Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... C... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours dirigé contre la décision du 9 septembre 2022 de l'autorité consulaire française à Yaoundé (Cameroun) refusant de lui délivrer un visa de long séjour en qualité d'étudiant.
Par un jugement n° 2216095 du 20 juin 2023, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France et enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer à M. C... A... le visa demandé dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 19 juillet 2023, le ministre de l'intérieur et des outre-mer demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. C... A... devant le tribunal administratif de Nantes.
Il soutient que la décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France est fondée sur l'insuffisance des ressources et sur l'existence d'un risque de détournement de l'objet du visa à des fins migratoires.
La requête a été communiquée le 28 mai 2024 à M. C... A... qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Ody a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Par un jugement du 30 mai 2023, le tribunal administratif de Nantes a annulé, à la demande de M. C... A..., la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a refusé de lui délivrer un visa de long séjour en qualité d'étudiant. Le ministre de l'intérieur relève appel de ce jugement.
2. Il ressort de l'accusé de réception du recours administratif préalable obligatoire formé par M. C... A... devant la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France, que la décision implicite de cette commission est réputée rejetée pour les mêmes motifs que ceux de la décision consulaire. Il ressort des pièces du dossier que l'autorité consulaire française au Cameroun a refusé de délivrer le visa de long séjour demandé en qualité d'étudiant au double motif que l'intéressé n'apporte pas la preuve qu'il dispose de ressources suffisantes pour couvrir ses frais de toute nature durant son séjour en France et qu'il existe un risque de détournement de l'objet du visa à des fins autres que les études.
3. Selon l'article 5 de la directive (UE) 2016/801 du Parlement européen et du Conseil du 11 mai 2016 relative aux conditions d'entrée et de séjour des ressortissants de pays tiers à des fins de recherche, d'études, de formation, de volontariat et de programmes d'échange d'élèves ou de projets éducatifs et de travail au pair, l'admission d'un ressortissant d'un pays tiers à des fins d'études est soumise à des conditions générales, fixées par l'article 7, comme l'existence de ressources suffisantes pour couvrir ses frais de subsistance durant son séjour ainsi que ses frais de retour et à des conditions particulières, fixées par l'article 11, telles que l'admission dans un établissement d'enseignement supérieur ainsi que le paiement des droits d'inscription. L'article 3 de la même directive précise que l'étudiant au sens de la directive est admis sur le territoire d'un Etat membre pour suivre, à titre d'activité principale, un cycle d'études à plein temps menant à l'obtention d'un titre d'enseignement supérieur reconnu par cet Etat membre. L'article 20 de la même directive, qui définit précisément les motifs de rejet d'une demande d'admission, prévoit qu'un Etat membre rejette une demande d'admission si ces conditions ne sont pas remplies ou encore, peut rejeter la demande, selon le f) du 2, " s'il possède des preuves ou des motifs sérieux et objectifs pour établir que l'auteur de la demande souhaite séjourner sur son territoire à d'autres fins que celles pour lesquelles il demande son admission ".
4. S'il est possible, pour le ressortissant d'un pays tiers, d'être admis en France et d'y séjourner pour y effectuer des études sur le fondement d'un visa de long séjour dans les mêmes conditions que le titulaire d'une carte de séjour, ainsi que le prévoient les articles L. 312-2 et L. 411-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction en vigueur depuis le 1er mai 2021, les dispositions relatives aux conditions de délivrance d'une carte de séjour portant la mention " étudiant " d'une durée inférieure ou égale à un an, telles que précisées par les articles L. 422-1 et suivants du même code et les dispositions règlementaires prises pour leur application, ne sont pas pour autant applicables aux demandes présentées pour l'octroi d'un tel visa.
5. En l'absence de dispositions spécifiques figurant dans le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, une telle demande est notamment soumise aux instructions générales établies par le ministre chargé de l'immigration prévues par le décret du 13 novembre 2008 relatif aux attributions des chefs de mission diplomatique et des chefs de poste consulaire en matière de visas, en particulier son article 3, pris sur le fondement de l'article L. 311-1 de ce code. L'instruction applicable est, s'agissant des demandes de visas de long séjour en qualité d'étudiant mentionnés à l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'instruction ministérielle du 4 juillet 2019 relative aux demandes de visas de long séjour pour études dans le cadre de la directive (UE) 2016/801, laquelle participe de la transposition de cette même directive.
6. L'autorité administrative peut, le cas échéant, et sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir restreint à l'erreur manifeste, rejeter la demande de visa de long séjour pour effectuer des études en se fondant sur le défaut de caractère sérieux et cohérent des études envisagées, de nature à révéler que l'intéressé sollicite ce visa à d'autres fins que son projet d'études.
7. D'une part, il ressort des pièces du dossier qu'à la date de la décision contestée, M. C... A..., ressortissant camerounais né en 2001, était inscrit en deuxième année du " Programme grande école " conférant le grade de master au sein de la South Champagne Business School, anciennement Ecole Supérieure de Commerce (ESC) de Troyes, appartenant au groupe Y Schools. Si l'administration soutient que cette formation n'est pas reconnue par l'Etat français, il ressort toutefois des captures d'écran produites par le ministre de l'intérieur que la recherche dans le répertoire portait sur " programme grandes écoles " au pluriel et non sur " programme grande école " au singulier. De plus, il ne ressort pas des pièces du dossier que le ministre a recherché, dans le répertoire, la " South Champagne Business School " ou bien l'" ESC Troyes " ou encore " Troyes Aube Formation ", dont le nom apparaît dans l'attestation d'admission et de pré-inscription produite par M. C... A.... Il ressort par ailleurs des pièces du dossier, notamment des bulletins de notes produits par l'intéressé, que de septembre 2019 à juin 2022, il a suivi le programme " Global Bachelor in Management " au sein de l'école internationale du management et de l'entrepreneuriat à Yaoundé, cet établissement appartenant également au groupe Y Schools et conduisant à un bac+3. M. C... A... a obtenu son diplôme de management et la suite de son parcours d'études supérieures devait naturellement le conduire au " Programme Grande Ecole " conférant le grade de master au sein de la South Champagne Business School, anciennement Ecole Supérieure de Commerce (ESC) de Troyes, appartenant au même groupe. Dans ces conditions, en retenant que le projet d'études de M. C... A... n'était pas sérieux et cohérent et révélait l'existence d'un risque de détournement de l'objet du visa à des fins étrangères à ses études, la commission de recours a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.
8. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que le père de M. C... A... est employé par le ministère de la justice au Cameroun et perçoit un salaire mensuel de 445 euros, nettement supérieur au salaire moyen au Cameroun qui s'élève selon les dires mêmes du ministre de l'intérieur à une moyenne annuelle de 1 500 euros ; à ce salaire s'ajoutent régulièrement des primes conséquentes. De plus, il ressort des pièces du dossier qu'une somme de 7 380 euros a été bloquée auprès d'une société intermédiaire en opération de banque, chargée de reverser chaque mois à l'intéressé la somme de 615 euros pour lui permettre de subvenir à ses besoins en France. Enfin si les frais de scolarité n'ont été payés qu'en partie, les revenus de M. A... sont manifestement suffisants pour lui permettre d'y faire face. Compte tenu de la situation professionnelle et financière du père de M. C... A..., la commission de recours a fait une inexacte appréciation de la situation en refusant la délivrance du visa pour un motif tiré de l'insuffisance des ressources du demandeur de visa.
9. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'intérieur n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé, à la demande de M. C... A..., la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a refusé de lui délivrer un visa de court séjour en qualité d'étudiant.
D E C I D E :
Article 1er : La requête du ministre de l'intérieur est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. B... C... A....
Délibéré après l'audience du 12 décembre 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Degommier, président de chambre,
- M. Rivas, président assesseur,
- Mme Ody, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 janvier 2025.
La rapporteure,
C. ODY
Le président,
S. DEGOMMIER
La greffière,
S. PIERODÉ
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23NT02191