Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Rennes de condamner la commune de Penvénan à lui verser la somme de 108 328,36 euros en réparation du préjudice résultant de l'implantation, à proximité de sa maison d'habitation, du " club de plage des dunes ".
Par un jugement n° 2005516 du 13 avril 2023, le tribunal administratif de Rennes a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 13 juin 2023 et 5 janvier 2024, M. A..., représenté par Me Orier demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 13 avril 2023 du tribunal administratif de Rennes ;
2°) de condamner la commune de Penvénan à lui verser la somme de 108 000 euros en réparation de ses préjudices ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Penvénan une somme de 2 650,85 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la responsabilité sans faute de la commune de Penvénan pour rupture d'égalité devant les charges publiques doit être engagée en raison du préjudice anormal et spécial subi du fait des nuisances notamment sonores générées par le club de plage ;
- la responsabilité pour faute de la commune de Penvénan doit être engagée du fait de l'absence d'intervention du maire pour mettre fin aux nuisances subies et préserver la tranquillité publique ;
- la perte de valeur vénale de sa maison s'élève à 60 000 euros ;
- son préjudice d'agrément est de 25 000 euros pour la période 2020 à 2023 ;
- son préjudice financier s'élève à 18 000 euros du fait du refus de la commune de l'autoriser à planter une haie le long de son terrain ;
- son préjudice moral compte tenu des attaques subies sur les réseaux sociaux doit être évalué à 5 000 euros.
Par un mémoire en défense, enregistré le 6 décembre 2023, la commune de Penvénan, représentée par le cabinet Coudray, demande à la cour de rejeter la requête de M. A... et de mettre à sa charge une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens du requérant ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de la santé publique ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Derlange,
- les conclusions de Mme Rosemberg, rapporteure publique,
- et les observations de Me Ouattara, substituant Me Orier, pour M. A....
Considérant ce qui suit :
1. Par une décision du 1er juillet 2020, la commune de Penvénan (Côtes-d'Armor) a décidé d'ouvrir pour la saison estivale, du 6 juillet au 21 août 2020, son " club de plage des dunes ", accueillant les enfants âgés de 4 à 12 ans du lundi au vendredi, de 8h30 à 18 h, pour des jeux sportifs et des activités culturelles, sur un nouveau site dit C... ". La décision a été rendue publique sur son site internet et par une publication en parallèle sur les réseaux sociaux faite le 1er juillet 2020. Par courrier du 15 juillet 2020 adressé à la maire de la commune, M. A..., qui avait acquis, le 1er juillet 2020, une maison située sur une parcelle voisine du site d'implantation, a contesté l'installation du " club de plage des dunes ", en raison des nuisances sonores et visuelles que les activités de celui-ci occasionnent selon lui. Il a ensuite demandé au tribunal administratif de Rennes de condamner la commune de Penvénan à lui verser la somme de 108 328,36 euros en réparation des préjudices résultant de l'implantation, à proximité de sa maison d'habitation, du " club de plage des dunes ". Il fait appel du jugement du tribunal administratif de Rennes du 13 avril 2023 ayant rejeté sa demande.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne la responsabilité :
2. En premier lieu, d'une part, aux termes de l'article L. 2212-1 du code général des collectivités territoriales : " Le maire est chargé, sous le contrôle administratif du représentant de l'Etat dans le département, de la police municipale, de la police rurale et de l'exécution des actes de l'Etat qui y sont relatifs. ". Selon l'article L. 2212-2 du même code : " La police municipale a pour objet d'assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques. Elle comprend notamment : / (...) 2° Le soin de réprimer les atteintes à la tranquillité publique telles que les rixes et disputes accompagnées d'ameutement dans les rues, le tumulte excité dans les lieux d'assemblée publique, les attroupements, les bruits, les troubles de voisinage, les rassemblements nocturnes qui troublent le repos des habitants et tous actes de nature à compromettre la tranquillité publique (...). ".
3. Il appartient au maire, en vertu des dispositions précitées du code général des collectivités territoriales, de prendre les mesures appropriées pour empêcher ou faire cesser, sur le territoire de sa commune, les bruits excessifs de nature à troubler le repos et la tranquillité des habitants.
4. D'autre part, aux termes de l'article R. 1336-5 du code de la santé publique : " Aucun bruit particulier ne doit, par sa durée, sa répétition ou son intensité, porter atteinte à la tranquillité du voisinage ou à la santé de l'homme, dans un lieu public ou privé, qu'une personne en soit elle-même à l'origine ou que ce soit par l'intermédiaire d'une personne, d'une chose dont elle a la garde ou d'un animal placé sous sa responsabilité. ". Aux termes de l'article R. 1336-6 du même code : " Lorsque le bruit mentionné à l'article R. 1336-5 a pour origine (...) une activité sportive, culturelle ou de loisir, organisée de façon habituelle ou soumise à autorisation, l'atteinte à la tranquillité du voisinage ou à la santé de l'homme est caractérisée si l'émergence globale de ce bruit perçu par autrui, telle que définie à l'article R. 1336-7, est supérieure aux valeurs limites fixées au même article. / Lorsque le bruit mentionné à l'alinéa précédent, perçu à l'intérieur des pièces principales de tout logement d'habitation, fenêtres ouvertes ou fermées, est engendré par des équipements d'activités professionnelles, l'atteinte est également caractérisée si l'émergence spectrale de ce bruit, définie à l'article R. 1336-8, est supérieure aux valeurs limites fixées au même article. /Toutefois, l'émergence globale et, le cas échéant, l'émergence spectrale ne sont recherchées que lorsque le niveau de bruit ambiant mesuré, comportant le bruit particulier, est supérieur à 25 décibels pondérés A si la mesure est effectuée à l'intérieur des pièces principales d'un logement d'habitation, fenêtres ouvertes ou fermées, ou à 30 décibels pondérés A dans les autres cas. ". Aux termes de l'article R. 1336-7 de ce code : " L'émergence globale dans un lieu donné est définie par la différence entre le niveau de bruit ambiant, comportant le bruit particulier en cause, et le niveau du bruit résiduel constitué par l'ensemble des bruits habituels, extérieurs et intérieurs, correspondant à l'occupation normale des locaux et au fonctionnement habituel des équipements, en l'absence du bruit particulier en cause. / Les valeurs limites de l'émergence sont de 5 décibels pondérés A en période diurne (de 7 heures à 22 heures) et de 3 décibels pondérés A en période nocturne (de 22 heures à 7 heures), valeurs auxquelles s'ajoute un terme correctif en décibels pondérés A, fonction de la durée cumulée d'apparition du bruit particulier : 1° Six pour une durée inférieure ou égale à 1 minute, la durée de mesure du niveau de bruit ambiant étant étendue à 10 secondes lorsque la durée cumulée d'apparition du bruit particulier est inférieure à 10 secondes ; / 2° Cinq pour une durée supérieure à 1 minute et inférieure ou égale à 5 minutes ; / 3° Quatre pour une durée supérieure à 5 minutes et inférieure ou égale à 20 minutes ; / 4° Trois pour une durée supérieure à 20 minutes et inférieure ou égale à 2 heures ; / 5° Deux pour une durée supérieure à 2 heures et inférieure ou égale à 4 heures ; / 6° Un pour une durée supérieure à 4 heures et inférieure ou égale à 8 heures ; / 7° Zéro pour une durée supérieure à 8 heures. ". Enfin, aux termes de l'article R. 1336-8 de ce code : " L'émergence spectrale est définie par la différence entre le niveau de bruit ambiant dans une bande d'octave normalisée, comportant le bruit particulier en cause, et le niveau de bruit résiduel dans la même bande d'octave, constitué par l'ensemble des bruits habituels, extérieurs et intérieurs, correspondant à l'occupation normale des locaux mentionnés au deuxième alinéa de l'article R. 1336-6, en l'absence du bruit particulier en cause. /Les valeurs limites de l'émergence spectrale sont de 7 décibels dans les bandes d'octave normalisées centrées sur 125 Hz et 250 Hz et de 5 décibels dans les bandes d'octave normalisées centrées sur 500 Hz, 1 000 Hz, 2 000 Hz et 4 000 Hz. ".
5. Il ressort de l'expertise acoustique effectuée à la demande de la commune, le 14 août 2020, qu'une émergence globale de 15,7 dB(A) a été constatée à la suite d'une prise de son en extérieur sur le site occupé par le " club de plage des dunes ", en limite de la propriété de M. A.... Cette émergence globale est sensiblement supérieure aux valeurs limites fixées à l'article R. 1336-7 du code de la santé publique, quand bien même l'auteur de cette expertise en a relativisé la portée. Les expertises acoustiques réalisées, à la demande M. A..., les 16 août 2021 et 2 août 2022, dans des conditions de fonctionnement comparables du " club de plage des dunes " mais sur la base de prises de son réalisées sur sa propriété, en extérieur et en intérieur, corroborent le constat que ce fonctionnement est la source de nuisances sonores qui portent atteinte à la tranquillité du requérant.
6. Toutefois, il n'est pas établi que ces nuisances sonores atteignent un niveau manifestement insupportable et il résulte de l'instruction qu'elles ne se produisent, compte tenu de l'ouverture du " club de plage des dunes ", qu'une fois par an, pendant la saison estivale, en dehors des week-ends, en journée et avec des interruptions compte tenu du fait que certaines activités (repas, cuisine, art...) sont relativement plus silencieuses que les autres ou sont exercées en dehors du site (nage, escalade...). Un tel " club de plage " qui propose des activités sportives et culturelles aux mineurs en période extrascolaire présente un intérêt public. Avec un effectif maximal de 40 enfants, et généralement constaté de 15 enfants, comme cela ressort notamment d'un constat d'huissier du 11 août 2020, les bruits qu'il produit sont inhérents au fonctionnement d'un tel équipement. Dans ces conditions, il n'est pas établi que l'atteinte portée à la tranquillité publique serait telle qu'elle imposait à l'autorité de police d'interdire l'ouverture du " club de plage des dunes " sur le site C... et qu'aucune autre mesure ne serait possible.
7. Cependant, il ne résulte pas de l'instruction que la commune de Penvénan ait pris la moindre mesure pour atténuer les nuisances sonores subies par M. A..., telle qu'une réglementation de la musique amplifiée ou la réalisation d'un mur anti-bruit, alors que l'expertise acoustique qu'elle avait fait réaliser, comme celles produites par le requérant, permettaient de constater le dépassement des normes sonores en vigueur et donc l'atteinte à la tranquillité. Le requérant est donc fondé à soutenir que la commune a commis une faute en ne prescrivant ou en ne prenant aucune mesure de nature à atténuer les nuisances sonores subies dans sa propriété immédiatement voisine du " club de plage ".
8. En second lieu, il ne résulte pas de l'instruction que les nuisances visuelles et autres causées par le fonctionnement d'un tel " club de plage " seraient excessives, eu égard en particulier au fait qu'il se situe dans une zone classée UEL au plan local d'urbanisme de Penvénan destinée à recevoir les activités de sport, de loisirs, d'hébergement de loisirs et d'équipements collectifs publics ou privés. M. A... n'est donc pas fondé à soutenir que la commune de Penvénan, en tant que gestionnaire du " club de plage des dunes " aurait dû procéder à des aménagements sur ce point ou le relocaliser pour ce motif.
En ce qui concerne les préjudices :
9. En premier lieu, si M. A... demande à être indemnisé à hauteur de 60 000 euros de la baisse de valeur vénale de sa maison, il ne résulte aucunement de l'instruction qu'il aurait manifesté l'intention de vendre son bien. Dans ces conditions, ce chef de préjudice ne présente pas un caractère actuel et certain. En outre, il apparaît dénué de lien direct et certain avec la seule faute commise par la commune en refusant, jusqu'à ce jour, de prendre des mesures pour atténuer les nuisances qu'il subit. M. A... n'est donc pas fondé à en demander l'indemnisation, ni celle du coût de l'expertise immobilière qu'il a fait réaliser pour établir le préjudice allégué.
10. En deuxième lieu, en raison de l'abstention de la maire de Penvénan dans l'utilisation de ses pouvoirs de police, M. A... doit être regardé comme ayant subi des nuisances pendant les périodes estivales de 2020 à 2023 du fait du fonctionnement du " club de plage des dunes " qui ont été plus importantes que si la commune avait agi. Il sera fait une juste appréciation du préjudice d'agrément subi par M. A... du fait de cette inaction en lui allouant la somme de 6 000 euros à ce titre.
11. En troisième lieu, M. A... n'établit pas que la somme de 11 033,50 euros exposée pour la plantation d'une haie arborée soit en lien direct et certain avec la faute commise par la commune en refusant jusqu'à ce jour de prendre des mesures pour atténuer les nuisances qu'il subit.
12. En quatrième lieu, il ne résulte pas de l'instruction que les attaques subies par M. A... sur les réseaux sociaux ou la visite de gendarmes à son domicile aient un lien direct et certain avec la faute commise par la commune de Penvénan. A supposer même qu'elles soient le fait de membres de l'équipe municipale, le préjudice en résultant le cas échéant pour M. A... résulterait en tout état de cause d'un litige distinct de celui l'opposant à la commune même.
13. En cinquième et dernier lieu, il résulte de l'instruction que les expertises acoustiques des 16 août 2021 et 2 août 2022 et le constat d'huissier du 11 août 2020 mentionnés précédemment et produits par M. A... ont été utiles pour établir les nuisances sonores en litige et la responsabilité de la commune de Penvénan. Par suite, M. A... est fondé à demander l'indemnisation des frais correspondants, pour la somme totale de 5 494,86 euros.
14. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... est seulement fondé à soutenir qu'il a droit à une indemnisation à hauteur d'un total de 11 494,86 euros au titre de la responsabilité pour faute de la commune. C'est dès lors à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que M. A..., qui n'a pas la qualité de partie perdante, verse à la commune de Penvénan la somme que celle-ci réclame au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
16. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Penvénan une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. A... et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Rennes du 13 avril 2023 est annulé.
Article 2 : La commune de Penvénan est condamnée à verser la somme de 11 494,86 euros à M. A..., en réparation de ses préjudices.
Article 3 : La commune de Penvénan versera une somme de 1 500 euros à M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et à la commune de Penvénan.
Délibéré après l'audience du 22 octobre 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- M. Derlange, président assesseur,
- Mme Picquet, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 novembre 2024.
Le rapporteur,
S. DERLANGE
Le président,
L. LAINÉ
Le greffier,
C. WOLF
La République mande et ordonne au préfet des Côtes-d'Armor en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23NT01740