Vu la procédure suivante :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 14 juin, 5 novembre et 19 décembre 2024 et 9 janvier 2025, la société par actions simplifiée (SAS) Cinéville, représentée par
Me Sacksick et Me Jouvin, demande à la cour :
1°) d'annuler la décision du 4 mars 2024 par laquelle la Commission nationale d'aménagement cinématographique a rejeté le recours qu'elle a formé contre la décision de la commission départementale d'aménagement cinématographique du Finistère du 30 octobre 2023 autorisant la commune de Fouesnant-les-Glénan à créer un établissement de spectacles cinématographiques de trois salles et 457 places sur son territoire ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- elle justifie d'un intérêt à agir ;
- il n'est pas établi que l'ensemble des pièces visées à l'article R. 212-7-26 du code du cinéma et de l'image animée aurait été adressé, en temps utile, aux membres de la Commission nationale d'aménagement cinématographique (CNACi) ;
- le courrier de convocation des membres de la CNACi n'émane pas du président de la Commission ;
- l'objectif de diversité de l'offre cinématographique est méconnu par le projet, l'offre étant déjà largement pourvue par les établissements existants, le projet menaçant la pérennité du cinéma " Cinémarine " à Bénodet ;
- l'objectif d'aménagement culturel du territoire est méconnu par le projet, la circonstance que le projet soit prévu dans le cadre d'une régie municipale ne saurait, en soi, caractériser un effet positif en termes d'aménagement culturel du territoire ;
- l'objectif de protection de l'environnement et de la qualité de l'urbanisme a été méconnu par le projet, en l'absence de desserte en transports en commun ;
- le principe de la liberté du commerce et de l'industrie et les règles de la concurrence ont été méconnus, dès lors qu'il n'existe aucune carence de l'initiative privée au sein de la ZIC et que le financement par la commune de Fouesnant-les-Glénan de la totalité des investissements correspondant à la construction et à l'équipement du cinéma crée une distorsion de concurrence qui doit être sanctionnée.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 26 septembre, 26 novembre et
12 décembre 2024, la Commission nationale d'aménagement cinématographique, représentée par Me Leraisnable, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la société requérante une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative
Elle soutient que les moyens soulevés par la SAS Cinéville ne sont pas fondés.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 26 novembre, 26 décembre 2024 et un mémoire enregistré le 23 janvier 2025 qui n'a pas été communiqué, la commune de Fouesnant, représentée par Mes Prieur et Trémouilles, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la société requérante la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- à titre principal, la SAS Cinéville n'a pas intérêt à agir, l'activité de cette-dernière n'étant pas directement concurrencée par celle du projet litigieux ;
- à titre subsidiaire, les autres moyens soulevés ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du cinéma et de l'image animée ;
- le décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Picquet,
- les conclusions de Mme Rosemberg, rapporteur public,
- et les observations de Me Davy, substituant Me Sacksick, représentant la SAS Cinéville, et de Me Gouin-Poirier, substituant Me Prieur et Me Tremouilles, représentant la commune de Fouesnant.
Considérant ce qui suit :
1. Le 30 octobre 2023, la commission départementale d'aménagement cinématographique du Finistère a délivré à la commune de Fouesnant-les-Glénan l'autorisation de créer un établissement de spectacles cinématographiques à l'enseigne " Le Littoral " situé dans cette commune et offrant trois salles et 457 places. La société Cinéville, qui exploite notamment un cinéma de cinq salles et 801 places dans la commune de Concarneau, située dans la zone d'influence cinématographique, a formé un recours préalable obligatoire devant la Commission nationale d'aménagement cinématographique. Par une décision du 4 mars 2024, cette dernière a rejeté ce recours et autorisé le projet porté par la commune de Fouesnant-les-Glénan. La société Cinéville demande à la cour d'annuler la décision de la commission nationale du 4 mars 2024.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne la régularité de la procédure suivie devant la Commission nationale d'aménagement cinématographique :
2. Aux termes de l'article R. 212-7-26 du code du cinéma et de l'image animée : " La Commission nationale d'aménagement cinématographique se réunit sur convocation de son président. / Les membres de la commission reçoivent l'ordre du jour, accompagné des procès-verbaux des réunions des commissions départementales d'aménagement cinématographique, des décisions de ces commissions, des recours et des rapports des services instructeurs. / La commission ne peut valablement délibérer qu'en présence de cinq membres au moins. ".
3. En premier lieu, la Commission nationale d'aménagement cinématographique (CNACi) a versé aux débats le courrier électronique de convocation du 26 février 2024 adressé aux membres ayant siégé, auprès de son président, lors de la réunion du 4 mars 2024. Etaient annexés à ce courrier électronique l'ordre du jour de la séance, ainsi que la liste des pièces transmises, lesquelles étaient accessibles sous forme de lien dans le corps du message. La remise de ce courriel à MM. Nicolas et Vincon le 26 février 2024 est établie et si aucun accusé de réception n'a été envoyé de leur part, la société requérante n'apporte aucun commencement de preuve contraire. Enfin, si une des membres de la commission, Mme C..., a été remplacée par son suppléant, M. A..., il ressort des pièces du dossier qu'elle lui avait transféré, le 26 février 2024, le courriel contenant les pièces jointes. Ainsi, le moyen tiré de ce qu'il n'est pas établi que l'ensemble des pièces visées à l'article
R. 212-7-26 du code du cinéma et de l'image animée aurait été adressé, en temps utile, aux membres de la CNACi doit être écarté.
4. En second lieu, la circonstance que le courriel de convocation à la séance du
4 mars 2024 émanait, non pas du président de la CNACi mais d'une chargée de mission du Centre national du cinéma et de l'image animée, n'a exercé aucune influence sur le sens de la décision de la commission et n'a privé les intéressés d'aucune garantie, le président de la commission faisant partie des destinataires du courriel et ayant donc pu s'assurer des bonnes modalités de la convocation.
En ce qui concerne la conformité du projet aux objectifs et principes énoncés par le législateur :
5. Aux termes de l'article L. 212-6 du code du cinéma et de l'image animée : " Les créations, extensions et réouvertures au public d'établissements de spectacles cinématographiques doivent répondre aux exigences de diversité de l'offre cinématographique, d'aménagement culturel du territoire, de protection de l'environnement et de qualité de l'urbanisme, en tenant compte de la nature spécifique des œuvres cinématographiques. Elles doivent contribuer à la modernisation des établissements de spectacles cinématographiques et à la satisfaction des intérêts du spectateur tant en ce qui concerne la programmation d'une offre diversifiée, le maintien et la protection du pluralisme dans le secteur de l'exploitation cinématographique que la qualité des services offerts. ". Aux termes de l'article L. 212-9 du même code : " Dans le cadre des principes définis à l'article L. 212-6, la commission départementale d'aménagement cinématographique se prononce sur les deux critères suivants : / 1° L'effet potentiel sur la diversité cinématographique offerte aux spectateurs dans la zone d'influence cinématographique concernée, évalué au moyen des indicateurs suivants : / a) Le projet de programmation envisagé pour l'établissement de spectacles cinématographiques objet de la demande d'autorisation et, le cas échéant, le respect des engagements de programmation éventuellement souscrits en application des articles L. 212-19 et L. 212-20 ; / b) La nature et la diversité culturelle de l'offre cinématographique proposée dans la zone concernée, compte tenu de la fréquentation cinématographique ; / c) La situation de l'accès des œuvres cinématographiques aux salles et des salles aux œuvres cinématographiques pour les établissements de spectacles cinématographiques existants ; / 2° L'effet du projet sur l'aménagement culturel du territoire, la protection de l'environnement et la qualité de l'urbanisme, évalué au moyen des indicateurs suivants : / a) L'implantation géographique des établissements de spectacles cinématographiques dans la zone d'influence cinématographique et la qualité de leurs équipements ; / b) La préservation d'une animation culturelle et le respect de l'équilibre des agglomérations ; / c) La qualité environnementale appréciée en tenant compte des différents modes de transports publics, de la qualité de la desserte routière, des parcs de stationnement ; / d) L'insertion du projet dans son environnement ; / e) La localisation du projet, notamment au regard des schémas de cohérence territoriale et des plans locaux d'urbanisme. / (...). ".
6. Il résulte de ces dispositions que l'autorisation d'aménagement cinématographique ne peut être refusée que si, eu égard à ses effets, le projet d'équipement cinématographique contesté compromet la réalisation des objectifs et principes énoncés par la loi. A ce titre, il appartient à la Commission nationale d'aménagement cinématographique, lorsqu'elle se prononce sur les dossiers de demande d'autorisation, d'apprécier la conformité du projet à ces objectifs et principes, au vu des critères d'évaluation et indicateurs mentionnés à l'article L. 212-9 du code du cinéma et de l'image animée.
S'agissant des effets du projet sur la diversité cinématographique offerte aux spectateurs dans la zone d'influence cinématographique :
7. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que l'offre cinématographique de la ZIC du projet est composée de deux cinémas en sous-zone secondaire : un à Bénodet, doté de deux salles, classé art et essai, et un deuxième à Concarneau, de cinq salles, classé également art et essai, exploité par la société Cinéville. Le groupe Cinéville exploite deux autres cinémas à proximité immédiate de la ZIC, à Quimper et à Pont-l'Abbé. Ainsi, le projet litigieux, prévoyant de faire l'objet d'une gestion publique dans le cadre d'une régie municipale, permet de diversifier le parc cinématographique de la zone en termes de mode de gestion des établissements cinématographiques. D'après son projet de programmation, le cinéma " Le littoral " prévoit de consacrer 40 à 50% de ses films et 35 à 40% de ses séances à des œuvres art et essai, et l'offre art et essai pourrait donc représenter 26% des séances proposées dans la ZIC, contre 21% en 2022. De plus, la ZIC présente une offre déséquilibrée en faveur des films les plus porteurs. Le projet, qui envisage de réserver 57 à 62% de ses séances art et essai aux films porteurs, accordera une place significative à l'exposition des films les moins porteurs, plus importante que celle que leur consacrent les cinémas de la zone (entre 12 et 18 % en 2022). En outre, en prévoyant de diffuser 350 films par an dont 35 à 40% de ces séances seront consacrées aux films art et essai, le futur cinéma contribuera à renforcer l'exposition de l'offre cinématographique de la ZIC, en particulier celle des films art et essai. Le projet permettra également d'augmenter dans la ZIC la diffusion des films inédits, à hauteur d'environ 260 films nouveaux par an. Si le cinéma existant à Bénodet et le cinéma litigieux présentent des profils similaires, le pétitionnaire a indiqué devant la CNACi que la commune de Fouesnant-les-Glénan ne s'opposera pas à l'accès aux films du cinéma de Bénodet, notamment en sortie nationale, et qu'il souhaite travailler en collaboration avec le " Cinémarine " de Bénodet, dans une logique de travail en réseau. Dans son rapport, la direction régionale des affaires culturelles (DRAC) de Bretagne considère que l'impact du projet sur la fréquentation des cinémas situés dans la ZIC est limité et n'est pas de nature à les fragiliser économiquement. Elle indique, en outre, que le " Cinémarine " de Bénodet étant exploité en délégation de service public, la municipalité pourrait éventuellement accompagner une baisse financière. Le délégataire actuel du " Cinémarine ", le groupe CINEODE, a souligné l'apport positif d'un nouveau cinéma à Fouesnant-les-Glénan quant à la diversité de l'offre culturelle pour le territoire, et a appelé de ses vœux un travail en collaboration entre les deux établissements, même si aucun engagement formel n'a encore été pris.
8. En deuxième lieu, si le rapport d'instruction de la CNACi mentionne qu' " en 2022, 165 579 entrées ont été enregistrées dans la ZIC, soit un indice de fréquentation de
2,8 entrées par habitant, sensiblement supérieur à celui de l'unité urbaine de Fouesnant dans son ensemble (1,3 entrée par habitant) et légèrement supérieur aux moyennes nationale
(2,3 entrées par habitant en France) et départementale (2,1 entrées par habitant) ", les membres de la commission ont également eu connaissance des indices de fréquentation à l'échelle de la ZIC, et de ceux des établissements les plus proches et de leurs évolutions. La seule circonstance que la CNACi a reprise, dans la décision en litige, la notion d'unité urbaine est sans influence sur sa légalité, la décision mentionnant également la fréquentation cinématographique de la ZIC. La CNACi a tenu compte, pour cette fréquentation cinématographique, de la période 2010-2019. Si la société requérante soutient qu'une hausse de la fréquentation, de 2020 à 2023, aurait dû être prise en compte, cette hausse n'est pas établie, l'année 2020 ayant été marquée par des périodes de fermeture des établissements liées à la crise sanitaire et la progression de la fréquentation à partir de 2021 ne constituant qu'un rattrapage des baisses précédentes. En outre, le projet de la commune de Fouesnant-les-Glénan permet principalement de répondre à une problématique de sous-équipement touchant l'unité urbaine de Fouesnant, comprise dans sa totalité au sein de la ZIC.
9. En troisième et dernier lieu, si certains habitants de la sous-zone secondaire de la ZIC disposent d'un cinéma plus proche de leur domicile que le site du projet, la sous-zone primaire, qui regroupe plus d'un tiers de la population de la ZIC, soit environ
20 000 habitants, ne dispose d'aucun cinéma. En outre, il offrira à l'ensemble des habitants de la ZIC, soit plus de 60 000 habitants, une offre alternative et moderne à la situation de quasi-monopole du groupe Cinéville. En tenant compte des deux cinémas de la ZIC et des trois cinémas à proximité, l'exposition de l'offre art et essai est inférieure à la moyenne nationale (30 % contre 39 % en moyenne en France). Le futur cinéma visera à obtenir le classement art et essai, assorti de trois labels " Jeune B... ", " Patrimoine et Répertoire " et " Recherche et Découverte ". Enfin, le projet contribuera à la diffusion de films en " VOSTFR ", qui représenteront entre 15 et 20 % des séances.
S'agissant de l'impact du projet sur l'aménagement culturel du territoire, la protection de l'environnement et la qualité de l'urbanisme :
10. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que le projet litigieux a vocation à s'intégrer au cœur d'un secteur composé d'un cinéma de proximité à la capacité limitée de deux écrans, à Bénodet, et d'un cinéma de cinq écrans qui fait l'objet d'un projet d'extension de deux écrans supplémentaires, à Concarneau, tous deux situés en sous-zone secondaire. Le projet de Fouesnant-les-Glénan (10 060 habitants) sera ainsi l'unique établissement de la sous-zone primaire, au sein de laquelle réside plus d'un tiers de la population de la ZIC
(37 %) et qui était équipée jusqu'en 2009 d'un mono-écran à l'enseigne " L'Armor ". La DRAC de Bretagne estime que le futur cinéma de Fouesnant-les-Glénan, qui sera neuf, confortable et de bonne qualité technologique, renforcera l'attractivité de l'offre pour les habitants de la ZIC. Le futur cinéma prévoit une politique d'animation dynamique et diversifiée, avec un important travail de médiation et d'éducation à l'image. Avec pour objectif d'obtenir le classement art et essai, assorti, notamment, du label " Jeune B... ", le futur cinéma a prévu d'organiser des séances en direction des publics scolaires et périscolaires. Au-delà du public scolaire, une attention particulière sera portée à certains publics cibles (personnes en situation de handicap, séniors) et des actions seront menées avec les établissements les accueillant ou les associations concernées (maisons de retraite, ateliers fouesnantais, anciens combattants). Le projet prévoit de coordonner sa programmation avec celles de la salle de spectacles et de la médiathèque de la commune et d'organiser des animations en lien avec le pôle d'action culturelle " L'Archipel ", dont il partagera le médiateur. Dans son rapport, la DRAC considère que la politique d'animation du projet sera susceptible de " drainer " davantage de spectateurs résidents de la commune et de ses environs qui se répartissent actuellement dans les salles de la ZIC en l'absence d'offre de la commune de Fouesnant-les-Glénan. Les salles de la ZIC ont, par ailleurs, une politique d'animation régulière notable qui leur permettra de continuer à attirer leur public fidélisé, en particulier de proximité. Enfin, contrairement à ce que soutient la société Cinéville, la commission a pu, au titre de cet objectif, sans en faire un critère concurrentiel en tant que tel, prendre en compte notamment la circonstance que l'exploitation en régie du cinéma en litige, ainsi que la programmation assurée par l'entente Micromegas, dans un contexte quasi-monopolistique du groupe Cinéville, générera des effets positifs pour les spectateurs de la ZIC qui disposeront d'un choix plus large d'œuvres cinématographiques et répondra ainsi à l'objectif plus général de maintenir et protéger le pluralisme dans le secteur de l'exploitation.
11. En second lieu, il ressort des pièces du dossier que le futur cinéma fouesnantais sera desservi par la RD44 qui longe le site du projet et permet d'accéder directement au centre-ville avant de rejoindre la RD45 connectant le cinéma, au nord, avec Quimper et, au sud, avec Beg Meil et Mousterlin. En revanche, le site du projet n'est pas directement desservi par les transports publics, même si la ville de Fouesnant est desservie toute l'année par la ligne 42 qui va de la gare routière SNCF de Quimper à Beg Meil centre en passant par Pleuven et le centre-ville de Fouesnant. Les deux arrêts les plus proches du site se situent respectivement à 10 minutes (arrêt Kervihan) et à 15 minutes (arrêt Centre Kerourgué) à pied et ne sont desservis que de 7h à 20h. L'été, la ligne 48 relie Concarneau à Bénodet en passant par La Forêt-Fouesnant et Fouesnant. En revanche, les arrêts se situent à 15-20 minutes à pied du futur cinéma et ne sont desservis que de 9h à 19h30. Toutefois, la circonstance que le projet en litige ne serait pas accessible de manière suffisamment satisfaisante par les modes de transports publics ne saurait, à elle seule, justifier le refus d'accorder l'autorisation sollicitée. Il en est de même de la circonstance que le site du projet ne serait pas accessible en quelques minutes de marche depuis l'ensemble des points du territoire communal, dont le territoire est très étendu, les habitants du centre-ville ou de la zone pavillonnaire faisant face au projet, en particulier, pouvant aisément y accéder à pied. En tout état de cause, le pétitionnaire a indiqué que le cinéma sera relié au centre-ville par des cheminements piétonniers et cyclistes sécurisés en cours d'aménagement.
12. Il suit de là que le projet litigieux ne méconnaît pas les objectifs fixés par le législateur et que le moyen tiré de la méconnaissance des articles L. 212-6 et L. 212-9 du code du cinéma et de l'image animée doit être écarté.
S'agissant du respect du principe de la liberté du commerce et de l'industrie et des règles de concurrence :
13. Le moyen tiré de ce que le principe de la liberté du commerce et de l'industrie et les règles de la concurrence auraient été méconnus est sans influence sur la légalité d'une autorisation de créer un établissement de spectacles cinématographiques dès lors qu'ils ne sont pas au nombre des critères prévus par les dispositions mentionnées au point 5. En tout état de cause, dès lors que l'octroi de cette autorisation permet à un nouvel opérateur de s'installer dans la zone d'influence cinématographique dans laquelle seuls la requérante et un délégataire de service public faisant partie du groupe Cinéode exploitent un établissement cinématographique, la société Cinéville ne saurait soutenir que l'autorisation porte atteinte au principe de libre concurrence et aux règles de la concurrence. En outre, comme il a été indiqué aux points 7 à 9, le projet contribuera à améliorer la diversité cinématographique et culturelle dans le Sud Finistère s'agissant des types de films proposés, du nombre de séances, et de la complémentarité voulue avec les autres cinémas de la ZIC. Au surplus, la société Cinéville n'établit pas que les tarifs prévus pour le cinéma en litige, qui d'ailleurs sont légèrement supérieurs à ceux du cinéma de Bénodet et légèrement inférieurs à ceux du cinéma de Concarneau, ne permettront pas d'amortir les frais engagés pour la construction, mais uniquement les frais de fonctionnement du cinéma.
14. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par la commune de Fouesnant, que les conclusions à fin d'annulation présentées par la société Cinéville doivent être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
15. L'Etat n'étant pas la partie perdante dans la présente instance, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle ce que soit mise à sa charge la somme que demande la société requérante au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu, sur le fondement de ces mêmes dispositions, de mettre à la charge de la SAS Cinéville la somme de 1 500 euros à verser à la commune de Fouesnant et la même somme à verser au Centre national du cinéma et de l'image animée, agissant en qualité d'établissement public support de la Commission nationale d'aménagement cinématographique et qui en assure le secrétariat en vertu de l'article R. 212-6-12 du code du cinéma et de l'image animée.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la société Cinéville est rejetée.
Article 2 : La société Cinéville versera à la commune de Fouesnant la somme de 1 500 euros et la même somme au Centre national du cinéma et de l'image animée, agissant en qualité d'établissement public support de la Commission nationale d'aménagement cinématographique au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société par actions simplifiée Cinéville, à la Commission nationale d'aménagement cinématographique, à la commune de Fouesnant et au Centre national du cinéma et de l'image animée.
Délibéré après l'audience du 25 mars 2025, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- M. Derlange, président assesseur,
- Mme Picquet, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 avril 2025.
La rapporteure,
P. PICQUET
Le président,
L. LAINÉ
La greffière,
A. MARTIN
La République mande et ordonne à la ministre de la culture en ce qui la concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 24NT01834