Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a présenté au tribunal administratif de Caen une demande tendant à la condamnation l'Etat à lui verser la somme totale de 30 000 euros, assortie des intérêts et de leur capitalisation, en réparation de son préjudice moral et du trouble dans ses conditions d'existence, résultant de la carence fautive de l'Etat (ministère des armées) à l'avoir exposé, pendant de nombreuses années, à l'inhalation de poussières d'amiante, sans moyen de protection efficace.
Par une ordonnance n°2001290 du 4 octobre 2023, le président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 1er décembre 2023, M. A... représenté par la SELARL Teissonniere Topaloff Lafforgue Andreu et Associés, demande à la cour :
1°) de prononcer le sursis à statuer dans l'attente d'une décision du Conseil d'Etat sur le régime de prescription applicable ;
2°) d'annuler cette ordonnance du président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Caen du 4 octobre 2023 ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser les sommes de 15 000 euros en réparation de son préjudice moral et de 15 000 euros au titre des troubles dans ses conditions d'existence qu'il estimé avoir subis, somme totale de 30 000 euros assortie des intérêts de droit à compter de sa première demande d'indemnisation avec capitalisation de ces intérêts.
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- c'est à tort que le premier juge a considéré qu'il était un ouvrier d'Etat de la DCN de Cherbourg alors ses états de service démontrent qu'il a exercé la profession de métallier serrurier en qualité d'ouvrier au sein de l'USID de Cherbourg ;
- la responsabilité pour carence fautive de l'Etat, en qualité d'employeur, doit être engagée ; il n'a bénéficié d'aucune protection efficace contre les rayonnements ionisants pendant sa période d'activité ; il justifie des préjudices qu'il invoque.
Par un mémoire en défense, enregistré le 12 mai 2025, le ministre des armées conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens présentés par M. A... ne sont pas fondés.
Un mémoire a été présenté pour M. A..., enregistré le 13 mai 2025, après la clôture de l'instruction et n'a pas été communiqué.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;
- la loi n° 2001-1276 de finances rectificative du 28 décembre 2001 ;
- le décret n° 2002-775 du 3 mai 2002 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Coiffet,
- et les conclusions de Mme Bailleul, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... A..., ouvrier d'Etat né le 14 mai 1964, a été employé au sein de l'unité de soutien d'infrastructure de la défense (USID) de Cherbourg du 15 mars 2010 au 31 décembre 2019, en qualité de métallier serrurier. Estimant l'Etat employeur responsable d'une carence fautive, M. A... a fait valoir " qu'il avait travaillé au sein de la Direction des Constructions navales de Cherbourg pendant la période en cause, et avait alors au cours de sa carrière, été exposé à l'inhalation de poussières d'amiante sans bénéficier de protection individuelle ou collective efficace. ". Il a, par un courrier du 12 décembre 2019, sollicité la réparation par l'Etat de son préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence en résultant respectivement à hauteur de 15 000 et 15 000 euros.
2. A la suite du rejet par une décision ministérielle du 29 avril 2020 de sa demande d'indemnisation, M. A... a, le 16 juillet 2020, saisi le tribunal administratif de Caen d'une demande dirigée contre le refus qui lui avait ainsi été opposé et a alors sollicité " la condamnation de l'Etat à l'indemniser de son préjudice moral et des troubles subis dans ses conditions d'existence " pour des montants respectifs de 15 000 euros.
3. Par une ordonnance du 4 octobre 2023, le président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande d'indemnisation dirigée contre l'Etat. M. A... relève appel de cette ordonnance.
Sur le bien-fondé de l'ordonnance attaquée :
4. Pour rejeter la demande d'indemnisation de M. A... dirigée contre l'Etat, le premier juge, après avoir considéré que l'intéressé avait exercé sa profession au sein de l'entreprise nationale DCN de Cherbourg, devenue DCNS puis Naval Group, a estimé que l'Etat ne pouvait voir sa responsabilité engagée au titre de l'exposition de l'intéressé pour la période en litige, postérieure au 31 mai 2003, dès lors que, à compter du 1er juin 2003, les décisions individuelles concernant les ouvriers d'Etat, relevaient de la compétence du président de l'entreprise Naval Group, société de droit privé. M. A... soutient que cette appréciation est inexacte dès lors qu'il exerçait en qualité d'ouvrier au sein de l'USID de Cherbourg qui dépend de l'Etat.
5. Il ressort des pièces versées au dossier de première instance, en particulier d'une attestation du 30 juillet 2020 établie par le responsable de l'établissement du service d'infrastructure de la défense (ESID) de Rennes à laquelle est joint un tableau récapitulatif du nombre de jours où le requérant a exercé sa profession de métallier -serrurier, que M. A... n'a pas, contrairement pourtant à ce qu'il avançait lui-même dans sa réclamation préalable indemnitaire et dans ses écritures de première instance, travaillé pour la DCN de Cherbourg devenue Naval Group mais a exercé, comme ouvrier d'Etat, dans les fonctions précitées pour l'unité de soutien d'infrastructure de la défense (USID) de Cherbourg qui est une unité dépendant de l'établissement du service d'infrastructure de la défense (ESID) de Rennes, service déconcentré du service d'infrastructure de la défense rattaché au secrétariat général pour l'administration (SGA) du ministère des Armées. Ainsi, l'Etat était bien l'employeur de M. A... pour la période courant du 15 mars 2010 au 31 décembre 2019. Le requérant est, par suite, fondé à soutenir que c'est à tort que le premier juge, pour ce motif, a rejeté sa demande par l'ordonnance litigieuse.
6. Il y a lieu pour la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner la demande et les moyens soulevés par M. A... devant le tribunal administratif de Caen et devant la Cour.
7. M. A... recherche la responsabilité en raison de la faute commise par l'Etat pour l'avoir exposé pendant toute ses années d'activité au ministère des Armées, en qualité d'ouvrier d'Etat, soit du 15 mars 2010 au 31 décembre 2019, à l'inhalation de poussières d'amiante. Toutefois, M. A... indique dans ses écritures de première instance et d'appel, que, relevant de l'établissement du service d'infrastructure de la défense (ESID) de Rennes, il a, pendant la période litigieuse, exercé effectivement son métier de métallier-serrurier alors qu'il était détaché dans plusieurs services et notamment au sein de la DCN de Cherbourg. Il ne verse d'ailleurs à l'appui de ses prétentions que des documents portant sur la situation de salariés ayant travaillé au sein de la DCN de Cherbourg. Or, ainsi qu'il a été dit au point 4, à compter du 1er juin 2003, les décisions individuelles concernant les ouvriers d'Etat, en particulier la mise en œuvre effective des mesures de sécurité et d'hygiène, relevaient de la compétence du président de l'entreprise Naval Group, société de droit privé, et sous l'autorité duquel M. A... était placé en qualité de salarié détaché. En conséquence, sa demande indemnitaire ne pouvait, pour la période en cause, qu'être dirigée contre la société naval Group. La circonstance que le SGA lui aurait délivré une attestation d'exposition aux poussières d'amiante et un relevé de carrière du plan amiante pour cette période, comme le fait qu'il aurait bénéficié de l'ASCAA demeurent à cet égard sans incidence. Par suite, sa demande indemnitaire doit être rejetée.
8. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède, que M. A... n'est pas fondé à se plaindre de ce que par l'ordonnance attaquée, le président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante pour l'essentiel, le versement à M. A... de la somme qu'il demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au ministre des armées et à M. B... A....
Délibéré après l'audience du 16 mai 2025, à laquelle siégeaient :
- M. Gaspon, président de chambre,
- M. Coiffet, président-assesseur,
- M. Pons, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 3 juin 2025.
Le rapporteur,
O. COIFFETLe président,
O. GASPON
Le greffier,
R. MAGEAU
La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
23NT03567