Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La commune de Segré-en-Anjou Bleu a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 28 juin 2022 du ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales en tant que le montant de la dotation globale de fonctionnement (DGF) qui lui a été notifié au titre de l'année 2022 n'incluait ni la dotation de consolidation d'un montant de 314 523 euros, ni la dotation de compensation d'un montant de 999 413 euros, ainsi que la décision par laquelle la ministre a implicitement rejeté son recours gracieux. La commune a également demandé au tribunal de condamner l'Etat à lui verser lesdites sommes assorties des intérêts au taux légal et de la capitalisation des intérêts dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard.
Par un jugement n° 2214867 du 12 juillet 2023, le tribunal administratif de Nantes a, d'une part, prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions de la commune tendant à l'annulation de l'arrêté du 28 juin 2022 en tant qu'il n'inclut pas la dotation de consolidation d'un montant de 314 523 euros et sur ses conclusions tendant à l'annulation de la décision par laquelle la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales a rejeté son recours gracieux et, d'autre part, rejeté le surplus des conclusions de la requête.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 10 août 2023, la commune de Segré-en-Anjou Bleu, représentée par Me Meunier, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 12 juillet 2023 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 28 juin 2022 du ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales en tant que le montant de la dotation globale de fonctionnement (DGF) qui lui a été notifié au titre de l'année 2022 n'inclut ni la dotation de consolidation d'un montant de 314 523 euros, ni la dotation de compensation d'un montant de 999 413 euros, ainsi que la décision par laquelle la ministre a implicitement rejeté son recours gracieux ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser les sommes de 314 523 euros et de 999 413 euros, assorties des intérêts au taux légal et de la capitalisation des intérêts dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt de la cour, sous astreinte de 50 euros par jour de retard passé ce délai ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- c'est à tort que le jugement attaqué a prononcé un non-lieu à statuer ; l'arrêté du préfet de Maine-et-Loire procédant au versement d'un complément de dotation forfaitaire annuel d'un montant de 314 523 euros n'est pas définitif ; il ne lui donne pas totalement satisfaction dès lors que sa demande indemnitaire a une portée plus large ; le préfet ne pouvait pas limiter le montant de la dotation de consolidation à la somme de 314 523 euros ;
- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, elle est éligible à la dotation de consolidation au titre de l'année 2022 en vertu des dispositions du IV de l'article L. 2113-20 du code général des collectivités territoriales ;
- elle est également éligible au bénéfice de la dotation de compensation, telle que prévue par les dispositions du III de l'article L. 2113-20 du code général des collectivités territoriales ;
- c'est à tort que le tribunal a rejeté ses conclusions relatives à la dotation de compensation comme irrecevables, dès lors que son recours gracieux et sa requête de première instance comportaient de telles conclusions.
Par un mémoire en défense, enregistré le 3 avril 2024, le ministre de l'intérieur et des outre-mer conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé.
Par un courrier du 4 décembre 2024, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt de la cour était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office tiré de l'irrégularité du jugement attaqué en tant qu'il a omis de prononcer un non-lieu à statuer sur la demande présentée par la commune de Segré-en-Anjou Bleu tendant à ce que l'Etat soit condamné à lui verser la somme de 314 523 euros ainsi que les intérêts au taux légal et la capitalisation de ces intérêts sur cette somme, compte tenu du versement de ces sommes par le préfet de Maine-et-Loire aux termes de sa décision du 4 avril 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Chabernaud,
- les conclusions de Mme Rosemberg, rapporteur public,
- et les observations de Me Vautier, substituant Me Meunier, représentant la commune de Segré-en-Anjou Bleu.
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 28 septembre 2016, le préfet de Maine-et-Loire a décidé la création, à compter du 15 décembre 2016, de la commune nouvelle de Segré-en-Anjou Bleu par regroupement de l'ensemble des communes membres de la communauté de communes du canton de Segré. Par un arrêté du 28 juin 2022, la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales a notifié à la commune de Segré-en-Anjou Bleu le montant de sa dotation globale de fonctionnement (DGF) pour l'année 2022. Par un recours gracieux du 29 août 2022 qui a été implicitement rejeté, la commune de Segré-en-Anjou Bleu a contesté le montant de sa DGF en tant qu'elle ne comportait pas la dotation de consolidation prévue au IV de l'article L. 2113-20 du code général des collectivités territoriales à hauteur de 314 523 euros. La commune a alors demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté précité du 28 juin 2022 en tant que le montant de sa DGF au titre de l'année 2022 n'incluait ni la dotation de consolidation d'un montant de 314 523 euros, ni la dotation de compensation d'un montant de 999 413 euros, ainsi que la décision par laquelle la ministre a implicitement rejeté son recours gracieux. La commune a également demandé au tribunal de condamner l'Etat à lui verser lesdites sommes assorties des intérêts au taux légal et de la capitalisation des intérêts dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard.
2. Par un jugement du 12 juillet 2023, le tribunal administratif de Nantes a, d'une part, prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions de la commune tendant à l'annulation de l'arrêté du 28 juin 2022 en tant qu'il n'inclut pas la dotation de consolidation d'un montant de 314 523 euros et sur ses conclusions tenant à l'annulation de la décision implicite par laquelle la ministre a rejeté son recours gracieux et, d'autre part, rejeté le surplus des conclusions de la requête. La commune de Segré-en-Anjou Bleu fait appel de ce jugement devant la cour.
Sur la régularité du jugement attaqué :
3. En premier lieu, par une décision n° 447363 du 6 janvier 2023, le Conseil d'Etat a fait droit au pourvoi en cassation de la commune de Segré-en-Anjou Bleu en annulant l'arrêt n°s 19NT05052, 20NT01577 du 6 novembre 2020 de la cour de céans et en confirmant le jugement n° 1711076 du 6 novembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Nantes avait, d'une part, annulé la décision du 19 juin 2017 du préfet de Maine-et-Loire, en tant que celle-ci exclut la commune du bénéfice de la dotation de consolidation prévue au IV de l'article L. 2113-20 du code général des collectivités territoriales, et, d'autre part, enjoint à l'Etat de verser à la commune cette dotation, ce compris les intérêts et la capitalisation des intérêts. Dans sa décision, le Conseil d'Etat a également prononcé à l'encontre de l'Etat, à défaut pour lui de justifier de l'exécution de ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 6 novembre 2019, dans un délai de quatre mois à compter de la notification de sa décision, une astreinte de 100 euros par jour jusqu'à la date à laquelle le jugement précité aura reçu exécution.
4. Afin de procéder à cette exécution, le préfet de Maine-et-Loire a, par un arrêté du 4 avril 2023, accordé à la commune de Segré-en-Anjou Bleu une dotation de consolidation d'un montant de 314 523 euros notamment pour l'année 2017. Il ressort de sa lettre du 5 avril 2023, accompagnant l'arrêté précité du 4 avril, que ladite somme de 314 523 euros comprend à la fois le montant de la dotation de consolidation mais aussi les intérêts et la capitalisation des intérêts sur cette somme, dès lors, notamment, que le préfet, pour intégrer dans son calcul les intérêts et leur capitalisation, n'a pas appliqué à ladite dotation de consolidation certaines déductions, en particulier les écrêtements à laquelle la commune de Segré-en-Anjou Bleu était astreinte au profit de la dotation nationale de péréquation prévue à l'article L. 2334-14-1 du code général des collectivités territoriales.
5. Afin d'éteindre le litige pour les années postérieures à l'année 2017, le préfet a également octroyé à la commune de Segré-en-Anjou Bleu, aux termes de cet arrêté du 4 avril 2023, la somme précitée de 314 523 euros pour les années 2018 à 2022. Au total, il a donc attribué à la commune la somme de 1 887 138 euros. Pour l'année 2022 en litige dans la présente instance, le préfet fait également valoir, dans son courrier précité du 5 avril 2023, que la somme de 314 523 euros comprend le montant de la dotation de consolidation ainsi que les intérêts et leur capitalisation sans toutefois l'établir de façon précise alors que la commune de Segré-en-Anjou Bleu conteste le calcul ainsi opéré en se prévalant d'un calcul alternatif. Le préfet doit donc être regardé comme ayant seulement éteint le litige s'agissant du montant de la dotation de consolidation et non des intérêts y afférents et de leur capitalisation. Enfin, si la commune soutient que l'arrêté précité du préfet du 4 avril 2023 ne serait pas définitif, compte tenu du fait qu'elle a formé un recours gracieux le 1er juin 2023 à son encontre, il ressort toutefois de ce recours qu'elle ne remet pas en cause le principe même de l'attribution de la somme de
314 523 euros, dont il n'est d'ailleurs pas contesté qu'elle lui a été effectivement versée, mais seulement le fait qu'il y aurait lieu de lui octroyer une somme complémentaire.
6. Le tribunal administratif, aux termes du jugement attaqué du 12 juillet 2023, s'est toutefois borné à prononcer un non-lieu à statuer sur les conclusions de la commune de Segré-en-Anjou Bleu tendant à l'annulation de l'arrêté du 28 juin 2022, en tant qu'il n'inclut pas la dotation de consolidation précitée, et sur ses conclusions tendant à l'annulation de la décision par laquelle la ministre de la cohésion des territoires a rejeté son recours gracieux. Ainsi, il a omis de prononcer un non-lieu à statuer sur les conclusions de la commune tendant à ce que l'Etat soit condamné à lui verser la somme de 314 523 euros alors pourtant qu'elles étaient devenues sans objet, ainsi qu'il vient d'être dit. Dès lors, le jugement attaqué, qui est irrégulier sur ce point, doit être annulé dans cette mesure. Il y a lieu, pour la cour, d'évoquer les conclusions de la demande ainsi devenues sans objet au cours de la procédure de première instance et de constater qu'il n'y a pas lieu d'y statuer.
7. En second lieu, dans la requête qu'elle a présentée devant le tribunal administratif le 10 novembre 2022, la commune de Segré-en-Anjou Bleu n'a présenté que des conclusions relatives à la dotation de consolidation précitée. Ce n'est que par un mémoire enregistré au greffe du tribunal le 27 février 2023 qu'elle a demandé, en outre, l'annulation de l'arrêté précité du
28 juin 2022 en tant qu'il n'inclut pas la dotation de compensation prévue au III de l'article L. 2113-20 du code général des collectivités territoriales, d'un montant de 999 413 euros, ainsi que la condamnation de l'Etat à lui verser cette somme assortie des intérêts moratoires et de leur capitalisation. Dans ces conditions, dès lors que ces conclusions relatives à la dotation de compensation ont été présentées postérieurement au délai de recours contentieux, c'est à bon droit que le tribunal les a rejetées comme irrecevables.
Sur les conclusions relatives aux intérêts au taux légal et à la capitalisation de ces intérêts afférents à la somme de 314 523 euros :
8. Aux termes du IV de l'article L. 2113-20 du code général des collectivités dans sa version applicable au litige : " (...) IV. Au cours des trois premières années suivant leur création, les communes nouvelles dont l'arrêté de création a été pris entre le 2 janvier 2019 et le 1er janvier 2020 regroupant toutes les communes membres d'un ou de plusieurs établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre dont la population globale est inférieure ou égale à 150 000 habitants perçoivent une dotation de consolidation au moins égale à la somme des montants de la dotation d'intercommunalité perçus par le ou les établissements publics de coopération intercommunale l'année précédant la création de la commune nouvelle. (...) ".
9. Il résulte de ces dispositions, dans leur version issue de la loi n° 2021-1900 du
30 décembre 2021 de finances pour 2022, que le bénéfice du maintien d'une dotation de consolidation aux communes nouvelles regroupant toutes les communes membres d'un ou plusieurs établissements publics de coopération intercommunale est réservé à celles dont la population globale est inférieure ou égale à 15 000 habitants, quand elles ont été créées entre le
2 janvier 2019 et le 1er janvier 2020. Or, la commune de Segré-en-Anjou-Bleu a été créée par un arrêté du 28 septembre 2016, avec effet au 15 décembre suivant. Ainsi, elle n'est pas fondée à soutenir qu'elle avait droit au versement de la dotation de consolidation au titre de l'année
2022 et, par suite, aux intérêts y afférents et à leur capitalisation. Les conclusions présentées à ce titre doivent donc être rejetées. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte tendant au paiement de cette somme doivent être également rejetées.
10. Il résulte de tout ce qui précède, d'une part, que le jugement attaqué du 12 juillet 2023 doit être annulé en tant qu'il a omis de prononcer un non-lieu à statuer sur la demande présentée par la commune de Segré-en-Anjou Bleu tendant à ce que l'Etat soit condamné à lui verser la somme de 314 523 euros, d'autre part, qu'il n'y a pas lieu, pour la cour, de statuer sur cette demande et, enfin, que la commune n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté le surplus des conclusions de sa requête.
Sur les frais liés au litige :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme demandée par la commune de Segré-en-Anjou Bleu au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nantes du 12 juillet 2023 est annulé en tant qu'il a omis de prononcer un non-lieu à statuer sur la demande présentée par la commune de Segré-en-Anjou Bleu tendant à ce que l'Etat soit condamné à lui verser la somme de
314 523 euros.
Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande présentée par la commune de Segré-en-Anjou Bleu tendant à ce que l'Etat soit condamné à lui verser la somme de 314 523 euros.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la commune de Segré-en-Anjou Bleu est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Segré-en-Anjou Bleu et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 10 décembre 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- M. Derlange, président-assesseur,
- M. Chabernaud, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 janvier 2025.
Le rapporteur,
B. CHABERNAUDLe président,
L. LAINÉ
La greffière,
A. MARTIN
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23NT02496