Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Les sociétés Guintoli, EHTP Ouest Atlantique, Siorat Grands Travaux et NGE Génie Civil Ouest Atlantique, constituées en groupement d'entreprises, ont demandé au tribunal administratif de Rennes, pour l'essentiel, de condamner l'Etat à lui verser la somme globale de 3 016 088,47 euros hors taxes (HT) au titre du solde du marché public de travaux dont ce groupement est titulaire relatif à l'aménagement en deux fois deux voies de la route nationale
n° 164 (RN) entre la commune de Saint-Méen-le-Grand (département d'Ille-et-Vilaine) et la RN n° 12.
Par un jugement n° 2002452 du 5 octobre 2023, le tribunal administratif de Rennes a, d'une part, condamné l'Etat à verser au groupement la somme globale de 35 196,80 euros HT, assortie de la révision des prix prévue au marché, des intérêts moratoires contractuels à compter du 8 juin 2019 et de la capitalisation de ces derniers et, d'autre part, rejeté le surplus des conclusions de la requête.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 28 novembre 2023, le groupement d'entreprises composé des sociétés Guintoli, EHTP Ouest Atlantique, Siorat Grands Travaux et NGE Génie Civil Ouest Atlantique, représenté par Me Mouriesse, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Rennes du 5 octobre 2023 en tant qu'il a rejeté le surplus des conclusions de sa requête tendant au règlement du solde du marché public de travaux dont il est titulaire ;
2°) à titre principal,
- de condamner l'Etat à lui verser le solde du marché, soit la somme de 48 231,80 euros HT, ainsi que le montant dû en application de la formule de variation des prix prévue au marché, soit la somme de 32 758,10 euros HT, assortie des intérêts moratoires et de leur capitalisation ;
- de condamner l'Etat à lui verser la somme de 1 955 617,57 euros HT au titre des travaux supplémentaires, assortie des intérêts moratoires et de leur capitalisation ;
- de condamner l'Etat à lui verser la somme de 979 481 euros HT, au titre de l'allongement de la durée d'exécution du marché, assortie des intérêts moratoires et de leur capitalisation ;
- de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de
5000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
3°) à titre subsidiaire,
- de condamner l'Etat à lui verser le solde du marché, soit les sommes précitées de 48 231,80 euros HT et de 32 758,10 euros HT, assorties des intérêts moratoires et de leur capitalisation ;
- de condamner solidairement l'Etat et la société Profractal à lui verser la somme précitée de 1 955 617,57 euros HT au titre des travaux supplémentaires assortie des intérêts moratoires et de leur capitalisation ;
- de condamner solidairement l'Etat et la société Profractal à lui verser la somme précitée de 979 481 euros HT, correspondant aux préjudices subis du fait de l'allongement de la durée d'exécution du marché, assortie des intérêts moratoires et de leur capitalisation ;
- de mettre à la charge de l'Etat et de la société Profractal le versement de la somme de 5000 euros chacun sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
4°) à titre infiniment subsidiaire,
- de condamner l'Etat à lui verser le solde du marché, soit les sommes précitées de 48 231,80 euros HT et de 32 758,10 euros HT, assorties des intérêts moratoires et de leur capitalisation ;
- de condamner solidairement la DREAL de Bretagne, le SIR de Rennes et la société Profractal à lui verser la somme précitée de 1 955 617,57 euros HT au titre des travaux supplémentaires assortie des intérêts moratoires et de leur capitalisation ;
- de condamner solidairement la DREAL de Bretagne, le SIR de Rennes et la société Profractal à lui verser la somme précitée de 979 481 euros HT, correspondant aux préjudices subis du fait de l'allongement de la durée d'exécution du marché, assortie des intérêts moratoires et de leur capitalisation ;
- de mettre à la charge solidaire de la DREAL de Bretagne, du SIR de Rennes et de la société Profractal le versement de la somme de 5000 euros chacun sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le maître d'ouvrage a commis une faute dans la conception du marché ; aux termes du contrat, le maître d'ouvrage devait assumer les études de sols ; or, l'étude géotechnique G2 et G 12 relative au projet est erronée ou, à tout le moins, insuffisante et ne respecte pas la norme NFP 94-500 ; ces études concluaient en effet à une traficabilité à court terme des schistes décomposés blancs à gris alors que l'étude d'exécution G3 réalisée par le groupement a révélé une traficabilité impossible à court terme ; il en découle un aléa imprévisible et important et la réalisation de travaux supplémentaires qui doivent être indemnisés pas le maître d'ouvrage ; le groupement a proposé lors de l'appel d'offres une offre technique et financière au regard d'éléments insuffisants sur la conception du projet, et a donc dû réaliser des travaux non prévus par le marché ; le titulaire du marché a droit au paiement de travaux supplémentaires ordonnés par ordre de service ou qui ont fait l'objet d'une commande par le maître d'ouvrage ou qui sont indispensables à la réalisation de l'ouvrage selon les règles de l'art ; l'erreur relative aux études géotechniques imputable au maître d'ouvrage a également entraîné un allongement de la durée d'exécution du marché, qui doit être indemnisé ; la signature de l'avenant n°5 n'avait pas pour objet de l'indemniser de cet allongement ; celui-ci a occasionné des coûts d'installation et d'encadrement du chantier pour un montant de 825 163 euros HT et des incidences financières pour un montant de 154 318 euros HT ; les travaux supplémentaires qu'il a dû assumer correspondent au décapage de la terre végétale pour un montant de 72 864 euros HT, à la surconsommation des tombereaux articulés et rigides en raison du matelassage pour
89 571.40 euros HT, aux déblais en grande masse liés à la géotechnique pour 781 996,60 euros HT, aux sujétions de terrassement par demi-chaussée pour un montant de 412 298,10 euros HT, au traitement à la chaux sous les remblais et la partie supérieure du terrassement (PST) pour 84 349,50 euros HT, à la mise en œuvre de la couche de forme 0/150 par demi-chaussée pour 79 989,10 euros HT, au drain mis en œuvre par demi-chaussée pour 80 117,40 euros HT, aux travaux d'empierrement pour 102 373 euros HT, aux réglages des talus et travaux par guidage GPS pour 169 510 euros HT, au dévoiement préalable des réseaux pour le raccordement aux bretelles pour 39 250,40 euros HT, au remplissage derrière le caniveau et la semelle des écrans antibruits pour 22 455 euros HT, ce poste ayant été indemnisé par le tribunal administratif dont le jugement sera donc confirmé sur ce point, aux travaux liés aux surprofondeurs des fossés pour l'ouvrage OH10 pour un montant de 3 906 euros HT, ce poste ayant été indemnisé par le tribunal administratif dont le jugement sera donc confirmé sur ce point, au nettoyage des cunettes pour la somme de 11 216 euros HT ; enfin, il est fondé à demander l'indemnisation des travaux supplémentaires qui ont été validées par la maîtrise d'œuvre pour un montant total de
5 721 euros HT ;
- en tout état de cause, la non-traficabilité des sols, qui n'a pas été anticipée par le maître d'ouvrage en raison de l'insuffisance de ses études de sols, constitue des sujétions imprévues ;
- l'Etat devra être condamné à lui régler les sommes lui restant dues au titre de l'exécution de son marché, soit la somme totale de 3 029 171,10 € HT ;
- à titre subsidiaire, la responsabilité de la maîtrise d'œuvre doit être engagée ; en effet, la maîtrise d'œuvre devait réaliser les études d'avant-projet (dites AVP ou G12) et les études de projet (dites PRO ou G2) aux termes du CCAP ; elle a commis une faute à cette occasion en raison de l'insuffisance de ces études, qui ont entraîné les préjudices précités subis par le groupement ; la maîtrise d'œuvre a également commis une faute en refusant de mettre en œuvre les mesures correctives adéquates ; au final, la responsabilité quasi-délictuelle de la maîtrise d'œuvre sera donc engagée et elle devra être condamnée à lui régler la somme de
3 029 171,10 euros HT ;
- à titre infiniment subsidiaire, il est fondé à demander la condamnation in solidum du maître d'ouvrage et du maître d'œuvre ;
- il a mené des prestations de soutènement des voutes pour un montant de
8 835,80 euros HT, ce poste a été indemnisé par le tribunal administratif dont le jugement sera donc confirmé sur ce point ; le poste relatif à la " reprise de terre végétale et mise en œuvre " d'un montant de 39 396 euros HT doit être mis à la charge du maître d'ouvrage ; il a droit à la somme de 32 758,10 euros HT au titre de l'application de la formule de variation des prix prévue au marché.
Par un mémoire en défense, enregistré le 13 juin 2024, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens invoqués n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des marchés publics ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Chabernaud,
- les conclusions de Mme Rosemberg, rapporteur public,
- et les observations de Me Benatsou, substituant Me Mourriesse, représentant les sociétés Guintoli, EHTP Ouest Atlantique, Siorat Grands Travaux et NGE Génie Civil Ouest Atlantique.
Considérant ce qui suit :
1. Par un acte d'engagement du 17 août 2015, les services de la DREAL de Bretagne ont confié au groupement solidaire composé des sociétés Guintoli, mandataire, EHTP Ouest Atlantique, Siorat Grands Travaux et NGE Génie Civil Ouest Atlantique un marché public de travaux afin d'aménager en deux fois deux voies la route nationale n° 164 (RN) entre la commune de Saint-Méen-le-Grand (Ille-et-Vilaine) et la RN n° 12. La maîtrise d'œuvre de l'opération a été attribuée, pour la partie " ouvrages d'art ", à la société Profractal, et au service d'ingénierie routière (SIR) de la direction interdépartementale des routes (DIR) Ouest pour le surplus. Les dernières réserves de l'opération ont été levées le 8 février 2019. Le 27 juillet 2018, la société Guintoli, mandataire du groupement d'entreprises, a transmis au maître d'œuvre et au maître d'ouvrage son projet de décompte final. Le 9 avril 2019, la DREAL de Bretagne a notifié à la société Guintoli le décompte général du marché. Le 7 mai 2019, la société Guintoli a signé ce décompte avec réserves et a transmis à la DREAL de Bretagne un mémoire de réclamation, qui a été rejeté le 4 octobre 2019.
2. Le 5 décembre 2019, la société Guintoli a saisi le comité consultatif interrégional de règlement amiable des litiges relatifs aux marchés publics, qui a rendu son avis le 22 mars 2021 en proposant une majoration du décompte général du marché à hauteur de 999 000 euros HT. A la suite de la décision du pouvoir adjudicateur du 18 mai 2021 de refuser de donner suite à cet avis, les sociétés Guintoli, EHTP Ouest Atlantique, Siorat Grands Travaux et NGE Génie Civil Ouest Atlantique ont demandé au tribunal administratif de Rennes, pour l'essentiel, de condamner l'Etat à lui verser la somme globale de 3 016 088,47 euros HT au titre du solde du marché. Par un jugement du 5 octobre 2023, le tribunal a, d'une part, condamné l'Etat à verser au groupement la somme globale de 35 196,80 euros HT, assortie de la révision des prix prévue au marché, des intérêts moratoires contractuels à compter du 8 juin 2019 et de la capitalisation de ces derniers et, d'autre part, rejeté le surplus des conclusions de la requête. Les sociétés font appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus des conclusions de leur requête tendant au règlement du solde du marché.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne la responsabilité contractuelle du maître d'ouvrage en raison de l'insuffisance des études géotechniques et géologiques :
3. En premier lieu, les difficultés rencontrées dans l'exécution d'un marché peuvent ouvrir droit à indemnité au profit de l'entreprise titulaire du marché dans la mesure où celle-ci justifie qu'elles sont imputables à une faute de la personne publique commise notamment dans l'exercice de ses pouvoirs de contrôle et de direction du marché, dans l'estimation de ses besoins, dans la conception même du marché ou dans sa mise en œuvre.
4. Le groupement soutient que les études géotechniques et géologiques effectuées par le maître d'ouvrage et produites dans le cadre du dossier de consultation des entreprises présentaient un contenu insuffisant et erroné, dès lors qu'elles concluaient à la possibilité, pour les engins de chantier, de circuler sur le fond de déblai, en procédant notamment au traitement des schistes décomposés présents dans les sols, alors que finalement, en phase d'exécution du marché, le chantier s'est avéré difficilement traficable, ce qui a entraîné d'importants travaux supplémentaires et un allongement de la durée d'exécution du marché.
5. Il résulte de l'instruction que les études établies par les services de la DREAL en janvier 2015 se composent de plusieurs volets, dont une étude géotechnique et géologique du tracé, des coupes géotechniques de la section courante et des bretelles, une étude de tassement du remblai, une étude de stabilité des pentes de talus de déblais et, enfin, une étude de traitement. Contrairement à ce que soutiennent les sociétés appelantes, ces études comportent une analyse détaillée et argumentée des caractéristiques des sols, en s'appuyant en particulier sur de nombreux carottages et analyses en laboratoire, et émettent de nombreuses réserves quant à la qualité de ces derniers. Elles précisent ainsi que des zones du tracé de la route peuvent être humides et très humides, présenter un contexte hydrogéologique défavorable et que le réemploi dans l'état naturel du limon, des dépôts argilo-sableux et graveleux et des schistes ne peut être envisagé que pour constituer le corps des remblais d'une hauteur supérieure à deux mètres pour les sols dans un état hydrique correct. En ce qui concerne en particulier les schistes décomposés, lesdites études ont ainsi informé les entreprises que leur qualité était médiocre lorsque ces matériaux sont humides et très humides. Dans la perspective du réemploi de ces derniers, il est noté que, même lorsqu'ils sont secs, leur portance est très moyenne, qu'ils présentent un risque de déformation sous l'effet du trafic du chantier et qu'il est nécessaire de prévoir leur réemploi dans de bonnes conditions météorologiques, après avoir assuré sans délai leur protection. En ce qui concerne les schistes humides et très humides, il est indiqué que ceux-ci peuvent être réutilisés mais après traitement uniquement. Sur ce point, l'étude de traitement précise que les schistes décomposés après traitement à la chaux ou grâce à un liant de type " Rolac PI " présentent un très mauvais comportement à l'eau, que leur pérennité n'est pas assurée et qu'il faut donc les réutiliser uniquement en corps de remblai en les plaçant hors d'eau avec une base de remblai spécifique insensible à l'eau, en les appuyant en outre avec des matériaux rocheux. De surcroît, s'agissant du traitement des limons, l'étude indique que celui-ci devient inefficace à partir d'une certaine teneur en eau. Au regard de l'ensemble de ces éléments, les sociétés appelantes ne sont, par suite, pas fondées à soutenir qu'elles ont été induites en erreur par ces études, qui ne concluent pas à la traficabilité du chantier, notamment après traitement des schistes, mais émettent, au contraire, de nombreuses réserves à ce titre, d'ailleurs reprises en partie par les stipulations de l'article B.I.1.a du cahier des clauses techniques particulières (CCTP) du marché. En outre, elles n'établissent pas que ces études seraient erronées et insuffisantes au regard de la norme professionnelle NFP 94-500 et que le maître d'ouvrage aurait, ainsi, commis des fautes dans la conception du marché ou dans l'exercice de ses pouvoirs de contrôle et de direction de celui-ci. Elles ne sont dès lors pas fondées à demander l'indemnisation de leurs préjudices en raison des fautes alléguées.
6. En second lieu, ne peuvent être regardées comme des sujétions techniques imprévues que des difficultés matérielles rencontrées lors de l'exécution d'un marché, présentant un caractère exceptionnel, imprévisibles lors de la conclusion du contrat et dont la cause est extérieure aux parties. S'agissant d'un marché à prix unitaires, leur indemnisation par le maître d'ouvrage n'est pas subordonnée à un bouleversement de l'économie du contrat.
7. Ainsi qu'il a été dit au point 5, les études géotechniques établies par les services de la DREAL présentaient un contenu détaillé quant à la nature des sols et aux contraintes pouvant en résulter en phase d'exécution du marché, en particulier en ce qui concerne la traficabilité du chantier. Par ailleurs, ces études ont été fournies, en amont, lors de l'attribution du marché, aux sociétés appelantes dans le cadre du dossier de consultation des entreprises. Ces dernières ne sont donc pas fondées à soutenir qu'elles ont été confrontées à un aléa imprévisible constitutif de sujétions imprévues, du fait d'un terrain impraticable qui ne pouvait pas être traité, ayant donné lieu à des travaux supplémentaires et à l'allongement de la durée d'exécution du marché dont l'indemnisation devrait être mise à la charge du maître d'ouvrage.
En ce qui concerne la responsabilité contractuelle du maître d'ouvrage en raison des travaux supplémentaires :
8. En premier lieu, le titulaire d'un marché a droit au paiement des travaux supplémentaires qui, bien qu'ils aient été réalisés sans ordre de service du maître d'ouvrage, ont été indispensables à la réalisation de l'ouvrage selon les règles de l'art, et ce alors même que le titulaire est rémunéré en partie par un prix forfaitaire, comme c'est partiellement le cas en l'espèce. La seule circonstance que les travaux aient été utiles au maître d'ouvrage n'est pas suffisante pour en obtenir le paiement.
9. D'une part, les sociétés appelantes soutiennent qu'elles ont exposé des travaux supplémentaires correspondant au décapage de la terre végétale pour un montant de 72 864 euros HT, à la surconsommation des tombereaux articulés et rigides en raison du matelassage pour 89 571,40 euros HT, aux déblais en grande masse lié à la géotechnique pour 781 996,60 euros HT, au terrassement par demi-chaussée pour un montant de 412 298,10 euros HT, au traitement à la chaux sous les remblais et la partie supérieure des terrassements pour 84 349,50 euros HT, à la mise en œuvre de la couche de forme 0/150 par demi-chaussée pour 79 989,10 euros HT, au drain mis en œuvre par demi-chaussée pour 80 117,40 euros HT, aux travaux d'empierrement pour 102 373 euros HT, aux réglages des talus et travaux par guidage GPS pour 169 510 euros HT, aux glissements de talus dans les cunettes en période d'intempéries entraînant un nettoyage supplémentaire pour un montant de 11 216 euros HT. Elles imputent ces travaux supplémentaires au fait que le chantier s'est finalement avéré plus contraignant que prévu à mettre en œuvre sur le plan technique, en particulier sa traficabilité qui est apparue très faible voire nulle, en raison principalement de la nature des sols, notamment de leur plus forte teneur en eau par rapport à celle qui leur avait été indiquée lors de la phase d'attribution du marché, et à l'impossibilité de les traiter pour les rendre traficables. Toutefois, il résulte de ce qui a été dit au point 5 ci-dessus que les études géotechniques et géologiques fournies par les services de la DREAL au groupement lors de l'élaboration de son offre présentaient un contenu détaillé et il n'est pas démontré qu'elles souffriraient d'imprécisions ou d'erreurs. Ainsi, compte tenu des nombreuses informations dont elles disposaient quant à la qualité et à la nature des sols, les sociétés appelantes auraient dû prévoir, en vertu de leurs obligations contractuelles, les prestations qu'elles invoquent et le surcoût qui en résulterait lors de l'élaboration de leur offre. Elles ne sont donc pas fondées à demander la condamnation du maître d'ouvrage au titre des travaux supplémentaires sur ce point.
10. D'autre part, le groupement n'établit pas la réalité du préjudice qu'il estime avoir subi du fait de la baisse de la cadence de terrassement qu'il impute à la présence de réseaux, qu'il invoque au sein du poste " déblais en grande masse lié à la géotechnique " chiffré à la somme globale de 781 996,60 euros HT mais qui n'est pas assorti de justificatifs probants. Il en va de même du préjudice relatif au dévoiement préalable des réseaux pour le raccordement aux bretelles, chiffré à la somme de 39 250,40 euros HT. Par ailleurs, et en tout état de cause, les articles 3.2.1 du CCAP du marché et A.III.6 du CCTP stipulent que les prix du marché tiennent compte des contraintes des réseaux et il n'est pas sérieusement contesté que le dossier de consultation des entreprises comprenait un plan répertoriant les réseaux susceptibles d'être concernés. Contrairement à ce qu'elles soutiennent, les sociétés appelantes étaient donc en mesure de prévoir ces prestations lors de l'élaboration de leur offre. Elles ne sont donc pas fondées à demander la condamnation du maître d'ouvrage au titre des travaux supplémentaires sur ce point.
11. En second lieu, si les sociétés appelantes se prévalent d'un ordre de service du 7 décembre 2016 pour demander le paiement des travaux d'empierrement précité pour un montant de 102 373 euros HT, il résulte de ce qui a été dit au point 9 ci-dessus que ces travaux ne présentent pas le caractère de travaux supplémentaires, ainsi au surplus que l'indique lui-même ledit ordre. Leur demande doit donc être rejetée sur ce point.
En ce qui concerne le paiement des travaux prévus au marché :
12. En premier lieu, le groupement demande le versement d'une somme de 5 721 euros HT, correspondant au " reprofilage et curage de fossés existants ", à un " regard à grille diam 1000 mm pour canalisation de diam ) 600 mm " et à " 2 885,40 m² de démolition de chaussée ". L'argumentation présentée sur ce point n'est toutefois pas assortie des précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé et, par ailleurs, le maître d'ouvrage fait valoir, sans être sérieusement contesté, que les sommes en cause ont déjà été intégrées par ses soins au décompte général litigieux au bénéfice du groupement. La demande présentée par ce dernier ne peut donc qu'être rejetée.
13. En second lieu, les sociétés appelantes demandent l'indemnisation du poste relatif à la " reprise de terre végétale et mise en œuvre " pour un montant de 39 396 euros HT. Toutefois, il résulte du bordereau des prix de son marché, qui en est une pièce constitutive aux termes de l'article 2 du CCAP, que ce poste, qui correspond au prix n°2103, doit faire l'objet d'une mesure contradictoire pour déterminer les volumes à prendre en compte. Or, les sociétés ne contestent pas qu'aucune mesure n'est intervenue sur ce point. Leur demande doit donc être rejetée.
En ce qui concerne la responsabilité quasi-délictuelle du maître d'œuvre invoquée à titre subsidiaire par le groupement :
14. Dans le cadre d'un contentieux tendant au règlement d'un marché relatif à des travaux publics, le titulaire du marché peut rechercher, outre la responsabilité contractuelle du maître d'ouvrage, la responsabilité quasi-délictuelle des autres participants à la même opération de construction avec lesquels il n'est lié par aucun contrat de droit privé.
15. En premier lieu, les sociétés appelantes soutiennent que la responsabilité de la maîtrise d'œuvre est engagée en raison du contenu insuffisant et erroné des études géotechniques et géologiques qui leur ont été fournies lors de l'élaboration de leur offre. Toutefois, il résulte de ce qui a été dit au point 4 ci-dessus qu'il n'est pas démontré que ces études souffriraient d'imprécisions ou d'erreurs. La responsabilité pour faute des maîtres d'œuvre ne saurait ainsi, en tout état de cause, être engagée sur ce point.
16. En second lieu, le groupement soutient qu'il a proposé au maître d'œuvre, au mois de mars 2016, d'utiliser de nouvelles méthodes afin de renforcer les sols compte tenu des difficultés de traficabilité rencontrées, consistant notamment à employer des matériaux granulaires, que le maître d'œuvre a acceptées tardivement de mettre en œuvre en novembre 2016, ce qui serait de nature à engager sa responsabilité pour faute. Toutefois, il résulte en particulier du compte-rendu de la réunion de chantier du 14 novembre 2016 que les adaptations techniques sollicitées par les entreprises étaient surtout pertinentes en période hivernale, lorsque les précipitations sont importantes et que le traitement des limons apparaît alors difficile voire impossible à réaliser. Or, dès lors que la maîtrise d'œuvre a accepté lesdites adaptations, proposées au plus tôt par le groupement en mars 2016, avant le début de l'hiver 2016, il n'est pas établi qu'elle aurait donné son accord de façon tardive et, par suite, fautive. Par ailleurs, et en tout état de cause, les sociétés appelantes ne justifient pas avec précision de la réalité de préjudices qui seraient directement en lien avec une telle faute du maître d'œuvre. Dans ces conditions leur demande indemnitaire doit être rejetée.
En ce qui concerne la responsabilité in solidum du maître d'ouvrage et du maître d'œuvre invoquée à titre infiniment subsidiaire par le groupement :
17. Les sociétés appelantes concluent, à titre infiniment subsidiaire, à la condamnation in solidum du maître d'ouvrage et du maître d'œuvre à l'indemniser des préjudices subis en raison de fautes qui ont déjà été écartées plus haut par le présent arrêt. Leurs conclusions indemnitaires présentées sur ce fondement ne peuvent donc qu'être rejetées.
En ce qui concerne l'application de la formule de variation des prix prévue au marché :
18. Le présent arrêt ne mettant aucune somme supplémentaire à la charge du maître d'ouvrage au titre du solde du marché, la demande des sociétés appelantes tendant à l'application sur ce solde de la formule de variation des prix prévue au marché ne peut qu'être rejetée.
19. Il résulte de tout ce qui précède que les sociétés Guintoli, EHTP Ouest Atlantique, Siorat Grands Travaux et NGE Génie Civil Ouest Atlantique ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 5 octobre 2023, le tribunal administratif de Rennes a rejeté le surplus des conclusions de leur requête.
Sur les frais liés au litige :
20. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à l'octroi d'une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens à la partie perdante. Il y a lieu, dès lors, de rejeter les conclusions présentées à ce titre par les sociétés Guintoli, EHTP Ouest Atlantique, Siorat Grands Travaux et NGE Génie Civil Ouest Atlantique, qui sont les parties perdantes dans le présent litige.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête des sociétés Guintoli, EHTP Ouest Atlantique, Siorat Grands Travaux et NGE Génie Civil Ouest Atlantique est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié aux sociétés Guintoli, EHTP Ouest Atlantique, Siorat Grands Travaux et NGE Génie Civil Ouest Atlantique et au ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche.
Copie en sera adressée, pour information, à la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) de Bretagne.
Délibéré après l'audience du 21 janvier 2025, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- M. Derlange, président-assesseur,
- M. Chabernaud, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 février 2025.
Le rapporteur,
B. CHABERNAUDLe président,
L. LAINÉ
La greffière,
A. MARTIN
La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23NT03500