Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 1er mars 2022 par lequel le préfet de la Sarthe l'a assigné à résidence pour une nouvelle durée de six mois.
Par un jugement n° 2205582 du 3 juillet 2024, le tribunal administratif de Nantes a annulé l'arrêté du préfet de la Sarthe du 1er mars 2022.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 3 septembre 2024, le préfet de la Sarthe demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 3 juillet 2024 ;
2°) de rejeter la demande de première instance de M. A....
Il soutient qu'il a démontré que M. A... était dans l'impossibilité de quitter le territoire français dès lors qu'il n'était toujours pas en possession d'un document de voyage en cours de validité et qu'il a donc pu l'assigner à résidence pour une nouvelle durée de six mois.
La requête a été communiquée à M. A... qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Picquet a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... A..., ressortissant guinéen né le 7 juillet 1995 a fait l'objet le 4 août 2021 d'une obligation de quitter le territoire français. Par un arrêté du préfet de la Sarthe du 10 septembre 2021 il a été assigné à résidence dans la ville du Mans. Enfin, par un arrêté du 1er mars 2022, dont M. A... a demandé au tribunal administratif de Nantes l'annulation, le préfet de la Sarthe a renouvelé cette assignation à résidence pour une nouvelle durée de six mois. Par un jugement du 3 juillet 2024, le tribunal a annulé l'arrêté préfectoral du 1er mars 2022. Le préfet de la Sarthe fait appel de ce jugement.
2. Aux termes de l'article L. 730-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut, dans les conditions prévues au présent titre, assigner à résidence l'étranger faisant l'objet d'une décision d'éloignement sans délai de départ volontaire ou pour laquelle le délai de départ volontaire imparti a expiré et qui ne peut quitter immédiatement le territoire français (...) ".
3. D'une part, aux termes de l'article L. 731-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version applicable au présent litige et figurant dans la section " assignation à résidence aux fins d'exécution de la décision d'éloignement " : " I. - L'autorité administrative peut assigner à résidence l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, dans les cas suivants : / 1° L'étranger fait l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français, prise moins d'un an auparavant, pour laquelle le délai de départ volontaire est expiré ou n'a pas été accordé ; / (...) ". Et aux termes de l'article L. 732-3 du même code, dans sa version applicable au présent litige : " L'assignation à résidence prévue à l'article L. 731-1 ne peut excéder une durée de quarante-cinq jours. / Elle est renouvelable une fois dans la même limite de durée. ".
4. D'autre part, aux termes de l'article L. 731-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, figurant dans la section " assignation à résidence en cas de report de l'éloignement " : " L'autorité administrative peut autoriser l'étranger qui justifie être dans l'impossibilité de quitter le territoire français ou ne pouvoir ni regagner son pays d'origine ni se rendre dans aucun autre pays, à se maintenir provisoirement sur le territoire en l'assignant à résidence jusqu'à ce qu'existe une perspective raisonnable d'exécution de son obligation, dans les cas suivants : / 1° L'étranger fait l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français pour laquelle le délai de départ volontaire est expiré ou n'a pas été accordé ; / (...) ". Et aux termes de l'article L. 732-4 du même code, dans sa version applicable au présent litige : " Lorsque l'assignation à résidence a été édictée en application des 1°, 2°, 3°, 4° ou
5° de l'article L. 731-3, elle ne peut excéder une durée de six mois. / Elle peut être renouvelée une fois, dans la même limite de durée. (...) ".
5. Il résulte des dispositions citées aux points 2 à 4 que, lorsque l'autorité administrative constate qu'un étranger faisant l'objet d'une obligation de quitter le territoire français pour laquelle le délai de départ volontaire est expiré ou n'a pas été accordé ne peut être éloigné en raison de l'une des circonstances visées au premier alinéa de l'article L. 731-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, elle peut, sur le fondement de cet article, à la demande de l'intéressé ou de sa propre initiative si elle estime, en l'absence de demande, que la situation l'exige, prononcer l'assignation à résidence de l'étranger dans les conditions prévues par le titre III du livre VII de ce code.
6. Les dispositions de l'article L. 731-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui figurent au livre VII de ce code relatif à l'exécution des décisions d'éloignement, ont pour objet de garantir la représentation de l'étranger soumis à une mesure d'éloignement du territoire et d'organiser les conditions de son maintien temporaire sur le territoire français, alors qu'il n'a pas de titre l'autorisant à y séjourner. La décision d'assignation à résidence prise sur ce fondement à l'égard d'un étranger faisant l'objet d'une obligation de quitter le territoire français pour laquelle le délai de départ volontaire est expiré ou n'a pas été accordé, constitue ainsi une mesure prise en vue de l'exécution de cette décision d'éloignement.
7. Il est constant qu'à la date de l'arrêté contesté du 1er mars 2022, M. A... faisait l'objet d'une décision d'obligation de quitter le territoire français dont le délai accordé était expiré. En outre, l'éloignement de M. A..., pour lequel le préfet avait obtenu un laissez-passer des autorités consulaires guinéennes valable du 6 décembre 2021 au 6 mars 2022, ne pouvait avoir lieu à la date de l'arrêté contesté dans la mesure où le préfet fait valoir sans être contesté que M. A... ne justifiait pas d'un schéma vaccinal complet. Dans ces conditions, M. A... pouvait donc faire l'objet d'une mesure d'assignation à résidence en application des dispositions de l'article L. 731-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la circonstance qu'il n'ait pas sollicité l'autorisation de rester en France jusqu'à ce qu'existe une perspective raisonnable d'exécution de la décision d'éloignement étant sans influence. Par conséquent, les premiers juges, qui ont estimé, au point 5 de leur jugement, que les dispositions de l'article L. 731-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile étaient inapplicables en l'espèce aux motifs que l'éloignement de M. A... constituait une perspective raisonnable au regard du laisser-passer consulaire délivré et que M. A... n'avait pas justifié de son impossibilité de rejoindre son pays, se sont fondés à tort sur le moyen, soulevé d'office, tiré de la méconnaissance du champ d'application de la loi.
8. Toutefois, il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les moyens soulevés par M. A... devant le tribunal administratif de Nantes contre l'arrêté du 1er mars 2022 par lequel le préfet de la Sarthe l'a assigné à résidence.
Sur les moyens soulevés par M. A... :
9. En premier lieu, la décision contestée comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré de son insuffisante motivation doit être écarté.
10. En deuxième lieu, le moyen tiré de ce que M. A... ne constitue pas une menace à l'ordre public est inopérant dès lors qu'il ressort des pièces du dossier que la décision contestée n'a pas été prise pour ce motif.
11. En troisième et dernier lieu, aux termes de l'article R. 733-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative qui a ordonné l'assignation à résidence de l'étranger en application des articles L.731-1, L. 731-3, L. 731-4 ou L. 731-5 définit les modalités d'application de la mesure : 1° Elle détermine le périmètre dans lequel il est autorisé à circuler muni des documents justifiant de son identité et de sa situation administrative et au sein duquel est fixée sa résidence ; / 2° Elle lui désigne le service auquel il doit se présenter, selon une fréquence qu'elle fixe dans la limite d'une présentation par jour, en précisant si l'obligation de présentation s'applique les dimanches et les jours fériés ou chômés ; / 3° Elle peut lui désigner une plage horaire pendant laquelle il doit demeurer dans les locaux où il réside. ".
12. La décision contestée assigne à résidence M. A... pour une durée de six mois, dans la ville du Mans où il est autorisé à circuler. Elle l'oblige à se présenter trois fois par semaine, muni de ses effets personnels, au commissariat central du Mans. Il devra demeurer à son domicile tous les jours de la semaine de 13h00 à 16h00. La décision contestée indique également que M. A... ne peut sortir de la ville du Mans sans autorisation écrite du préfet. Il ne ressort pas des pièces du dossier que M. A... était engagé, à la date de la décision contestée, dans un cursus universitaire, une formation, un stage ou un contrat de travail. S'il soutient avoir des membres de sa famille en France, il n'est ni établi ni même allégué que M. A... entretiendrait avec eux des liens réguliers. Ainsi, alors même que M. A... n'aurait pas eu la possibilité de contester la précédente assignation à résidence, il ne ressort pas des pièces du dossier que la mesure d'assignation à résidence contestée présentait un caractère disproportionné à la finalité qu'elle poursuivait. Il n'est pas davantage établi que cette mesure serait contraire aux stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ou entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé.
13. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Sarthe est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé l'arrêté du 1er mars 2022 par lequel il a assigné à résidence M. A....
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du 3 juillet 2024 du tribunal administratif de Nantes est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Nantes est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et à M. B... A....
Une copie en sera transmise, pour information, au préfet de la Sarthe.
Délibéré après l'audience du 25 février 2025, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président,
- M. Derlange, président assesseur,
- Mme Picquet, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 mars 2025.
La rapporteure,
P. PICQUET
Le président,
L. LAINÉ
La greffière,
A. MARTIN
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 24NT02686