La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

10/01/2025 | FRANCE | N°24NT02057

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 4ème chambre, 10 janvier 2025, 24NT02057


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du 8 février 2024 par lequel le préfet du Calvados a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays d'éloignement et lui a interdit de revenir sur le territoire français pour une durée de trois ans.



Par un jugement n° 2400483 du 31 mai 2024, le tribunal administratif de Caen a, d'une part, annulé l'arrêt

du préfet du Calvados du 8 février 2024 en tant qu'il a refusé d'octroyer un délai de départ volontaire ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du 8 février 2024 par lequel le préfet du Calvados a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays d'éloignement et lui a interdit de revenir sur le territoire français pour une durée de trois ans.

Par un jugement n° 2400483 du 31 mai 2024, le tribunal administratif de Caen a, d'une part, annulé l'arrêté du préfet du Calvados du 8 février 2024 en tant qu'il a refusé d'octroyer un délai de départ volontaire à M. A... et lui a fait interdiction de retourner sur le territoire français pour une durée de trois ans et, d'autre part, rejeté le surplus des conclusions de la requête.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 3 juillet 2024, M. A..., représenté par Me Châles, demande à la cour :

1°) de lui accorder le bénéfice provisoire de l'aide juridictionnelle ;

2°) d'annuler le jugement du 31 mai 2024 du tribunal administratif de Caen en tant qu'il rejette ses conclusions à fin d'annulation dirigées contre l'arrêté du préfet du Calvados du

8 février 2024 en tant que celui-ci porte refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français ;

3°) d'annuler l'arrêté du 8 février 2024 du préfet du Calvados en tant qu'il porte refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français ;

4°) d'enjoindre au préfet du Calvados de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa demande sous la même condition de délai et de lui délivrer dans l'attente un récépissé de demande de titre de séjour l'autorisant à travailler ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1000 euros à verser à son conseil, en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve qu'il renonce à percevoir la part contributive de l'État versée au titre de l'aide juridictionnelle.

Il soutient que :

sur la régularité du jugement attaqué :

- le jugement attaqué est irrégulier, dès lors que le tribunal n'a pas répondu au moyen tiré de ce que le préfet a méconnu les dispositions de l'article R. 40-29 du code de procédure pénale ;

sur la décision portant refus de titre de séjour :

- le préfet a méconnu les dispositions de l'article R. 40-29 du code de procédure pénale ;

- il a commis une erreur manifeste d'appréciation et méconnu les dispositions de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense enregistré le 17 septembre 2024, le préfet du Calvados conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé.

M. A... a été admis à l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 11 octobre 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Chabernaud a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant guinéen né le 3 juin 2005, est entré en France le 2 novembre 2021. Il a sollicité le 20 février 2023 une demande de titre de séjour sur le fondement de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Sa demande a été rejetée par le préfet du Calvados aux termes d'un arrêté du 8 février 2024 portant également obligation de quitter le territoire français sans délai, fixation du pays de destination et interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans. Par un jugement du

31 mai 2024, le tribunal administratif de Caen a, d'une part, annulé cet arrêté en tant qu'il a refusé d'octroyer un délai de départ volontaire à M. A... et lui a fait interdiction de retourner sur le territoire français pour une durée de trois ans et, d'autre part, rejeté le surplus des conclusions de la requête. M. A... fait appel de ce jugement en tant qu'il rejette ses conclusions à fin d'annulation dirigées contre l'arrêté du 8 février 2024 en tant que celui-ci porte refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français.

Sur la demande d'admission à l'aide juridictionnelle provisoire :

2. Aux termes de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " Dans les cas d'urgence (...), l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée soit par le président du bureau ou de la section compétente du bureau d'aide juridictionnelle, soit par la juridiction compétente ou son président ".

3. Par une décision du 11 octobre 2024, le bureau d'aide juridictionnelle a accordé à M. A... le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Dès lors, les conclusions présentées par ce dernier tendant à ce que la cour l'admette provisoirement à l'aide juridictionnelle sont devenues sans objet. Il n'y a donc plus lieu d'y statuer.

Sur la régularité du jugement attaqué :

4. Pour rejeter la demande de titre de séjour présentée par M. A... sur le fondement de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet du Calvados a, aux termes de l'arrêté contesté du 8 février 2024, opposé le motif tiré de ce que la situation de l'intéressé ne justifiait pas la délivrance de ce titre au regard des conditions de suivi de sa formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur son insertion dans la société française. Le préfet a également, par un second motif, opposé à M. A... le fait qu'il représentait une menace pour l'ordre public. Aux termes du jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a jugé que le premier motif précité de refus était fondé et qu'il suffisait, à lui-seul, à fonder légalement l'arrêté du préfet. Il a donc procédé à la neutralisation du second motif de refus précité relatif à la menace à l'ordre public et écarté, à bon droit, comme inopérants, les moyens invoqués contre ce motif. Ainsi, M. A... n'est pas fondé à soutenir que le tribunal aurait dû répondre au bien-fondé du moyen tiré de ce que le préfet a méconnu les dispositions de l'article R. 40-29 du code de procédure pénale. En effet, un tel moyen a été invoqué contre le second motif de l'arrêté du 8 février 2024 et était, par suite, inopérant compte tenu de la neutralisation opérée par les premiers juges, qui n'ont ainsi commis aucune irrégularité à ce titre.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :

5. Aux termes de l'article L. 435-3, anciennement L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A titre exceptionnel, l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance ou à un tiers digne de confiance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle peut, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ", sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil ou du tiers digne de confiance sur l'insertion de cet étranger dans la société française. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. ".

6. Lorsqu'il examine une demande d'admission exceptionnelle au séjour en qualité de

" salarié " ou " travailleur temporaire ", présentée sur le fondement de ces dispositions, le préfet vérifie tout d'abord que l'étranger est dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, qu'il a été confié à l'aide sociale à l'enfance ou à un tiers digne de confiance entre l'âge de seize ans et dix-huit ans, qu'il justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle et que sa présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public. Il lui revient ensuite, dans le cadre du large pouvoir dont il dispose, de porter une appréciation globale sur la situation de l'intéressé, au regard notamment du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil ou du tiers digne de confiance sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Il appartient au juge administratif, saisi d'un moyen en ce sens, de vérifier que le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation ainsi portée.

7. Il ressort des pièces du dossier que M. A..., ressortissant guinéen né le 3 juin 2005 et entré en France le 2 novembre 2021, a tout d'abord suivi une formation pour l'obtention du certificat d'aptitude professionnelle (CAP) de maçon en 2021-2022 puis a changé d'orientation en s'inscrivant pour l'année scolaire 2022-2023 dans une formation en vue de préparer le CAP de boucher. Si le bulletin de notes semestriel produit au titre de cette dernière formation comporte de bonnes appréciations dans certaines matières, l'appréciation générale de ce bulletin fait toutefois état d'un travail irrégulier qui doit être plus soutenu et émet, en conséquence, à l'encontre de M. A..., un rappel à l'ordre pour manque de travail. Le requérant ne peut ainsi être regardé comme justifiant du caractère réel et sérieux des études suivies, en dépit des attestations favorables délivrées par certains de ses enseignants, de son employeur et des salariés de ce dernier. Par ailleurs, si le rapport social établi le 23 janvier 2023 par la structure qui l'accueille et l'héberge mentionne que M. A... a trouvé avec succès un stage puis un contrat d'apprentissage dans une boucherie, qu'il fait preuve de sérieux et respecte les règles, il ne justifie cependant pas de façon précise de l'insertion de l'intéressé dans la société française. Enfin, M. A... a conservé des attaches dans son pays d'origine où vivent son père, son frère et sa sœur. Dans ces conditions, le requérant n'est pas fondé à soutenir qu'en refusant de lui délivrer le titre de séjour sollicité au motif qu'il ne répondait pas aux critères précités relatifs au suivi de sa formation, à la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine et à l'avis de la structure d'accueil sur son insertion dans la société française, le préfet du Calvados a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation et méconnu les dispositions de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il résulte de l'instruction que le préfet aurait pris la même décision s'il s'était fondé sur ce seul motif. Par suite, M. A... ne peut utilement contester l'autre motif de la décision du 8 février 2024 tenant au fait qu'il représenterait une menace pour l'ordre public.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

8. M. A... résidait en France depuis seulement deux ans à la date de la décision contestée. En outre, il n'établit pas avoir de fortes attaches familiales en France et ne justifie pas du caractère réel et sérieux des études qu'il y mène. En outre, il n'est pas dépourvu d'attaches dans son pays d'origine où résident son père, son frère et sa sœur et où il a vécu la majeure partie de son existence. Dans ces conditions, en l'obligeant à quitter le territoire français, le préfet du Calvados n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

9. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions à fin d'annulation présentées par M. A... contre l'arrêté du préfet du Calvados du 8 février 2024 doivent être rejetées. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et celles présentées au titre des frais liés au litige doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a plus lieu de statuer sur la demande de M. A... aux fins d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.

Une copie en sera transmise au préfet du Calvados.

Délibéré après l'audience du 10 décembre 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- M. Derlange, président-assesseur,

- M. Chabernaud, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 janvier 2025.

Le rapporteur,

B. CHABERNAUDLe président,

L. LAINÉ

La greffière,

A. MARTIN

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 24NT02057


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 24NT02057
Date de la décision : 10/01/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINÉ
Rapporteur ?: M. Benjamin CHABERNAUD
Rapporteur public ?: Mme ROSEMBERG
Avocat(s) : CHALES MARGAUX

Origine de la décision
Date de l'import : 19/01/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-01-10;24nt02057 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award