La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

07/02/2025 | FRANCE | N°24NT01887

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 4ème chambre, 07 février 2025, 24NT01887


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme E... B..., M. A... D... et M. F... C... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la délibération du 11 octobre 2021 par laquelle le conseil municipal de la commune de Cholet a décidé d'accorder la protection fonctionnelle à son maire.



Par un jugement n° 2112323 du 24 avril 2024, le tribunal administratif de Nantes a annulé la délibération du 11 octobre 2021 et a enjoint à la commune de Cholet d'émettre à l'encontre de son maire un

titre de reversement d'un montant de 3 600 euros.



Procédure devant la cour :



P...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... B..., M. A... D... et M. F... C... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la délibération du 11 octobre 2021 par laquelle le conseil municipal de la commune de Cholet a décidé d'accorder la protection fonctionnelle à son maire.

Par un jugement n° 2112323 du 24 avril 2024, le tribunal administratif de Nantes a annulé la délibération du 11 octobre 2021 et a enjoint à la commune de Cholet d'émettre à l'encontre de son maire un titre de reversement d'un montant de 3 600 euros.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 24 juin 2024 et un mémoire, enregistré le 16 janvier 2025, non communiqué, la commune de Cholet, représentée par Me Boucher, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 24 avril 2024 du tribunal administratif de Nantes ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme E... B..., M. A... D... et M. F... C... devant le tribunal administratif de Nantes ;

3°) de mettre à la charge de Mme B..., M. D... et M. C... une somme de 2 000 euros, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- à supposer même que les propos tenus par son maire lors du conseil municipal du

11 juillet 2016 revêtent le caractère d'une faute personnelle, celle-ci n'est pas détachable de ses fonctions ;

- son maire n'a fait que réagir à la parution dans le journal Ouest France de très nombreux articles partiaux, polémiques, inexacts et tendancieux au sujet d'une affaire opposant la commune à un de ses agents ;

- la justice administrative a, à plusieurs reprises, confirmé les sanctions prises par la commune à l'égard de cet agent ;

- la liberté d'expression de son maire était garantie par les stipulations de l'article 10 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 novembre 2024, Mme B..., M. D... et M. C..., représentés par Me C..., concluent au rejet de la requête.

Ils soutiennent que les moyens de la commune de Cholet ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Derlange, président assesseur,

- les conclusions de Mme Rosemberg, rapporteure publique,

- et les observations de Me Boucher, représentant la commune de Cholet.

Considérant ce qui suit :

1. Le 11 juillet 2016, lors d'une séance publique du conseil municipal, le maire de la commune de Cholet a notamment qualifié le journal Ouest-France de " presse totalitaire ", a déclaré que " leur manière de traiter l'information est vraiment à vomir et je leur vomis dessus " et " boycottons ces torchons ". Par une décision du 2 juillet 2021 de la Cour de cassation, confirmant un arrêt du 24 septembre 2019 de la cour d'appel d'Angers, il a été condamné à verser un euro symbolique à la société Ouest-France en réparation du préjudice résultant des propos tenus lors de la séance du 11 juillet 2016. Son maire ayant décidé de saisir la Cour européenne des droits de l'homme en vue de faire reconnaître la violation de sa liberté d'expression par la justice française, le conseil municipal de la commune de Cholet, par une délibération du 11 octobre 2021, a décidé de lui accorder la protection fonctionnelle. M. C..., Mme B... et M. D..., membres d'opposition du conseil municipal de la commune de Cholet, ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler cette délibération. La commune de Cholet demande à la cour d'annuler le jugement du 24 avril 2024 par lequel le tribunal administratif de Nantes a annulé la délibération du 11 octobre 2021.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 2123-34 du code général des collectivités territoriales : " (...) La commune est tenue d'accorder sa protection au maire (...) lorsque celui-ci fait l'objet de poursuites pénales à l'occasion de faits qui n'ont pas le caractère de faute détachable de l'exercice de ses fonctions. (...) ". Pour l'application de cette disposition, présentent le caractère d'une faute personnelle détachable des fonctions de maire des faits qui révèlent des préoccupations d'ordre privé, qui procèdent d'un comportement incompatible avec les obligations qui s'imposent dans l'exercice de fonctions publiques ou qui, eu égard à leur nature et aux conditions dans lesquelles ils ont été commis, revêtent une particulière gravité. En revanche ni la qualification retenue par le juge pénal ni le caractère intentionnel des faits retenus contre l'intéressé ne suffisent par eux-mêmes à regarder une faute comme étant détachable des fonctions, et justifiant dès lors que le bénéfice du droit à la protection fonctionnelle soit refusé au maire qui en fait la demande.

3. Les propos employés par le maire de la commune lors de la séance publique du conseil municipal du 11 juillet 2016, compte tenu de leur caractère excessif et particulièrement outrancier, dont il ne ressort pas des pièces du dossier qu'ils ont pu être motivés par des écrits d'une violence équivalente de la part du journal Ouest-France et ont d'ailleurs été qualifiés d'injures publiques par le juge pénal, procèdent d'un comportement incompatible avec les obligations qui s'imposent dans l'exercice de fonctions publiques. La commune de Cholet n'est donc pas fondée à soutenir, quand bien même son maire n'a fait que réagir à la parution dans le journal Ouest France d'articles relatifs à la situation d'un ancien agent municipal dont la justice administrative a, à plusieurs reprises, confirmé les sanctions prises à son égard, que c'est à tort que le tribunal administratif de Nantes a jugé que la protection fonctionnelle ne pouvait pas légalement lui être accordée.

4. En second lieu, aux termes de l'article 10 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit à la liberté d'expression. Ce droit comprend la liberté d'opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu'il puisse y avoir ingérence d'autorités publiques et sans considération de frontière. Le présent article n'empêche pas les Etats de soumettre les entreprises de radiodiffusion, de cinéma ou de télévision à un régime d'autorisations. / 2. L'exercice de ces libertés comportant des devoirs et des responsabilités peut être soumis à certaines formalités, conditions, restrictions ou sanctions prévues par la loi, qui constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à l'intégrité territoriale ou à la sûreté publique, à la défense de l'ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale, à la protection de la réputation ou des droits d'autrui, pour empêcher la divulgation d'informations confidentielles ou pour garantir l'autorité et l'impartialité du pouvoir judiciaire. ".

5. Les propos précités tenus par le maire de Cholet excédaient les limites de la liberté d'expression quand bien même il estimait que les articles du journal Ouest-France le concernant sont inexacts et tendancieux. Par suite, la commune de Cholet n'est pas fondée à soutenir que les stipulations de l'article 10 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales impliquaient que la protection fonctionnelle soit accordée à son maire.

6. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Cholet n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Nantes a annulé la délibération du 11 octobre 2021 et a enjoint à la commune de Cholet d'émettre à l'encontre de son maire un titre de reversement d'un montant de 3 600 euros.

Sur les frais liés au litige :

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle, à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de Mme B..., M. D... et M. C..., qui ne sont pas, dans la présente instance, la partie perdante.

8. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la commune de Cholet le versement à Mme B..., M. D... et M. C... d'une somme globale de

1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la commune de Cholet est rejetée.

Article 2 : La commune de Cholet versera la somme globale de 1 500 euros à Mme B..., M. D... et M. C..., en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune Cholet, à Mme E... B..., à M. A... D... et à M. F... C....

Délibéré après l'audience du 21 janvier 2025, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- M. Derlange, président assesseur,

- Mme Picquet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 février 2025.

Le rapporteur,

S. DERLANGE

Le président,

L. LAINÉ

La greffière,

A. MARTIN

La République mande et ordonne au préfet de Maine-et-Loire en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 24NT01887


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 24NT01887
Date de la décision : 07/02/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINÉ
Rapporteur ?: M. Stéphane DERLANGE
Rapporteur public ?: Mme ROSEMBERG
Avocat(s) : LEX PUBLICA

Origine de la décision
Date de l'import : 16/02/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-02-07;24nt01887 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award