Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler la décision du 9 octobre 2020 par laquelle le président de la commission des recours des militaires a constaté la forclusion du recours dirigé contre son bulletin de notation au titre du millésime 2020.
Par un jugement n° 2002561 du 31 août 2023, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés le 15 novembre 2023, le 16 décembre 2024 et le 18 février 2025 ainsi que les mémoires récapitulatifs, produits en application de l'article R. 811-8-1 du code de justice administrative et enregistrés le 17 mars 2025 et le 20 mars 2025, M. A..., représenté par Me Maumont, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Caen du 31 août 2023 ;
2°) d'annuler la décision contestée ;
3°) d'enjoindre à l'administration de modifier, dans un sens déterminé, sa notation au titre du millésime 2020 ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- c'est à tort que le premier juge a rejeté sa demande comme irrecevable, son recours devant la commission des recours des militaires n'étant pas tardif ;
- sa notation est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 27 novembre 2024 et le 27 janvier 2025 et un mémoire récapitulatif sollicité par la cour en application de l'article R. 811-8-1 du code de justice administrative et enregistré le 10 mars 2025, le ministre des armées conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que :
- le recours formé par le requérant devant la commission des recours des militaires étant tardif, la demande de première instance était irrecevable ;
- le moyen tiré de l'insuffisance de motivation est inopérant et mal fondé ;
- l'autre moyen soulevé par le requérant n'est pas fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la défense ;
- le code de justice administrative.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Bougrine,
- les conclusions de Mme Bailleul, rapporteure publique,
- et les observations de M. A....
Considérant ce qui suit :
1. Par un courrier du 12 septembre 2020, M. A..., officier marinier, a saisi la commission des recours des militaires d'un recours à l'encontre de son bulletin de notation établi pour la période du 1er juin 2019 au 31 mai 2020. Par une décision du 9 octobre 2020, la président de la commission a, sur le fondement de l'article R. 4125-2 du code de la défense, estimé que le recours était forclos et informé M. A... de ce qu'il ne serait pas examiné par la commission. Ce dernier relève appel du jugement du 31 août 2023 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du président de la commission des recours des militaires.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. D'une part, aux termes de l'article L. 4135-1 du code de la défense : " Les militaires sont notés au moins une fois par an. / La notation est traduite par des notes et des appréciations qui sont obligatoirement communiquées chaque année aux militaires. / (...) / Les conditions d'application du présent article (...) sont fixées par décret en Conseil d'Etat. ". Aux termes de l'article R. 4135-6 de ce code : " Les notes et appréciations sont communiquées au militaire lors d'un entretien avec le premier notateur ou le notateur unique, sauf si des circonstances particulières font obstacle à sa tenue. (...) Le militaire peut porter ses observations sur le formulaire de notation dans un délai de huit jours francs à compter de cet entretien. / Le militaire prend connaissance de l'ensemble de la notation lorsqu'elle a été arrêtée par l'autorité notant en dernier ressort (...) / Chaque communication de notation est attestée par la signature de l'intéressé sur le formulaire portant sa notation, dont une copie lui est systématiquement remise ; ce formulaire est classé au dossier de l'intéressé. ". Il résulte de l'instruction ministérielle du
13 décembre 2019 relative, notamment, à la notation des officiers mariniers que la notation comporte deux degrés. Cette instruction prévoit, d'une part, que le noté peut formuler des observations sur sa notation au premier degré. Dans ce cas, le notateur au premier degré indique sur le bulletin de notation s'il entend ou non modifier la notation en tenant compte des observations. Le noté est avisé de sa position. La même instruction, confie, d'autre part, au notateur au second degré le soin d'arrêter définitivement la notation à compter du 1er juin de l'année considérée. Seule la décision de notation définitive arrêtée au second degré est susceptible de faire l'objet d'un recours contentieux.
3. D'autre part, aux termes de l'article R. 4135-7 du code de la défense : " Le militaire qui conteste sa notation établie en dernier ressort forme un recours administratif préalable dans les conditions fixées aux articles R. 4125-1 à R. 4125-17. ". Le I de l'article R. 4125-1 du même code dispose : " Tout recours contentieux formé par un militaire à l'encontre d'actes relatifs à sa situation personnelle est précédé d'un recours administratif préalable, à peine d'irrecevabilité du recours contentieux. / Ce recours administratif préalable est examiné par la commission des recours des militaires, placée auprès du ministre de la défense. (...) ". Aux termes de l'article R. 4125-2 de ce code : " A compter de la notification (...) de l'acte contesté, (...) le militaire dispose d'un délai de deux mois pour saisir la commission (...) / (...) / Lorsque le recours est formé après l'expiration du délai de recours mentionné au premier alinéa, le président de la commission constate la forclusion et en informe l'intéressé. / (...) ".
4. Il ressort des pièces du dossier que le 3 avril 2020, M. C..., notateur au premier degré, a formulé, sur le bulletin de notation annuelle, ses appréciations sur la manière de servir de M. A.... Celles-ci ont été portées à la connaissance de l'intéressé le 28 avril 2020. M. A... a, le même jour, émis des observations sur le formulaire de notation. Ni ce bulletin de notation ni le formulaire d'observations du noté ne permettent de connaître la position du notateur au premier degré, M. C..., relativement à ces observations. En revanche, il ressort de ces documents que, le 26 mai 2020, le lieutenant de vaisseau B..., notateur au second degré s'est substitué au notateur au premier degré pour accuser réception des observations de M. A... et décider de ne pas en tenir compte pour modifier la notation au premier degré. Il ressort de la comparaison du bulletin de notation litigieux et de celui établi au titre du millésime 2022 que le lieutenant de vaisseau B... a, le 26 mai 2020, fait état de sa position, s'agissant des attributions normalement dévolues au notateur au premier degré, dans le cartouche dédié à la notation au second degré, laquelle est en principe, ainsi qu'il a été dit au point 2, arrêtée à compter du mois de juin. M. A... a eu connaissance de cette décision le 6 juillet 2020. Il ressort du formulaire d'observations du noté que le notateur au second degré a, ensuite, apposé son visa le 17 juillet 2020. Le bulletin de notation a été transmis à M. A... par un courriel du 23 juillet 2020 sans que sa date de réception effective ne soit établie. Dans ces conditions, eu égard aux contradictions existant entre le bulletin de notation et le formulaire d'observations, à la confusion des autorités de notation et à l'absence au dossier d'une notation au second degré se distinguant de la décision, appartenant en principe au notateur au premier degré, de ne pas modifier la notation au premier degré, M. A..., induit en erreur par le comportement de l'administration, ne saurait être regardé comme ayant eu connaissance, le 6 juillet 2020, d'une notation définitive, ni, par suite, que le délai de recours contentieux contre cette décision aurait commencé à courir. Il suit de là qu'en estimant que le recours préalable obligatoire formé par M. A... le 12 septembre 2020 était forclos, le président de la commission des recours des militaires a entaché sa décision d'illégalité.
5. Il résulte de ce qui précède qu'en rejetant comme irrecevable la demande de M. A... au motif que son recours préalable obligatoire était tardif, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Caen a entaché son jugement d'irrégularité. Le jugement attaqué doit, par suite, être annulé.
6. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Caen.
7. Il résulte de ce qui a été dit aux points 2 à 4 que la décision du président de la commission des recours des militaires du 9 octobre 2020 est illégale et, doit, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, être annulée.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
8. L'exécution du présent arrêt, qui prononce l'annulation de la décision du président de la commission des recours des militaires constatant la forclusion du recours préalable obligatoire de M. A..., implique seulement que la commission des recours des militaires examine ce recours. Les conclusions présentées par M. A... et tendant à ce que la cour enjoigne à l'administration de modifier, dans les termes qu'il précise, sa notation doivent, dès lors, être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
9. Il y a lieu, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. A... de la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : le jugement n° 2002561 du 31 août 2023 et la décision du président de la commission des recours des militaires du 9 octobre 2020 sont annulés.
Article 2 : L'Etat versera à M. A... la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A... et au ministre des armées.
Délibéré après l'audience du 16 mai 2025, à laquelle siégeaient :
- M. Gaspon, président de chambre,
- M. Coiffet, président-assesseur,
- Mme Bougrine, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 juin 2025.
La rapporteure,
K. BOUGRINELe président,
O. GASPON
Le greffier,
R. MAGEAU
La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23NT03293