Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme E... B... C..., Mme A... B... C... et M. D... B... C... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a implicitement rejeté le recours formé contre la décision des autorités diplomatiques françaises au Kenya du 31 mai 2022 opposant un refus aux demandes de visa présentées par Mme A... B... C... et M. D... B... C... au titre de la réunification familiale.
Par un jugement n° 2301268 du 15 décembre 2023, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés le 12 janvier 2024 et le 3 septembre 2024, Mme E... B... C..., Mme A... B... C... et M. D... B... C..., représentés par Me Bachelet, demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nantes du 15 décembre 2023 ;
2°) d'annuler la décision contestée ;
3°) d'enjoindre à l'administration de délivrer les visas sollicités, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ou, à défaut, de réexaminer leurs demandes ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à leur conseil d'une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Ils soutiennent que :
- en leur qualité d'enfants mineurs confiés par une décision de justice à un réfugié, titulaire à leur égard de l'autorité parentale, D... et A... ont droit à la délivrance d'un visa au titre de la réunification familiale ;
- les refus de visa qui leur sont opposés méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que celles de l'article 3§1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
Par un mémoire en défense, enregistré le 26 juin 2024, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.
Mme E... B... C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 26 avril 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Bougrine a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... B... C... et M. D... B... C..., ressortissants somaliens nés, respectivement, en 2005 et 2003, ont sollicité la délivrance de visas d'entrée en France et de long séjour en vue de rejoindre leur sœur, Mme E... B... C..., ressortissante somalienne s'étant vu reconnaître la qualité de réfugié par une décision du 19 février 2019. Les autorités diplomatiques françaises au Kenya ont, par une décision du 31 mai 2022, opposé un refus à ces demandes au motif que les intéressés n'entraient pas dans le champ de la réunification familiale. La commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a implicitement rejeté le recours formé cette décision en se fondant sur le même motif. Les consorts B... C... relèvent appel du jugement du 15 décembre 2023 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la décision implicite de la commission.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. En premier lieu, il y a eu d'écarter par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges et énoncés aux points 5 à 7 de leur jugement le moyen que les requérants réitèrent en appel tiré de ce que Mme A... B... C... et M. D... B... C... ont droit à la délivrance d'un visa au titre de la réunification familiale.
3. En second lieu, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes des stipulations de l'article 3§1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".
4. Il ressort des pièces du dossier que les parents des requérants sont décédés en 2009 alors que Mme A... B... C... et M. D... B... C... étaient respectivement âgés de quatre et six ans. Il ressort de la décision de confirmation rendue le 5 décembre 2010 par le tribunal judiciaire de Banadir que leur sœur aînée, Mme E... B... C..., s'est vu confier l'éducation et l'entretien de ses jeunes frère et sœur. Cette dernière ayant quitté la Somalie en 2013 pour rejoindre le Danemark, les enfants ont été confiés à une tante puis, au décès de cette dernière, à des amis et ont ainsi vécu entre trois pays, la Somalie, l'Ethiopie et le Kenya. Il est établi que Mme E... B... C... leur a adressé des sommes d'argent depuis 2019, soit deux avant les demandes de visa. Toutefois, les appelants, séparés de leur sœur aînée depuis neuf ans, n'apportent aucune justification de nature à éclairer la cour sur leur environnement privé et familial au Kenya. Dans ces conditions, il ne ressort pas des pièces du dossier que les refus de visa en litige auraient porté au droit de Mme A... B... C... et de M. D... B... C... au respect de leur vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels ils ont été pris ou méconnu l'intérêt supérieur de Mme A....
5. Il résulte de tout ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.
Sur le surplus des conclusions :
6. Doivent être rejetées par voie de conséquence les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte présentées par les requérants ainsi que celles tendant au bénéfice des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : La requête des consorts B... C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... B... C..., Mme A... B... C... et M. D... B... C... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 28 mars 2025, à laquelle siégeaient :
M. Gaspon, président de chambre,
M. Coiffet, président-assesseur,
Mme Bougrine, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 15 avril 2025.
La rapporteure,
K. BOUGRINE
Le président,
O. GASPONLa greffière,
I. PETTON
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 24NT00092