La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

24/12/2024 | FRANCE | N°24NT01541

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 1ère chambre, 24 décembre 2024, 24NT01541


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 29 novembre 2022 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduite d'office lorsque le délai sera expiré.



Par un jugement n° 2300696 du 24 avril 2024, le tribunal administratif de Nantes

a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête, enregistrée le 2...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 29 novembre 2022 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduite d'office lorsque le délai sera expiré.

Par un jugement n° 2300696 du 24 avril 2024, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 24 mai 2024, M. A..., représentée par Me Kaddouri, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 24 avril 2024 du tribunal administratif de Nantes ;

2°) d'annuler l'arrêté du 29 novembre 2022 du préfet de Maine-et-Loire ;

3°) d'enjoindre au préfet de Maine-et-Loire de lui délivrer un titre de séjour ou de réexaminer sa situation dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard, et de le munir, dans l'attente, d'une autorisation de séjour l'autorisant à travailler ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 800 euros au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

S'agissant de la décision portant refus de titre de séjour :

- la décision n'est pas suffisamment motivée ;

- elle n'a pas été précédée d'une saisine de la commission du titre de séjour ;

- elle a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière dès lors que l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration n'a pas été transmis sous couvert du directeur général de l'Office, n'a pas été rendu, au vu d'un rapport médical, par trois médecins régulièrement désignés et à l'issue d'une délibération collégiale ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de la décision portant refus de titre de séjour ;

- elle méconnaît les dispositions du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

S'agissant de la décision fixant le délai de départ volontaire

- elle doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

S'agissant de la décision fixant le pays de destination :

- elle doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de la décision portant refus de titre de séjour ;

- la décision n'est pas suffisamment motivée.

- elle n'a pas été précédée de l'examen de sa situation personnelle.

Par un mémoire en défense, enregistré le 24 juin 2024, le préfet de Maine-et-Loire conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Par une décision du 26 septembre 2024, le président du bureau d'aide juridictionnelle a constaté la caducité de la demande d'aide juridictionnelle présentée par M. A....

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Penhoat,

- et les observations de Me Chatelais, substituant Me Kaddouri, représentant M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. B... A..., ressortissant marocain né le 5 septembre 1962, est entré régulièrement en France le 2 février 2014, sous couvert d'un visa de court séjour. En octobre 2015, il a demandé au préfet de Maine-et-Loire la délivrance d'un titre de séjour pour raison de santé. Après que cette demande a été rejetée par un arrêté du 27 janvier 2016 et que ce rejet a été annulé, pour un vice de forme, par un jugement du tribunal du 10 janvier 2019, M. A... s'est vu délivrer, le 17 janvier 2020, un titre de séjour en tant qu'étranger malade, d'une durée de validité de six mois, qui a été renouvelé deux fois. L'intéressé a demandé, le 16 mars 2022, le renouvellement de son dernier titre. Par un arrêté du 29 novembre 2022, le préfet de Maine-et-Loire a rejeté sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a désigné le Maroc comme pays de renvoi. M. A... relève appel du jugement du 24 avril 2024 du tribunal administratif de Nantes rejetant sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la décision portant refus de titre de séjour :

2. En premier lieu, il convient d'écarter par adoption de motifs retenus par les premiers juges les moyens tirés de ce que la décision contestée n'est pas suffisamment motivée et a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière, moyens que M. A... réitère en appel sans apporter d'élément nouveau.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. (...) ".

4. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'accès effectif ou non à un traitement approprié dans le pays dont il est originaire ou dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires.

5. Par un avis du 17 mai 2022, le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a estimé que si l'état de santé de M. A... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, ce dernier peut toutefois bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine, vers lequel il peut voyager sans risque.

6. Il ressort des pièces du dossier que M. A... souffre d'une pathologie neurologique de type épileptique et de troubles psychiatriques. L'intéressé produit différents certificats médicaux établissant que sa pathologie neurologique est bien traitée par du Tegretol, du Gardénal, de l'Urbanyl et du Fycompa. Toutefois, ni les allégations non étayées du requérant sur la pénurie de certains médicaments au Maroc, ni les certificats médicaux produits qualifiant ces médicaments d'idéalement non substituables et émettant des doutes sur la disponibilité au Maroc du Fycompa ne sont, dans les termes dans lesquels ils sont rédigés, de nature à établir l'absence de prise en charge médicale appropriée à l'état de santé de M. A... au Maroc. S'agissant des troubles psychiatriques dont souffre également ce dernier en lien avec sa pathologie neurologique, le médecin neurologue qui le suit au centre hospitalier de Cholet relève une impossibilité du requérant à vivre seul et préconise un changement de logement afin qu'il se rapproche de sa sœur, établie à Cholet. Toutefois, si le requérant, qui a obtenu en janvier 2020 le bénéfice de l'allocation aux adultes handicapés, son taux d'incapacité étant compris entre 50 et 80 %, soutient que la présence des membres de sa famille lui est indispensable, il ne fournit aucun élément sur la nature, la fréquence et l'intensité de ses relations avec les membres de sa famille résidant dans le Maine-et-Loire et n'établit pas plus en première instance qu'en appel qu'il serait dépourvu de toute attache familiale au Maroc, à la suite du décès de sa mère. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées doit être écarté.

7. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule que " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. (...). ".

8. M. A... se prévaut notamment de sa présence en France depuis plus de huit ans et des liens qu'il a tissés avec des personnes de son entourage. Toutefois, l'intéressé, célibataire et sans enfant, ne justifie ni la nature et de la fréquence de ses relations avec les personnes de son entourage ni d'une intégration particulière dans la société française alors que la reconnaissance d'un taux d'incapacité compris entre 50 et 80 %, par la maison départementale des personnes handicapées de l'Anjou a été jugée compatible avec l'exercice d'une activité professionnelle. Enfin, M. A... n'établit pas être dépourvu d'attaches dans son pays d'origine. Dans ces conditions, la décision en litige n'a pas porté au droit de M. A... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Par suite, elle n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

9. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 (...) ".

10. En considérant que l'admission au séjour de M. A... ne répondait pas à des considérations humanitaires et n'était pas justifiée au regard des motifs exceptionnels qu'il faisait valoir, le préfet de Maine-et-Loire n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions précitées de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

11. En cinquième et dernier lieu, aux termes de l'article L. 432-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans chaque département est instituée une commission du titre de séjour qui est saisie pour avis par l'autorité administrative : 1° Lorsqu'elle envisage de refuser de délivrer ou de renouveler la carte de séjour temporaire prévue aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-13, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21, L. 423-22, L. 423-23, L. 425-9 ou L. 426-5 à un étranger qui en remplit effectivement les conditions de délivrance ; ".

12. Il résulte de ces dispositions que le préfet est tenu de saisir la commission du titre de séjour du cas des seuls étrangers qui remplissent effectivement les conditions prévues notamment à l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile auxquels il envisage de refuser le titre de séjour sollicité et non de celui de tous les étrangers qui se prévalent de ces dispositions. Pour les motifs exposés ci-dessus au point 6, M. A... ne remplit pas les conditions permettant le renouvellement de la carte de séjour temporaire prévue à l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il en résulte que le préfet de Maine-et-Loire n'était pas tenu de soumettre le cas du requérant à la commission du titre de séjour avant de rejeter sa demande.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

13. En premier lieu, aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : / (...) 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) ".

14. Il résulte de ce qui a été dit au point 6 du présent arrêt que le requérant n'établit pas qu'il ne pourra bénéficier au Maroc d'un traitement médical approprié aux pathologies dont il souffre. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

15. En second lieu, la décision de refus de délivrance d'un titre de séjour n'étant pas annulée, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être annulée par voie de conséquence.

Sur la décision portant octroi d'un délai de départ volontaire de trente jours :

16. La décision portant obligation de quitter le territoire français n'étant pas annulée, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision portant octroi d'un délai de départ volontaire de trente jours doit être annulée par voie de conséquence.

Sur la décision fixant le pays de destination :

17. En premier lieu, la décision fixant le pays de destination mentionne la nationalité de M. A..., vise l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et précise qu'il ne justifie pas être exposé personnellement à des traitements inhumains ou dégradants en cas de retour dans son pays d'origine. Cette décision comporte ainsi, contrairement à ce que soutient le requérant, un énoncé suffisant des motifs de droit et de fait qui en constituent le fondement.

18. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de Maine-et-Loire n'a pas procédé à un examen particulier de la situation personnelle de M. A... avant de prendre la décision contestée notamment au regard des risques encourus dans son pays d'origine.

19. La décision portant obligation de quitter le territoire français n'étant pas annulée, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision fixant le pays de destination doit être annulée par voie de conséquence.

20. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fins d'injonction sous astreinte ainsi que celles tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera transmise, pour information, au préfet de Maine-et-Loire.

Délibéré après l'audience du 6 décembre 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Quillévéré, président de chambre,

- M. Geffray, président-assesseur,

- M. Penhoat, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 décembre 2024.

Le rapporteur

A. PENHOATLe président

G. QUILLÉVÉRÉ La greffière

H. DAOUD

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

1

N°24NT01541 2

1


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 24NT01541
Date de la décision : 24/12/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. QUILLÉVÉRÉ
Rapporteur ?: M. Anthony PENHOAT
Rapporteur public ?: M. BRASNU
Avocat(s) : KADDOURI

Origine de la décision
Date de l'import : 05/01/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-12-24;24nt01541 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award