La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

03/06/2025 | FRANCE | N°24NT00025

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 6ème chambre, 03 juin 2025, 24NT00025


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France rejetant implicitement le recours formé contre la décision du 7 août 2022 par laquelle les autorités consulaires françaises en poste à Tunis (Tunisie) ont opposé un refus à sa demande de visa de long séjour présentée en vue d'exercer une activité salariée en France.



Par un jugement n

2302746 du 26 décembre 2023, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision de la commission...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France rejetant implicitement le recours formé contre la décision du 7 août 2022 par laquelle les autorités consulaires françaises en poste à Tunis (Tunisie) ont opposé un refus à sa demande de visa de long séjour présentée en vue d'exercer une activité salariée en France.

Par un jugement n° 2302746 du 26 décembre 2023, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France et enjoint au ministre de l'intérieur de faire délivrer le visa sollicité.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 8 janvier 2024, le ministre de l'intérieur demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nantes du 26 décembre 2023 ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Nantes.

Il soutient que le caractère complaisant du recrutement envisagé et, par suite, le risque de détournement de l'objet du visa sont établis par l'absence de justification de recherche préalable en France d'un candidat au poste à pourvoir par l'employeur, par le lien familial existant entre ce dernier et le demandeur de visa ainsi que par l'inadéquation entre le profil du demandeur et l'emploi envisagé, démontrée par l'absence d'expérience probante de l'intéressé et de formation de charpentier et le caractère apocryphe de l'attestation d'emploi produite.

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 février 2025, M. B..., représenté par Me Guerchi, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de l'Etat d'une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

- le moyen soulevé par le ministre de l'intérieur n'est pas fondé ;

- l'autorité consulaire n'a pas procédé à un examen approfondi de sa situation personnelle ;

- sa décision est insuffisamment motivée ;

- le motif sur lequel est fondé le refus de visa est, ainsi que l'a jugé le tribunal, erroné.

Vu :

- l'arrêt n° 24NT00026 du 14 février 2024 rejetant la demande de sursis à exécution du jugement attaqué ;

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Bougrine a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant tunisien né le 20 juin 2001, a sollicité la délivrance d'un visa d'entrée et de long séjour en France en vue d'y exercer une activité professionnelle. Les autorités consulaires françaises en poste à Tunis (Tunisie) ont opposé un refus à cette demande. La commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a implicitement rejeté le recours formé le 23 janvier 2022 par M. B... contre cette décision consulaire. Le ministre de l'intérieur relève appel du jugement du 26 décembre 2023 par lequel le tribunal administratif de Nantes a, à la demande de M. B..., annulé la décision implicite de la commission.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Il ressort des pièces du dossier que la décision implicite de commission est fondée sur le même motif que celui fondant la décision consulaire et tenant au caractère incomplet et/ou non fiable des informations communiquées pour justifier des conditions du séjour. Le ministre de l'intérieur ne conteste pas l'illégalité de ce motif retenue par les premiers juges. Il soutient, en revanche, que la décision de refus est légalement justifiée par le risque de détournement de l'objet du visa. Il doit, ainsi, être regardé comme sollicitant une substitution de motif.

3. Aux termes de l'article L. 5221-2 du code du travail : " Pour entrer en France en vue d'y exercer une profession salariée, l'étranger présente : / 1° Les documents et visas exigés par les conventions internationales et les règlements en vigueur ; / 2° Un contrat de travail visé par l'autorité administrative ou une autorisation de travail ". La circonstance qu'un travailleur étranger dispose d'une autorisation de travail ou d'un contrat de travail visé ne fait pas obstacle à ce que l'autorité compétente refuse de lui délivrer un visa d'entrée et de long séjour en France en se fondant, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, sur tout motif d'intérêt général. Constitue notamment un tel motif le risque avéré de détournement de l'objet du visa sollicité, lorsque l'administration établit que le motif indiqué dans la demande ne correspond manifestement pas à la finalité réelle du séjour de l'étranger en France. S'agissant d'un visa sollicité en qualité de salarié, ce risque peut notamment résulter de l'inadéquation entre la qualification et l'expérience professionnelles du demandeur et l'emploi sollicité.

4. M. B... a signé, le 17 février 2022, un contrat de travail à durée indéterminée conclu avec la société " SMB Maçonnerie générale " pour occuper un emploi de charpentier. Le 13 juin 2022, le ministre de l'intérieur a délivré à cette société, dont l'activité principale porte sur des travaux de charpente, une autorisation de travail concernant M. B... en vue de pourvoir un emploi de charpentier. Selon les attestations de la gérante de la société Trefil Art établies le 1er février 2022 et le 15 juillet 2022, le requérant, qui est, par ailleurs, titulaire d'un certificat d'aptitude professionnelle de maçon, justifie, d'une expérience de près de quatre ans dans les fonctions de " technicien en charpentes métalliques et bois ". Alors même qu'il ne justifie pas d'un diplôme de charpentier, l'expérience professionnelle de M. B... n'apparait pas en inadéquation avec l'emploi pour lequel il a sollicité la délivrance d'un visa. A cet égard, si le ministre de l'intérieur soutient que l'attestation du 15 juillet 2022 est apocryphe et produit, à l'appui de cette affirmation, des copies d'écran de la page " Facebook " de la société illustrant une activité de façonnage de fer à béton, il n'apporte aucun élément de nature à démontrer que l'activité de cette société se limiterait à cette technique de construction ni même qu'elle serait parfaitement étrangère à des travaux de charpente métallique. A l'inverse, l'appelant verse aux débats un contrat de sous-traitance confiant à la société Trefil Art des travaux de déconstruction de charpentes métalliques et de fabrication de structure métalliques nécessaires aux charpentes. Ensuite, la seule circonstance que la présidente de la société SMB est la belle-sœur de M. B... ne permet pas d'établir le caractère complaisant du recrutement invoqué par le ministre. De même, contrairement à ce qu'allègue ce dernier, la société a, en 2021, transmis à Pôle Emploi son besoin de recrutement de charpentier. Ainsi, il ne ressort d'aucun élément au dossier que M. B... n'aurait pas l'intention d'effectivement occuper l'emploi salarié de charpentier pour lequel il justifie d'un contrat de travail ni, par suite, que le motif professionnel indiqué dans sa demande de visa ne correspondrait pas à la finalité réelle de son séjour. Le motif tiré du risque de détournement de l'objet du visa ne peut dès lors légalement justifier la décision en litige.

5. Il résulte de ce qui précède que le ministre de l'intérieur n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France.

Sur les frais liés au litige :

6. Il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, le versement à M. B... de la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête du ministre de l'intérieur est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera à M. B... la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et à M. A... B....

Délibéré après l'audience du 16 mai 2025, à laquelle siégeaient :

M. Gaspon, président de chambre,

M. Coiffet, président-assesseur,

Mme Bougrine, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 3 juin 2025.

La rapporteure,

K. BOUGRINE

Le président,

O. GASPONLe greffier,

R. MAGEAU

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 24NT00025


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 24NT00025
Date de la décision : 03/06/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. GASPON
Rapporteur ?: Mme Karima BOUGRINE
Rapporteur public ?: Mme BAILLEUL
Avocat(s) : GUERCHI

Origine de la décision
Date de l'import : 07/06/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-06-03;24nt00025 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award