Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler, d'une part, l'arrêté du 20 décembre 2023 par lequel le préfet du Calvados lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour et, d'autre part, l'arrêté du 22 février 2024 par lequel le préfet l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n°s 2400427 et 2400530 du 7 juin 2024, le tribunal administratif de Caen a, d'une part, prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions à fin d'admission à l'aide juridictionnelle à titre provisoire présentées par M. B... et, d'autre part, rejeté ses deux requêtes.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires enregistrés les 5 et 19 juillet et 4 septembre 2024, M. B..., représenté par Me Kleinfinger, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 7 juin 2024 rendu par le tribunal administratif de Caen ;
2°) d'annuler les arrêtés des 20 décembre 2023 et 22 février 2024 par lesquels le préfet du Calvados lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter sans délai le territoire français et a fixé le pays de destination ;
3°) d'enjoindre au préfet du Calvados de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- les décisions attaquées portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français sont entachées d'illégalité, dès lors que le préfet n'a pas procédé à un examen individuel et approfondi de sa situation ;
- elles sont entachées d'erreur de droit ;
- elles sont entachées d'erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle ;
- elles sont entachées d'erreur d'appréciation, dès lors qu'il ne représente pas une menace pour l'ordre public, et méconnaissent les dispositions de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elles méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elles méconnaissent les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale en raison de l'illégalité du refus de séjour.
Par un mémoire en défense enregistré le 2 décembre 2024, le préfet du Calvados conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens invoqués n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
M. B... a été admis à l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 12 septembre 2024.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Chabernaud a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant camerounais né le 5 mai 1986, a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler, d'une part, l'arrêté du 20 décembre 2023 par lequel le préfet du Calvados lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour et, d'autre part, l'arrêté du 22 février 2024 par lequel le préfet l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays de destination. Par un jugement du 7 juin 2024, le tribunal administratif de Caen a, d'une part, prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions à fin d'admission à l'aide juridictionnelle à titre provisoire présentées par M. B... et, d'autre part, rejeté ses deux requêtes.
M. B... fait appel de ce jugement devant la cour.
2. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier, en particulier de la motivation des décisions contestées portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français, que le préfet a procédé à un examen particulier de la situation personnelle de M. B.... Par suite, le moyen tiré de l'absence d'un tel examen doit être écarté.
3. En deuxième lieu, le moyen tiré de ce que les décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français seraient entachées d'erreur de droit n'est pas assorti des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé et doit, dès lors, être écarté.
4. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France et qui établit contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil, depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention
" vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. ". Selon l'article L. 423-8 du même code : " Pour la délivrance de la carte de séjour prévue à l'article L. 423-7, lorsque la filiation est établie à l'égard d'un parent en application de l'article 316 du code civil, le demandeur, s'il n'est pas l'auteur de la reconnaissance de paternité ou de maternité, doit justifier que celui-ci contribue effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant, dans les conditions prévues à l'article 371-2 du code civil, ou produire une décision de justice relative à la contribution à l'éducation et à l'entretien de l'enfant. / Lorsque le lien de filiation est établi mais que la preuve de la contribution n'est pas rapportée ou qu'aucune décision de justice n'est intervenue, le droit au séjour du demandeur s'apprécie au regard du respect de sa vie privée et familiale et au regard de l'intérêt supérieur de l'enfant. ". L'article L. 412-5 de ce code dispose par ailleurs que : " La circonstance que la présence d'un étranger en France constitue une menace pour l'ordre public fait obstacle à la délivrance et au renouvellement de la carte de séjour temporaire, de la carte de séjour pluriannuelle et de l'autorisation provisoire de séjour prévue aux articles L. 425-4 ou L. 425-10 ainsi qu'à la délivrance de la carte de résident et de la carte de résident portant la mention
" résident de longue durée-UE ". ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".
5. M. B..., ressortissant camerounais né le 5 mai 1986, a déclaré être entré en France en juin 1990 sous couvert d'un visa de court séjour. Il soutient qu'il y réside depuis cette date, ce qui n'est pas sérieusement contesté par le préfet et apparaît notamment corroboré par la production de certificats de scolarité et de travail ainsi que d'attestations d'hébergement. L'intéressé a toutefois fait l'objet de nombreuses condamnations pénales sur le territoire national. Tout d'abord, il a été condamné le 2 février 2015 à une peine de deux mois d'emprisonnement avec sursis par le tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand pour violence sans incapacité par une personne étant ou ayant été concubin, conjoint ou partenaire de PACS. Il a ensuite été condamné par le président du tribunal de grande instance de Caen à des amendes de 500 euros et de 300 euros pour conduite d'un véhicule sans permis commise les 3 et
11 décembre 2016 puis, pour les mêmes faits et des faits de conduite sans assurance commis le
1er novembre 2018, à une peine de trois mois d'emprisonnement. Il a réitéré ces faits, ce qui a donné lieu à une condamnation à une peine de six mois d'emprisonnement avec sursis prononcée le 25 avril 2022 par le président du tribunal judiciaire de Caen sur reconnaissance préalable de culpabilité. En outre, M. B... a été reconnu coupable, par un jugement du tribunal correctionnel de Caen du 10 février 2020, de violences commises les 18 novembre 2018, 30 mai 2019 et 3 janvier 2020 sur la mère de ses deux filles, de nationalité française, nées en 2018 et 2020, dont certaines ont été commises devant l'une d'elle et pour lesquelles il a été condamné à dix-huit mois de prison, dont six mois avec sursis. Il a également été condamné par un arrêt de la cour d'appel de Caen du 18 novembre 2022 à une peine de trois ans d'emprisonnement, dont un an avec sursis, pour des faits de violence suivie d'incapacité n'excédant pas huit jours commis entre le 17 janvier et le 25 juin 2022, à nouveau sur la mère de ses deux filles et en présence de ces dernières, la cour ayant également décidé de mettre en place le dispositif " anti-rapprochement " afin de protéger cette dernière, avec l'activation d'un bracelet pour une durée de deux ans dans un périmètre de dix kilomètres. M. B... n'établit ni avoir noué des liens d'une particulière intensité avec ses quatre enfants, ni contribué à leur éducation et à leur entretien. En ce qui concerne ses deux filles, nées en 2018 et 2020, l'intéressé a commis des violences sur leur mère devant elles, ainsi qu'il a été dit, et a l'interdiction d'approcher cette dernière en raison de la condamnation pénale précitée dont il a fait l'objet. Quant à ses deux fils, nés en 2014 et 2015 d'une autre mère, ils sont placés en famille d'accueil depuis 2016 et
M. B... ne bénéficiait à leur égard, lorsqu'il n'était pas incarcéré, que d'un droit de visite médiatisé dans un lieu neutre. En outre, Si M. B... soutient qu'il ne dispose plus d'attaches familiales dans son pays d'origine et que sa mère réside régulièrement en France ainsi que sa demi-sœur, son oncle et sa tante, qui sont de nationalité française, il ne démontre toutefois pas entretenir des relations privilégiées avec ces derniers. Enfin, il invoque ses efforts de réinsertion, notamment par le suivi de formations. Cependant, il était toujours incarcéré à la date des décisions contestées et les faits pour lesquels il a été condamné présentent un caractère de gravité, sont récents et ont été commis en état de récidive. Au surplus, dans son avis du
30 novembre 2023, la commission départementale du titre de séjour a émis un avis défavorable à la délivrance du titre de séjour litigieux. Dans ces conditions, en rejetant sa demande de titre de séjour et en l'obligeant à quitter le territoire français, le préfet du Calvados n'a commis aucune erreur d'appréciation quant à la menace qu'il représenterait pour l'ordre public, ni n'a méconnu les dispositions des articles L. 423-7 et L. 423-8 précités du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou les stipulations des articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant. Les décisions contestées ne sont pas non plus entachées d'erreur manifeste d'appréciation quant à leurs conséquences sur la situation de
M. B....
6. En dernier lieu, il résulte de ce qui vient d'être dit que M. B... n'est pas fondé à soutenir que l'obligation de quitter le territoire français est entachée d'illégalité en raison de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour.
7. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation des arrêtés litigieux des 20 décembre 2023 et 22 février 2024 du préfet du Calvados. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte et ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.
Une copie en sera transmise au préfet du Calvados.
Délibéré après l'audience du 10 décembre 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- M. Derlange, président-assesseur,
- M. Chabernaud, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 janvier 2025.
Le rapporteur,
B. CHABERNAUDLe président,
L. LAINÉ
La greffière,
A. MARTIN
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 24NT02080