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24/01/2025 | FRANCE | N°23NT03581

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 4ème chambre, 24 janvier 2025, 23NT03581


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. C... B... et Mme F... D..., épouse B..., ont demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la délibération du 20 mai 2021 par laquelle le conseil municipal de la commune de Billé a décidé de préempter deux biens cadastrés section ZD nos 821 et 183 qu'ils envisageaient d'acquérir.



Par un jugement n° 2104136 du 2 octobre 2023, le tribunal administratif de Rennes a annulé la délibération du 20 mai 2021 par laquelle le conseil municipal de la

commune de Billé a décidé de préempter les parcelles cadastrées section ZD nos 821 et 183.



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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... et Mme F... D..., épouse B..., ont demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la délibération du 20 mai 2021 par laquelle le conseil municipal de la commune de Billé a décidé de préempter deux biens cadastrés section ZD nos 821 et 183 qu'ils envisageaient d'acquérir.

Par un jugement n° 2104136 du 2 octobre 2023, le tribunal administratif de Rennes a annulé la délibération du 20 mai 2021 par laquelle le conseil municipal de la commune de Billé a décidé de préempter les parcelles cadastrées section ZD nos 821 et 183.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 1er décembre 2023, 30 juin et 29 juillet 2024, la commune de Billé, représentée par Me Béguin, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 2 octobre 2023 ;

2°) de rejeter la demande de première instance de M. et Mme B... ;

3°) de mettre à la charge de M. et Mme B... le versement d'une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête d'appel est recevable, comportant des conclusions et moyens d'appel ;

- la décision de préemption était suffisamment motivée, en faisant apparaitre la nature du projet ;

- elle justifiait de la réalité d'un projet d'action ou d'opération d'aménagement répondant aux objets mentionnés à l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme ;

- la mise en œuvre du droit de préemption répond à un intérêt général suffisant.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 19 avril, 16 juillet et 14 août 2024, M. et Mme B..., représentés par Me Dubourg, demandent à la cour :

1°) de rejeter la requête de la commune de Billé ;

2°) de mettre à la charge de la commune de Billé le versement d'une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- la requête d'appel est irrecevable dès lors qu'aucun moyen n'est soulevé à l'encontre du jugement attaqué ;

- la délibération du 20 mai 2021 n'était pas suffisamment motivée ;

- la commune ne justifie pas de la réalité d'un projet d'aménagement ;

- la mise en œuvre du droit de préemption ne répond pas à un intérêt général suffisant ;

- la délibération contestée est entachée d'un détournement de pouvoir.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Picquet,

- les conclusions de Mme Rosemberg, rapporteure publique,

- et les observations de Me Boisset, substituant Me Beguin, pour la commune de Billé et de Me Dubourg pour M. et Mme B....

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme B... souhaitaient acquérir deux parcelles cadastrées section nos ZD 821 et 183 situées sur le territoire de la commune de Billé, respectivement en zone UC et 1AUe du plan local d'urbanisme (PLU) de la commune. La commune de Billé, saisie le 14 mai 2021 d'une déclaration d'intention d'aliéner adressée par le notaire en vue de la cession des biens, a décidé de préempter ces deux biens par une délibération du conseil municipal du 20 mai 2021, dont M. et Mme B... ont demandé au tribunal administratif de Rennes l'annulation. Par un jugement du 2 octobre 2023, le tribunal a annulé la délibération du 20 mai 2021. La commune de Billé fait appel de ce jugement.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme : " Les droits de préemption institués par le présent titre sont exercés en vue de la réalisation, dans l'intérêt général, des actions ou opérations répondant aux objets définis à l'article L. 300-1, à l'exception de ceux visant à sauvegarder ou à mettre en valeur les espaces naturels, ou pour constituer des réserves foncières en vue de permettre la réalisation desdites actions ou opérations d'aménagement. / (...) Lorsque la commune a délibéré pour définir le cadre des actions qu'elle entend mettre en œuvre pour mener à bien un programme local de l'habitat ou, en l'absence de programme local de l'habitat, lorsque la commune a délibéré pour définir le cadre des actions qu'elle entend mettre en œuvre pour mener à bien un programme de construction de logements locatifs sociaux, la décision de préemption peut, sauf lorsqu'il s'agit d'un bien mentionné à l'article L. 211-4, se référer aux dispositions de cette délibération. Il en est de même lorsque la commune a délibéré pour délimiter des périmètres déterminés dans lesquels elle décide d'intervenir pour les aménager et améliorer leur qualité urbaine. ". Aux termes de l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction applicable à la date de la décision contestée : " Les actions ou opérations d'aménagement ont pour objets de mettre en œuvre un projet urbain, une politique locale de l'habitat, d'organiser le maintien, l'extension ou l'accueil des activités économiques, de favoriser le développement des loisirs et du tourisme, de réaliser des équipements collectifs ou des locaux de recherche ou d'enseignement supérieur, de lutter contre l'insalubrité et l'habitat indigne ou dangereux, de permettre le renouvellement urbain, de sauvegarder ou de mettre en valeur le patrimoine bâti ou non bâti et les espaces naturels. (...) ". Il résulte de ces dispositions que, pour exercer légalement ce droit, les collectivités titulaires du droit de préemption urbain doivent, d'une part, justifier, à la date à laquelle elles l'exercent, de la réalité d'un projet d'action ou d'opération d'aménagement répondant aux objets mentionnés à l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme, alors même que les caractéristiques précises de ce projet n'auraient pas été définies à cette date, et, d'autre part, faire apparaître la nature de ce projet dans la décision de préemption. La mise en œuvre de ce droit doit, eu égard notamment aux caractéristiques du bien faisant l'objet de l'opération ou au coût prévisible de cette dernière, répondre à un intérêt général suffisant.

3. La délibération litigieuse mentionne que la commune a entendu exercer son droit de préemption sur un " espace [qui] se trouve dans une zone avec une capacité de densification afin d'étoffer le cœur E... " au vu du projet d'aménagement et de développement durable (PADD) adopté le 19 novembre 2020, que " la demande d'acquisition des 1374 m2 par un riverain disposant actuellement de 2 300 m2 dans l'agglomération est contraire à la politique d'aménagement de notre territoire communal " et que " la vente du bien à cet acquéreur potentiel interdirait par la suite l'accès à d'autres parcelles également définies comme zones à densifier afin de limiter la consommation de terres agricoles ". Ces éléments sont trop généraux pour faire apparaître, dans la décision elle-même, la nature du projet que la commune aurait entendu mettre en œuvre en préemptant les parcelles en cause. Si la commune cite, dans la délibération contestée, le PADD, ce document ne peut être regardé comme la délimitation d'un périmètre déterminé dans lequel la commune décide d'intervenir pour l'aménager et améliorer sa qualité urbaine au sens des dispositions de l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme, permettant de motiver, par référence, la décision de préemption. Enfin, la commune de Billé ne saurait utilement se prévaloir des orientations d'aménagement et de programmation (OAP) concernant le secteur, la décision contestée ne les mentionnant pas.

4. C'est donc à bon droit que le tribunal administratif a retenu le motif tiré de ce que la décision litigieuse ne satisfait pas aux exigences de motivation découlant de l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme.

5. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée à la requête d'appel, que la commune de Billé n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a annulé la délibération du 20 mai 2021 par laquelle le conseil municipal a décidé de préempter les parcelles cadastrées section ZD nos 821 et 183.

Sur les frais liés au litige :

6. M. et Mme B... n'étant pas la partie perdante, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à leur charge la somme que demande, à ce titre, la commune de Billé. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Billé la somme de 1 500 euros au bénéfice de M. et Mme B..., au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la commune de Billé est rejetée.

Article 2 : La commune de Billé versera à M. et Mme B... la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Billé, à M. C... B... et Mme F... D..., épouse B..., et à M. et Mme A... et G... E....

Une copie en sera transmise, pour information, au préfet d'Ille-et-Vilaine.

Délibéré après l'audience du 7 janvier 2025, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président,

- Mme Picquet, première conseillère,

- M. Chabernaud, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 janvier 2025.

La rapporteure,

P. PICQUET

Le président,

L. LAINÉ

Le greffier,

C. WOLF

La République mande et ordonne au préfet d'Ille-et-Vilaine en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23NT03581


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NT03581
Date de la décision : 24/01/2025
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. LAINÉ
Rapporteur ?: Mme Pénélope PICQUET
Rapporteur public ?: Mme ROSEMBERG
Avocat(s) : BEGUIN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/02/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-01-24;23nt03581 ?
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