Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite par laquelle le préfet de la Sarthe a refusé de délivrer une carte nationale d'identité et un passeport à l'enfant Michaëlla Couillebault, d'enjoindre au préfet de la Sarthe de délivrer une carte nationale d'identité et un passeport à l'enfant Michaëlla Couillebault, dans le mois du jugement et sous astreinte de 150 euros par jour de retard, et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 800 euros qui devra être versée à son avocate au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du
10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, moyennant la renonciation de cette avocate à percevoir la contribution versée par l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
Par une ordonnance n° 2312829 du 19 décembre 2023, le président de la première chambre du tribunal administratif de Nantes a donné acte du désistement des conclusions aux fins d'annulation et d'injonction présentées par Mme B... (article 1er) et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande (article 2).
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 21 décembre 2023, Me Stéphanie Rodrigues Devesas demande à la cour :
1°) d'annuler l'article 2 de cette ordonnance du tribunal administratif de Nantes du 19 décembre 2023 en tant qu'elle a rejeté la demande présentée au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 pour la procédure de première instance ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 550 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative pour la procédure d'appel.
Elle soutient que :
- la requête de Mme B... était fondée et c'est en raison de l'introduction du recours de première instance que le préfet a décidé d'abroger l'arrêté contesté ;
- la somme accordée ne saurait être inférieure à celle versée au titre de l'aide juridictionnelle majorée de 50%.
Par un mémoire en défense, enregistré le 11 septembre 2024, le ministre de l'intérieur et des outre-mer conclut au rejet de la requête.
Il soutient que le préfet de la Sarthe n'a jamais refusé de délivrer les titres sollicités mais a seulement sursis à statuer sur la demande qui lui était présentée et une fois le caractère non frauduleux de la demande confirmé, les titres sollicités ont été délivrés, sans que l'introduction du recours ait eu la moindre incidence.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Picquet,
- et les conclusions de Mme Rosemberg, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Me Rodrigues Devesas fait appel de l'article 2 de l'ordonnance du 19 décembre 2023 en tant que le président de la première chambre du tribunal administratif de Nantes, après avoir donné acte du désistement des conclusions aux fins d'annulation et d'injonction présentées par Mme B..., n'a pas fait droit à sa demande tendant à ce que lui soit versée une somme sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
2. Aux termes de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 visée ci-dessus : " (...) / Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou qui perd son procès, et non bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, à payer à l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, partielle ou totale, une somme qu'il détermine et qui ne saurait être inférieure à la part contributive de l'Etat majorée de 50 %, au titre des honoraires et frais non compris dans les dépens que le bénéficiaire de l'aide aurait exposés s'il n'avait pas eu cette aide. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. / Si l'avocat du bénéficiaire de l'aide recouvre cette somme, il renonce à percevoir la part contributive de l'Etat. S'il n'en recouvre qu'une partie, la fraction recouvrée vient en déduction de la part contributive de l'Etat. / (...) ".
3. Il appartient au juge, saisi de conclusions en ce sens, de faire application de ces dispositions, même lorsqu'il constate que les conclusions principales de la requête ont perdu leur objet. Dans ce cas il détermine quelle est la partie perdante en fonction notamment des raisons qui conduisent à rendre les conclusions principales sans objet et tient également compte de l'équité, au regard de l'ensemble des circonstances de l'espèce.
4. Par l'ordonnance attaquée, le président de la première chambre du tribunal administratif de Nantes a donné acte du désistement des conclusions aux fins d'annulation de la décision implicite par laquelle le préfet de la Sarthe a refusé de délivrer une carte nationale d'identité et un passeport à l'enfant Michaëlla Couillebault présentées par Mme B.... Cette dernière était bénéficiaire de l'aide juridictionnelle totale et représentée par Me Rodrigues Devesas. Il ressort des pièces du dossier que le 13 novembre 2020 Mme B... avait déposé une demande de carte d'identité et de passeport pour sa fille. Un courrier de sursis à délivrance des titres avec demande de pièces complémentaires avait été adressé, le 4 décembre 2020, à Mme B..., par la préfecture de la Sarthe. Le préfet de la Sarthe a reconnu, dans un courrier du 5 avril 2022 adressé au préfet de la Vendée, que ces compléments lui avaient été transmis les 23 décembre 2020 et 22 mars 2021. Le ministre se prévaut de ce qu'aucune décision de refus n'était intervenue, une enquête administrative relative à une reconnaissance frauduleuse de paternité de l'enfant en cause ayant été diligentée. Toutefois, les auditions des intéressés ont eu lieu, dans ce cadre, les 27 mai et 3 octobre 2022 et Mme B... n'avait reçu, à la date d'introduction de sa demande de première instance, le 2 septembre 2023, aucune réponse des services préfectoraux. Quelques jours après l'introduction de ce recours de première instance, le 13 septembre 2023, le préfet de la Sarthe a validé le principe de la délivrance des titres sollicités et a invité Mme B... à présenter une nouvelle demande en actualisant la photographie d'identité de l'enfant. Au vu de cette chronologie, et alors qu'aucun nouvel élément n'est intervenu entre octobre 2022 et le 2 septembre 2023, compte tenu de la nature du litige et des diligences accomplies devant la juridiction administrative par Me Rodrigues Devesas, cette dernière est fondée à soutenir que le président de la première chambre du tribunal administratif de Nantes a rejeté à tort, par l'article 2 de l'ordonnance du 19 décembre 2023, les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, la cour statuant par l'effet dévolutif de l'appel, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros hors taxe à verser à Me Rodrigues Devesas en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 au titre de l'instance n° 2312829 ayant abouti à l'ordonnance du président de la première chambre du tribunal administratif de Nantes du 19 décembre 2023.
6. Enfin, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme que Me Rodrigues Devesas demande en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative au titre de la présente instance d'appel.
DECIDE :
Article 1er : L'article 2 de l'ordonnance du 19 décembre 2023 du président de la première chambre du tribunal administratif de Nantes est annulé en tant qu'il rejette la demande de Mme B... et de son conseil au titre des frais d'instance en application des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 2 : L'Etat versera à Me Rodrigues Devesas la somme de 1 200 euros hors taxe en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 au titre de l'instance n° 2312829 devant le tribunal administratif de Nantes, sous réserve pour Me Rodrigues Devesas de renoncer à percevoir la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridique.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de Me Rodrigues Devesas est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Me Rodrigues Devesas et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Une copie en sera adressée pour information au préfet de la Sarthe.
Délibéré après l'audience du 21 janvier 2025, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- M. Derlange, président assesseur,
- Mme Picquet, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 février 2025.
La rapporteure,
P. PICQUET
Le président,
L. LAINÉ
La greffière,
A. MARTIN
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23NT03856