La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

13/12/2024 | FRANCE | N°23NT02017

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 4ème chambre, 13 décembre 2024, 23NT02017


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :

La chambre de commerce et d'industrie de Nantes Saint-Nazaire (CCINSN), le groupement interprofessionnel pour l'apprentissage et la formation continue (GIPAFOC) et la fédération des métiers de la communication et de l'électricité (FMCE) ont demandé au tribunal administratif de Nantes :

1°) de condamner solidairement les sociétés André BTP, GPAA et Qualiconsult à leur verser la somme de 192 000 euros TTC, assortie des intérêts et de la capitalisation des intérêts, e

n réparation des désordres affectant le plancher du bâtiment Martello ou, subsidiairement...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La chambre de commerce et d'industrie de Nantes Saint-Nazaire (CCINSN), le groupement interprofessionnel pour l'apprentissage et la formation continue (GIPAFOC) et la fédération des métiers de la communication et de l'électricité (FMCE) ont demandé au tribunal administratif de Nantes :

1°) de condamner solidairement les sociétés André BTP, GPAA et Qualiconsult à leur verser la somme de 192 000 euros TTC, assortie des intérêts et de la capitalisation des intérêts, en réparation des désordres affectant le plancher du bâtiment Martello ou, subsidiairement, de condamner en outre la société OTEIS avec les mêmes, aux mêmes fins ;

2°) de condamner solidairement les sociétés André BTP, GPAA et Qualiconsult à leur verser la somme de 22 000 euros TTC, assortie des intérêts et de la capitalisation des intérêts, en réparation des préjudices subis du fait de l'humidité affectant le sol du hall mutualisé ;

3°) de condamner solidairement les sociétés Juignet, GPAA et Qualiconsult à leur verser la somme de 8 800 euros TTC, assortie des intérêts et de la capitalisation des intérêts, en réparation des désordres affectant les menuiseries extérieures ;

4°) de condamner solidairement les sociétés Vivolum et GPAA à leur verser la somme de 8 800 euros TTC, assortie des intérêts et de la capitalisation des intérêts, en réparation des désordres affectant les menuiseries intérieures ou, subsidiairement, de condamner en outre la société Acoustibel solidairement avec les mêmes, aux mêmes fins ou, très subsidiairement, de condamner la société GPAA à leur verser la somme de 8 800 euros TTC, assortie des intérêts et de la capitalisation des intérêts, en réparation des désordres affectant les menuiseries intérieures ;

5°) de condamner solidairement les sociétés Axima, Rossi, André BTP, Oteis venant aux droits de la société Isateg, et GPAA à leur verser la somme de 47 300 euros TTC, assortie des intérêts et de la capitalisation des intérêts, en réparation des désordres affectant le revêtement et le sol du hall mutualisé ;

6°) de condamner solidairement les sociétés Axima, Inddigo, Oteis venant aux droits de la société Isateg, et GPAA à leur verser la somme de 11 000 euros TTC, assortie des intérêts et de la capitalisation des intérêts, en réparation des désordres affectant l'installation de chauffage ;

7°) de condamner solidairement les sociétés Axima, Oteis venant aux droits de la société Isateg, et GPAA à leur verser la somme de 14 520 euros TTC, assortie des intérêts et de la capitalisation des intérêts, en réparation des désordres affectant l'installation de ventilation ;

8°) de condamner la société Spie Industrie et Tertiaire, venant aux droits de la société Juret, à leur verser la somme de 11 000 euros TTC, assortie des intérêts et de la capitalisation des intérêts, en réparation des désordres affectant la gestion technique du bâtiment (GTB), le système de contrôle d'accès et de vidéosurveillance ou, subsidiairement, de condamner la société GPAA à leur verser la somme de 11 000 euros TTC, assortie des intérêts et de la capitalisation des intérêts ;

9°) de condamner solidairement les sociétés André BTP, Blanloeil et GPAA à leur verser la somme de 22 000 euros TTC, assortie des intérêts et de la capitalisation des intérêts, en réparation des désordres affectant la terrasse extérieure ou, subsidiairement, de condamner en outre la société OTEIS solidairement avec les mêmes, aux mêmes fins ;

10°) de condamner la société André BTP à leur verser la somme de 18 546,62 euros TTC, assortie des intérêts et de la capitalisation des intérêts, en réparation des désordres affectant la cage d'escalier Est ;

11°) de condamner solidairement les sociétés André BTP, Blanloeil et GPAA à leur verser la somme de 3 686,45 euros TTC, assortie des intérêts à compter du 21 mars 2018, au titre des frais d'expertise ;

12°) de condamner solidairement les sociétés Juignet et Qualiconsult à leur verser la somme de 5 740,83 euros TTC, assortie des intérêts, au titre des frais d'expertise ;

13°) de condamner solidairement les sociétés GPAA, Oteis venant aux droits de la société Isateg, Qualiconsult, Inddigo, André BTP, Juignet, Vivolum, Rossi, Axima et Spie Industrie et Tertiaire, venant aux droits de la société Juret, à leur verser la somme de

96 904,08 euros TTC, assortie des intérêts, au titre des frais d'expertise ;

14°) de condamner solidairement les sociétés GPAA et Vivolum à leur verser la somme de 648 euros TTC, assortie des intérêts, au titre des mesures acoustiques ;

15°) de condamner solidairement les sociétés GPAA, Oteis, venant aux droits de la société Isateg, et Axima à leur verser la somme de 8 132 euros TTC, assortie des intérêts à compter du 15 novembre 2017, au titre des frais de l'étude sur la gestion de l'énergie et la qualité sanitaire réalisée par la société Wigwam ;

16°) de mettre à la charge solidaire des sociétés GPAA, Oteis, venant aux droits de la société Isateg, Qualiconsult, Inddigo, André BTP, Blanloeil, Juignet, Vivolum, Rossi, Axima et Spie Industrie et Tertiaire, venant aux droits de la société Juret, la somme de 25 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 2007699 du 3 mai 2023, le tribunal administratif de Nantes a condamné :

- les sociétés GPAA, Otéis, Qualiconsult et André BTP solidairement, sur le fondement de la responsabilité décennale des constructeurs, au titre des désordres d'humidité affectant le sol du hall mutualisé, à verser à la chambre de commerce et d'industrie de Nantes Saint-Nazaire la somme de 22 000 euros TTC, la société GPAA à garantir à hauteur de 10 % les sociétés Otéis, Qualiconsult et André BTP, la société Otéis à garantir à hauteur de 10 % les sociétés GPAA, Qualiconsult et André BTP, la société Qualiconsult à garantir à hauteur de 10 % les sociétés GPAA, Otéis et André BTP et la société André BTP à garantir à hauteur de 70 % les sociétés GPAA, Otéis et Qualiconsult ;

- les sociétés GPAA et Vivolum solidairement à verser à la chambre de commerce et d'industrie de Nantes Saint-Nazaire sur le fondement de la garantie décennale, la somme de 2 148 euros TTC pour les désordres affectant les menuiseries intérieures, la société GPAA à garantir à hauteur de 50 % la société Vivolum et la société Vivolum à garantir à hauteur de 50 % la société GPAA ;

- les sociétés Oteis, Inddigo et Axima Concept solidairement, sur le fondement de la garantie décennale, à verser à la chambre de commerce et d'industrie de Nantes Saint-Nazaire la somme de 11 000 euros TTC au titre des désordres de l'installation de chauffage, la société Oteis à garantir à hauteur de 50 % les sociétés Inddigo et Axima Concept, la société Inddigo à garantir à hauteur de 25 % les sociétés Oteis et Axima Concept, la société Axima Concept à garantir à hauteur de 25 % les sociétés Oteis et Inddigo ;

- les sociétés GPAA, Oteis, Blanloeil et André BTP solidairement, sur le fondement de la garantie décennale, à verser à la chambre de commerce et d'industrie de Nantes Saint-Nazaire la somme de 22 000 euros TTC au titre des désordres affectant la terrasse extérieure, la société GPAA à garantir à hauteur de 12,5 % les sociétés Oteis, Blanloeil et André BTP, la société Oteis à garantir à hauteur de 12,5 % les sociétés GPAA, Blanloeil et André BTP et la société André BTP à garantir à hauteur de 50 % les sociétés GPAA, Oteis et Blanloeil ;

- la société André BTP, sur le fondement de la responsabilité contractuelle en raison du non-respect d'une transaction conclue, au titre des désordres d'épaufrures et bullages affectant la cage d'escalier Est, à verser à la chambre de commerce et d'industrie de Nantes Saint-Nazaire la somme de 16 860,56 euros TTC ;

- les sociétés GPAA, Oteis, Qualiconsult, Inddigo, André BTP, Vivolum et Axima Concept à verser à la chambre de commerce et d'industrie de Nantes Saint-Nazaire les sommes respectives de 3 000 euros, 4 700 euros, 3 000 euros, 5 200 euros, 30 500 euros, 1 000 euros et 2 600 euros au titre des frais de la première expertise ;

- le tout avec intérêts au taux légal à compter du 29 juillet 2020 et capitalisation de ces intérêts ;

- et les sociétés GPAA, Oteis, Blanloeil et André BTP solidairement à verser à la chambre de commerce et d'industrie de Nantes Saint-Nazaire la somme de 3 686,45 euros au titre des frais de la deuxième expertise, avec intérêts au taux légal à compter du 21 mars 2018 et capitalisation de ces intérêts, la société GPAA à garantir à hauteur de 12,5 % les sociétés Oteis, Blanloeil et André BTP, la société Oteis à garantir à hauteur de 12,5 % les sociétés GPAA, Blanloeil et André BTP et la société André BTP à garantir à hauteur de 50 % les sociétés GPAA, Oteis et Blanloeil.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 5 juillet et 27 décembre 2023 et le 1er mars 2024, la société Blanloeil, représentée par Me Siebert, demande à la cour :

1°) d'infirmer le jugement du 3 mai 2023 du tribunal administratif de Nantes en ce qu'il l'a condamnée ;

2°) de rejeter les demandes de condamnation des sociétés André BTP, GPAA et Oteis la concernant ;

3°) de mettre à la charge de toute partie succombante une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les premiers juges ont reconnu qu'elle n'était pas l'auteur des malfaçons et que les dommages ne lui étaient pas imputables ;

- la société Arbora n'a commis aucune faute dans l'exécution des travaux de la terrasse extérieure ;

- les désordres de la terrasse extérieure résultent du tassement du remblai dont est responsable la seule société André BTP ; le tassement du caillebotis exécuté par la société Arbora n'est qu'une conséquence de ce tassement ;

- la non-conformité tenant à la mise en œuvre de cales superposées sur l'ossature du caillebotis est étrangère à l'apparition des désordres

- il s'agit d'une non-conformité contractuelle qui a fait l'objet d'une réception ;

- l'ouvrage a été réalisé par la société Arbora ;

- sa requête est recevable.

Par un mémoire, enregistré le 30 août 2023, la société GPAA, représentée par Me Livory, demande à la cour de confirmer les articles 4 et 8 du jugement du 3 mai 2023 du tribunal administratif de Nantes et de mettre à la charge de la société Blanloeil une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que bien que la société Blanloeil n'est pas l'auteur des malfaçons du caillebotis, sa responsabilité a pu être engagée en tant que cotraitante avec la société Arbora, y compris s'agissant des frais d'expertises.

Par un mémoire en défense, enregistré le 27 septembre 2023, la société André BTP, représentée par Me Bailly, demande à la cour de confirmer les articles 4 et 8 du jugement attaqué et de mettre à la charge de la société Blanloeil une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'expert a retenu un défaut d'exécution des sociétés Blanloeil / Arbora comme cause des désordres ;

- la responsabilité de la société Blanloeil est engagée en tant que mandataire d'un groupement d'entreprises solidaires ;

- un faisceau d'indices laisse à penser que la société Blanloeil a réalisé ces travaux ;

- les frais d'expertise liés au litige doivent être à la charge des personnes supportant le principal.

Par un mémoire en défense, enregistré le 22 décembre 2023, la CCINSN, le GIPAFOC et la FMCE, représentés par Me Reveau, demandent à la cour de joindre les instances enregistrées sous les n°s 23NT01974 et 23NT02017.

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 février 2024, la société Oteis, venant aux droits de la société Isateg Atlantique, représentée par Me Hounieu demande à la cour de rejeter la requête, de joindre les instances enregistrées sous les n°s 23NT01974 et 23NT02017, de confirmer le jugement attaqué et de mettre à la charge de toute partie succombante une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête est tardive ; elle n'est pas motivée ;

- la responsabilité des sociétés Blanloeil et Arbora dans l'exécution des travaux est établie par l'expert judiciaire ;

- elle ne peut échapper à sa responsabilité en tant que mandataire d'un groupement d'entreprises solidaires.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des marchés publics,

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Derlange, président assesseur,

- les conclusions de Mme Rosemberg, rapporteure publique,

- et les observations de Me Reveau, pour la CCINSN, le GIPAFOC et la FMCE, de Me Siebert, pour la société Blanloeil et de Me Caijeo, substituant Me Hounieu, pour la société Oteis.

Considérant ce qui suit :

1. La CCI de Nantes Saint Nazaire (CCINSN), en tant que coordonnateur, le groupement interprofessionnel pour l'apprentissage et la formation continue (GIPAFOC) et la fédération des métiers de la communication de l'électricité (FMCE) ont constitué un groupement de commandes, dans le cadre d'une opération de construction du " Campus de l'apprentissage " de Nantes. Les travaux ont consisté en l'agrandissement du bâtiment préexistant de l'institut de formation du commerce et de techniques professionnelles (IFOCOTEP), en y adjoignant deux autres centres de formation par l'apprentissage (CFA) désignés sous les noms de Accipio et A. Martello. La maîtrise d'œuvre a été confiée à un groupement conjoint composé des sociétés GPAA, architecte et mandataire solidaire du groupement, Isateg Atlantique, bureau d'études techniques tous corps d'État, aux droits de laquelle vient la société Oteis, et Acoustibel, acousticien. Le lot n° 1 " Terrassement - Assainissement " a été attribué à la société Blanloeil, le lot n° 2 " VRD - Espaces verts - Réseaux souples " à un groupement solidaire constitué de la société Blanloeil, mandataire, et de la société Arbora, et le lot n° 3 " gros œuvre " à la société André BTP. Les travaux, commencés en décembre 2012, ont fait l'objet de quatre réceptions partielles avec réserves en décembre 2013, février et juin 2014. La levée des réserves a été prononcée le 17 décembre 2014, sauf des réserves sur le lot n° 14 " chauffage-ventilation-rafraîchissement-désenfumage-plomberie-sanitaire ". Divers désordres étant apparus sur la terrasse extérieure postérieurement à la réception de l'ouvrage, la CCINSN, la FMCE et le GIPAFOC ont saisi le juge des référés du tribunal administratif de Nantes aux fins de désigner un expert pour constater ces désordres. Par un jugement du 3 mai 2023, dont la société Blanloeil relève appel, le tribunal a condamné solidairement, sur le fondement de la responsabilité décennale des constructeurs, les sociétés GPAA, Otéis, Blanloeil et André BTP à verser à la chambre de commerce et d'industrie de Nantes Saint-Nazaire la somme de 22 000 euros TTC, au titre de l'indemnisation des désordres affectant la terrasse extérieure, et celle de 3 686,45 euros au titre des frais d'expertise.

2. La jonction de deux requêtes pendantes devant la même juridiction, qui ne peut avoir d'influence sur le sens des décisions à prendre sur chacune d'entre elles, ne constitue jamais une obligation pour le juge.

3. En l'espèce, il n'y a pas lieu de joindre les instances enregistrées sous les n°s 23NT01974 et 23NT02017 qui sont suffisamment autonomes pour être jugées distinctement.

Sur la recevabilité de la requête :

4. D'une part, aux termes de l'article R. 811-2 du code de justice administrative : " Sauf disposition contraire, le délai d'appel est de deux mois. Il court contre toute partie à l'instance à compter du jour où la notification a été faite à cette partie dans les conditions prévues aux articles R. 751-3 et R. 751-4-1. (...) ".

5. Il résulte de l'instruction que le jugement attaqué du tribunal administratif de Nantes a été notifié le 4 mai 2023 à la société Blanloeil. Sa requête d'appel a été enregistrée le 5 juillet 2023, soit dans le délai d'appel prévu par l'article précité du code de justice administrative, qui est un délai franc. Par suite, doit être écartée la fin de non-recevoir, opposée par la société Oteis, tirée de la tardiveté de la requête.

6. D'autre part, aux termes de l'article R. 411-1 du code de justice administrative : " La juridiction est saisie par requête. La requête indique les nom et domicile des parties. Elle contient l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge. (...) ".

7. La requête de la société Blanloeil contient l'exposé de faits et moyens, ainsi que l'énoncé de conclusions soumises au juge, conformément aux dispositions de l'article R. 411-1 du code de justice administrative. Par suite cette requête est recevable et la fin de non-recevoir soulevée par la société Oteis sur ce point doit être également écartée.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

8. Il résulte des principes qui régissent la garantie décennale des constructeurs que des désordres apparus dans le délai d'épreuve de dix ans, de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination dans un délai prévisible, engagent leur responsabilité, même s'ils ne se sont pas révélés dans toute leur étendue avant l'expiration du délai de dix ans. La responsabilité décennale du constructeur peut être recherchée pour des dommages survenus sur des éléments d'équipement dissociables de l'ouvrage s'ils rendent celui-ci impropre à sa destination. La circonstance que les désordres affectant un élément d'équipement fassent obstacle au fonctionnement normal de cet élément n'est pas de nature à engager la responsabilité décennale du constructeur si ces désordres ne rendent pas l'ouvrage lui-même impropre à sa destination.

9. Les désordres objet du litige consistent en des affaissements du caillebotis le long de la façade Sud-Est du hall mutualisé et du couloir d'accès au réfectoire et des tassements du caillebotis sous l'auvent au pied de la façade Sud-Est du couloir et de l'extrémité Nord-Ouest de l'auvent.

10. Il résulte de l'instruction, en particulier du rapport d'expertise, que des désordres proviennent de l'instabilité des plots de soutien du caillebotis et de la multiplication excessive de cales fragilisant l'assise de l'ossature sur un remblai inégal. Le caillebotis étant susceptible de s'affaisser en raison de l'instabilité des plots de soutien et de l'assise de l'ossature qui peut déverser, l'expert judiciaire a recommandé au maître d'ouvrage de faire isoler la zone concernée afin d'éviter tout accident. Ces désordres qui rendent l'ouvrage impropre à sa destination de circulation des usagers sont de nature à engager la responsabilité décennale des constructeurs. Ainsi, la société Blanloeil n'est pas étrangère à ces désordres dès lors que la réalisation des caillebotis en bois, au titre du lot n° 2 VRD Espaces verts auquel elle participait comme mandataire solidaire, a contribué à fragiliser la terrasse extérieure.

11. Il résulte de l'instruction, en particulier du rapport d'expertise, que les désordres en cause trouvent leur origine dans une insuffisance de compactage du remblai du sol, qui s'est affaissé à certains endroits, outre l'inadaptation du support du caillebotis et de l'assise d'un poteau métallique de l'auvent à cet environnement. La maîtrise d'œuvre assurée par les sociétés GPAA et Isateg a contribué à ces désordres par une faute de conception du caillebotis qui ne pouvait que subir des dommages sur un remblai dont le tassement était prévisible, une faute d'insuffisance de conception quant à la fondation du poteau métallique de l'auvent et une insuffisance de contrôle des travaux quant au compactage du remblai, à l'assise du poteau et à la multiplication excessive de cales sous l'ossature du caillebotis. Si la requérante soutient, en produisant des éléments du décompte général et définitif du marché, que la société Arbora, membre avec la société Blanloeil du groupement solidaire attributaire du lot n° 2 " VRD - Espaces verts - Réseaux souples ", a réalisé seule le caillebotis, il ne résulte pas des documents constitutifs du marché que les stipulations contractuelles aient prévu une répartition précise des tâches entre les deux cotraitants. Il résulte également de l'instruction que le groupement d'entreprises a, dans ce cadre, mis en œuvre une multitude de cales superposées sous l'ossature du caillebotis en bois, au lieu des plots béton prévus au CCTP, ce qui n'a pas permis d'assurer sa stabilité. Par ailleurs, la société André BTP, titulaire du lot n° 3 " gros œuvre " a mis en œuvre le remblai sur une hauteur excessive, avec un compactage insuffisant, dont le tassement était prévisible et a réalisé un plot de fondation isolé sur une zone au sol remanié, dont le remblai trop épais ne pouvait être correctement compacté, sans vérification de son aptitude à recevoir cette fondation.

12. En l'absence de stipulations contraires, les entreprises qui s'engagent conjointement et solidairement envers le maître de l'ouvrage à réaliser une opération de construction, s'engagent conjointement et solidairement non seulement à exécuter les travaux, mais encore à réparer le préjudice subi par le maître de l'ouvrage du fait de manquements dans l'exécution de leurs obligations contractuelles. Un constructeur ne peut échapper à sa responsabilité conjointe et solidaire avec les autres entreprises co-contractantes, au motif qu'il n'a pas réellement participé aux travaux révélant un tel manquement, que si une convention, à laquelle le maître de l'ouvrage est partie, fixe la part qui lui revient dans l'exécution des travaux. Le marché du lot n° 2 " VRD - Espaces verts - Réseaux souples " passé entre la CCINSN et le groupement solidaire constitué de la société Blanloeil, mandataire, et la société Arbora ne prévoit pas la part qui revient à la société Blanloeil dans l'exécution des travaux. Par suite, la société Blanloeil doit être tenue responsable solidairement des fautes commises par la société Arbora.

13. Il résulte de tout ce qui précède que la société Blanloeil n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par les articles 4 et 8 du jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes l'a condamnée solidairement à verser à la CCI de Nantes Saint-Nazaire la somme de 22 000 euros TTC, au titre des désordres affectant la terrasse extérieure, et la somme de 3 686,45 euros au titre des frais de la deuxième expertise.

Sur les frais liés au litige :

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à l'octroi d'une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens à la partie perdante. Il y a lieu, dès lors, de rejeter les conclusions présentées à ce titre par la société Blanloeil.

15. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la société Blanloeil une somme de 1 500 euros à verser respectivement à la société André BTP et à la société Oteis et une somme de 1 000 euros à verser à la société GPAA, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la société Blanloeil est rejetée.

Article 2 : La société Blanloeil versera une somme de 1 500 euros, respectivement à la société André BTP et à la société Oteis et une somme de 1 000 euros à la société GPAA, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la chambre de commerce et d'industrie de Nantes Saint-Nazaire, au groupement interprofessionnel pour l'apprentissage et la formation continue, à la fédération des métiers de la communication et de l'électricité, aux sociétés GPAA, Oteis, André BTP et Blanloeil.

Délibéré après l'audience du 26 novembre 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- M. Derlange, président assesseur,

- Mme Picquet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 décembre 2024.

Le rapporteur,

S. DERLANGE

Le président,

L. LAINÉ

Le greffier,

C. WOLF

La République mande et ordonne au préfet de la Loire-Atlantique, en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23NT02017


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NT02017
Date de la décision : 13/12/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. LAINÉ
Rapporteur ?: M. Stéphane DERLANGE
Rapporteur public ?: Mme ROSEMBERG
Avocat(s) : SELARL MRV

Origine de la décision
Date de l'import : 22/12/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-12-13;23nt02017 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award