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13/12/2024 | FRANCE | N°24NT02658

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 4ème chambre, 13 décembre 2024, 24NT02658


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... E... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 16 mai 2024 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert aux autorités croates.



Par un jugement n° 2409034 du 5 juillet 2024, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête, enregistrée le 28 août 2024, M. E..., repr

ésenté par Me Néraudau, demande à la cour :



1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 5 juill...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... E... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 16 mai 2024 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert aux autorités croates.

Par un jugement n° 2409034 du 5 juillet 2024, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 28 août 2024, M. E..., représenté par Me Néraudau, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 5 juillet 2024 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 16 mai 2024 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a ordonné son transfert aux autorités croates ;

3°) d'enjoindre au préfet de Maine-et-Loire d'enregistrer sa demande d'asile en procédure normale ou à défaut de réexaminer sa situation dans les meilleurs délais ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 2 000 euros hors taxes sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la magistrate désignée a omis de se prononcer sur le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 9 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé au sujet des moyens tirés de la méconnaissances des articles 3, 5 et 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- l'arrêté contesté est dénué de base légale alors qu'il n'a pas déposé de demande d'asile en Croatie ;

- l'auteur de l'arrêté contesté est incompétent ;

- l'arrêté contesté est insuffisamment motivé ;

- le préfet de Maine-et-Loire a méconnu les articles 3, 4 et 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le préfet de Maine-et-Loire a méconnu l'article 13 du règlement (UE) n° 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 ;

- le préfet de Maine-et-Loire a commis une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le préfet de Maine-et-Loire a méconnu l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le préfet de Maine-et-Loire a méconnu l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 septembre 2024, le préfet de Maine-et-Loire conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

M. E... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 29 juillet 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013 ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Derlange, président assesseur,

- et les observations de Me Néraudau, pour M. E....

Considérant ce qui suit :

1. M. E..., ressortissant russe, né le 28 juin 1990, a sollicité l'asile le 23 avril 2024. Par un arrêté du 16 mai 2024, le préfet de Maine-et-Loire a ordonné son transfert aux autorités croates. M. E... relève appel du jugement du 5 juillet 2024 par lequel la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. M. E... soutenait, à la page 18 de sa requête devant le tribunal administratif de Nantes, que le préfet de Maine-et-Loire a méconnu l'article 9 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, ce qui avait d'ailleurs motivé des observations de celui-ci, aux pages 4 et 5 de son mémoire en défense.

3. La magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nantes n'a pas visé et ne s'est pas prononcée sur ce moyen. Le jugement attaqué doit, dès lors, être annulé comme entaché de l'omission d'examiner ce moyen.

4. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. E... devant le tribunal administratif de Nantes.

Sur la légalité de l'arrêté contesté du préfet de la Maine-et-Loire :

5. En premier lieu, par un arrêté du 28 février 2024 régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture, le préfet de Maine-et-Loire a donné délégation à M. Nicolas Brochard, secrétaire administratif de classe exceptionnelle, adjoint à la cheffe du pôle régional Dublin de la préfecture de Maine-et-Loire et signataire de l'arrêté contesté, à l'effet de signer les décisions d'application du règlement " Dublin III " prises à l'égard des ressortissants étrangers en cas d'absence ou d'empêchement de M. B... D..., directeur de l'immigration et des relations avec les usagers, et de Mme C... F..., cheffe du pôle, dont il n'est pas établi qu'ils n'étaient pas absents ou empêchés. Dès lors, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté contesté doit être écarté.

6. En deuxième lieu, l'arrêté du 16 mai 2024 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a ordonné le transfert en Croatie de M. E... comporte l'énoncé des éléments de droit et de fait qui le fondent. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de l'arrêté contesté doit être écarté.

7. En troisième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier, que le préfet de Maine-et-Loire n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation personnelle de l'intéressé, en particulier de sa vulnérabilité. Par suite, le moyen tiré du défaut d'examen de la situation de M. E... doit être écarté.

8. En quatrième lieu, aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un Etat membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment : /a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un Etat membre différent ainsi que des conséquences du passage d'un Etat membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l'Etat membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée ; /b) des critères de détermination de l'Etat membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée, y compris du fait qu'une demande de protection internationale introduite dans un Etat membre peut mener à la désignation de cet Etat membre comme responsable en vertu du présent règlement même si cette responsabilité n'est pas fondée sur ces critères ; /c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 et de la possibilité de fournir des informations sur la présence de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent dans les Etats membres, y compris des moyens par lesquels le demandeur peut fournir ces informations ; /d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert ; /e) du fait que les autorités compétentes des Etats membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d'exécuter leurs obligations découlant du présent règlement ; /f) de l'existence du droit d'accès aux données le concernant et du droit de demander que ces données soient rectifiées si elles sont inexactes ou supprimées si elles ont fait l'objet d'un traitement illicite, ainsi que des procédures à suivre pour exercer ces droits (...). /2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les Etats membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. / Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de l'entretien individuel visé à l'article 5. (...) ".

9. Il résulte de ces dispositions que le demandeur d'asile auquel l'administration entend faire application du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit se voir remettre l'ensemble des éléments d'information prévus au paragraphe 1 de l'article 4 du règlement. La remise de ces éléments doit intervenir en temps utile pour lui permettre de faire valoir ses observations, c'est-à-dire au plus tard lors de l'entretien prévu par les dispositions de l'article 5 du même règlement, entretien qui doit notamment permettre de s'assurer qu'il a compris correctement ces informations. Eu égard à leur nature, la remise par l'autorité administrative de ces informations prévues par les dispositions précitées constitue pour le demandeur d'asile une garantie.

10. Il ressort des pièces du dossier que M. E... s'est vu remettre le 23 avril 2024, le jour même de l'enregistrement de sa demande d'asile en préfecture, et à l'occasion de l'entretien individuel, les brochures A et B conformes aux modèles figurant à l'annexe X du règlement d'exécution (UE) n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014, dont il a signé les pages de garde, qui contiennent les informations prescrites par les dispositions précitées, en langue russe, qu'il a déclaré comprendre. Il ressort en outre du compte-rendu de son entretien du 23 avril 2023, qui a été conduit avec l'assistance d'un interprète en langue russe, qu'il a déclaré que " le guide du demandeur d'asile et l'information sur les règlements communautaires m'ont été remis dans une langue que je déclare comprendre. " et " Je reconnais que les informations contenues dans le guide du demandeur d'asile, ainsi que dans les brochures A et B m'ont été communiquées oralement et je reconnais les avoir comprises ". Il ressort du compte-rendu de l'entretien du 23 avril 2023 que M. E... a eu le temps de s'exprimer sur sa situation. Enfin, dès lors que l'information prescrite à l'article 4 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 a été remise à M. E... lors de l'introduction du dépôt de sa demande d'asile et au plus tard lors de l'entretien qui a été conduit à cette occasion, quand bien même cette information a été remise postérieurement à la prise d'empreintes, il n'est pas fondé à soutenir que cette information ne lui aurait pas été donnée en temps utile. Dans ces conditions, son droit à l'information résultant de l'article 4 précité du règlement n° 604/2013 n'a pas été méconnu.

11. Par ailleurs, les dispositions de l'article 29 du règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013 ont pour objet et pour effet de permettre d'assurer la protection effective des données personnelles des demandeurs d'asile concernés, laquelle est garantie par l'ensemble des États membres relevant du régime européen d'asile commun, notamment par la remise de brochures d'information lors de l'entretien individuel. La méconnaissance de cette obligation d'information dans une langue comprise par le demandeur d'asile ne peut être utilement invoquée à l'encontre des décisions par lesquelles la France transfère un demandeur d'asile aux autorités compétentes pour examiner sa demande. Il en va de même de la méconnaissance de l'obligation d'information résultant des dispositions des articles 12, 13 et 14 du règlement (UE) n° 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 13 du règlement général sur la protection des données doit être écarté.

12. En cinquième lieu, aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'Etat membre responsable, l'Etat membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. / (...) 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. / 6. L'Etat membre qui mène l'entretien individuel rédige un résumé qui contient au moins les principales informations fournies par le demandeur lors de l'entretien. Ce résumé peut prendre la forme d'un rapport ou d'un formulaire type. (...) ".

13. Il ressort des mentions figurant sur le compte-rendu signé par M. E... qu'il a bénéficié le 23 avril 2024, avant l'intervention de la décision contestée, de l'entretien individuel prévu par l'article 5 précité du règlement n° 604/2013. Aucun élément du dossier ne permet de tenir pour établi que cet entretien n'aurait pas été mené dans des conditions en garantissant la confidentialité. Il ressort du compte-rendu de l'entretien du 23 avril 2024 que M. E... a été mis à même de s'exprimer sur sa situation. De même, aucun élément du dossier n'établit que cet entretien n'aurait pas été mené par une personne qualifiée en vertu du droit national, qui est identifiée dans le compte compte-rendu de l'entretien du 23 avril 2024 par ses initiales manuscrites et sa signature sous la mention " Préfecture de la Loire-Atlantique - L'agent habilité ". En tout état de cause, l'absence de plus de précision sur l'identité dudit agent n'a pas privé l'intéressé de la garantie que constitue le bénéfice de cet entretien individuel. Dès lors, le moyen tiré de la violation des dispositions de l'article 5 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 n'est pas fondé et doit être écarté.

14. En sixième lieu, aux termes de l'article 9 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " Si un membre de la famille du demandeur, que la famille ait été ou non préalablement formée dans le pays d'origine, a été admis à résider en tant que bénéficiaire d'une protection internationale dans un État membre, cet État membre est responsable de l'examen de la demande de protection internationale, à condition que les intéressés en aient exprimé le souhait par écrit ".

15. Si M. E... se prévaut de la présence en France de son épouse, il n'établit pas la réalité du lien conjugal allégué par la production d'une simple attestation manuscrite du 6 juin 2024 d'une compatriote titulaire d'une carte de résident affirmant qu'ils se sont mariés le 23 avril 2024, circonstance dont il n'a pas fait état lors de son entretien en préfecture du 23 avril 2024, au cours duquel il avait plutôt déclaré être célibataire et n'avoir aucun membre de sa famille en France. Au surplus, il ne produit pas la preuve que les intéressés auraient exprimé par écrit leur souhait que la France soit responsable de l'examen de leurs demandes de protection internationale. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 9 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit donc être écarté.

16. En septième lieu, aux termes de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. L'État membre responsable en vertu du présent règlement est tenu de : (...) b) reprendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 23, 24, 25 et 29, le demandeur dont la demande est en cours d'examen et qui a présenté une demande auprès d'un autre État membre ou qui se trouve, sans titre de séjour, sur le territoire d'un autre État membre (...) ". Aux termes de l'article 20 du même règlement : " 5. L'État membre auprès duquel la demande de protection internationale a été introduite pour la première fois est tenu, dans les conditions prévues aux articles 23, 24, 25 et 29, et en vue d'achever le processus de détermination de l'État membre responsable de l'examen de la demande de protection internationale, de reprendre en charge le demandeur qui se trouve dans un autre État membre sans titre de séjour ou qui y introduit une demande de protection internationale après avoir retiré sa première demande présentée dans un autre État membre pendant le processus de détermination de l'État membre responsable (...) ".

17. M. E... soutient qu'il ne relève pas de ces dispositions du seul fait que ses empreintes digitales ont été relevées en Croatie. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que ses empreintes digitales ont été relevées en Croatie le 3 avril 2024 et que cet Etat, à la suite d'une demande des autorités françaises du 29 avril 2024 au titre du b) du 1) de l'article 18 du règlement du 26 juin 2013, par un courrier du 11 mai 2024 a accepté explicitement de reprendre en charge M. E... sur le fondement du 5 de l'article 20 du même règlement, sans contester que l'intéressé a déposé une demande d'asile sur son sol. Par suite, celui-ci n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté qui constate qu'il a déposé une demande d'asile en Croatie et que ce pays a explicitement accepté de le reprendre en charge serait dénué de base légale.

18. En huitième et dernier lieu, aux termes du 2 de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'État membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre État membre peut être désigné comme responsable (...) ". Aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'État membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'État membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...) ". Par ailleurs, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

19. Ces dispositions doivent être appliquées dans le respect des droits garantis par la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par ailleurs, eu égard au niveau de protection des libertés et des droits fondamentaux dans les Etats membres de l'Union européenne, lorsque la demande de protection internationale a été introduite dans un Etat autre que la France, que cet Etat a accepté de prendre ou de reprendre en charge le demandeur et en l'absence de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, les craintes dont le demandeur fait état quant au défaut de protection dans cet Etat membre doivent en principe être présumées non fondées, sauf à ce que l'intéressé apporte, par tout moyen, la preuve contraire.

20. M. E... fait état de l'existence de défaillances affectant les conditions d'accueil et de prise en charge des demandeurs d'asile faisant l'objet de mesures de transfert auprès des autorités croates, mais les documents qu'il produit à l'appui de ces affirmations ne permettent pas de tenir pour établi que sa propre situation serait exposée à un risque sérieux de ne pas être traitée par les autorités croates dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile, alors que la Croatie est un Etat membre de l'Union européenne, partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. En particulier, si M. E... produit des documents illustrant les difficultés des autorités croates à faire face à des afflux massifs de migrants et des pratiques de " push back ", cela ne permet pas d'en inférer que son renvoi vers la Croatie en exécution d'une décision de transfert pour le traitement de sa demande d'asile dans ce pays, en application du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013, entraînerait un risque sérieux qu'il soit exposé à un défaut d'instruction de sa demande d'asile et à des traitements indignes en violation des règles du droit européen de l'asile. En outre, les éléments qu'il produit ne suffisent pas à établir qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs d'asile, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. La seule circonstance que M. E... se serait marié le 23 avril 2024 avec une compatriote titulaire d'une carte de résident, d'ailleurs non établie par la seule attestation manuscrite rédigée par celle-ci et contredite par le compte-rendu de son entretien du même jour, n'impliquait pas, notamment eu égard au caractère extrêmement récent de ce mariage, que le préfet de Maine-et-Loire, à supposer même que le requérant l'en ait informé, fasse usage de la clause dérogatoire de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013. Les autres éléments présentés n'établissent pas que M. E... se trouvait à la date de l'arrêté contesté dans une situation de vulnérabilité exceptionnelle imposant d'instruire sa demande d'asile en France. Par ailleurs, alors que la décision de transfert litigieuse n'emporte pas éloignement vers la Russie, M. E... ne peut utilement soutenir que le préfet aurait dû prendre en compte les risques auxquels il serait exposé dans ce pays. Par suite, les moyens tirés de ce que la décision litigieuse méconnaîtrait l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ainsi que les dispositions du 2 de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, et serait entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article 17 de ce règlement, doivent être écartés.

21. Il résulte de tout ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

22. Le présent arrêt, qui rejette la requête de M. E..., n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions de l'intéressé aux fins d'injonction doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

23. Les dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que le conseil de M. E... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nantes du 5 juillet 2024 est annulé.

Article 2 : La demande de M. E... devant le tribunal administratif de Nantes et le surplus de ses conclusions devant la cour sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié M. A... E..., à Me Néraudau et au ministre de l'intérieur.

Copie sera adressée pour information au préfet de Maine-et-Loire.

Délibéré après l'audience du 26 novembre 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- M. Derlange, président assesseur,

- Mme Picquet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 décembre 2024.

Le rapporteur,

S. DERLANGE

Le président,

L. LAINÉ

Le greffier,

C. WOLF

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 24NT02658


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 24NT02658
Date de la décision : 13/12/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINÉ
Rapporteur ?: M. Stéphane DERLANGE
Rapporteur public ?: Mme ROSEMBERG
Avocat(s) : NERAUDAU

Origine de la décision
Date de l'import : 22/12/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-12-13;24nt02658 ?
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