Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société par actions simplifiée (SAS) " Maritimement Vôtre " a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision implicite de rejet née du silence de l'Agence de services et de paiement (ASP) sur sa demande du 10 janvier 2023 tendant à l'effacement de sa dette d'aide à l'embauche d'une salariée par contrat unique d'insertion d'un montant de 1 476,65 euros.
Par une ordonnance N°2300749 du 7 juin 2023, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 3 aout 2023 et le 27 aout 2024, A... ", représentée par Me Launay, demande à la cour :
1°) d'annuler l'ordonnance du 7 juin 2023 du tribunal administratif de Rennes ;
2°) d'annuler la décision du 12 décembre 2022 par laquelle l'ASP a mis à sa charge la somme de 3 382 euros, ainsi que la décision implicite de rejet de l'ASP sur sa demande du 10 janvier 2023 tendant à l'effacement de sa dette d'aide à l'embauche d'une salariée par contrat unique d'insertion d'un montant de 1 476,65 euros ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le tribunal a méconnu les dispositions de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, en ce qu'elle n'a jamais été avertie de ce que sa requête était, en l'état, irrecevable pour défaut de preuve du bien-fondé de sa demande et qu'elle n'a jamais été amenée à compléter sa requête dans un délai déterminé ;
- elle justifie que l'ASP a bien mis à sa charge les sommes litigieuses et c'est à tort que le tribunal a estimé qu'en l'absence de production d'un justificatif bancaire ou comptable tendant à établir qu'elle avait bien reçu les sommes que l'administration prétend lui avoir versées, sa demande n'était manifestement pas assortie des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé ;
- elle justifie de l'absence des virements à l'origine du titre exécutoire contesté et de la présence de la salariée concernée au poste pour lequel elle a été embauchée, sur les mois de décembre 2021 à avril 2022.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 30 octobre 2023 et le 18 octobre 2024, l'Agence de services et de paiement, en la personne de son président directeur général, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de A... " sur le fondement de l'article L 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que la requête est irrecevable, faute de qualité à agir du représentant légal de A... " et que les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail ;
- la loi n° 2008-1249 du 1er septembre 2008 ;
- le décret n° 2009-1442 du 25 novembre 2009 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Pons,
- et les conclusions de Mme Bailleul, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. A... " a embauché une salariée à la fin de l'année 2021, dans le cadre d'un contrat unique d'insertion, permettant le bénéfice d'une aide publique au titre des aides à l'emploi. Elle a bénéficié des aides financières versées mensuellement par avance par l'Agence de services et de paiement (ASP). Un titre exécutoire a été émis à l'encontre de la société requérante le 9 décembre 2022 pour un montant de 3 382 euros et lui a été notifié par un courrier du 12 décembre 2022. Par courrier, A... " a sollicité l'ASP pour obtenir l'effacement de sa dette d'aide à l'embauche de la salariée concernée, pour un montant de 1 476.65 euros. Cette demande à fait l'objet d'une décision implicite de rejet. La société requérante a alors demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler cette décision implicite de rejet. Par une ordonnance du 7 juin 2023, le président de la 1ère chambre du tribunal a rejeté sa demande. A... " relève appel de cette ordonnance.
Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :
2. Aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " (...) les présidents de formation de jugement des tribunaux (...) peuvent, par ordonnance : (...) / 7° Rejeter, après l'expiration du délai de recours ou, lorsqu'un mémoire complémentaire a été annoncé, après la production de ce mémoire, les requêtes ne comportant que des moyens de légalité externe manifestement infondés, des moyens irrecevables, des moyens inopérants ou des moyens qui ne sont assortis que de faits manifestement insusceptibles de venir à leur soutien ou ne sont manifestement pas assortis des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé. (...) ". Ces dispositions permettent le rejet par ordonnance, après l'expiration du délai de recours ou, lorsqu'un mémoire complémentaire a été annoncé après la production de ce mémoire, des requêtes qui, bien qu'assorties, avant l'expiration du délai de recours, d'un ou plusieurs moyens, ne peuvent qu'être rejetées, dès lors qu'il est manifeste qu'aucun des moyens qu'elles comportent n'est assorti des précisions permettant au juge d'en apprécier le bien-fondé.
3. En l'espèce, le président de la 1ère chambre du tribunal administratif de Rennes a estimé qu'en l'absence de production d'un quelconque justificatif bancaire ou comptable, le moyen soulevé par la société requérante, selon lequel elle n'avait jamais perçu les sommes dont le remboursement lui était demandé, n'était manifestement pas assorti des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé. Toutefois, A... " a produit à l'appui de sa demande le document détaillant l'objet du reversement sollicité, précisant le montant des sommes réclamées, ainsi que les dates auxquelles l'administration prétend les avoir versées. En outre, dans son mémoire en défense enregistré le 27 mars 2023, visé par l'ordonnance litigieuse, l'ASP a produit la preuve des versements effectués ayant donné lieu à l'émission du titre de recettes contesté. Par suite, c'est à tort que le président de la 1ère chambre du tribunal administratif de Rennes a estimé que le moyen soulevé par la société requérante n'était manifestement pas assorti des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé. Cette ordonnance doit dès lors être annulée. Il y a lieu pour la cour de statuer immédiatement par la voie de l'évocation sur la demande de A... ".
Sur les fins de non-recevoir soulevées par l'Agence de services et de paiement :
4. En premier lieu, A... " produit ses statuts, qui précisent que le président de la société la représente à l'égard des tiers et qu'à ce titre, il est investi de tous les pouvoirs nécessaires " pour agir en toute circonstance au nom de la société, dans la limite de l'objet social et des pouvoirs expressément dévolus par les dispositions légales et les présents statuts aux décisions collectives des associés ". Par suite, le président directeur général justifie de sa qualité à agir au nom de A... " et la fin de non-recevoir de l'ASP doit être rejetée.
5. En deuxième lieu, la demande de A... " satisfait aux exigences de l'article R. 411-1 du code de justice administrative. Par suite, la fin de non-recevoir de l'ASP soulevée sur ce fondement doit être rejetée.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
6. D'une part, aux termes de l'article L. 5134-65 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige : " Le contrat initiative-emploi a pour objet de faciliter l'insertion professionnelle des personnes sans emploi rencontrant des difficultés sociales et professionnelles d'accès à l'emploi. À cette fin, il comporte des actions d'accompagnement professionnel. Les actions de formation nécessaires à la réalisation du projet professionnel de la personne peuvent être mentionnées dans la convention ; elles sont menées dans le cadre défini à l'article L. 6312-1 ". Aux termes de l'article L. 5134-72 du même code : " La convention individuelle (...), conclue pour permettre une embauche en contrat initiative-emploi, ouvre droit à une aide financière. (...) ". Dans sa rédaction applicable au litige, issue du décret du 25 novembre 2009, l'article R. 5134-63 de ce code prévoit que : " L'aide mentionnée à l'article L. 5134-72 est versée mensuellement : /1° Par l'Agence de services et de paiement pour le compte de l'Etat ; (...) / L'employeur communique aux organismes mentionnés au 1° (...), tous les trois mois à compter de la date d'embauche, les justificatifs attestant de l'effectivité de l'activité du salarié ".
7. D'autre part, aux termes de l'article L. 5134-19-1 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige : " Le contrat unique d'insertion est constitué par : / 1° Une convention individuelle conclue dans les conditions mentionnées par les sous-sections 2 des sections 2 et 5 entre l'employeur, le bénéficiaire et : a) Soit, pour le compte de l'Etat, l'institution mentionnée à l'article L. 5312-1 ou, selon des modalités fixées par décret, un des organismes visés aux 1°, 3° et 4° de l'article L. 5311-4 ; b) Soit le président du conseil général lorsque cette convention concerne un bénéficiaire du revenu de solidarité active financé par le département ; 2° Un contrat de travail conclu entre l'employeur et le bénéficiaire de la convention individuelle, dans les conditions prévues par les sous-sections 3 des sections 2 et 5. Le contrat unique d'insertion ouvre droit à une aide financière dans les conditions prévues par les sous-sections 4 des sections 2 et 5. Le montant de cette aide résulte d'un taux, fixé par l'autorité administrative, appliqué au salaire minimum de croissance ". Aux termes de l'article L. 5134-19-3 du même code : " Le contrat unique d'insertion prend la forme : (...) 2° Pour les employeurs du secteur marchand mentionnés à l'article L. 5134-66, du contrat initiative-emploi défini par la section 5. ; (...) ".
8. Il ne résulte pas des dispositions précitées, ni d'aucune autre disposition législative ou réglementaire, que l'absence de communication ou la communication tardive à l'ASP des justificatifs attestant l'effectivité de l'activité du salarié employé en vertu d'un contrat initiative-emploi ou d'un contrat unique d'insertion ou de l'information de la rupture d'un contrat de travail puissent être sanctionnées par une obligation de reverser tout ou partie de l'aide reçue, dès lors que l'activité du salarié concerné est effective sur la période en cause.
9. L'ASP fait valoir que le versement de l'aide financière s'effectue par avance et qu'il convient pour l'employeur de saisir le suivi d'activité sur le site dédié et qu'en l'espèce, le suivi d'activité a été enregistré pour le mois de février 2022 et celui d'avril 2022 avec une rupture du contrat de travail au 4 avril 2022, mais que les suivis des mois de décembre 2021, janvier et mars 2022 n'ont pas été déclarés, générant un indu d'un montant de 3 382 euros faisant l'objet du titre de recettes litigieux. La société requérante justifie de la présence de la salariée concernée au poste pour lequel elle a été embauchée, sur les mois de décembre 2021 à avril 2022, période à laquelle son contrat a pris fin, ainsi qu'il ressort des bulletins de salaire produits sur la période s'étendant du mois de décembre 2021 au mois d'avril 2022. Toutefois, à hauteur de 1 476,65 euros, le titre exécutoire litigieux correspond aux aides perçues en avril et mai 2022, après le départ de l'entreprise de la salariée ouvrant le bénéfice de l'aide. Il résulte de l'instruction que la société a bien perçu ces aides qui n'étaient pas dues, dans la mesure où elle fait valoir que la salariée en cause a quitté l'entreprise le 4 avril 2022. Les conclusions à fin d'annulation de A... " ne sont donc pas fondées à hauteur de la somme de 1 476,65 euros.
10. En revanche, ainsi qu'il a été dit, A... " justifie, pour la période du 15 décembre 2021 au 4 avril 2022, de la réalité de l'emploi de la salariée concernée en contrat unique d'insertion. Dès lors que cette salariée a été en poste durant la période pour laquelle les versements contractuels sont intervenus au bénéfice de la société requérante, conformément à l'exécution du contrat aidé, l'ASP ne pouvait légalement émettre à l'encontre de A... " le titre de recette litigieux, à hauteur de la somme de 1 905,35 euros.
11. Il résulte de tout ce qui précède que A... " est uniquement fondée à demander l'annulation de la décision par laquelle l'ASP a mis à sa charge la somme de 1 905,35 euros, ainsi que la décision implicite de rejet de l'ASP sur sa demande tendant à l'effacement de sa dette d'aide à l'embauche d'une salariée par contrat unique d'insertion à hauteur de cette somme. Par voie de conséquence, elle doit être déchargée de l'obligation de payer la somme de 1 905,35 euros mise à sa charge par le titre de recette émis le 9 décembre 2022.
Sur les frais du litige :
12. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : L'ordonnance du 7 juin 2023 du tribunal administratif de Rennes est annulée.
Article 2 : La décision de l'ASP du 12 décembre 2022, en tant qu'elle met à la charge de A... " la somme de 1 905,35 euros, ainsi que la décision implicite de rejet de l'ASP sur la demande de A... " tendant à l'effacement de sa dette d'aide à l'embauche d'une salariée par contrat unique d'insertion, à hauteur de cette somme, sont annulées.
Article 3 : A... " est déchargée de l'obligation de payer la somme de 1 905,35 euros.
Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à A... " et à l'Agence de services et de paiements.
Délibéré après l'audience du 25 octobre 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Gaspon, président de chambre,
- M. Pons, premier conseiller,
- Mme Bougrine, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 19 novembre 2024.
Le rapporteur,
F. PONSLe président,
O. GASPON
La greffière,
C. VILLEROT
La République mande et ordonne au ministre du travail et de l'emploi en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°23NT02394