La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

28/02/2025 | FRANCE | N°24NT00776

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 4ème chambre, 28 février 2025, 24NT00776


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler, d'une part, l'arrêté du 10 août 2021 par lequel le préfet du Morbihan a acté la saisie des armes lui appartenant par les services de gendarmerie, a indiqué que la conservation de ces armes était confiée à ces derniers pendant un délai maximum d'un an, lui a interdit d'acquérir ou de détenir des armes de toute catégorie, a enregistré cette interdiction dans le fichier national des interdits d'acquisitio

n et de détention d'armes (FINIADA) et lui a retiré la validation de son permis de chasse...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler, d'une part, l'arrêté du 10 août 2021 par lequel le préfet du Morbihan a acté la saisie des armes lui appartenant par les services de gendarmerie, a indiqué que la conservation de ces armes était confiée à ces derniers pendant un délai maximum d'un an, lui a interdit d'acquérir ou de détenir des armes de toute catégorie, a enregistré cette interdiction dans le fichier national des interdits d'acquisition et de détention d'armes (FINIADA) et lui a retiré la validation de son permis de chasser ainsi que, d'autre part, la décision implicite de rejet de son recours gracieux.

Par un jugement n° 2201351 du 25 janvier 2024, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa requête.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 14 mars 2024, et un mémoire du 8 janvier 2025 qui n'a pas été communiqué, M. B..., représenté par Me Gicquel, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 25 janvier 2024 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 10 août 2021 du préfet du Morbihan ainsi que la décision implicite rejetant son recours gracieux contre cet arrêté ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les dépens de l'instance.

Il soutient que :

- l'arrêté litigieux est insuffisamment motivé ;

- il est entaché d'un vice de procédure, dès lors que la confiscation de ses armes est intervenue sans qu'aucune décision ne lui ait été notifiée ;

- il est entaché d'un vice de procédure, dès lors que le procès-verbal sur lequel il se fonde ne lui a pas été communiqué ;

- il est entaché d'un vice de procédure, dès lors que les services de gendarmerie n'ont pas procédé à son audition ;

- il est entaché d'un vice de procédure, dès lors que la saisie de ses armes a été opérée en dehors des heures légales prévues à l'article L. 312-8 du code de la sécurité intérieure ; le juge des libertés et de la détention n'a pas autorisé cette saisie ; les gendarmes de Languidic sont intervenus alors qu'il réside à Pluvigner où se trouve une brigade de gendarmerie ;

- certaines des armes confisquées ne lui appartenaient pas mais appartenaient à son père qui est décédé et dépendent donc de sa succession ;

- l'arrêté litigieux est entaché d'erreur d'appréciation, dès lors que son comportement ne justifiait pas la saisie en litige.

Par un mémoire en défense enregistré le 5 décembre 2024, le préfet du Morbihan conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- à titre principal, la requête est irrecevable faute d'être suffisamment motivée ;

- à titre subsidiaire, les moyens tirés de l'insuffisance de motivation de l'arrêté litigieux et des vices de procédure sont inopérants et infondés et le moyen tiré de l'erreur d'appréciation est infondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code la sécurité intérieure ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Chabernaud,

- et les conclusions de Mme Rosemberg, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler, d'une part, l'arrêté du 10 août 2021 par lequel le préfet du Morbihan a acté la saisie des armes lui appartenant par les services de gendarmerie, a indiqué que la conservation de ces armes était confiée à ces derniers pendant un délai maximum d'un an, lui a interdit d'acquérir ou de détenir des armes de toute catégorie, a enregistré cette interdiction dans le fichier national des interdits d'acquisition et de détention d'armes (FINIADA) et lui a retiré la validation de son permis de chasser ainsi que, d'autre part, la décision implicite de rejet de son recours gracieux. Par un jugement du 25 janvier 2024, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa requête. M. B... fait appel de ce jugement.

2. En premier lieu, l'arrêté litigieux du 10 août 2021 comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de cet arrêté manque en fait et doit être écarté.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 312-7 du code de la sécurité intérieure : " Si le comportement ou l'état de santé d'une personne détentrice d'armes, de munitions et de leurs éléments présente un danger grave pour elle-même ou pour autrui, le représentant de l'Etat dans le département peut lui ordonner, sans formalité préalable ni procédure contradictoire, de les remettre à l'autorité administrative, quelle que soit leur catégorie. ". Selon l'article L. 312-8 du même code : " L'arme, les munitions et leurs éléments faisant l'objet de la décision prévue à l'article L. 312-7 doivent être remis immédiatement par le détenteur, ou, le cas échéant, par un membre de sa famille ou par une personne susceptible d'agir dans son intérêt, aux services de police ou de gendarmerie. Le commissaire de police ou le commandant de la brigade de gendarmerie peut procéder, sur autorisation du juge des libertés et de la détention, à la saisie de l'arme, des munitions et de leurs éléments entre 6 heures et 21 heures au domicile du détenteur. ". Selon l'article L. 312-10 de ce code : " Il est interdit aux personnes dont l'arme, les munitions et leurs éléments ont été saisis en application de l'article L. 312-7 ou de l'article L. 312-9 d'acquérir ou de détenir des armes, munitions et leurs éléments, quelle que soit leur catégorie. (...) ". En vertu de l'article R. 312-68 dudit code : " Pour l'application de l'article L. 312-8, le préfet saisit le juge des libertés et de la détention et informe le procureur de la République. ".

4. L'arrêté litigieux du 10 août 2021 se borne à prendre acte de la saisie opérée par les services de la gendarmerie le 11 juillet 2021 des armes et munitions détenues par M. B... à son domicile et lui interdit, par ailleurs, d'acquérir ou de détenir des armes de toute catégorie sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 312-10 du code de la sécurité intérieure. L'intéressé ne peut donc utilement invoquer la méconnaissance par le préfet de la procédure prévue aux articles L. 312-7 et L. 312-8 du code de la sécurité intérieure, notamment le fait qu'aucune décision ne lui a été notifiée avant la saisie opérée par les gendarmes et l'obligation selon laquelle cette saisie doit être autorisée par le juge des libertés et de la détention et ne peut intervenir qu'entre 6 heures et 21 heures, qui ne s'applique en effet qu'aux décisions par lesquelles le préfet ordonne la remise d'armes. Le moyen, pris en toutes ses branches, doit donc être écarté comme inopérant.

5. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 122-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les mesures mentionnées à l'article L. 121-1 à caractère de sanction ne peuvent intervenir qu'après que la personne en cause a été informée des griefs formulés à son encontre et a été mise à même de demander la communication du dossier la concernant. ".

6. La mesure en litige n'étant pas une sanction mais une mesure de police administrative, M. B... ne disposait d'aucun droit, en application de ces dispositions, à communication du dossier le concernant et notamment du compte-rendu des services de gendarmerie du 12 juillet 2021. Le moyen, qui est au demeurant insuffisamment précis, doit donc être écarté comme inopérant.

7. En quatrième lieu, il ne résulte d'aucun texte ni d'aucun principe que M. B... aurait dû être entendu par les gendarmes avant l'édiction de la décision en litige. Par ailleurs, s'il soutient que certaines des armes saisies ne lui appartiennent pas mais dépendent de la succession de son père, il les détenait toutefois à son domicile. Par suite, le moyen doit être écarté.

8. En dernier lieu, il ressort des pièces du dossier, en particulier du rapport établi par les services de gendarmerie, que M. B... a tenu des propos suicidaires lors d'échanges de messages avec une amie le 11 juillet 2021. Cette dernière a ainsi alerté la gendarmerie qui a mis en place un dispositif de sécurisation autour du domicile de l'intéressé, qui s'était en effet retranché dans celui-ci et refusait toute communication. Par ailleurs, il avait auparavant tenu des propos menaçants à l'égard des gendarmes. Après plusieurs échanges de messages par téléphone, M. B... a finalement décidé de se rendre. Les gendarmes ont alors constaté l'état dépressif de ce dernier et son alcoolisation. M. B... a ensuite été conduit sous escorte militaire au centre hospitalier de Vannes. S'il se prévaut d'attestations établies par des proches pour établir qu'il est en mesure de détenir des armes sans danger, la plupart d'entre elles sont toutefois postérieures de près d'un an à la date de la décision contestée et ne sont pas, au surplus, susceptibles de remettre en cause le contenu circonstancié du rapport précité de la gendarmerie. En outre, le certificat médical du 13 juillet 2021 qu'il invoque, qui se borne à indiquer que " son état de santé est stable ", est rédigé en des termes trop vagues pour établir que l'état de M. B... permettait la détention d'armes sans le danger constaté par les forces de gendarmerie. Enfin, M. B... ne conteste pas le caractère inadapté et dangereux des conditions de stockage à son domicile de ses armes et munitions, ainsi que le fait valoir le préfet du Morbihan en défense. Dans ces conditions, le préfet n'a pas commis d'erreur d'appréciation en retenant que le comportement de M. B... laissait craindre une utilisation dangereuse des armes pour lui-même et pour autrui, la circonstance qu'il dispose d'un casier judiciaire vierge étant, au surplus, sans incidence sur ce point.

9. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par le préfet, que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 25 janvier 2024, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des dépens de l'instance doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.

Une copie sera adressée, pour information, au préfet du Morbihan.

Délibéré après l'audience du 4 février 2025, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- M. Derlange, président-assesseur,

- M. Chabernaud, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 février 2025.

Le rapporteur,

B. CHABERNAUDLe président,

L. LAINÉ

Le greffier,

C. WOLF

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 24NT00776


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 24NT00776
Date de la décision : 28/02/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINÉ
Rapporteur ?: M. Benjamin CHABERNAUD
Rapporteur public ?: Mme ROSEMBERG
Avocat(s) : SCP LAUDRAIN-GICQUEL

Origine de la décision
Date de l'import : 09/03/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-02-28;24nt00776 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award