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14/01/2025 | FRANCE | N°23NT01787

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 5ème chambre, 14 janvier 2025, 23NT01787


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... C... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 19 avril 2021 par lequel le maire de Paimpol (Côtes-d'Armor) s'est opposé à sa déclaration préalable de travaux pour la réalisation d'un enrochement sur un terrain situé 4 rue du Tumulus, ainsi que la décision par laquelle le préfet de la région Bretagne a rejeté son recours préalable obligatoire contre le refus d'accord de l'architecte des Bâtiments de France.



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ar un jugement n° 2104666 du 14 avril 2023, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... C... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 19 avril 2021 par lequel le maire de Paimpol (Côtes-d'Armor) s'est opposé à sa déclaration préalable de travaux pour la réalisation d'un enrochement sur un terrain situé 4 rue du Tumulus, ainsi que la décision par laquelle le préfet de la région Bretagne a rejeté son recours préalable obligatoire contre le refus d'accord de l'architecte des Bâtiments de France.

Par un jugement n° 2104666 du 14 avril 2023, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 14 juin 2023, 27 février 2024 et 19 avril 2024, M. B... A... C..., représenté par Me Guillois, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 14 avril 2023 du tribunal administratif de Rennes ;

2°) d'annuler l'arrêté du 19 avril 2021 du maire de Paimpol s'opposant à sa déclaration préalable de travaux pour la réalisation d'un enrochement ;

3°) d'enjoindre au maire de Paimpol de ne pas s'opposer à sa déclaration préalable de travaux sous astreinte de 10 000 euros en cas d'opposition ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Paimpol la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les travaux visés par la décision contestée du maire de Paimpol sont dispensés de toute autorisation ; l'enrochement effectué, de moins de 2 mètres de hauteur sur moins de 100 m², sans exhaussement du sol, n'est pas un mur de soutènement ou une construction nouvelle ; à la date de cet enrochement, ni le plan local d'urbanisme ni l'aire de mise en valeur de l'architecture et du patrimoine n'étaient publiés sur le portail national de l'urbanisme et cette dernière n'était pas annexée au plan local d'urbanisme ; le maire ne pouvait donc légalement s'opposer sur ce fondement ;

- l'aire de mise en valeur de l'architecture et du patrimoine n'était pas opposable à l'autorisation sollicitée faute d'avoir été annexée au plan local d'urbanisme communal et publiée sur le portail national de l'urbanisme ;

- le refus opposé par l'architecte des bâtiments de France était insuffisamment motivé ;

- les dispositions de l'article 3.2.2.2 du règlement du site patrimonial de Paimpol sont illégales faute de répondre à un objectif de protection, de conservation ou de mise en valeur du site ;

- subsidiairement les travaux ne méconnaissent pas les dispositions de l'article 3.2.2.2 du règlement du site patrimonial de Paimpol ; la topographie originelle du terrain n'a pas été modifiée ;

- les travaux n'étaient pas soumis au dépôt d'une demande de permis de construire modificatif dès lors qu'ils ne modifient pas la construction déjà autorisée, achevée à la date du dépôt de la déclaration préalable, et sont sans lien fonctionnel avec l'ouvrage autorisé ;

- les travaux ne méconnaissent pas les dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme en l'absence de risque établi de glissement de terrain ; ces enrochements sont sans lien avec l'instabilité du talus et le risque d'éboulement ; l'expertise postérieure à l'autorisation ne peut justifier la décision contestée ; en tout état de cause, la commune ne pouvait opposer un refus sans rechercher s'il était possible d'imposer des prescriptions spéciales de nature à assurer la conformité de la construction aux règles opposables.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 27 novembre 2023, 14 mars 2024 et 9 avril 2024, la commune de Paimpol, représentée par Me Gourvennec, conclut au rejet de la requête et demande de mettre à la charge de M. et Mme A... C... une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par M. A... C... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du patrimoine ;

- le code de l'urbanisme ;

- la loi n° 2016-925 du 7 juillet 2016 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Rivas,

- les conclusions de M. Frank, rapporteur public,

- les observations de Me Guillois, représentant M. A... C..., et de Me Voisin, substituant Me Gourvennec, représentant la commune de Paimpol.

Deux notes en délibéré présentées pour M. A... C... ont été enregistrées les 12 et 17 décembre 2024.

Une note en délibéré présentée pour la commune de Paimpol a été enregistrée le 17 décembre 2024.

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme A... C... ont acquis en 2015 la parcelle cadastrée section AK 10, située 4 rue du Tumulus à Paimpol (Côtes-d'Armor), située en surplomb de plusieurs propriétés privées et du domaine public maritime, et supportant une maison d'habitation. En exécution d'un permis de démolir et de construire délivré le 24 novembre 2017 par le maire de cette commune, ils ont fait démolir les bâtiments existants sur ce terrain afin d'y édifier une nouvelle maison d'habitation. Ils ont par ailleurs fait réaliser un enrochement au sommet du talus à forte pente surplombant les propriétés riveraines et le domaine public, sans solliciter d'autorisation d'urbanisme. Les déclarations préalables de travaux que M. A... C... a ultérieurement déposées afin de régulariser cet enrochement ont fait l'objet de deux arrêtés d'opposition du maire de Paimpol, les 26 août 2020 et 19 avril 2021. M. A... C... a sollicité l'annulation par le tribunal administratif de Rennes de ces arrêtés, ainsi que de la décision par laquelle le préfet de la région Bretagne a implicitement rejeté son recours préalable obligatoire formé contre le refus d'accord de l'architecte des Bâtiments de France opposé le 9 avril 2021 à son projet. M. A... C... s'est désisté de sa demande d'annulation de l'arrêté du 26 août 2020 du maire de Paimpol et, par un jugement du 14 avril 2023, dont M. A... C... relève appel, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 19 avril 2021 du maire de Paimpol après avoir écarté sa contestation de la décision du préfet de la région Bretagne.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. L'arrêté du 19 avril 2021 du maire de Paimpol s'opposant à la déclaration préalable déposée par M. A... C... afin de régulariser l'enrochement effectué sur sa propriété est motivé en premier lieu par le fait que cet ouvrage s'analyse comme une modification du permis de construire délivré le 24 novembre 2017 à M. A... C... afin d'édifier une maison d'habitation, dont l'achèvement n'a pas été déclaré, et nécessitant en conséquence la délivrance d'un permis de construire modificatif. En deuxième lieu, le maire a constaté que l'architecte des bâtiments de France, saisi pour avis conforme sur ce projet sur le fondement de l'article R. 425-2 du code de l'urbanisme, a émis un avis défavorable au regard de l'article 3.2.2.2 de l'aire de mise en valeur de l'architecture et du patrimoine (AVAP) annexée au plan local d'urbanisme communal. En troisième lieu, il a opposé, sur le fondement de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme, le fait que ces travaux d'enrochement engendrent des risques en matière de sécurité publique particulièrement graves et imminents.

3. M. A... C... conteste ces motifs de l'arrêté contesté et, en préalable, la nécessité même de disposer d'une autorisation d'urbanisme pour réaliser l'enrochement en litige.

En ce qui concerne la nécessité d'une autorisation d'urbanisme au titre du régime de la déclaration préalable :

4. Aux termes des dispositions de l'article R. 421-3 du code de l'urbanisme : " Sont dispensés de toute formalité au titre du présent code, en raison de leur nature, sauf lorsqu'ils sont implantés dans le périmètre d'un site patrimonial remarquable ou dans les abords des monuments historiques : / a) Les murs de soutènement ; (...) ". Par ailleurs, aux termes de l'article R. 421-11 du même code : " I. Dans le périmètre des sites patrimoniaux remarquables, (...) les constructions nouvelles suivantes doivent être précédés d'une déclaration préalable : (...) / c) Les murs, quelle que soit leur hauteur. (...) ". Par ailleurs, aux termes de l'article R. 421-23 de ce code : " Doivent être précédés d'une déclaration préalable les travaux, installations et aménagements suivants : / (...) f) A moins qu'ils ne soient nécessaires à l'exécution d'un permis de construire, les affouillements et exhaussements du sol dont la hauteur, s'il s'agit d'un exhaussement, ou la profondeur dans le cas d'un affouillement, excède deux mètres et qui portent sur une superficie supérieure ou égale à cent mètres carrés (...). ".

5. Il ressort par ailleurs des pièces du dossier que par une délibération du 3 février 2014 le conseil municipal de Paimpol a adopté une AVAP. Par un arrêté du 19 mai 2014 du maire de cette commune, le plan local d'urbanisme communal a été mis à jour en intégrant cette AVAP au titre des servitudes d'utilité publique opposables. Il y est notamment précisé que cette mise à jour du plan local d'urbanisme a été effectuée dans les documents mis à la disposition du public et sur le site internet de la commune. Enfin l'article 112 de la loi susvisée du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine dispose que " (...) les aires de mise en valeur de l'architecture et du patrimoine créés avant la publication de la présente loi deviennent de plein droit des sites patrimoniaux remarquables, au sens de l'article L. 631-1 du code du patrimoine (...). / Le règlement de l'aire de mise en valeur de l'architecture et du patrimoine (...) applicable avant la date de publication de la présente loi continue de produire ses effets de droit dans le périmètre du site patrimonial remarquable jusqu'à ce que s'y substitue un plan de sauvegarde et de mise en valeur ou un plan de valorisation de l'architecture et du patrimoine. ".

6. D'une part, il ressort des pièces du dossier que le terrain d'assiette du projet est compris dans le périmètre de l'AVAP de Paimpol opposable à la date de l'arrêté contesté par application combinée des dispositions citées au point précédent, étant précisé qu'en 2014 le caractère exécutoire d'un plan local d'urbanisme n'était pas subordonné à sa publication sur le portail national de l'urbanisme. Il ressort par ailleurs du dossier de déclaration préalable renseigné par M. A... C... que l'enrochement en litige a été effectué pour l'essentiel en surplomb de la parcelle cadastrée AK 11, appartenant à un tiers, et s'est poursuivi en surplomb du domaine public. Cet enrochement a été présenté par M. A... C... dans sa déclaration préalable comme destiné à " stabiliser les terres de la parcelle sur les parties très en pente, sans générer d'exhaussements, ni d'affouillements ". Il résulte par ailleurs du rapport d'expertise du 6 mai 2024 établi par un ingénieur en travaux publics et en géologie désigné par le tribunal judiciaire de Saint-Brieuc à la demande de M. et Mme A... C..., pour sa partie relative à ces travaux d'enrochements, que ces rochers sont destinés à servir de soutènement à la parcelle AK 10 de M. et Mme A... C.... Il résulte de ce même rapport que, notamment au surplomb de la parcelle AK11, ces rochers ont été fixés en substitution de la terre végétale existante après exhaussement. Dans ces conditions, ces enrochements doivent être regardés comme des murs, au sens de l'article R. 421-11 du code de l'urbanisme, destinés à assurer un soutènement au sens de l'article R. 421-3 du même code. Par suite, et eu égard à l'appartenance du terrain d'assiette du projet à l'AVAP de Paimpol devenue alors site patrimonial remarquable, M. A... C... n'est pas fondé à soutenir que les travaux d'enrochement objets de sa déclaration préalable n'étaient pas soumis à autorisation d'urbanisme au regard des dispositions citées des articles R. 421-3 et R. 421-11 du code de l'urbanisme.

7. D'autre part, des travaux qui relèveraient en principe du régime de la déclaration préalable, doivent cependant être autorisés par un permis de construire, le cas échéant modificatif, dans les cas où, soit ils forment avec une construction déjà autorisée par un permis de construire en cours de validité et dont la réalisation n'est pas encore achevée un ensemble immobilier unique, soit, en l'absence même d'un ensemble immobilier unique, ils modifient une construction déjà autorisée et en cours d'achèvement.

8. Il ressort des pièces du dossier dont le rapport d'expertise judiciaire du 6 mai 2024 précité que les travaux d'affouillement et d'exhaussement nécessaires aux enrochements en litige ont été réalisés en 2018, soit après l'obtention par M. A... C..., le 24 novembre 2017, du permis de construire une maison d'habitation sur la même parcelle qui ne prévoyait pas ces enrochements. Pour autant, il n'est pas établi que ces travaux, qui avaient pour objet de conforter le talus existant, étaient nécessaires à l'exécution de ce permis de construire, alors que la maison autorisée n'est pas située en limite immédiate de ce talus. Il n'est pas davantage établi que ces travaux ont modifié cette construction dont le dossier de demande ne prévoyait pas de travaux à l'endroit où ils ont été réalisés. Enfin, pour ces mêmes motifs, ces travaux d'enrochement ne formaient pas avec la maison autorisée en 2017 un ensemble immobilier unique. Par suite, alors même que les travaux autorisés concernant la maison n'auraient pas été achevés à la date de réalisation des enrochements, ils n'étaient pas assujettis à permis de construire, par application de l'exception prévue au f) de l'article R. 421-23 du code de l'urbanisme cité au point 4 et du principe exposé au point précédent.

9. En conséquence de ce qui précède, contrairement à ce que soutient M. A... C..., les travaux d'enrochement litigieux, bien que non soumis à permis de construire, n'en nécessitaient pas moins le dépôt d'une déclaration préalable.

En ce qui concerne le motif opposé par l'arrêté contesté du 21 avril 2021 tenant à l'existence d'un avis conforme négatif de l'architecte des bâtiments de France :

10. Aux termes de l'article L. 631-1 du code du patrimoine : " Sont classés au titre des sites patrimoniaux remarquables les villes, villages ou quartiers dont la conservation, la restauration, la réhabilitation ou la mise en valeur présente, au point de vue historique, architectural, archéologique, artistique ou paysager, un intérêt public./ Peuvent être classés, au même titre, les espaces ruraux et les paysages qui forment avec ces villes, villages ou quartiers un ensemble cohérent ou qui sont susceptibles de contribuer à leur conservation ou à leur mise en valeur./ Le classement au titre des sites patrimoniaux remarquables a le caractère de servitude d'utilité publique affectant l'utilisation des sols dans un but de protection, de conservation et de mise en valeur du patrimoine culturel. Les sites patrimoniaux remarquables sont dotés d'outils de médiation et de participation citoyenne. ". Et aux termes de l'article L. 632-1 du même code : " Dans le périmètre d'un site patrimonial remarquable, sont soumis à une autorisation préalable les travaux susceptibles de modifier l'état des parties extérieures des immeubles bâtis, y compris du second œuvre, ou des immeubles non bâtis. (...) ". Aux termes de l'article L. 632-2 de ce code dans sa rédaction alors applicable : " I. - L'autorisation prévue à l'article L. 632-1 est, sous réserve de l'article L. 632-2-1, subordonnée à l'accord de l'architecte des Bâtiments de France, le cas échéant assorti de prescriptions motivées. A ce titre, ce dernier s'assure du respect de l'intérêt public attaché au patrimoine, à l'architecture, au paysage naturel ou urbain, à la qualité des constructions et à leur insertion harmonieuse dans le milieu environnant. Il s'assure, le cas échéant, du respect des règles du plan de sauvegarde et de mise en valeur ou du plan de valorisation de l'architecture et du patrimoine. (...) III. - Un recours peut être exercé par le demandeur à l'occasion du refus d'autorisation de travaux. Il est alors adressé à l'autorité administrative, qui statue. (...) En cas de silence, l'autorité administrative est réputée avoir confirmé la décision de l'autorité compétente pour délivrer l'autorisation. (...) ".

11. Par ailleurs, aux termes de l'article R. 423-54 du code de l'urbanisme : " Lorsque le projet est situé dans le périmètre d'un site patrimonial remarquable (...), l'autorité compétente recueille l'accord (...) de l'architecte des Bâtiments de France. ". Et, aux termes de l'article R. 424-14 du même code : " Lorsque le projet est situé dans le périmètre d'un site patrimonial remarquable (...), le demandeur peut, en cas d'opposition à une déclaration préalable ou de refus de permis fondé sur un refus d'accord de l'architecte des Bâtiments de France, saisir le préfet de région, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, d'un recours contre cette décision dans le délai de deux mois à compter de la notification de l'opposition ou du refus. (...) / Le délai à l'issue duquel le préfet de région est réputé avoir confirmé la décision de l'autorité compétente en cas de recours du demandeur est de deux mois à compter de la réception de ce recours. (...) ".

12. Il résulte de ces dispositions que le pétitionnaire doit, avant de former un recours pour excès de pouvoir contre une décision d'opposition à déclaration préalable portant sur des travaux réalisés dans un site patrimonial remarquable et faisant suite à un avis défavorable de l'architecte des bâtiments de France, saisir le préfet de région d'une contestation de cet avis. L'avis émis par le préfet, qu'il soit exprès ou tacite, se substitue à celui de l'architecte des bâtiments de France.

13. Aux termes de l'article 3.2.2.2 de de l'aire de mise en valeur de l'architecture et du patrimoine (AVAP) applicable alors à Paimpol : " L'implantation de la construction doit être en accord avec la topographie originelle du terrain, de façon à limiter au strict nécessaire les travaux de terrassements extérieurs. Les talutages et mouvements de terre sont interdits. ".

14. Il ressort des pièces du dossier qu'en application des articles L. 632-2 du code du patrimoine et de l'article R. 424-14 du code de l'urbanisme, M. A... C... a formé un recours auprès du préfet de la région Bretagne contre la décision du 9 avril 2021 de l'architecte des bâtiments de France s'opposant à son projet au motif d'une méconnaissance des dispositions de l'article 3.2.2.2 de l'AVAP. Par un courrier du préfet de région du 5 juillet 2021, il a été informé qu'en l'absence de réponse à son recours le 16 août 2021, sa demande serait rejetée par application du III de l'article L. 632-2 du code du patrimoine.

15. En premier lieu, il ressort de ce qui a été exposé au point 12 que la décision du préfet de région prise après recours administratif préalable obligatoire s'est substituée à l'avis émis par l'architecte des bâtiments de France. M. A... C... ne peut donc utilement soutenir que l'avis émis par cet architecte le 9 avril 2021 est insuffisamment motivé.

16. En deuxième lieu, eu égard à l'intervention de l'arrêté du 19 mai 2014 du maire de Paimpol annexant l'AVAP telle qu'approuvée le 3 février 2014 au plan local d'urbanisme communal, et pour les motifs exposés au point 6 relatifs à sa publicité, M. A... C... ne peut soutenir que cette AVAP ne pouvait lui être opposée par les services de l'Etat en charge du patrimoine.

17. En troisième lieu, il ressort de l'article L. 631-1 du code du patrimoine que le classement au titre des sites patrimoniaux remarquables a pour but de protéger, conserver et mettre en valeur le patrimoine culturel ainsi identifié. De même l'AVAP en litige, en son point 0.1, précise qu'elle " a pour objet de promouvoir la mise en valeur du patrimoine bâti et des espaces dans le respect du développement durable " avec la volonté de " garantir la qualité des constructions existantes et à venir ainsi que l'aménagement des espaces ". Or il est établi que le terrain d'assiette des travaux en litige est compris dans le champ de cette AVAP au titre du secteur des " extensions XIXème et début XXème " du centre de Paimpol. Dans ces conditions la règle fixée au point 3.2.2.2 de l'AVAP interdisant les talutages et mouvements de terre s'analyse comme une modalité de la protection, de la conservation et de la mise en valeur du patrimoine culturel ainsi identifié. Par suite, M. A... C... n'est pas fondé à soulever par la voie de l'exception l'illégalité des dispositions de cet article de l'AVAP.

18. En quatrième lieu, il ressort des pièces du dossier, dont le rapport d'expertise judiciaire du 6 mai 2024, que les enrochements en litige se sont, soit substitués à une partie d'un talus existant après la réalisation de travaux d'affouillement réalisés pour l'essentiel le long de la propriété cadastrée AK 11, soit ont été créés en surplomb du domaine public face au rivage. Par ailleurs, la circonstance que l'enrochement litigieux n'aurait quasiment pas eu d'incidence sur l'altimétrie de la crête du talus préexistant le long de la propriété cadastrée AK 11 est de nature à démontrer que celui-ci est intervenu après affouillement, et donc après des mouvements de terre conséquents. La circonstance que cet enrochement aurait été progressivement recouvert de végétation est sans incidence sur la légalité de la décision contestée. Dans ces conditions, les enrochements en débats sont bien intervenus en méconnaissance des dispositions précitées de l'article 3.2.2.2 de l'AVAP prohibant les talutages et mouvements de terre.

19. Il résulte des points précédents que M. A... C... n'est pas fondé à soutenir que le préfet de région lui aurait opposé à tort une méconnaissance des dispositions de l'article 3.2.2.2 de l'AVAP de Paimpol.

20. Ainsi qu'il a été exposé, par le rejet implicite du recours de M. A... C..., le préfet de région a émis un avis défavorable sur le projet de déclaration préalable déposé par ce dernier dans le prolongement de l'avis négatif émis par l'architecte des bâtiments de France. Dans ces conditions, par application des dispositions des articles L. 632-1 et L. 632-2 du code du patrimoine, le maire de Paimpol était tenu de s'opposer pour ce motif à la déclaration préalable de M. A... C....

21. Aussi, du fait de cette situation de compétence liée, les autres moyens soulevés par M. A... C... contre les autres motifs de la décision du maire de Paimpol du 19 avril 2021, dont celui tiré de la méconnaissance de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme en raison de risques particulièrement graves et imminents engendrés par les travaux objets de la demande, ne peuvent qu'être écartés comme inopérants.

22. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Sur les conclusions aux fins d'injonction sous astreinte :

23. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation de la requête, n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions à fin d'injonction sous astreinte présentées par M. A... C... ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les frais d'instance :

24. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à l'octroi d'une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens à la partie perdante. Il y a lieu, dès lors, de rejeter les conclusions présentées à ce titre par M. A... C.... En revanche, il convient, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A... C..., sur le fondement des mêmes dispositions, la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la commune de Paimpol.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... C... est rejetée.

Article 2 : M. B... le C... versera à la commune de Paimpol la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... le C..., à la commune de Paimpol et à la ministre de la culture.

Une copie en sera adressée pour information au préfet de la région Bretagne.

Délibéré après l'audience du 12 décembre 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Degommier, président de chambre,

- M. Rivas, président assesseur,

- Mme Ody, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 janvier 2025.

Le rapporteur,

C. RIVAS

Le président,

S. DEGOMMIER

La greffière,

S. PIERODÉ

La République mande et ordonne au préfet des Côtes d'Armor en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23NT01787


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NT01787
Date de la décision : 14/01/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. DEGOMMIER
Rapporteur ?: M. Christian RIVAS
Rapporteur public ?: M. FRANK
Avocat(s) : SELARL LE ROY GOURVENNEC PRIEUR

Origine de la décision
Date de l'import : 19/01/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-01-14;23nt01787 ?
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