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11/02/2025 | FRANCE | N°24NT00219

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 6ème chambre, 11 février 2025, 24NT00219


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. D... C... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 8 juillet 2020 par laquelle le recteur de l'académie de Nantes a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de son accident survenu le 5 mars 2020, ainsi que la décision par laquelle il a implicitement rejeté son recours gracieux formé le 1er septembre 2020.



Par un jugement n° 2011231 du 28 novembre 2023, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision du

8 juillet 2020 et la décision implicite portant rejet du recours gracieux formé contre cette mesu...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... C... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 8 juillet 2020 par laquelle le recteur de l'académie de Nantes a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de son accident survenu le 5 mars 2020, ainsi que la décision par laquelle il a implicitement rejeté son recours gracieux formé le 1er septembre 2020.

Par un jugement n° 2011231 du 28 novembre 2023, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision du 8 juillet 2020 et la décision implicite portant rejet du recours gracieux formé contre cette mesure par M. C....

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 26 janvier 2024 et un mémoire enregistré le 20 janvier 2025 qui n'a pas été communiqué, la ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse, des sports et des jeux olympiques et paralympiques, demande à la cour :

1°) l'annulation du jugement du 28 novembre 2023 du tribunal administratif de Nantes ;

2°) le rejet de la demande de M. C... introduite devant le tribunal administratif de Nantes ;

Elle soutient que :

- contrairement à ce qu'a estimé le tribunal, les activités réalisées dans le cadre d'un congé pour formation syndicale, prévu par le décret n°84-474 du 15 juin 1984 relatif à l'attribution aux agents de l'Etat du congé pour la formation syndicale, et destiné à la formation des agents désirant exercer une activité syndicale, ne peuvent être regardées comme étant accomplies " dans le temps et le lieu du service, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par le fonctionnaire de ses fonctions ou d'une activité qui en constitue le prolongement normal ", critère subordonnant la reconnaissance de l'accident au service ;

- le prolongement normal du service désigne les activités qui s'inscrivent dans la continuité de l'exécution du service ou qui sont le corollaire normal des obligations de service ;

- si la jurisprudence n'exclut pas qu'un accident survenu à l'occasion d'une activité syndicale soit reconnu imputable au service, cette reconnaissance est généralement subordonnée à l'existence d'un mandat syndical ;

- la décision d'accorder un congé pour formation syndicale a pour seul objet d'accorder un congé en vue de suivre une formation syndicale organisée indépendamment de toute intervention de l'administration quant à son contenu ou son organisation et ne suffit pas à révéler un indice révélant l'imputabilité au service d'un accident subi au cours de cette formation ;

- la participation de M. C... aux activités sportives proposées dans le seul cadre de la formation syndicale ne constitue pas le prolongement normal de son service de professeur d'éducation physique et sportive.

Par un mémoire en défense, enregistré le 25 avril 2024, M. C..., représenté par Me Weyl conclut au rejet de la requête et, par la voie de l'appel incident, à ce que les condamnations prononcées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative en première instance soient portés à 2 500 euros et de condamner l'Etat, sur le fondement de l'article L 761-1 code de justice administrative, à lui verser une somme supplémentaire de 2 500 euros au titre des frais liés au litige.

Il soutient que les moyens soulevés par la ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse, des sports et des jeux olympiques et paralympiques ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n°83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le décret n° 84-474 du 15 juin 1984 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pons,

- les conclusions de Mme Bailleul, rapporteure publique,

- et les observations de M. B..., pour la ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse, des sports et des jeux olympiques et paralympiques.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., professeur en éducation physique et sportive (A...) affecté au collège des Iles de Loire à E..., a été victime, le 5 mars 2020, d'un accident de vélo tout terrain (VTT) alors qu'il suivait une formation syndicale pour laquelle il bénéficiait d'un congé accordé par le recteur de l'académie de Nantes. Le 8 mars 2020, il a sollicité de son administration que l'accident soit reconnu imputable au service. Dans sa séance du 2 juillet 2020, la commission de réforme a émis un avis en faveur de l'imputabilité au service de cet accident. Par une décision du 8 juillet 2020, le recteur de l'académie de Nantes a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident en cause. M. C... a, le 1er septembre 2020, formé un recours gracieux contre cette décision, lequel a été implicitement rejeté. M. C... a alors demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler ces deux décisions. Par un jugement du 28 novembre 2023, dont la ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse, des sports et des jeux olympiques et paralympiques relève appel, le tribunal a annulé la décision du 8 juillet 2020 et la décision implicite portant rejet du recours gracieux formé contre cette mesure par M. C....

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. D'une part, aux termes de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, applicable au litige : " (...) II. - Est présumé imputable au service tout accident survenu à un fonctionnaire, quelle qu'en soit la cause, dans le temps et le lieu du service, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par le fonctionnaire de ses fonctions ou d'une activité qui en constitue le prolongement normal, en l'absence de faute personnelle ou de toute autre circonstance particulière détachant l'accident du service (...) ". D'autre part, aux termes de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, applicable au litige : " Le fonctionnaire en activité a droit : / (...) / 7° Au congé pour formation syndicale avec traitement d'une durée maximale de douze jours ouvrables par an. / La formation ouvrant droit au bénéfice de ce congé et placée sous la responsabilité des organisations syndicales de fonctionnaires représentées au Conseil supérieur de la fonction publique de l'Etat peut faire l'objet d'une aide financière de l'Etat (...) ". Aux termes de l'article 1er du décret du 15 juin 1984 relatif à l'attribution aux agents de l'Etat du congé pour la formation syndicale : " Le congé pour formation syndicale prévu à l'article 34 (7°) de la loi du 11 janvier 1984 susvisée pour les fonctionnaires régis par ladite loi et à l'article 2 de la loi du 23 novembre 1982 susvisée pour les agents non titulaires de l'Etat ne peut être accordé que pour effectuer un stage ou suivre une session dans l'un des centres ou instituts qui figurent sur une liste arrêtée tous les trois ans par le ministre chargé de la fonction publique. ". Aux termes de l'article 3 de ce même décret : " La demande de congé doit être faite par écrit au chef de service au moins un mois à l'avance. A défaut de réponse expresse au plus tard le quinzième jour qui précède le début du stage ou de la session, le congé est réputé accordé. ". L'article 4 de ce décret dispose : " Le bénéfice du congé ne peut être refusé que si les nécessités du fonctionnement du service s'y opposent (...) ".

3. Il résulte de ces dispositions qu'un accident survenu sur le lieu et dans le temps du service, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par un fonctionnaire de ses fonctions ou d'une activité qui en constitue le prolongement normal présente, en l'absence de faute personnelle ou de toute autre circonstance particulière détachant cet évènement du service, le caractère d'un accident de service.

4. Pour refuser de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident du 5 mars 2020, le recteur de l'académie de Nantes a retenu que le congé de formation syndicale était normalement destiné à la formation des agents désirant exercer une activité syndicale et n'avait pas vocation à donner lieu à des séquences de formation propres à une discipline et que le lien avec le service était trop distendu.

5. Toutefois, si en application de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 précitée, la responsabilité de la formation ouvrant droit au bénéfice du congé de formation syndicale est placée sous la responsabilité des organisations syndicales, cela ne saurait, par principe, exclure la reconnaissance de l'imputabilité au service d'un accident survenu à cette occasion. Aucune disposition législative ou réglementaire n'impose par ailleurs qu'une formation syndicale pouvant donner lieu à un congé syndical ait exclusivement pour objet de préparer à des fonctions d'élu syndical.

6. Il ressort des pièces du dossier que M. C... a sollicité le 22 janvier 2020, soit plus d'un mois avant la formation syndicale des 5 et 6 mars 2020, un congé de formation syndicale, lequel a été implicitement accepté par l'administration. A l'occasion de cette formation syndicale intitulée " 13ème assises pédagogiques de A... et du sport scolaire " et ayant pour thème " l'école et A... de demain " étaient notamment organisés, après des présentations et échanges théoriques en matinée, des ateliers de pratique autour de diverses disciplines sportives. Le 5 mars 2020, à l'occasion de l'un de ses ateliers de pratique du VTT organisé sur le plateau sportif d'un collège de Nantes, M. C... a chuté et s'est fracturé la clavicule gauche. Au regard de ces éléments et notamment du thème de cette formation collective organisée dans une enceinte de l'Education Nationale et des fonctions exercées par l'intéressé, alors que M. C... bénéficiait d'une autorisation de sa hiérarchie pour y assister et en l'absence de circonstance particulière détachant cet évènement du service, sa participation, dans ce cadre, à un atelier de VTT s'inscrit dans le prolongement normal de son service de professeur A....

7. Il résulte de tout ce qui précède que la ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse, des sports et des jeux olympiques et paralympiques n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision du 8 juillet 2020 du recteur de l'académie de Nantes et la décision implicite portant rejet du recours gracieux de M. C....

Sur l'appel incident de M. C... :

8. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de porter les condamnations prononcées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative en première instance à 2 500 euros. L'appel incident de M. C... doit par suite être rejeté.

Sur les frais liés à l'instance :

9. Il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, une somme de 1 500 euros.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse, des sports et des jeux olympiques et paralympiques est rejetée.

Article 2 : L'appel incident de M. C... est rejeté.

Article 3 : L'Etat versera à M. C... une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... C... et à la ministre d'État, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.

Délibéré après l'audience du 24 janvier 2025, à laquelle siégeaient :

- M. Gaspon, président de chambre,

- M. Coiffet, président-assesseur,

- M. Pons, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 février 2025.

Le rapporteur,

F. PONS

Le président,

O. GASPON

La greffière,

I. PETTON

La République mande et ordonne à la ministre d'État, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 24NT00219


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 24NT00219
Date de la décision : 11/02/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. GASPON
Rapporteur ?: M. François PONS
Rapporteur public ?: Mme BAILLEUL
Avocat(s) : CABINET WEYL WTAP

Origine de la décision
Date de l'import : 16/02/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-02-11;24nt00219 ?
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