Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. et Mme C... et B... A... ont demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler le certificat d'urbanisme opérationnel négatif qui leur a été délivré le 6 septembre 2019 par le maire de la commune de Quimper déclarant non réalisable l'opération de construction d'une maison à usage d'habitation sur une parcelle située 4 chemin de Ménez Guen.
Par un jugement n° 1905568 du 16 décembre 2022, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 16 février 2023 et le 14 mai 2024, M. et Mme C... et B... A..., représentés par Me Saout, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 16 décembre 2022 du tribunal administratif de Rennes ;
2°) d'annuler ce certificat d'urbanisme du maire de Quimper (Finistère) ;
3°) d'enjoindre au maire de Quimper de leur délivrer le certificat d'urbanisme positif sollicité dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de la commune de Quimper la somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- le jugement est irrégulier faute de signature de la minute ;
- par la voie de l'exception, le classement en zone agricole de leur parcelle au plan local d'urbanisme est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ; il existe une incohérence entre ce classement et le projet d'aménagement et de développement durables (PADD) ; un classement de la parcelle en secteur de taille et de capacité d'accueil limitées s'imposait ;
- en l'absence de justification par la commune à l'appui de sa demande de condamnation au titre des frais d'instance devant le tribunal administratif, et dans les circonstances de l'espèce, il n'y avait pas lieu de mettre à leur charge la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un mémoire en défense, enregistré le 26 avril 2023, la commune de Quimper, représentée par Me Josselin, conclut au rejet de la requête et demande de mettre à la charge de
M. et Mme A... une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la requête est irrecevable alors que les appelants ne présentent aucune critique du jugement ;
- les moyens soulevés par M. et Mme A... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Rivas,
- les conclusions de M. Frank, rapporteur public,
- et les observations de Me Le Baron, substituant Me Saout, représentant M. et Mme A....
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme A... ont déposé, le 12 juillet 2019, une demande de certificat d'urbanisme opérationnel pour la construction d'une maison d'habitation d'une surface de plancher de 110 m² sur leur parcelle cadastrée section CX n° 507 située 4 chemin de Ménez Guen à Quimper (Finistère). Par un certificat d'urbanisme du 6 septembre 2019, le maire de Quimper a déclaré non réalisable cette opération aux motifs, d'une part, que le projet ne respectait pas le règlement de la zone A du plan local d'urbanisme et, d'autre part, que l'aptitude du terrain à l'assainissement collectif n'était pas avérée et qu'autoriser cette construction était de nature à porter atteinte à la salubrité publique. Par un jugement du 16 décembre 2022, dont M. et Mme A... relèvent appel, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande d'annulation de cette décision en son article 1er et a mis à leur charge, en son article 2, la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Sur la fin de non-recevoir opposée par la commune de Quimper :
2. Aux termes des dispositions de l'article R. 411-1 du code de justice administrative : " La juridiction est saisie par requête. La requête (...) contient l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge. / L'auteur d'une requête ne contenant l'exposé d'aucun moyen ne peut la régulariser par le dépôt d'un mémoire exposant un ou plusieurs moyens que jusqu'à l'expiration du délai de recours. " En vertu de ces dispositions, la requête doit, à peine d'irrecevabilité, contenir l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge.
3. La requête dont M. et Mme A... ont saisi la cour ne se borne pas à reproduire intégralement et exclusivement l'exposé des faits et moyens figurant dans leurs mémoires de première instance mais soumet au juge d'appel, à l'appui de ses conclusions en annulation du jugement, un exposé des faits et moyens qui comporte une critique de ce jugement. La requête d'appel satisfait ainsi aux exigences de motivation résultant des dispositions citées au point précédent. Il s'ensuit que la fin de non-recevoir opposée à la requête par la commune de Quimper ne peut être accueillie.
Sur la régularité du jugement attaqué :
4. Aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience. ". Il ressort des pièces de la procédure que la minute du jugement attaqué comporte l'ensemble des signatures requises par les dispositions précitées. Par suite, le moyen tiré de ce que ce jugement serait entaché d'une irrégularité, faute d'être revêtu des signatures du président, du rapporteur et du greffier, doit être écarté.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
5. Statuant sur l'appel du demandeur de première instance dirigé contre un jugement qui a rejeté ses conclusions à fin d'annulation d'une décision administrative reposant sur plusieurs motifs en jugeant, après avoir censuré tel ou tel de ces motifs, que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée sur le ou les motifs que le jugement ne censure pas, il appartient au juge d'appel, s'il remet en cause le ou les motifs n'ayant pas été censurés en première instance, de se prononcer, en vertu de l'effet dévolutif de l'appel, sur les moyens critiquant la légalité du ou des motifs censurés en première instance, avant de déterminer, au vu de son appréciation de la légalité des différents motifs de la décision administrative, s'il y a lieu de prononcer l'annulation de cette décision ou de confirmer le rejet des conclusions à fin d'annulation.
6. Le jugement attaqué rejette la demande de M. et Mme A... après avoir néanmoins jugé que le motif de la décision contestée du maire de Quimper tenant à l'aptitude du terrain d'assiette à l'assainissement collectif et au risque consécutif pour la salubrité publique était entaché d'une erreur de droit. En appel, M. et Mme A... contestent uniquement l'autre motif opposé à leur demande, tiré de ce que le classement en zone agricole de leur parcelle s'oppose à leur projet.
7. Aux termes de l'article L. 151-11 du code de l'urbanisme, le projet d'aménagement et de développement durables du plan local d'urbanisme définit notamment " Les orientations générales des politiques d'aménagement, d'équipement, d'urbanisme, de paysage, de protection des espaces naturels, agricoles et forestiers, et de préservation ou de remise en bon état des continuités écologiques " et " fixe des objectifs chiffrés de modération de la consommation de l'espace et de lutte contre l'étalement urbain ". En vertu de l'article L. 151-9 du même code : " Le règlement délimite les zones urbaines ou à urbaniser et les zones naturelles ou agricoles et forestières à protéger. / Il peut préciser l'affectation des sols selon les usages principaux qui peuvent en être faits ou la nature des activités qui peuvent y être exercées et également prévoir l'interdiction de construire. / Il peut définir, en fonction des situations locales, les règles concernant la destination et la nature des constructions autorisées ". Aux termes de l'article R. 151-22 du code de l'urbanisme : " Les zones agricoles sont dites " zones A ". Peuvent être classés en zone agricole les secteurs de la commune, équipés ou non, à protéger en raison du potentiel agronomique, biologique ou économique des terres agricoles. ". L'article R. 151-23 du même code précise : " Peuvent être autorisées, en zone A : / 1°- Les constructions et installations nécessaires à l'exploitation agricole ou au stockage et à l'entretien de matériel agricole par les coopératives d'utilisation de matériel agricole agréées au titre de l'article L. 525-1 du code rural et de la pêche maritime ; / 2° Les constructions, installations, extensions ou annexes aux bâtiments d'habitation, changements de destination et aménagements prévus par les articles L. 151-11, L. 151-12 et L. 151-13, dans les conditions fixées par ceux-ci. ".
8. Par ailleurs, aux termes de l'article L. 151-8 du code de l'urbanisme : " Le règlement fixe, en cohérence avec le projet d'aménagement et de développement durables, les règles générales et les servitudes d'utilisation des sols permettant d'atteindre les objectifs mentionnés aux articles L. 101-1 à L. 101-3. ". Enfin l'article L. 151-13 du même code dispose, dans sa version applicable du plan local d'urbanisme de Quimper révisé le 16 mars 2017, que : " Le règlement peut, à titre exceptionnel, délimiter dans les zones naturelles, agricoles ou forestières des secteurs de taille et de capacité d'accueil limitées dans lesquels peuvent être autorisés : / 1° Des constructions ; (...). ".
9. Il résulte des dispositions citées au point 7 qu'une zone agricole, dite " zone A ", du plan local d'urbanisme a vocation à couvrir, en cohérence avec les orientations générales et les objectifs du projet d'aménagement et de développement durables, un secteur, équipé ou non, à protéger en raison du potentiel agronomique, biologique ou économique des terres agricoles. Si, pour apprécier la légalité du classement d'une parcelle en zone A, le juge n'a pas à vérifier que la parcelle en cause présente, par elle-même, le caractère d'une terre agricole et peut se fonder sur la vocation du secteur auquel cette parcelle peut être rattachée, en tenant compte du parti urbanistique retenu ainsi que, le cas échéant, de la nature et de l'ampleur des aménagements ou constructions qu'elle supporte, ce classement doit cependant être justifié par la préservation du potentiel agronomique, biologique ou économique des terres agricoles de la collectivité concernée, à plus forte raison lorsque les parcelles en cause comportent des habitations voire présentent un caractère urbanisé.
10. En premier lieu, il ressort du projet d'aménagement et de développement durable du plan local d'urbanisme de Quimper que ses auteurs ont entendu " préserver l'agriculture, l'horticulture et le maraichage par la limitation de l'étalement urbain ". A ce titre ce document précise vouloir " - délimiter clairement les limites à l'urbanisation (notamment le boulevard de la pointe du Van au nord) afin de réduire la consommation d'espaces agricoles et donner une visibilité de long terme aux agriculteurs / - préserver les unités agricoles existantes (...). ". Ce document a été adopté au vu notamment d'un diagnostic territorial qui identifie le secteur de Ménez Guen comme un secteur supportant de " grandes exploitations d'élevage proches du contournement nord-ouest. A préserver. Zone séparée de la zone urbaine par le vallon de Kermabeuzen. ". Dans ces conditions, eu égard à la localisation de la parcelle de M. et Mme A... au lieu-dit Ménez Guen et à la présence à ses abords immédiats d'une exploitation agricole, le règlement graphique du plan local d'urbanisme de Quimper en tant qu'il classe cette parcelle en zone A est cohérent, au sens de l'article L. 151-8 du code de l'urbanisme cité au point 8, avec le projet d'aménagement et de développement durables adopté.
11. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que la parcelle en débat, d'une superficie d'environ 800 mètres carrés, est située dans un hameau desservi principalement par deux voies, dont le chemin en impasse de Ménez Guen qui la dessert. Environ vingt maisons sont desservies par ce même chemin, ainsi qu'une exploitation agricole en activité située en extrémité d'impasse. L'autre voie, la route de Guengat, dessert à cet endroit de l'ordre de huit maisons d'habitation et au moins un vaste entrepôt à usage agricole. Cet ensemble, structuré autour de ces deux voies, est clairement séparé de tout autre ensemble construit par des terres cultivées et des bois, et notamment du centre de Quimper par le boulevard de la Pointe du Van. L'ensemble de ce secteur est classé en zone agricole, pour les motifs rappelés au point précédent par le projet d'aménagement et de développement durables communal, qui affirme notamment la volonté de la commune de préserver les unités agricoles existantes. Par ailleurs, si la parcelle en litige est entourée de trois parcelles supportant chacune une maison d'habitation, elle est dépourvue de toute construction et il n'est pas établi que, malgré sa superficie limitée, elle serait dépourvue de tout potentiel agricole, à tout le moins économique, eu égard à sa localisation en zone rurale et à sa proximité immédiate d'une exploitation agricole.
12. En troisième lieu, la circonstance alléguée que la parcelle aurait pu être classée, à titre exceptionnel, en secteur de taille et de capacité d'accueil limitées sur le fondement de l'article L. 151-13 du code de l'urbanisme cité au point 8 est sans incidence sur l'appréciation à porter sur le classement contesté.
13. En conséquence, M. et Mme A... ne sont pas fondés à soutenir, par la voie de l'exception, que le classement en zone agricole du hameau où est située leur parcelle, et par suite de leur propre parcelle, est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.
14. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme A... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement contesté, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande. Par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter leurs demandes aux fins d'injonction.
Sur les frais d'instance :
En ce qui concerne les frais d'instance mis à la charge de M. et Mme A... en première instance :
15. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Les parties peuvent produire les justificatifs des sommes qu'elles demandent et le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ".
16. Si une personne publique qui n'a pas eu recours au ministère d'avocat peut néanmoins demander au juge le bénéfice de l'article L. 761-1 du code de justice administrative au titre des frais spécifiques exposés par elle à l'occasion de l'instance, elle ne saurait se borner à faire état d'un surcroît de travail de ses services et doit faire état précisément des frais qu'elle aurait exposés pour défendre à l'instance.
17. Le jugement attaqué met à la charge de M. et Mme A..., dans les circonstances de l'espèce, la somme de 1 500 euros à verser à la commune de Quimper sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Toutefois la commune de Quimper n'a pas recouru à un avocat en première instance et s'est bornée à demander qu'il soit mis à la charge de M. et Mme A... une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sans faire état de manière précise, des frais qu'elle aurait exposés. Par suite, il y a lieu de faire droit à la demande d'annulation de l'article 2 du jugement attaqué qui a mis ces frais à la charge de M. et Mme A... au profit de la commune de Quimper en première instance.
En ce qui concerne les frais d'instance devant la cour :
18. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à l'octroi d'une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens à la partie perdante. Il y a lieu, dès lors, de rejeter les conclusions présentées à ce titre par M. et Mme A.... En revanche, il convient, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de ces derniers, sur le fondement des mêmes dispositions, la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la commune de Quimper.
D E C I D E :
Article 1er : L'article 2 du jugement n° 1905568 du 16 décembre 2022 du tribunal administratif de Rennes est annulé.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. et Mme A... est rejeté.
Article 3 : M. et Mme A... verseront à la commune de Quimper la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme C... et B... A... et à la commune de Quimper.
Délibéré après l'audience du 12 décembre 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Degommier, président de chambre,
- M. Rivas, président assesseur,
- Mme Ody, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 janvier 2025.
Le rapporteur,
C. RIVAS
Le président,
S. DEGOMMIER
La greffière,
S. PIERODÉ
La République mande et ordonne au préfet du Finistère en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23NT00425