à exécuter d'office cette remise en état, avec le concours de la force publique si nécessaire, aux frais exclusifs de M. A....
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 5 mai 2023, M. A... demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Caen du 4 avril 2023 ;
2°) de le relaxer des fins de la poursuite.
Il soutient que :
- aucune extraction de sable sur le domaine public maritime ne peut lui être reprochée, dès lors qu'il s'est borné à repousser le sable qui envahissait sa propriété ;
- l'action de l'Etat est prescrite, dès lors que les faits constatés par la préfecture datent de septembre 2021 et qu'il a repoussé le sable envahissant sa propriété pour la dernière fois en mai 2020.
Par un mémoire en défense enregistré le 14 février 2024 le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens invoqués par M. A... sont infondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code pénal ;
- le code de procédure pénale ;
- le code général de la propriété des personnes publiques ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Chabernaud,
- et les conclusions de Mme Rosemberg, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. Par un procès-verbal de contravention de grande voirie dressé le 2 décembre 2021 et notifié le 4 décembre suivant, les services de l'Etat ont constaté que M. A... avait procédé irrégulièrement à des évacuations de sable et du désherbage sur la plage de Blonville-sur-Mer au droit de sa propriété. Le préfet du Calvados a ainsi déféré l'intéressé devant le tribunal administratif de Caen, en application de l'article L. 774-2 du code de justice administrative, comme prévenu d'une contravention de grande voirie et lui a demandé, d'une part, de le condamner au paiement de l'amende maximale prévue par les articles L. 2132-26 du code général de la propriété des personnes publiques et 131-13 du code pénal, en raison de l'occupation illégale et de l'atteinte à l'intégrité du domaine public maritime, et, d'autre part, de lui enjoindre de remettre en état ce dernier dans un délai de deux mois, ou à défaut, d'autoriser l'administration à y procéder d'office. Par un jugement du 4 avril 2023, le président du tribunal administratif de Caen a condamné M. A... à payer une amende de 1 000 euros, lui a enjoint de procéder à la plantation de végétaux équivalents à ceux supprimés sur la partie de la plage de Blonville-sur-Mer sur laquelle il a procédé à des extractions de sable dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement et a autorisé l'administration, passé ce délai, à exécuter d'office cette remise en état, avec le concours de la force publique si nécessaire, aux frais exclusifs de M. A.... Ce dernier fait appel de ce jugement.
Sur la prescription de l'action publique :
2. En vertu de l'article 9 du code de procédure pénale, l'action publique tendant à la répression des contraventions se prescrit par une année révolue à compter du jour où l'infraction a été commise. La prescription d'infractions continues ne court qu'à partir du jour où elles ont pris fin. En vertu de l'article 9-2 du même code, peuvent seules être regardées comme des actes d'instruction ou de poursuite de nature à interrompre la prescription en matière de contraventions de grande voirie, outre les jugements rendus par les juridictions et les mesures d'instruction prises par ces dernières, les mesures qui ont pour objet soit de constater régulièrement l'infraction, d'en connaître ou d'en découvrir les auteurs, soit de contribuer à la saisine du tribunal administratif ou à l'exercice par le ministre de sa faculté de faire appel ou de se pourvoir en cassation. Ces actes d'instruction ou de poursuites interrompent la prescription à l'égard de tous les auteurs, y compris ceux qu'ils ne visent pas.
3. M. A... soutient que les faits qui lui sont reprochés ont été constatés par les services de la préfecture le 28 septembre 2021 alors qu'il a repoussé pour la dernière fois le sable de sa propriété en mai 2020, soit plus d'un an auparavant, si bien que l'action de l'Etat à son encontre serait prescrite. Il résulte toutefois de l'instruction, en particulier des documents photographiques annexés au procès-verbal du 2 décembre 2021 établi par des agents assermentés des services préfectoraux, constatant les opérations irrégulières de déplacement de sable et de désherbage en litige, que la zone de la plage incriminée qui se situe devant la propriété de M. A... était dépourvue, au 28 septembre 2021, de toute végétation, contrairement aux zones contiguës, ce qui est de nature à établir que l'atteinte portée au domaine public maritime était ainsi récente à cette date et remontait à moins d'un an. L'intéressé n'apporte quant à lui aucun élément sérieux tendant à caractériser la prescription de l'action publique, la circonstance qu'un niveau important de sable se soit accumulé au niveau du muret séparant sa maison d'habitation de la plage n'étant pas suffisamment probante. Par suite, le moyen tiré de la prescription de l'action publique doit être écarté.
Sur la matérialité de l'infraction :
4. Aux termes de l'article L. 2122-1 du code général de la propriété des personnes publiques : " Nul ne peut, sans disposer d'un titre l'y habilitant, occuper une dépendance du domaine public d'une personne publique mentionnée à l'article L. 1 ou l'utiliser dans des limites dépassant le droit d'usage qui appartient à tous. (...). ". Aux termes de l'article L. 2132-2 du même code : " Les contraventions de grande voirie sont instituées par la loi ou par décret, selon le montant de l'amende encourue, en vue de la répression des manquements aux textes qui ont pour objet, pour les dépendances du domaine public n'appartenant pas à la voirie routière, la protection soit de l'intégrité ou de l'utilisation de ce domaine public, soit d'une servitude administrative mentionnée à l'article L. 2131-1. / Elles sont constatées, poursuivies et réprimées par voie administrative. ". Aux termes de l'article L. 2132-3 de ce code : " Nul ne peut bâtir sur le domaine public maritime ou y réaliser quelque aménagement ou quelque ouvrage que ce soit sous peine de leur démolition, de confiscation des matériaux et d'amende. / Nul ne peut en outre, sur ce domaine, procéder à des dépôts ou à des extractions, ni se livrer à des dégradations. ". Aux termes de l'article L. 2132-26 du même code : " Sous réserve des textes spéciaux édictant des amendes d'un montant plus élevé, l'amende prononcée pour les contraventions de grande voirie ne peut excéder le montant prévu par le 5° de l'article 131-13 du code pénal. (...). ". Aux termes de l'article 131-13 du code pénal : " (...) Le montant de l'amende est le suivant : (...) / 5° 1 500 euros au plus pour les contraventions de la cinquième classe ; (...). ". Ces dispositions définissent les infractions au domaine public maritime dont la constatation justifie que les autorités chargées de la conservation de ce domaine engagent, après avoir cité le contrevenant à comparaître, des poursuites conformément à la procédure de contravention de grande voirie prévue par les articles L. 774-1 à L. 774-13 du code de justice administrative. Dans le cadre de cette procédure, le contrevenant peut être condamné par le juge, au titre de l'action publique, à une sanction pénale consistant en une amende ainsi que, au titre de l'action domaniale et à la demande de l'administration, à remettre lui-même les lieux en état. Lorsqu'il retient la qualification de contravention de grande voirie s'agissant des faits qui lui sont soumis, le juge est tenu d'infliger une amende au contrevenant.
5. Il résulte de l'instruction, en particulier du procès-verbal précité du 2 décembre 2021, que des travaux de désherbage et d'évacuation de sable affectant le cordon dunaire naturel de la plage de Blonville-sur-Mer, qui constitue une dépendance du domaine public maritime, ont été effectués par M. A..., sans autorisation de l'Etat, sur une superficie de 161 m² devant sa propriété afin d'aménager au profit de cette dernière un espace de sable fin. Ces faits ont été constatés par des agents assermentés de l'Etat, dont les constatations font foi jusqu'à preuve du contraire. L'appelant se borne quant à lui à alléguer qu'il n'a procédé à aucune extraction de sable et qu'il a seulement repoussé ce dernier de quelques mètres afin d'éviter qu'il s'accumule devant sa maison. Dans ces conditions, il ne conteste pas sérieusement la matérialité des faits qui lui sont reprochés, lesquels constituent une atteinte à l'intégrité du domaine public maritime et une dégradation de celui-ci au sens des articles L. 2132-2 et L. 2132-3 précités du code général de la propriété des personnes publiques justifiant, par suite, le prononcé d'une contravention de grande voirie à son encontre.
6. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le président du tribunal administratif de Caen l'a condamné à payer une amende de 1000 euros.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et à la ministre de la transition écologique, de l'énergie, du climat et de la prévention des risques.
Copie en sera adressée, pour information, au préfet du Calvados.
Délibéré après l'audience du 22 octobre 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- M. Derlange, président-assesseur,
- M. Chabernaud, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 novembre 2024.
Le rapporteur,
B. CHABERNAUDLe président,
L. LAINÉ
Le greffier,
C. WOLF
La République mande et ordonne à la ministre de la transition écologique, de l'énergie, du climat et de la prévention des risques en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23NT01307