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24/12/2024 | FRANCE | N°24NT01948

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 1ère chambre, 24 décembre 2024, 24NT01948


Vu les autres pièces du dossier.



Vu :

- le code de l'éducation ;

- le code de justice administrative.



Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.



Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Viéville,

- les conclusions de M. Brasnu, rapporteur public.

- et les observations de Me Meunier représentant la commune des Ponts de Cé.





Considérant ce qui suit :



1. Dans le cadre de la deuxième année de Master droit des affaires et droit des entreprises suivie par M. B... au sein de l'université d'Angers au titr...

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'éducation ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Viéville,

- les conclusions de M. Brasnu, rapporteur public.

- et les observations de Me Meunier représentant la commune des Ponts de Cé.

Considérant ce qui suit :

1. Dans le cadre de la deuxième année de Master droit des affaires et droit des entreprises suivie par M. B... au sein de l'université d'Angers au titre de l'année universitaire 2017-2018, une convention de stage a été conclue le 8 avril 2018 entre M. B..., l'université d'Angers et la commune des Ponts de Cé. Ce stage, qui devait se dérouler du 23 avril 2018 au 31 juillet 2018, avait pour objet l'élaboration d'un règlement intérieur de la collectivité, d'un bilan social et l'accomplissement de tâches administratives. Par une décision du 24 mai 2018, la responsable des ressources humaines de la commune des Ponts-de-Cé a mis un terme au stage de M. B.... Cette décision a été confirmée le 28 mai 2018 par le maire de la commune des Ponts-de-Cé, qui a en outre précisé que M. B... ne bénéficierait d'aucune gratification. La demande préalable indemnitaire adressée par M. B... a été rejetée par une décision du 2 avril 2020 du maire de la commune. M. B... a saisi le tribunal administratif de Nantes et a demandé la condamnation de la commune des Ponts-de-Cé à l'indemniser des préjudices qu'il estime avoir subis. Par un jugement du 11 avril 2024, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa requête. M. B... relève appel de ce jugement.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés. ". En relevant qu'il ne résulte pas de l'instruction que la décision du 28 mai 2018 serait entachée d'une incompétence négative, le tribunal a suffisamment répondu au moyen tiré de ce que le maire de la commune s'est estimé à tort tenu de suivre la décision de la responsable des ressources humaines, Mme D.... Par suite, M. B... n'est pas fondé à soutenir que le jugement attaqué serait entaché d'irrégularité pour ce motif.

Sur les conclusions indemnitaires :

En ce qui concerne la responsabilité pour faute :

3. Les conditions d'engagement de la responsabilité pour faute d'une personne publique supposent l'existence d'une faute, l'existence d'un dommage réel, actuel, direct et certain et l'existence d'un lien de causalité entre la faute commise et le dommage. Toute illégalité commise constitue une faute susceptible d'engager la responsabilité de la personne publique et donne lieu à indemnisation, à la condition qu'il existe un préjudice direct et certain présentant un lien de causalité avec l'illégalité commise.

4. En premier lieu, par un arrêté du 27 avril 2018, régulièrement publié au recueil des actes administratifs, le maire des Ponts-de-Cé a accordé délégation à Mme C... D..., responsable des ressources humaines, afin de signer, notamment, les conventions d'accueil des stagiaires. À défaut de dispositions expresses déterminant l'autorité compétente pour mettre fin à ces stages, ce pouvoir appartient, de plein droit, à l'autorité investie du pouvoir de signer les conventions de stage. Par suite, contrairement à ce que soutient le requérant, Mme D... était compétente tant pour signer la convention de stage que pour y mettre fin. Dans ces conditions, M. B... n'est pas fondé à soutenir que la décision du 24 mai 2018 a été signée par une autorité incompétente.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article D. 121-4 du code de l'éducation : " La convention de stage est signée par l'établissement d'enseignement, l'organisme d'accueil, le stagiaire ou son représentant légal, l'enseignant référent et le tuteur de stage. Elle comporte les mentions obligatoires suivantes : (...) 8° Le montant de la gratification versée au stagiaire et les modalités de son versement, le cas échéant ; (...) ". Il résulte de l'instruction que la convention de stage conclue le 8 avril 2018 prévoyait en ces points 3.5.1 et 3.5.3 une gratification de M. B... et fixait le montant horaire de celle-ci. Dès lors que Mme D... était compétente ainsi qu'il a été dit au point précédent tant pour signer la convention de stage que pour y mettre fin, M. B... n'est pas fondé à soutenir que la décision du 24 mai 2018 mettant fin à son stage a été irrégulièrement prise par une autorité distincte de celle qui a arrêté, par une décision du 11 mai 2018, le montant de la gratification mentionnée dans la convention de stage. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du principe de parallélisme des compétences doit être écarté.

6. En troisième lieu, M. B... soutient que la décision du 28 mai 2018 par laquelle le maire des Ponts-de-Cé a confirmé qu'il était mis fin à son stage et qu'il ne bénéficierait d'aucune gratification, prend une forme différente de celle de l'arrêté du 11 mai 2018 par lequel il a été prévu une gratification en raison de ce stage. Cependant, aucune règle ni aucun principe n'imposent au maire de prendre, deux actes différents, ayant des objets partiellement distincts, selon les mêmes formes. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du principe de parallélisme des formes doit être écarté.

7. En quatrième lieu, M. B... soutient que le maire, dans sa décision du 28 mai 2018, s'est estimé à tort être tenu de suivre la décision de la responsable des ressources humaines, Mme D..., prise le 24 mai 2018. Cependant, il résulte des termes de la correspondance du maire en date du 28 mai 2018 que celui-ci après avoir relevé des motifs spécifiques relatifs à l'absence de versement de la gratification, s'est borné à mentionner que la décision prise par la responsable des ressources humaines du 24 mai 2018 avait reçu son accord. Le moyen tiré de ce que le maire se serait cru à tort en situation de compétence liée doit donc être écarté.

8. En cinquième lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / (...) 4° Retirent ou abrogent une décision créatrice de droits ; (...) ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. ".

9. La décision du 24 mai 2018 par laquelle la responsable des ressources humaines de la commune des Ponts-de-Cé a mis un terme au stage de M. B..., ainsi que la décision du 28 mai 2018 par laquelle le maire des Ponts-de-Cé a confirmé la fin de son stage et qu'il ne bénéficiera d'aucune gratification sont au nombre des décisions qui doivent être motivées.

10. La décision du 24 mai 2018 qui met fin au stage de M. B... indique que le comportement de l'intéressé n'a pas été en adéquation avec l'attitude attendue d'un stagiaire dans un milieu professionnel, que le langage corporel de M. B... a mis mal à l'aise l'ensemble des personnels du service ressources humaines au sein duquel il a effectué son stage, et qu'il répond de manière agressive dès qu'une remarque lui est faite. La décision du 28 mai 2018 confirme la fin du stage de M. B... en raison de son attitude et compte tenu notamment de la destruction volontaire du travail qu'il a effectué sur le dossier du règlement intérieur, et précise qu'aucune gratification ne lui sera versée dès lors qu'il n'a pas effectué son stage pour une durée correspondant à la durée légale et qu'il est seul responsable de l'arrêt prématuré de son stage. Les décisions attaquées mentionnent donc de façon suffisamment précise les considérations de fait qui en constituent le fondement. Cependant, ces décisions ne comportent l'énoncé d'aucune considération de droit. Dès lors, elles ne satisfont pas à l'exigence de motivation qu'imposent les dispositions rappelées au point 8. Dans ces conditions, le moyen tiré du défaut de motivation des décisions attaquées doit être accueilli.

11. En sixième lieu, M. B... soutient qu'aucun fait ne justifie qu'il ait été mis fin

de manière anticipée à son stage. Il résulte de l'instruction que M. B... a été accueilli en stage à partir du 23 avril 2018 au sein du service des ressources humaines de la commune des Ponts-de-Cé. Mme D..., responsable des ressources humaines de la commune et tutrice de M. B..., a précisé dans un courriel adressé le 24 mai 2018 au maître de conférences de l'université d'Angers, responsable de la formation suivie par l'intéressé, que tant le langage corporel de M. B..., notamment ses regards fixes et noirs, le fait qu'il lève régulièrement les yeux au ciel et les différentes expressions physionomiques qu'il adopte, que son langage verbal, qualifié d'agressif, ne sont pas adaptés à un environnement professionnel. Elle a ajouté que l'intéressé a adopté au sein du service des attitudes inappropriées, notamment en posant ses pieds sur son bureau, en utilisant son téléphone portable durant les heures de stage et en écoutant des conversations aux portes. Ces comportements sont confirmés par deux attestations établies par des agents de la commune des Ponts-de-Cé qui ont côtoyé M. B... durant son stage. En outre, M. B... ne conteste pas sérieusement, avoir détruit le travail qu'il a réalisé relatif au règlement intérieur de la commune, après avoir été informé de la rupture de sa convention de stage. Si M. B... fait valoir qu'il s'est senti méprisé et rejeté lors de son stage, étant jugé sur son apparence, il n'apporte aucun élément de nature à démontrer ou même à faire présumer l'existence d'une telle situation au sein des services de la communes des Ponts de Cé, les attestations produites qui ne concernent pas le stage qu'il suivait mais font état de ses compétences juridiques et de ses qualités personnelles ayant été établies par des personnes qu'il a pu conseiller, à titre privé et de façon officieuse, et par des personnes avec qui il a travaillé au greffe du tribunal de commerce d'Angers. Il résulte de ce qui précède que les faits reprochés sont suffisamment établis. Dans ces conditions, M. B... n'est pas fondé à soutenir que décisions attaquées ont été prises sur le fondement de faits matériellement inexacts ou seraient entachées d'une erreur d'appréciation.

12. En septième lieu, aux termes de l'article 3-8 de la convention de stage tripartite signée le 18 avril 2018 : " en cas de difficultés dans le déroulement du stage, l'enseignant référent et le tuteur rechercheront une solution à l'amiable. A défaut, ils conviendront des modalités de suspension ou de résiliation du stage ". Il résulte de l'instruction que Mme D..., tutrice de stage de M. B..., a reçu ce dernier en entretien à deux reprises, le 18 mai 2018 et le 23 mai 2018, préalablement à la rupture de la convention de stage, afin de le mettre en garde sur son comportement inapproprié et de l'inviter à l'améliorer. Il résulte par ailleurs de l'instruction que le responsable du Master suivi par l'intéressé a été informé de la tenue de ces entretiens. Dans ces conditions, M. B... n'est pas fondé à soutenir qu'une solution amiable, n'a pas été recherchée avant qu'un terme soit mis à son stage alors que l'article 3-8 de cette convention n'impose aucune modalité amiable de fin de stage. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3-8 de la convention de stage tripartite doit être écarté.

13. Il suit de ce qui précède que M. B... seulement est fondé à demander à la commune des Ponts-de-Cé la réparation des préjudices directs et certains résultant pour lui de ces décisions illégales pour le motif énoncé au point 11.

En ce qui concerne l'évaluation des préjudices :

14. Saisi d'une demande indemnitaire, il appartient au juge administratif d'accorder réparation des préjudices de toute nature, directs et certains, qui résultent de l'illégalité fautive entachant la décision. Le caractère direct du lien de causalité entre l'illégalité commise et le préjudice allégué ne peut notamment être retenu dans le cas où la décision administrative est seulement entachée d'une irrégularité formelle ou procédurale et que le juge considère, au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties devant lui, que la décision aurait pu être légalement prise par l'autorité administrative, au vu des éléments dont elle disposait à la date à laquelle la décision est intervenue.

15. Ainsi qu'il a été dit au point 11, l'insuffisance de motivation des décisions du 24 et du 28 mai 2018 est constitutive d'une illégalité fautive susceptible d'engager la responsabilité de l'administration, pour autant qu'il en soit résulté un préjudice direct et certain. Cependant, les préjudices matériels et moraux allégués ne peuvent être regardés comme la conséquence directe des vices de forme relevés alors qu'il ne résulte pas par ailleurs de l'instruction que la commune des Ponts-de-Cé aurait mis illégalement un terme au stage de l'intéressé. Dès lors, le lien de causalité entre l'illégalité des décisions du 24 mai 2018 et du 28 mai 2018 et les préjudices dont se prévaut M. B... ne peut donc être regardé comme établi. Par suite, les conclusions indemnitaires présentées par M. B... doivent être rejetées.

16. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Sur les frais de justice :

17. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune des Ponts-de-Cé, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par M. B... au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

18. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. B... la somme demandée par la commune des Ponts-de-Cé au même titre.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la commune de Ponts-de-Cé tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et à la commune des Ponts-de-Cé.

Une copie en sera adressée à l'université d'Angers.

Délibéré après l'audience du 6 décembre 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Quillévéré, président de chambre,

- M. Geffray, président assesseur,

- M. Viéville, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 décembre 2024.

Le rapporteur

S. VIÉVILLELe président

G. QUILLÉVÉRÉ

La greffière

H. DAOUD

La République mande et ordonne à la ministre du partenariat avec les territoires et de la décentralisation en ce qui la concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N°24NT0194802


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 24NT01948
Date de la décision : 24/12/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. QUILLÉVÉRÉ
Rapporteur ?: M. Sébastien VIEVILLE
Rapporteur public ?: M. BRASNU
Avocat(s) : ROUXEL

Origine de la décision
Date de l'import : 05/01/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-12-24;24nt01948 ?
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