Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La SARL My2mi Immo a demandé au tribunal administratif de Caen de prononcer la décharge de la majoration pour manquement délibéré appliquée sur les rappels de cotisation de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre du mois de décembre 2018.
Par un jugement n° 2102885 du 9 février 2024, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 9 avril 2024, SARL My2mi Immo, représentée par Me Goldstein, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer la décharge sollicitée ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est irrégulier dès lors que le tribunal administratif a omis de se prononcer sur le caractère délibéré des infractions constatées s'agissant de la remise en cause de la quote-part d'un report de crédit de taxe sur la valeur ajoutée ;
- elle a payé la somme de 266 863 euros accompagnant la déclaration rectificative de taxe sur la valeur ajoutée souscrite le 21 juin 2019 ; l'omission de la taxe sur la valeur ajoutée collectée ne s'élèverait qu'à 12 675 euros ;
- l'absence de toute mention de la taxe sur la valeur ajoutée collectée, d'un montant total de 296 101 euros, résulte d'une erreur ;
- c'est à tort que l'administration a remis en cause la quote-part d'un report de crédit de taxe sur la valeur ajoutée.
Par un mémoire en défense, enregistré le 14 octobre 2024, le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la SARL My2mi Immo ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Geffray,
- et les conclusions de M. Brasnu, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La SARL My2mi Immo, dont l'activité est l'achat et la vente de biens immobiliers et de promotion immobilière, relève appel du jugement du 9 février 2024 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à la décharge de la majoration pour manquements délibérés appliquée sur les rappels de cotisation de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de décembre 2018.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Le tribunal administratif a omis de se prononcer sur le moyen constatant le caractère délibéré des infractions constatées s'agissant de la remise en cause de la quote-part d'un report de crédit de taxe sur la valeur ajoutée. Par suite, cette omission entache d'irrégularité le jugement attaqué qui doit être annulé.
3. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la SARL My2mi Immo devant le tribunal administratif de Caen.
Sur le bien-fondé de la majoration pour manquement délibéré :
En ce qui concerne le manquement afférent à la taxe sur la valeur ajoutée collectée :
4. Le service a constaté lors du contrôle que la SARL My2mi Immo n'avait porté aucun montant de taxe sur la valeur ajoutée collectée sur sa déclaration déposée au titre du mois de décembre 2018, alors même qu'après avoir cédé un bien immobilier et encaissé le règlement d'une facture de prestation de services, elle avait réalisé des opérations taxables pour un montant hors taxe de 1 480 510 euros, correspondant à une taxe sur la valeur ajoutée collectée de 296 102 euros.
5. Pour justifier la majoration pour manquement délibéré, l'administration rappelle les termes de l'acte notarié du 13 décembre 2018 par lequel la SARL My2mi Immo a cédé à la société Quintin Invest la moitié indivise d'un ensemble immobilier situé sur la commune de Donville-les-Bains selon lesquels il est mentionné dans la rubrique " Impôt sur la mutation " que la SARL My2mi Immo, en tant que vendeur, est assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée au sens de l'article 256 du Code général des impôts dès lors qu'il est précisé que " En sa qualité d'assujetti habituel, il effectue le paiement de la taxe sur la valeur ajoutée sur imprimés CA3. Cette taxe est acquittée auprès de la Recette des Impôts de Avranches 7 rue Louis Millet où le redevable est identifié. La vente entre dans le champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée, l'acquisition du terrain par le vendeur ayant ouvert droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée ". La SARL My2mi, qui a ainsi réalisé une cession immobilière et était à ce titre redevable de la taxe sur la valeur ajoutée collectée d'un montant de 225 000 euros, ne pouvait pas ignorer du fait de sa spécialité de professionnelle de transactions immobilières et de l'existence de cette mention dans l'acte de vente que cette cession entrait dans le champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée et, par suite, était tenue aux obligations déclaratives correspondantes.
6. De plus, le service a constaté que la société requérante n'a pas reversé la taxe sur la valeur ajoutée collectée d'un montant de 70 980 euros en raison de la prestation facturée à la société Nox Construction portant sur l'" accompagnement dans l'acquisition du fonds de commerce " dont elle a encaissé le produit le 28 décembre 2018.
7. Enfin, l'administration fait également valoir que la société requérante n'a pas déclaré la taxe sur la valeur ajoutée collectée sur la quasi-totalité des produits de l'exercice clos en 2018, soit un total de 1 520 200 euros, dont 1 479 900 euros réalisés au cours du mois de décembre 2018. Dans ces conditions, la société ne pouvait pas ignorer le fait qu'elle a réalisé ce dernier chiffre d'affaires qui devait être assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée au moment de l'établissement de la déclaration au titre du mois de décembre 2018. Elle devait donc déclarer un montant de 296 101 euros, soit plus de 97 % de la taxe collectée au titre de ce mois.
8. Dans ces conditions, l'absence de toute mention de la taxe sur la valeur ajoutée collectée ne peut pas résulter d'une simple erreur, qui est invoquée par la société requérante. Compte tenu des éléments exposés aux points 5 à 7, la SARL My2mi Immo ne pouvait pas méconnaître en tant que société spécialisée dans l'immobilier les règles d'assujettissement et d'exigibilité de la taxe sur la valeur ajoutée propres à son secteur d'activité.
9. Pour critiquer l'application de la majoration pour manquement délibéré, la SARL My2mi Immo se prévaut d'une déclaration rectificative souscrite le 21 juin 2019, et portant sur un montant de 266 863 euros. Toutefois, cette déclaration rectificative a été souscrite le 21 juin 2019, soit postérieurement à la réception le 28 mai 2019 par la société de l'avis de vérification de comptabilité, et cinq mois après l'expiration du délai légal de dépôt de la déclaration du mois de décembre 2018.
10. Il suit de ce qui a été précédemment dit, que c'est à bon droit que l'administration a appliqué la majoration de 40 % pour manquement délibéré.
En ce qui concerne le manquement afférent au report du crédit de taxe sur la valeur ajoutée :
11. Le service a remis en cause la quote-part du report de crédit de taxe sur la valeur ajoutée d'un montant de 13 945 euros, correspondant à des dépenses d'équipements mobiliers ou de travaux immobiliers réalisées dans un immeuble situé sur le territoire de la commune de Granville, vacant depuis son acquisition en 2016. En effet, il a rejeté une partie du crédit de taxe sur la valeur ajoutée reporté sur la déclaration de cette taxe du mois de décembre 2018, pour la partie constituée de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé des dépenses concernant des locaux d'habitation exonérés de cette taxe au sens du 4° de l'article 261 D du code général des impôts. Cette taxe sur la valeur ajoutée déduite à tort par la société requérante participe de l'insuffisance déclarative rectifiée par le service. Ainsi, la société ne peut pas valablement soutenir que l'élément matériel, support objectif du manquement délibéré, ferait défaut en l'espèce. La SARL My2mi Immo ne pouvait pas ignorer qu'elle déduisait à tort la taxe sur la valeur ajoutée afférente à des dépenses ne concourant pas à la réalisation d'opérations imposables. Par suite, c'est à bon droit que l'administration a procédé à cette remise en cause même si elle a déjà dégrevé une partie de la majoration.
12. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL My2mi Immo n'est pas fondée à demander la décharge de de la majoration pour manquements délibérés appliquée sur les rappels de cotisation de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre du mois de décembre 2018. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées en appel au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement ° 2102885 du tribunal administratif de Caen du 9 février 2024 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par la SARL My2mi Immo devant le tribunal administratif de Caen et ses conclusions présentées en appel au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL My2mi Immo et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré après l'audience du 17 janvier 2025, à laquelle siégeaient :
- M. Quillévéré, président de chambre,
- M. Geffray, président-assesseur,
- M. Penhoat, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 février 2025
Le rapporteur
J.E. GEFFRAYLe président
G. QUILLÉVÉRÉLa greffière
H. DAOUD
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 24NT01181