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28/01/2025 | FRANCE | N°23NT03127

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 5ème chambre, 28 janvier 2025, 23NT03127


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 23 juillet 2018 par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté son recours formé contre la décision du préfet de l'Hérault du 8 février 2018 rejetant sa demande de naturalisation.



Par un jugement n° 2000951 du 2 mai 2023, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une requêt

e, enregistrée le 27 octobre 2023, M. A... B..., représenté par Me Ruffel, demande à la cour :



1°) d'annuler ce j...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 23 juillet 2018 par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté son recours formé contre la décision du préfet de l'Hérault du 8 février 2018 rejetant sa demande de naturalisation.

Par un jugement n° 2000951 du 2 mai 2023, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 27 octobre 2023, M. A... B..., représenté par Me Ruffel, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 2 mai 2023 du tribunal administratif de Nantes ;

2°) d'annuler la décision du 23 juillet 2018 du ministre de l'intérieur ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de lui accorder la nationalité française, subsidiairement, de procéder au réexamen de sa demande ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros toutes taxes comprises sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- la décision n'est pas motivée en droit ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation eu égard aux divers éléments présentés à l'appui de sa demande dont sa résidence ancienne en France où il a été scolarisé.

Par un mémoire en défense, enregistré le 27 décembre 2023, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 30 août 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Rivas a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant marocain, a sollicité l'acquisition de la nationalité française par naturalisation. Sa demande a été rejetée par une décision du préfet de l'Hérault du 8 février 2018. Saisi du recours préalable obligatoire prescrit par le décret du 30 décembre 1993, le ministre de l'intérieur a, par une décision du 23 juillet 2018, confirmé ce rejet. Par un jugement du 2 mai 2023, dont M. B... relève appel, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande d'annulation de cette décision.

2. En premier lieu, aux termes de l'article 49 du décret du 30 décembre 1993 susvisé : " Toute décision déclarant irrecevable, ajournant ou rejetant une demande de naturalisation ou de réintégration dans la nationalité française prise en application du présent décret est motivée (...) ". D'autre part, l'article 21-15 du code civil dispose que : " (...) l'acquisition de la nationalité française par décision de l'autorité publique résulte d'une naturalisation accordée par décret à la demande de l'étranger ". Aux termes de l'article 45 de ce décret : " Dans les deux mois suivant leur notification, les décisions prises en application des articles 43 et 44 peuvent faire l'objet d'un recours auprès du ministre chargé des naturalisations, à l'exclusion de tout autre recours administratif. / (...) Il constitue un préalable obligatoire à l'exercice d'un recours contentieux, à peine d'irrecevabilité de ce dernier. / Le silence gardé par le ministre chargé des naturalisations sur ce recours pendant plus de quatre mois vaut décision de rejet du recours.". Et aux termes des dispositions de l'article 48 du même décret : " (...) Lorsque les conditions requises par la loi sont remplies, le ministre chargé des naturalisations propose, s'il y a lieu, la naturalisation ou la réintégration dans la nationalité française (...) / Si le ministre chargé des naturalisations estime qu'il n'y a pas lieu d'accorder la naturalisation ou la réintégration sollicitée, il prononce le rejet de la demande. Il peut également en prononcer l'ajournement en imposant un délai ou des conditions. (...) ".

3. La décision ministérielle contestée précise qu'elle intervenue sur le fondement des dispositions des articles 43 et 48 du décret susvisé du 30 décembre 1993 relatif aux déclarations de nationalité, aux décisions de naturalisation, de réintégration, de perte, de déchéance et de retrait de la nationalité française. Cette motivation en droit est suffisante eu égard notamment aux dispositions de l'article 48 de ce décret qui précisent qu'il appartient au ministre d'estimer notamment, pour chaque demande, s'il y a lieu de rejeter la naturalisation sollicitée et donc d'effectuer un examen en opportunité. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation en droit de la décision contestée doit être écarté.

4. En deuxième lieu, il appartient au ministre en charge des naturalisations, eu égard aux dispositions précitées des articles 21-15 du code civil et 48 du décret du 30 décembre 1993, de porter une appréciation sur l'intérêt d'accorder la naturalisation à l'étranger qui la demande. Dans le cadre de cet examen d'opportunité, il peut légalement prendre en compte le degré d'assimilation du postulant ainsi que les éléments défavorables le concernant.

5. En l'espèce, pour rejeter la demande de naturalisation de M. B..., le ministre s'est fondé sur sa connaissance insuffisante d'éléments fondamentaux de l'histoire de France, de règles de vie en société ainsi que des principaux droits et devoirs liés à l'exercice de la citoyenneté française. Il a également fait valoir que l'intéressé a fait l'objet d'une procédure pour non tenue d'un registre par un revendeur d'objets mobiliers, le 19 décembre 2013, qui a donné lieu à une composition pénale.

6. D'une part, il ressort des pièces du dossier, notamment du compte-rendu de l'entretien d'assimilation de M. B..., que celui-ci, né en 1985 et se prévalant de sa scolarisation en France de 1992 à 2004, ne connaît notamment pas le nom de l'hymne national, l'origine de l'enseignement public, gratuit et laïc et de l'instruction obligatoire, ou le nom de " l'héroïne de la guerre de cent ans ". Interrogé sur la signification des principes de fraternité et de laïcité, il n'a apporté aucune réponse. Aucun élément n'est par ailleurs de nature à établir un défaut de professionnalisme de l'agent de l'Etat ayant conduit cet entretien. Par suite, si M. B... a su répondre à certaines questions, ses connaissances sur l'histoire, la culture, les principes et valeurs de la République demeuraient lacunaires et insuffisantes.

7. D'autre part, il est établi par les pièces du dossier, ce que M. B... ne conteste pas, qu'il a fait l'objet de la procédure et de la composition pénale rappelées au point 5. La circonstance que l'infraction constatée, intervenue à une date peu éloignée de la décision contestée, n'a pas donné lieu à des poursuites pénales, mais au paiement d'une amende de 500 euros, n'interdisait pas sa prise en compte par le ministre lors de l'examen de la demande de naturalisation de M. B....

8. Dans ces conditions, et alors même que l'intéressé est établi de longue date en France où il a fondé une famille, le ministre, qui dispose d'un large pouvoir d'apprécier l'opportunité d'accorder la nationalité française, laquelle ne constitue pas un droit mais une faveur, n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en retenant une connaissance insuffisante par M. B... d'éléments fondamentaux de l'histoire de France, de règles de vie en société, des principaux droits et devoirs liés à l'exercice de la citoyenneté française ainsi qu'un comportement défavorable.

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Par suite ses conclusions aux fins d'injonction et au titre des frais d'instance sont rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 9 janvier 2025, à laquelle siégeaient :

- M. Rivas, président de la formation de jugement,

- Mme Ody, première conseillère,

- Mme Dubost, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 janvier 2025.

Le président de la formation de jugement, rapporteur,

C. RIVAS

L'assesseure la plus ancienne dans le grade le plus élevé,

C. ODY

Le greffier,

C. GOY

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23NT03127


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NT03127
Date de la décision : 28/01/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. RIVAS
Rapporteur ?: M. Christian RIVAS
Rapporteur public ?: M. FRANK
Avocat(s) : RUFFEL

Origine de la décision
Date de l'import : 02/02/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-01-28;23nt03127 ?
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