Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... D... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a implicitement rejeté son recours contre le refus opposé par les autorités consulaires françaises en poste à Moscou (Russie) à sa demande de visa de long séjour présentée en qualité d'ascendante à charge.
M. C... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a implicitement rejeté son recours formé contre le refus opposé par les autorités consulaires françaises en poste à Moscou à sa demande de visa de long séjour présentée en qualité d'ascendant à charge.
Par un jugement n° 2215603, 2215621 du 5 décembre 2023, le tribunal administratif de Nantes a, après les avoir jointes, rejeté ces demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 1er février 2024, Mme D... et M. C..., représentés par Me Hervet, demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nantes du 5 décembre 2023 ;
2°) d'annuler les décisions contestées ;
3°) de recommander au ministre compétent de délivrer les visas sollicités ou, à défaut, de réexaminer leurs demandes.
Ils soutiennent que :
- la motivation de la décision consulaire est stéréotypée ;
- leur situation n'a pas fait l'objet d'un examen particulier ;
- les refus de visa sont entachés d'erreur manifeste d'appréciation ;
- ils méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
La requête visée ci-dessus a été communiquée le 8 février 2024 au ministre de l'intérieur qui n'a pas présenté d'observations en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Bougrine a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. C... et Mme D..., ressortissants russes, nés respectivement le 4 juillet 1955 et le 16 juin 1961, ont sollicité, auprès des autorités consulaires françaises en poste à Moscou (Russie), la délivrance de visas de long séjour en se prévalant de leur qualité d'ascendants à charge de Mme E..., leur fille de nationalité française. Les refus opposés le 3 juin 2022 à leurs demandes ont été implicitement confirmés par la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France. M. C... et Mme D... relèvent appel jugement par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation des décisions implicites de la commission.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 232-4 du code des relations entre le public et l'administration : " Une décision implicite intervenue dans les cas où la décision explicite aurait dû être motivée n'est pas illégale du seul fait qu'elle n'est pas assortie de cette motivation. / Toutefois, à la demande de l'intéressé, formulée dans les délais du recours contentieux, les motifs de toute décision implicite de rejet devront lui être communiqués dans le mois suivant cette demande. Dans ce cas, le délai du recours contentieux contre ladite décision est prorogé jusqu'à l'expiration de deux mois suivant le jour où les motifs lui auront été communiqués. ".
3. D'une part, il résulte de l'article D. 312-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que les décisions implicites nées du silence conservé par la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France sur les recours respectifs formés par M. C... et Mme D... et reçus le 25 juillet 2022 se sont substituées aux décisions des autorités consulaires. D'autre part, il est constant que les intéressés n'ont pas sollicité la communication des motifs de ces décisions implicites. Le moyen tiré du caractère stéréotypé de la motivation des décisions consulaires doit, dans ces conditions, être écarté.
4. En deuxième lieu, les pièces du dossier ne permettent pas d'établir le défaut d'examen particulier invoqués par les requérants.
5. En troisième lieu, lorsqu'elles sont saisies d'une demande tendant à la délivrance d'un visa de long séjour présentée par un ressortissant étranger faisant état de sa qualité d'ascendant à charge de ressortissant français, les autorités consulaires peuvent légalement fonder leur décision de refus sur la circonstance que le demandeur ne saurait être regardé comme étant à la charge de son descendant, dès lors qu'il dispose de ressources propres lui permettant de subvenir aux besoins de la vie courante dans des conditions décentes, que son descendant de nationalité française ne pourvoit pas régulièrement à ses besoins ou qu'il ne justifie pas des ressources nécessaires pour le faire.
6. Les requérants versent au dossier leurs titres de pension ainsi que des attestations de paiements dont il ressort qu'ils ont perçu mensuellement, environ 31 000 roubles en 2021 et 36 000 roubles en 2022. Ils n'apportent, cependant, aucune justification ni même aucune précision sur leurs conditions matérielles d'existence en Russie. Ils n'apportent pas davantage d'éléments de nature à éclairer la cour sur le niveau de revenu nécessaire pour assurer, eu égard au coût de la vie dans ce pays, un niveau de vie décent. En outre, en admettant que les retraits d'espèces, pour des montants variant de 300 à 500 euros, effectués par leur fille le 14 juillet 2018, le 25 décembre 2018, le 23 juillet 2019 et le 23 décembre 2021, soit à des dates correspondant à des voyages vers la Russie leur étaient effectivement destinés, ces dons ne suffisent pas à regarder leur fille comme pourvoyant régulièrement à leurs besoins. Dans ces conditions, les refus de visas en litige ne sont pas entachés d'erreur manifeste dans l'appréciation de leur qualité d'ascendants à charge.
7. En dernier lieu, aux termes de l'article de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
8. Si les requérants font valoir qu'ils craignent de ne plus revoir leur fille, qui est adulte, en raison du contexte géopolitique, il n'est pas établi que cette dernière serait dans l'impossibilité de se rendre en Russie dont elle a gardé la nationalité. Il ressort, au demeurant, de la copie de son passeport et du tableau joint à la requête qu'elle s'y est rendue en 2024. Il ne ressort pas des pièces du dossier que les refus de visa en litige porteraient au droit des requérants ou à celui de leur fille de mener une vie privée et familiale normale, une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels ils ont été pris. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations citées au point précédent doit être écarté.
9. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... et Mme D... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leurs demandes.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme D... et de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... D... et M. B... C... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 24 janvier 2025, à laquelle siégeaient :
-M. Gaspon, président de chambre,
-M. Coiffet, président-assesseur,
-Mme Bougrine, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 11 février 2025.
La rapporteure,
K. BOUGRINE
Le président,
O. GASPON La greffière,
I. PETTON
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 24NT00255