La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

14/03/2025 | FRANCE | N°24NT03596

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 4ème chambre, 14 mars 2025, 24NT03596


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 7 octobre 2024 par laquelle la directrice territoriale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) lui a refusé le rétablissement du bénéfice des conditions matérielles d'accueil.



Par un jugement n° 2416334 du 20 novembre 2024, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa requête.



Pr

océdure devant la cour :



I. Par une requête enregistrée le 20 décembre 2024 sous le numéro 24NT03596, M...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 7 octobre 2024 par laquelle la directrice territoriale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) lui a refusé le rétablissement du bénéfice des conditions matérielles d'accueil.

Par un jugement n° 2416334 du 20 novembre 2024, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa requête.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête enregistrée le 20 décembre 2024 sous le numéro 24NT03596, Mme A..., représentée par Me Arnal, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 20 novembre 2024 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes ;

2°) d'annuler la décision du 7 octobre 2024 par laquelle l'OFII a refusé de rétablir à son profit les conditions matérielles d'accueil en qualité de demandeur d'asile ;

3°) d'enjoindre à l'OFII, à titre principal, de lui octroyer le bénéfice des conditions matérielles d'accueil de manière rétroactive, et à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation, dans un délai de sept jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'OFII la somme de 1500 euros en application de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision en litige de l'OFII est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'un vice de procédure, dès lors que l'entretien de vulnérabilité n'a pas été mené par une personne qualifiée ;

- l'OFII n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation personnelle et de sa vulnérabilité ;

- la décision contestée est entachée d'erreur manifeste d'appréciation et d'erreur de droit dès lors qu'elle se trouve dans une situation de vulnérabilité et méconnaît les dispositions de l'article L. 522-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision contestée méconnaît les dispositions de l'article L. 551-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'OFII a méconnu les exigences de proportionnalité et de respect de la dignité humaine garanties par le droit européen.

Par un mémoire en défense enregistré le 20 février 2025, l'OFII conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués sont infondés.

II. Par une requête enregistrée le 20 décembre 2024 sous le numéro 24NT03597, Mme A..., représentée par Me Arnal, demande à la cour :

1°) de prononcer le sursis à exécution du jugement du 20 novembre 2024 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes en application des dispositions des articles R. 811-14 et suivants du code de justice administrative ;

2°) de suspendre l'exécution de la décision du 7 octobre 2024 par laquelle l'OFII a refusé de rétablir à son profit les conditions matérielles d'accueil en qualité de demandeur d'asile en application des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative ;

3°) d'enjoindre à l'OFII de réexaminer sa situation, dans un délai de sept jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'OFII la somme de 1500 euros en application de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle justifie d'une situation d'urgence ;

- la décision en litige de l'OFII est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'un vice de procédure, dès lors que l'entretien de vulnérabilité n'a pas été mené par une personne qualifiée ;

- l'OFII n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation personnelle et de sa vulnérabilité ;

- la décision contestée est entachée d'erreur manifeste d'appréciation et d'erreur de droit dès lors qu'elle se trouve dans une situation de vulnérabilité et méconnaît les dispositions de l'article L. 522-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision contestée méconnaît les dispositions de l'article L. 551-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'OFII a méconnu les exigences de proportionnalité et de respect de la dignité humaine garanties par le droit européen.

Par un mémoire en défense enregistré le 20 février 2025, l'OFII conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués sont infondés.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Chabernaud,

- et les observations de Me Arnal, pour Mme A....

Considérant ce qui suit :

1. Les requêtes n° 24NT03596 et n° 24NT03597, présentées par Mme A..., sont relatives à un même jugement. Dès lors, il y a lieu de les joindre pour que la cour se prononce par un même arrêt.

2. Mme A..., ressortissante camerounaise née le 22 novembre 1990, est entrée sur le territoire français le 10 novembre 2022 et a présenté une demande d'asile qui a été enregistrée le 22 novembre suivant, date à partir de laquelle l'intéressée a bénéficié des conditions matérielles d'accueil en qualité de demandeur d'asile. Par une décision du 17 août 2023, l'OFII a suspendu le bénéfice de ces dernières puis, par une décision du 7 octobre 2024, a refusé d'en rétablir le bénéfice. Mme A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler cette décision de refus de rétablissement du 7 octobre 2024. Par un jugement du 20 novembre 2024, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa requête. Mme A... fait appel de ce jugement devant la cour.

Sur la requête n° 24NT03596 de Mme A... :

3. En premier lieu, la décision contestée de l'OFII du 7 octobre 2024 refusant de rétablir au profit de Mme A... les conditions matérielles d'accueil en qualité de demandeur d'asile comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré de son insuffisante motivation doit être écarté.

4. En deuxième lieu, il ressort notamment de la motivation de la décision en litige du 7 octobre 2024 et du compte-rendu du 16 septembre précédent établi par l'OFII que ce dernier a bien procédé à l'évaluation de la vulnérabilité de Mme A... ainsi qu'à l'examen particulier de sa situation personnelle. Par suite, le moyen, qui manque en fait, doit être écarté.

5. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 522-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable au litige : " L'évaluation de la vulnérabilité du demandeur est effectuée par des agents de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ayant reçu une formation spécifique à cette fin. ".

6. Il ressort des pièces du dossier que, le 16 septembre 2024, Mme A... a bénéficié d'un entretien en français, langue qu'elle a déclaré comprendre, portant sur l'évaluation de sa vulnérabilité, au cours duquel elle a exposé son parcours personnel et familial ainsi que ses problèmes médicaux et a été mise à même de faire valoir tout élément utile sur sa situation. Cet entretien a été conduit par un agent dont la signature ainsi que le cachet de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dont c'est la principale mission, et la mention " auditeur " figurent sur la fiche d'évaluation de sa vulnérabilité. Si Mme A... soutient qu'il n'est pas établi que la personne qui a procédé à cet entretien avait reçu une formation spécifique à cette fin, aucune disposition n'impose toutefois que soit portée la mention, sur ce compte-rendu, de l'identité de l'agent qui a conduit l'entretien, lequel, en l'absence d'élément contraire, doit être regardé comme ayant reçu la formation spécifique mentionnée à l'article L. 744-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Enfin, l'intéressée n'apporte pas d'élément précis de nature à laisser penser que l'entretien se serait tenu selon des modalités qui n'aurait pas permis d'évaluer sérieusement sa vulnérabilité ou l'aurait privée d'une garantie. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision contestée serait intervenue au terme d'une procédure irrégulière doit être écarté.

7. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 522-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version alors en vigueur : " A la suite de la présentation d'une demande d'asile, l'Office français de l'immigration et de l'intégration est chargé de procéder, dans un délai raisonnable et après un entretien personnel avec le demandeur d'asile, à une évaluation de la vulnérabilité de ce dernier afin de déterminer, le cas échéant, ses besoins particuliers en matière d'accueil. Ces besoins particuliers sont également pris en compte s'ils deviennent manifestes à une étape ultérieure de la procédure d'asile. Dans la mise en œuvre des droits des demandeurs d'asile et pendant toute la période d'instruction de leur demande, il est tenu compte de la situation spécifique des personnes vulnérables. Lors de l'entretien personnel, le demandeur est informé de sa possibilité de bénéficier de l'examen de santé gratuit prévu à l'article L. 321-3 du code de la sécurité sociale. ". Aux termes de l'article L. 522-3 du même code : " L'évaluation de la vulnérabilité vise, en particulier, à identifier les mineurs, les mineurs non accompagnés, les personnes en situation de handicap, les personnes âgées, les femmes enceintes, les parents isolés accompagnés d'enfants mineurs, les victimes de la traite des êtres humains, les personnes atteintes de maladies graves, les personnes souffrant de troubles mentaux et les personnes qui ont subi des tortures, des viols ou d'autres formes graves de violence psychologique, physique ou sexuelle, telles que des mutilations sexuelles féminines. ". Selon l'article L. 551-16 du même code : " Il peut être mis fin, partiellement ou totalement, aux conditions matérielles d'accueil dont bénéficie le demandeur dans les cas suivants : (...) 3° Il ne respecte pas les exigences des autorités chargées de l'asile, notamment en se rendant aux entretiens, en se présentant aux autorités et en fournissant les informations utiles afin de faciliter l'instruction des demandes ; (..) Lorsque la décision mettant fin aux conditions matérielles d'accueil a été prise en application des 1°, 2° ou 3° du présent article et que les raisons ayant conduit à cette décision ont cessé, le demandeur peut solliciter de l'Office français de l'immigration et de l'intégration le rétablissement des conditions matérielles d'accueil. L'office statue sur la demande en prenant notamment en compte la vulnérabilité du demandeur ainsi que, le cas échéant, les raisons pour lesquelles il n'a pas respecté les obligations auxquelles il avait consenti au moment de l'acceptation initiale des conditions matérielles d'accueil. ".

8. Pour refuser le rétablissement des conditions matérielles d'accueil en qualité de demandeur d'asile à Mme A..., qui avaient été suspendues par une décision du 17 août 2023 au motif que cette dernière n'avait pas respecté l'obligation de se présenter aux autorités chargées de l'asile, l'intéressée ayant refusé de se rendre à une convocation au poste de police aux frontières de l'aéroport de Nantes le 25 juillet 2023 afin d'être transférée au Portugal en application de l'arrêté édicté à son encontre par le préfet de Maine-et-Loire le 21 décembre 2022, l'OFII, aux termes de la décision contestée du 7 octobre 2024, a opposé, après avoir tenu compte de la vulnérabilité de Mme A..., l'absence de justifications apportées par celle-ci permettant d'expliquer les raisons du non-respect de cette obligation. L'OFII a ainsi fait application des dispositions précitées du 3° et du dernier alinéa de l'article L. 551-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sans commettre d'erreur de droit, contrairement à ce que soutient Mme A.... En outre, si cette dernière souffre d'un diabète de type 2 et produit des certificats médicaux faisant état d'une fragilité psychique, ces seules circonstances ne permettent toutefois pas d'établir que l'OFII aurait commis une erreur manifeste d'appréciation ou méconnu les dispositions précitées des articles L. 522-1, L. 522-3 et L. 551-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en édictant la décision en litige, laquelle n'a au demeurant pas pour effet de priver l'intéressée du traitement médical dont elle bénéficie. Enfin, il n'est pas établi que l'OFII aurait méconnu les exigences de proportionnalité et de respect de la dignité humaine garanties par le droit européen. Par suite, les moyens doivent être écartés.

9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 20 novembre 2024, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa requête. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte et celles présentées sur le fondement des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

Sur la requête n° 24NT03597 de Mme A... :

10. Dès lors que le présent arrêt statue sur la requête n° 24NT03596 de Mme A... tendant à l'annulation du jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes du 20 novembre 2024, les conclusions de sa requête n° 24NT03597 tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement et de la décision de l'OFII du 7 octobre 2024 ainsi que celles à fin d'injonction sous astreinte dirigées contre l'OFII deviennent sans objet. Par suite, il n'y plus lieu d'y statuer. En outre, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, dans cette instance, une somme au titre des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions aux fins de sursis à exécution et d'injonction sous astreinte de la requête n° 24NT03597 de Mme A....

Article 2 : La requête n° 24NT03596 de Mme A... et le surplus des conclusions de sa requête n° 24NT03597 sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et à l'Office français de l'immigration et de l'intégration.

Délibéré après l'audience du 25 février 2025, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- M. Derlange, président-assesseur,

- M. Chabernaud, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 mars 2025.

Le rapporteur,

B. CHABERNAUDLe président,

L. LAINÉ

La greffière,

A. MARTIN

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

Nos 24NT03596, 24NT03597


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 24NT03596
Date de la décision : 14/03/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINÉ
Rapporteur ?: M. Benjamin CHABERNAUD
Rapporteur public ?: Mme ROSEMBERG
Avocat(s) : ARNAL

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-03-14;24nt03596 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award