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03/06/2025 | FRANCE | N°24NT00695

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 6ème chambre, 03 juin 2025, 24NT00695


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme A... C... a demandé au tribunal administratif de Rennes, d'abord, d'annuler la décision implicite du 14 mars 2021 par laquelle le recteur de l'académie de Rennes lui a refusé le bénéfice de la protection fonctionnelle, ensuite, de condamner l'Etat à lui verser une somme de 20 000 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis à la suite d'agissements constitutifs de harcèlement moral dans l'exercice de ses fonctions et pour manquement à l'obligation de p

rotection de sa santé et de sa sécurité, d'enjoindre également au recteur de mettre en...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... C... a demandé au tribunal administratif de Rennes, d'abord, d'annuler la décision implicite du 14 mars 2021 par laquelle le recteur de l'académie de Rennes lui a refusé le bénéfice de la protection fonctionnelle, ensuite, de condamner l'Etat à lui verser une somme de 20 000 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis à la suite d'agissements constitutifs de harcèlement moral dans l'exercice de ses fonctions et pour manquement à l'obligation de protection de sa santé et de sa sécurité, d'enjoindre également au recteur de mettre en œuvre la protection fonctionnelle à son égard et de prendre en charge ses frais et honoraires à hauteur de 5 946,90 euros, somme à parfaire, enfin, de mettre à la charge de l'État une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n°2102448 du 29 décembre 2023, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 6 mars 2024, Mme C..., représentée par Me Mazza, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Rennes du 29 décembre 2023 ;

2°) d'annuler la décision du 31 mai 2021 par laquelle le recteur de l'académie de Rennes lui a refusé le bénéfice de la protection fonctionnelle ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 20 000 euros en réparation des préjudices de carrière, moral et de santé qu'elle estime avoir subis à la suite d'agissements constitutifs de harcèlement moral dans l'exercice de ses fonctions et pour manquement à l'obligation de protection de sa santé et de sa sécurité ;

4°) d'enjoindre au recteur de l'académie de Rennes de mettre en œuvre la protection fonctionnelle à son égard et de prendre en charge ses frais et honoraires à hauteur de 6000 euros TTC, somme à parfaire ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2000 euros sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué, qui omet dans ses visas de mentionner un moyen et est insuffisamment motivé, est entaché d'irrégularité ;

- le jugement est mal fondé ;

- la décision de rejet contestée du 31 mai 2021 est insuffisamment motivée ;

- le harcèlement moral qu'elle a subi depuis l'arrivée en septembre 2016 de l'inspectrice de circonscription est établi ;

- l'État a commis une faute en s'abstenant de prendre les mesures nécessaires afin de faire cesser le harcèlement moral dont elle a été victime à l'origine de la dégradation de son état de santé ;

- ces agissements lui ont causé un préjudice.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 juillet 2024, le recteur de l'académie de Rennes conclut au rejet de la requête.

Il soutient, à titre principal, que la requête présentée le 6 mars 2024 alors que le jugement attaqué a été réceptionné par le conseil de la requérante le 2 janvier 2024 est irrecevable pour tardiveté et, à titre subsidiaire, qu'elle est non fondée, les moyens soulevés par Mme C... devant être écartés.

L'instruction a été close au 3 décembre 2024, date d'émission d'une ordonnance prise en application des dispositions combinées des articles R. 611-11-1 et R. 613-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Coiffet,

- et les conclusions de Mme Bailleul, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C..., professeure des écoles depuis 2005, a été affectée au 1er septembre 2013 en qualité de conseillère pédagogique de circonscription (CPC) en éducation physique et sportive au sein de l'inspection de circonscription de Loudéac, dont les locaux sont situés à Uzel (Côtes d'Armor). Le 12 juillet 2018, elle a demandé par un courriel électronique à la direction académique des services de l'éducation nationale des

Côtes-d'Armor de changer d'affectation en raison de son environnement de travail qu'elle jugeait " difficile et problématique " et afin de " garantir son intégrité physique et morale, d'envisager une autre affectation pour la rentrée 2018 ". Le 16 juillet 2018, un poste d'enseignante en section d'enseignement général et adapté (SEGPA) dans un collège de Ploufragan lui a été proposé, mais Mme C... l'a refusé par courriel du même jour. Par un arrêté du 17 juillet 2018, Mme C... a néanmoins été affectée à titre provisoire à compter du 1er septembre 2018 jusqu'au 31 août 2019 sur ce poste. Le 20 juillet 2018,

Mme C... a consulté son médecin traitant pour " syndrome dépressif favorisé par une situation de souffrance au travail ". Par un courrier du 28 août 2018, Mme C... a saisi le recteur d'un recours gracieux contre l'arrêté du 17 juillet 2018 et le ministre de l'éducation nationale d'un recours hiérarchique contre cette même décision. Le 18 septembre 2018, le recteur a retiré sa décision du 17 juillet 2018, ce qui a conduit la requérante à conserver son poste de conseillère pédagogique de circonscription de Loudéac. Mme C... avait été placée en congé de maladie ordinaire à compter du 28 août 2018, lequel a été renouvelé à compter du 28 septembre 2018. Par une décision du 1er avril 2019, le recteur a reconnu la maladie constatée médicalement le 18 novembre 2016 comme maladie contractée en service et l'a placée en congé pour invalidité temporaire imputable au service du 28 septembre 2018 au 17 avril 2019. Par un courrier du 11 janvier 2021, notifié le 14 janvier 2021,

Mme C... a sollicité auprès de la direction académique des services de l'éducation nationale des Côtes-d'Armor le bénéfice de la protection fonctionnelle dans le cadre de la plainte qu'elle a déposée auprès du procureur de la République pour des faits de harcèlement moral, le déclenchement d'une enquête administrative, la saisine du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail ainsi que la réparation de son préjudice. Une décision implicite de rejet est intervenue le 14 mars 2021. Par un courrier du 20 mars 2021,

Mme C... a demandé les motifs du rejet de sa demande.

2. Mme C... a, le 14 mai 2021, saisi le tribunal administratif de Rennes d'une demande tendant, d'une part, à l'annulation de la décision implicite du 14 mars 2021 du recteur de l'académie de Rennes, d'autre part, à la condamnation de l'Etat à lui verser une somme de 20 000 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis à la suite d'agissements constitutifs de harcèlement moral dans l'exercice de ses fonctions et pour manquement à l'obligation de protection de sa santé et de sa sécurité, enfin à ce qu'il soit enjoint au recteur de mettre en œuvre la protection fonctionnelle à son égard et de prendre en charge ses frais et honoraires d'avocat à hauteur de 5 946,90 euros. Par une décision intervenue en cours d'instance le 31 mai 2021, laquelle s'est substituée à la décision implicite du 14 mars 2021, le recteur de l'académie de Rennes a refusé le bénéfice de la protection fonctionnelle à Mme C.... Cette dernière relève appel du jugement du 29 décembre 2023 par lequel le tribunal a rejeté ses demandes.

En ce qui concerne la régularité du jugement attaqué :

3. D'une part, il ressort du jugement attaqué que les premiers juges ont, au point 9 de cette décision, répondu très précisément et de façon circonstanciée au moyen présenté par Mme C... tiré de ce que la responsabilité de l'Etat devait être engagée en raison d'une abstention fautive et d'un manquement à son obligation de protection de sa santé et de sa sécurité. La circonstance que ce moyen n'a pas été visé dans le jugement attaqué demeure ainsi sans incidence sur sa régularité.

4. D'autre part, les premiers juges ont, au point 6 du jugement attaqué, répondu très précisément au moyen présenté par Mme C... tiré ce qu'elle soutenait avoir été victime d'un harcèlement moral depuis l'entrée en fonction, au mois de septembre 2016, d'une nouvelle inspectrice de circonscription. Ils se sont notamment appuyés sur les pièces versées au dossier par les parties pour apprécier tant la demande de cette inspectrice de circonscription sur le projet éducatif lancé en décembre 2017 par la requérante que son refus de valider le rapport d'activité annuel de Mme C... et ont pris en compte les nombreux témoignages de collègues et celui de l'ancienne inspectrice de l'éducation nationale auprès de laquelle l'intéressée avait été placée ainsi que l'avis du médecin de prévention et l'expertise médicale du 6 décembre 2020 pour estimer qu'aucun de ces éléments ne laissaient présumer une situation de harcèlement en l'absence de faits relatés de manière précise et circonstanciée. Les premiers juges en ont déduit au point 11 du jugement, qui renvoyait à son point 6, que les conclusions présentées à fin d'injonction au regard de la mise en œuvre de la protection fonctionnelle ne pouvaient ainsi qu'être rejetées. Mme C... n'est par suite pas fondée à soutenir que le jugement attaqué serait insuffisamment motivé sur ce point.

5. Il résulte de ce qui a été dit aux points précédents que le jugement attaqué n'est entaché d'aucune irrégularité.

En ce qui concerne le bien-fondé du jugement attaqué :

Sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision du 31 mai 2021 portant refus d'accorder la protection fonctionnelle :

6. En premier lieu, la décision du 31 mai 2021 du recteur de l'académie de Rennes rappelle, tout d'abord, très précisément la teneur du courrier du 11 janvier 2021 adressé par Mme C... à son administration sollicitant le bénéfice de de la protection fonctionnelle telle que prévue par l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983, les réponses et démarches entreprises par son administration. Elle indique également, ensuite, après avoir rappelé les dispositions de cet article 11, qu'aucun élément factuel n'a été apporté permettant de démontrer l'existence d'agissements inadaptés à l'encontre de Mme C... et qu'il n'y a pas lieu de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle. Elle écarte, enfin, l'objection tirée de la reconnaissance par la décision du 1er avril 2019 de l'imputabilité au service de la maladie contractée en service et précise les modalités de la procédure mise en place au sein de l'académie de Rennes conformément au décret n°2020-256 relatif au signalement des actes de harcèlement. Cette décision comporte ainsi les considérations de fait et les motifs de droit qui lui servent de fondement. Le moyen tiré de l'insuffisance de sa motivation doit être écarté.

7. En deuxième lieu, aux termes de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, applicable au litige, dont les dispositions sont désormais reprises à l'article L. 133-2 du code général de la fonction publique : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel (...) ".

8. Il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile. Pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'agent auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral. En revanche, la nature même des agissements en cause exclut, lorsque l'existence d'un harcèlement moral est établie, qu'il puisse être tenu compte du comportement de l'agent qui en a été victime pour atténuer les conséquences dommageables qui en ont résulté pour lui. Le préjudice résultant de ces agissements pour l'agent victime doit alors être intégralement réparé.

9. Mme C... soutient qu'elle a été victime, du mois de septembre 2016 au mois de juillet 2018, de la part de sa supérieure hiérarchique Mme B..., de faits constitutifs de harcèlement moral qui ont conduit à son placement en congé maladie reconnu imputable au service. Elle estime que cette dernière, qui a durablement et irrémédiablement compromis sa carrière, aurait fait preuve " d'un management toxique, l'a dénigrée à de multiples reprises, lui a retiré son autonomie ainsi que la participation à plusieurs projets ".

10. En premier lieu et tout d'abord, Mme C..., à l'appui de ses affirmations, a versé au dossier plusieurs attestations et courriels de collègues ainsi qu'une attestation de l'ancienne inspectrice de l'éducation nationale auprès de laquelle elle a été placée. Ces témoignages, qui font état de la " dégradation de l'état de santé de Mme C... " - exprimant la sympathie qu'elle a pu susciter auprès de ses collègues du fait de ses qualités professionnelles et personnelles - et, pour l'un d'entre eux, l'existence de " tensions " au sein de la circonscription, se bornent à rapporter des faits relatés par la requérante, sans restituer des propos ou attitudes dont ces personnes auraient été témoins et sans fournir d'éléments objectifs relatés de manière précise et circonstanciée sur les agissements répétés que la requérante reproché à sa supérieure. Ils ne sont pas de nature à faire présumer une situation de harcèlement moral.

11. Ensuite, les mêmes témoignages de soutien montrent que Mme C... a exercé ses fonctions conformément à son statut, animant divers projets au sein de la circonscription et mettant en œuvre les diverses activités de manière habituelle. Si la requérante avance qu'elle aurait perdu de l'autonomie, aucun élément ne permet d'étayer cette critique alors qu'un témoignage versé aux débats indique que " l'inspectrice avait laissé l'intéressée assurer seule des réunions de directeurs sur des temps où la présence des IEN était importante ". S'il est exact par ailleurs que l'inspectrice de circonscription a voulu se faire confirmer par un conseiller pédagogique départemental les conseils donnés par

Mme C... au sujet d'un projet éducatif lancé en décembre 2017, cette demande était motivée par le souhait de s'assurer du respect des formalités administratives en la matière. Quant au refus de valider le 3 juillet 2018 le rapport d'activité annuel de Mme C..., lequel relate les différentes actions menées au cours de l'année scolaire écoulée, et à ceux portant sur une demande de participation à une formation de second degré ou à un groupe de travail sur la santé et la sécurité au travail, formations étrangères à son statut, aucun élément ne permet d'établir que, ce faisant, l'inspectrice, qui est en droit de présenter des demandes ou formuler des remarques et a pu infléchir à son arrivée certaines actions conduites dans la circonscription, aurait outrepassé l'exercice normal du pouvoir hiérarchique. La lenteur relative à la prise en charge des frais de déplacement de la requérante au mois de janvier 2018 ainsi que les reproches à l'égard du message automatique adressé par l'intéressée le 25 avril 2018 lors de son arrêt maladie à l'ensemble de ses interlocuteurs pour les informer de son absence, ne sont pas davantage de nature à établir une situation de harcèlement moral caractérisée par une dégradation des conditions de travail. Pour les mêmes motifs,

Mme C... n'est pas non plus fondée à soutenir qu'il aurait été porté atteinte à ses droits et libertés.

12. Enfin, Mme C... a été placée en congé de maladie ordinaire du 29 août 2018 au 27 septembre 2019. Il ressort des éléments du dossier, d'une part, que le

18 septembre 2018, la médecin de prévention a indiqué ne pouvoir " faire le lien " entre la souffrance psychique de Mme C... et son environnement professionnel, et que d'autre part, l'expertise médicale du 6 décembre 2020 réalisée à la demande du rectorat par un psychiatre a retenu, indépendamment du fait que Mme C... " (...) reste persuadée d'avoir été l'objet d'un management malveillant, et qu'elle garde une rancune tenace envers la responsable. (...), qu'on pouvait " comme en mars 2019, (...) s'interroger sur les traits de personnalité pathologique : une psychorigidité est évidente. (...) ". Si l'existence de tensions entre Mme C... et sa supérieure hiérarchique peut être regardée comme établie au vu des pièces figurant au dossier et si l'intéressée a développé une pathologie en lien avec le service, il ne résulte cependant pas de la confrontation des éléments du dossier que le comportement de sa supérieure hiérarchique aurait outrepassé l'exercice normal de son pouvoir hiérarchique.

13. En second lieu, Mme C... soutient que la méconnaissance des articles L.134-1 et L.134-5 du code général de la fonction publique entache d'illégalité la décision refusant d'accorder la protection fonctionnelle. Il résulte de ce qui a été dit aux points 10 et 11 ci-dessus que l'intéressée n'a pas été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, condition posée, parmi d'autres qui ne sont pas d'espèce, par l'article L.134-5 du code général de la fonction publique pour accorder la protection fonctionnelle. Par ailleurs, les mesures prises par l'administration durant l'été 2018, rappelées au point 16 ci-dessous, doivent être regardées comme des mesures d'urgence au sens de l'article L.134-6 du code général de la fonction publique, qui n'a donc pas été méconnu. Par ailleurs, la requérante ne peut utilement invoquer les dispositions du décret n°2017-97 du 26 janvier 2017, dès lors que c'est à bon droit que le bénéfice de la protection fonctionnelle lui a été refusé.

14. Il résulte de ce qui précède que les éléments avancés par Mme C..., pris isolément ou dans leur ensemble, ne permettent pas de caractériser l'existence d'un harcèlement moral au sens des dispositions précitées de l'article 6 quinquies de la loi du

13 juillet 1983 précitée dont se plaint Mme C.... Par suite, le recteur de l'académie de Rennes a pu sans erreur d'appréciation refuser, par la décision contestée du 31 mai 2021, le bénéfice de la protection fonctionnelle à Mme C....

Sur les conclusions indemnitaires :

15. Mme C... demande la condamnation de l'Etat à lui verser une somme de 20 000 euros en réparation des préjudices de carrière, moral et de santé qu'elle estime avoir subis à la suite d'agissements constitutifs de harcèlement moral dans l'exercice de ses fonctions et pour manquement à l'obligation de protection de sa santé et de sa sécurité.

16. Il résulte, d'une part, de ce qui a été dit aux points 6 à 12 ci-dessus, qu'en l'absence d'agissements constitutifs de harcèlement moral, les conclusions indemnitaires présentées par Mme C... en lien avec ces agissements allégués ne peuvent qu'être rejetées.

17. Mme C... soutient, d'autre part, qu'elle a subi des préjudices à raison du manquement fautif de son employeur à son obligation de protection de la santé et de sécurité, en méconnaissance des articles L.136-1 du code général de la fonction publique et L.4121-1 du code du travail. Il résulte de l'instruction, ainsi qu'il a été rappelé au point 1, qu'à la suite de la demande de changement d'affectation en raison de son environnement de travail qu'elle jugeait " difficile et problématique " présentée le 12 juillet 2018 par Mme C..., une proposition lui a été faite dès le 16 juillet suivant en dehors des procédures normales de mutation, proposition que l'intéressée a refusée par courrier électronique le même jour. Par un arrêté du 17 juillet 2018, Mme C... a néanmoins été affectée à titre provisoire à compter du 1er septembre 2018 et jusqu'au 31 août 2019 sur ce poste. Il résulte également de l'instruction que Mme C... a été reçue, dans des délais courts, respectivement le

3 septembre 2018 par la médecine du travail, le 5 septembre 2018 par l'adjointe à la directrice académique, en présence d'une représentante du personnel, puis le 3 mai 2019, par la directrice des ressources humaines, le directeur académique et l'inspectrice de circonscription. Il s'ensuit que son administration n'est pas restée inactive, a été à l'écoute des plaintes formulées par la requérante et a mis en œuvre des actions visant à y répondre. Si cette dernière critique l'absence d'enquête interne diligentée à la suite de son signalement de harcèlement, de même que l'absence de transmission d'un courrier au comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, ces circonstances, à les supposer établies, ne sont pas de nature à engager la responsabilité de l'Etat employeur, compte tenu des actions mises en œuvre.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

18. Aux termes des dispositions de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, désormais codifiées aux articles L. 134-4 et L. 134-5 du code général de la fonction publique : " I.- A raison de ses fonctions et indépendamment des règles fixées par le code pénal et par les lois spéciales, le fonctionnaire ou, le cas échéant, l'ancien fonctionnaire bénéficie, dans les conditions prévues au présent article, d'une protection organisée par la collectivité publique qui l'emploie à la date des faits en cause ou des faits ayant été imputés de façon diffamatoire. / (...) IV.- La collectivité publique est tenue de protéger le fonctionnaire contre les atteintes volontaires à l'intégrité de la personne, les violences, les agissements constitutifs de harcèlement, les menaces, les injures, les diffamations ou les outrages dont il pourrait être victime sans qu'une faute personnelle puisse lui être imputée. Elle est tenue de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté. (...) ".

19. Par la décision contestée du 31 mai 2021, le recteur de l'académie de Rennes a pu légalement refuser à Mme C... sa demande de bénéfice de la protection fonctionnelle en l'absence de faits constitutifs de harcèlement à son égard, ainsi qu'il a été dit aux points 6 à 12. Mme C... ne remplissant pas les conditions prévues à l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 précitée, ses conclusions à fin d'injonction au regard de la mise en œuvre de la protection fonctionnelle ne peuvent ainsi qu'être rejetées.

20. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir opposée par le recteur de l'Académie de Rennes tirée de la tardiveté de la requête, que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté ses demandes.

21. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'a pas la qualité de partie perdante, verse à Mme C... la somme qu'il demande au titre de ces dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C... et au recteur de l'Académie de Rennes.

Délibéré après l'audience du 16 mai 2025, où siégeaient :

- M. Gaspon, président,

- M. Coiffet, président-assesseur,

- M. Pons, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 3 juin 2025.

Le rapporteur,

O. COIFFETLe président,

O. GASPON

Le greffier,

R. MAGEAU

La République mande et ordonne à la ministre d'Etat, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N°24NT00695


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 24NT00695
Date de la décision : 03/06/2025
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. GASPON
Rapporteur ?: M. Olivier COIFFET
Rapporteur public ?: Mme BAILLEUL
Avocat(s) : MAZZA

Origine de la décision
Date de l'import : 07/06/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-06-03;24nt00695 ?
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