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11/02/2025 | FRANCE | N°24NT00036

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 6ème chambre, 11 février 2025, 24NT00036


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 23 septembre 2016 par laquelle le ministre de la défense a refusé de faire droit à sa demande de pension militaire d'invalidité et de fixer son taux d'invalidité à 20 % au titre des séquelles de fracture comminutive intercondylienne de l'humérus droit, 20 % au titre des séquelles d'hémorragie méningée, 10 % au titre des séquelles de traumatisme crânien, 10 % au titre des séquelles de f

racture de la cheville droite et 30 % au titre de ses lombalgies mécaniques.



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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 23 septembre 2016 par laquelle le ministre de la défense a refusé de faire droit à sa demande de pension militaire d'invalidité et de fixer son taux d'invalidité à 20 % au titre des séquelles de fracture comminutive intercondylienne de l'humérus droit, 20 % au titre des séquelles d'hémorragie méningée, 10 % au titre des séquelles de traumatisme crânien, 10 % au titre des séquelles de fracture de la cheville droite et 30 % au titre de ses lombalgies mécaniques.

Par un jugement n°1913302 du 20 juin 2023, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 8 janvier 2024, M. C..., représenté par Me Lefèvre, demande à la cour :

1°) l'annulation du jugement du 20 juin 2023 du tribunal administratif de Nantes ;

2°) l'annulation de la décision du 23 septembre 2016 par laquelle le ministre de la défense a refusé de faire droit à sa demande de pension militaire d'invalidité et de fixer son taux d'invalidité à 20 % au titre des séquelles de fracture comminutive intercondylienne de l'humérus droit, 20 % au titre des séquelles d'hémorragie méningée, 10 % au titre des séquelles de traumatisme crânien, 10 % au titre des séquelles de fracture de la cheville droite et 30 % au titre de ses lombalgies mécaniques ;

3°) à titre subsidiaire, d'ordonner, avant dire droit, une expertise médicale afin de déterminer les taux d'incapacité liés aux infirmités dont il est atteint ;

4°) de mettre à la charge de l'État le versement à son conseil de la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

Sur la régularité du jugement attaqué :

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé et le tribunal n'a pas répondu à ses conclusions tendant à ce qu'il soit ordonné une expertise médicale ;

- en constatant l'imprécision des éléments médicaux produits par le ministre des armées, le tribunal aurait dû faire usage de ses pouvoirs d'instruction.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

- la décision contestée est entachée de vice de procédure, le ministre n'ayant pas transmis aux médecins experts un dossier médical et administratif complet ;

- c'est à tort que le tribunal a estimé qu'il n'apportait pas la preuve du lien entre le service et ses affectations et que ses taux d'invalidité seraient insuffisants :

* il a produit les décisions de la Maison départementale des personnes en situation de handicap (MDPH) datant de 2016 et 2017 qui ont confirmé que son taux d'incapacité était entre 50 et 75% ;

* le médecin de l'armée a bien constaté en 1993 et 1994 que ses affections étaient liées au service ;

- à supposer que la cour ne s'estime pas suffisamment éclairé sur ses affections, il convient avant dire droit qu'il soit procédé à une expertise médicale.

Par un mémoire en défense, enregistré le 24 décembre 2024, le ministre des armées et des anciens combattants conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés.

Par une décision du 13 novembre 2023, M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pons,

- les conclusions de Mme Bailleul, rapporteure publique ;

- et les observations de Me Lefèvre pour M. C....

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., a été radié des contrôles au grade de soldat le 1er août 1994. Par une demande enregistrée le 2 février 2015, il a sollicité le versement d'une pension militaire d'invalidité, au titre de ses séquelles d'une fracture comminutive intercondylienne de l'humérus gauche, d'une hémorragie méningée, d'un traumatisme crânien, d'une fracture de la cheville droite, ainsi que de ses lombalgies mécaniques. Par une décision du 23 septembre 2016, le ministre de la défense a refusé de faire droit à sa demande, au motif que la fracture de l'humérus gauche n'était pas imputable au service, que les taux d'invalidité résultant de ses séquelles d'hémorragie méningée, de traumatisme crânien et de fracture de la cheville droite étaient inférieurs au minimum indemnisable de 10 % d'invalidité requis, enfin, que le taux d'invalidité résultant de ses lombalgies mécaniques était inférieur au minimum indemnisable de 30%. M. C... a alors demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler cette décision et de fixer son taux d'invalidité à 20% au titre des séquelles de la fracture comminutive intercondylienne de l'humérus droit, 20% au titre des séquelles de l'hémorragie méningée, 10% au titre des séquelles du traumatisme crânien, 10% au titre des séquelles de fracture de la cheville droite et 30% au titre de ses lombalgies mécaniques. Par un jugement du 20 juin 2023, dont M. C... relève appel, le tribunal a rejeté ses demandes.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, contrairement à ce qui est allégué par M. C..., le jugement attaqué est suffisamment motivé. Le tribunal a également répondu dans le paragraphe 12 dudit jugement, après avoir analysé aux points précédents la situation médicale de l'intéressé, aux conclusions du requérant tendant à ce qu'il soit ordonné une expertise médicale. Par suite, M. C... n'est pas fondé à soutenir que le jugement attaqué serait irrégulier sur ces deux points.

3. En second lieu, si M. C... soutient qu'en constatant l'imprécision des éléments médicaux produits par le ministre des armées, le tribunal aurait dû faire usage de ses pouvoirs d'instruction, il résulte des pièces versées au dossier que le tribunal, qui s'est notamment fondé sur les pièces médicales produites par les différentes parties à l'instance, pouvait former sa conviction au regard des éléments dont il disposait, sans procéder à une mesure d'instruction telle qu'une expertise. Par suite, M. C... n'est pas fondé à soutenir que le jugement attaqué serait irrégulier.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

4. Pour apprécier la situation du requérant, le ministre de la défense s'est fondé sur l'expertise médicale du 22 mars 2016 du docteur G..., sur l'expertise médicale du 19 mai 2016 du docteur F... et sur l'ensemble du dossier médical de l'intéressé, comprenant notamment l'avis de la commission de réforme de La Rochelle du 20 septembre 2016. Par suite, M. C... n'est pas fondé à soutenir que le ministre se serait fondé sur un dossier médical et administratif incomplet pour statuer sur sa situation. Le moyen, selon lequel les experts l'ayant examiné se seraient eux-mêmes fondés sur un dossier médical et administratif incomplet, est sans incidence sur l'issue du litige.

5. Aux termes de l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, dans sa rédaction applicable au litige : " Ouvrent droit à pension : 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'événements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; / 2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service ; / 3° L'aggravation par le fait ou à l'occasion du service d'infirmités étrangères au service ; / 4° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'accidents éprouvés entre le début et la fin d'une mission opérationnelle, y compris les opérations d'expertise ou d'essai, ou d'entraînement ou en escale, sauf faute de la victime détachable du service ". L'article L. 3 du même code dispose : " Lorsqu'il n'est pas possible d'administrer ni la preuve que l'infirmité ou l'aggravation résulte d'une des causes prévues à l'article L. 2, ni la preuve contraire, la présomption d'imputabilité au service bénéficie à l'intéressé à condition : / 1° S'il s'agit de blessure, qu'elle ait été constatée avant le renvoi du militaire dans ses foyers ; / 2° S'il s'agit d'une maladie, qu'elle n'ait été constatée qu'après le quatre-vingt-dixième jour de service effectif et avant le soixantième jour suivant le retour du militaire dans ses foyers ; / 3° En tout état de cause, que soit établie, médicalement, la filiation entre la blessure ou la maladie ayant fait l'objet de la constatation et l'infirmité invoquée (...) "..

7. Il résulte de ces dispositions que lorsque le demandeur d'une pension ne peut pas bénéficier de la présomption légale d'imputabilité au service, il incombe à ce dernier d'apporter la preuve de l'existence d'un fait précis ou de circonstances particulières de service à l'origine de l'affection qu'il invoque. Cette preuve ne saurait résulter de la seule circonstance que l'infirmité soit apparue durant le service, ni d'une hypothèse médicale, ni d'une vraisemblance, ni d'une probabilité, aussi forte soit-elle.

Sur les séquelles de fracture comminutive intercondylienne de l'humérus gauche (droitier), la fracture de la cheville droite et le traumatisme crânien :

8. Un accident de la circulation dont est victime un militaire bénéficiant d'une permission régulière ne peut être regardé comme survenu à l'occasion du service que si cet accident a eu lieu, soit en début de permission pendant le trajet direct de son lieu de service vers le lieu où il a été autorisé à se rendre en permission, soit en fin de permission pendant le trajet inverse.

9. En l'espèce, M. C... a été victime, le 9 mai 1994, d'un accident de la circulation sur la presqu'île de D..., à A..., dont ont résulté une fracture intercondylienne de l'humérus gauche et une fracture non déplacée de la malléole interne de la cheville droite et un traumatisme crânien. Il résulte néanmoins de l'instruction que ces infirmités ont pour cause un accident de la voie publique du 9 mai 1994 intervenu au cours d'une permission de longue durée du 6 au 24 mai 1994. M. C... ne produit aucun élément pour contester ces faits. Dans ces conditions, il n'est pas fondé à soutenir que l'accident du 9 mai 1994 serait imputable au service. L'imputabilité au service des séquelles de fracture comminutive intercondylienne de l'humérus gauche, de la fracture de la cheville droite et du traumatisme crânien n'étant pas établie, le moyen tiré de ce que l'administration aurait insuffisamment évalué les taux d'invalidité en résultant ne peut être utilement invoqué.

Sur les séquelles de l'hémorragie méningée :

10. Il résulte de l'instruction que M. C... a souffert d'une hémorragie méningée, survenue le 21 novembre 1993, qui a nécessité son transfert au centre hospitalier de A..., puis en E... pour qu'une angiographie y soit réalisée. Le neurologue expert qui a examiné l'intéressé a estimé, dans son rapport daté du 18 mai 2016, que s'il se plaignait bien de céphalées semblant " avoir un retentissement important sur sa qualité de vie " et " requérir des traitements au long cours ", le lien entre ces céphalées et l'hémorragie méningée de 1993 ne pouvait être établi avec certitude. Le certificat du médecin généraliste consulté par le requérant produit, en date du 20 juillet 2016, attestant qu'il suit l'intéressé " pour des douleurs diffuses intenses, surtout des céphalées persistantes depuis une hémorragie méningée (1993) associées à une sensation nauséeuse quasi-permanente et une intolérance au bruit ", ne saurait remettre en cause cette absence de lien de causalité. Ainsi, les céphalées dont souffre M. C... ne pouvant être regardées comme des séquelles de son hémorragie méningée, ce dernier n'est pas fondé à soutenir qu'elles sont imputables au service. L'imputabilité au service n'étant pas établie, le moyen tiré de ce que l'intensité des céphalées subies par le requérant justifie qu'un taux d'invalidité supérieur à 20 % soit retenu au titre de cette infirmité ne peut être utilement invoqué.

Sur les séquelles des lombalgies mécaniques :

11. Aux termes de l'article L.4 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, dans sa rédaction applicable au litige : " Les pensions sont établies d'après le degré d'invalidité. Sont prises en considération les infirmités entraînant une invalidité égale ou supérieure à 10 %. Il est concédé une pension : 1° Au titre des infirmités résultant de blessures, si le degré d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse 10 % ; 2° Au titre d'infirmités résultant de maladies associées à des infirmités résultant de blessures, si le degré total d'invalidité atteint ou dépasse 30 % ; 3° Au titre d'infirmité résultant exclusivement de maladie, si le degré d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse : 30 % en cas d'infirmité unique ; 40 % en cas d'infirmités multiples. ".

12. Il résulte de l'instruction que M. C... souffre de lombalgies chroniques. En se bornant à soutenir, sans préciser les affections concernées, que la Maison départementale des personnes handicapées (MDPH) lui a reconnu, en 2016 et en 2017, un taux d'incapacité global entre 50 % et 75 % et qu'un " médecin de l'armée " aurait constaté en 1993 et 1994 que ses affections seraient liées au service, le requérant ne remet pas utilement en cause les conclusions du rhumatologue expert mandaté par l'administration pour l'examiner, qui a retenu un taux de 12 % " pour immobilisation douloureuse de la région lombaire ". Dans ces conditions, M. C... n'est pas fondé à soutenir que son taux d'invalidité au titre de cette pathologie aurait dû être fixé à 30 %. Au surplus, il résulte de l'instruction que cette lombalgie a été diagnostiquée au cours de l'année 2005, soit 11 ans après que l'intéressé a été rayé des contrôles et le rhumatologue expert, dans son rapport du 2 mai 2016, a estimé qu'il était " impossible d'établir un lien de causalité pour les lombalgies ". L'imputabilité au service de cette pathologie n'est donc pas établie.

13. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise médicale pour les motifs retenus aux points 9, 10 et 12, que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et au ministre des armées.

Délibéré après l'audience du 24 janvier 2025, à laquelle siégeaient :

- M. Gaspon, président de chambre,

- M. Coiffet, président-assesseur,

- M. Pons, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 février 2025.

Le rapporteur,

F. PONS

Le président,

O. GASPON

La greffière,

I. PETTON

La République mande et ordonne et au ministre des armées en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 24NT00036


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 24NT00036
Date de la décision : 11/02/2025
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. GASPON
Rapporteur ?: M. François PONS
Rapporteur public ?: Mme BAILLEUL
Avocat(s) : SARL ANTIGONE

Origine de la décision
Date de l'import : 16/02/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-02-11;24nt00036 ?
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