Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B..., Mme H... C... et Mme D... F..., cette dernière agissant tant en son nom personnel qu'en qualité de représentante de I... C... et E... C..., ont demandé au tribunal administratif de Nantes, tout d'abord, d'annuler la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours préalable formé contre la décision de l'autorité consulaire française à Téhéran rejetant la demande de visa d'entrée et de long séjour présentée pour Mme H... C... et Mme D... F... et pour les jeunes I... C... et E... C... en qualité de membres de famille de réfugié, d'enjoindre à titre principal, de faire délivrer les visas sollicités dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et à titre subsidiaire de procéder au réexamen des demandes de visa, enfin, de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1500 euros à verser à leur conseil en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Par un jugement n° 2311253 du 9 février 2024, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande M. A... B..., Mme H... C... et Mme D... F....
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 4 juin 2024, M. A... B..., Mme H... C... et Mme D... F..., cette dernière agissant tant en son nom personnel qu'en qualité de représentante de I... C... et E... C... représentés par Me Régent, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 9 février 2024 du tribunal administratif de Nantes ;
2°) d'annuler la décision de la commission de recours contre la décision de refus de visa d'entrée en France née le 1er avril 2023 ;
3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer les visas sollicités dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen des demandes de visa ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1500 euros en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'elle renonce au bénéfice de la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
Il soutient que :
- les décisions portant refus de visa méconnaissent les dispositions de l'article
L. 561-2 du CESEDA et sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ces dispositions ;
- la décision contestée méconnaît les articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 7 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- elle méconnaît les stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
Par un mémoire en défense, enregistré le 16 juillet 2024, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu'aucun des moyens soulevés par les requérants n'est fondé et s'en remet à ses écritures de première instance.
Vu les autres pièces du dossier.
M. A... B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 13 mai 2024.
Vu :
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Coiffet,
- et les observations de Me Sachot, substituant Me Régent, représentant M. B....
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant afghan, né le 31 décembre 2000, a obtenu la qualité de réfugié par une décision du 11 mars 2021 de la Cour nationale du droit d'asile. Sa mère, Mme D... F..., et ses frères et sœur, Mme G..., M. I... C..., et M. E... C... ont demandé la délivrance de visas de long séjour au titre de la procédure de réunification familiale à l'ambassade de France au Téhéran. L'autorité consulaire a rejeté ces demandes le 28 novembre 2022 aux motifs " que le lien familial allégué avec le bénéficiaire de la protection de l'office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) ne correspondait pas à l'un des cas leur permettant d'obtenir un visa au titre de la réunification familiale ". Le recours formé contre ces décisions de refus devant la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a été rejeté par une décision implicite née le 1er avril 2023.
2. M. A... B..., Mme H... C..., devenue majeure au jour de l'introduction de l'instance et Mme D... F..., cette dernière agissant tant en son nom personnel qu'en qualité de représentante de I... C... et E... C..., ont, le 31 juillet 2023, saisi le tribunal administratif de Nantes d'une demande tendant à l'annulation de la décision de refus de visa d'entrée en France née le 1er avril 2023 et à ce qu'il soit enjoint au ministre de l'intérieur de leur délivrer les visas sollicités dans un délai d'un mois, sous astreinte. Par un jugement du 9 février 2024, dont ils relèvent appel, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leurs demandes.
3. Il ressort du mémoire en défense du 23 novembre 2023 du ministre de l'intérieur que, pour rejeter la demande du requérant, la commission de recours s'est fondée sur l'inéligibilité des requérants à la procédure de réunification familiale prévue à l'article L. 561- 2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
4. Aux termes aux termes de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Si le réfugié ou le bénéficiaire de la protection subsidiaire est un mineur non marié, il peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint par ses ascendants directs au premier degré, accompagnés le cas échéant par leurs enfants mineurs non mariés dont ils ont la charge effective. ". Aux termes de l'article L. 521-9 du même code : " Lorsque la demande d'asile est présentée par un mineur non accompagné, le procureur de la République, avisé immédiatement par l'autorité administrative, lui désigne sans délai un administrateur ad hoc. Celui-ci assiste le mineur et assure sa représentation dans le cadre des procédures administratives et juridictionnelles relatives à la demande d'asile ".
5. Il résulte de ces dispositions que les ascendants directs d'un enfant mineur non marié réfugié en France ou bénéficiaire de la protection subsidiaire peuvent demander à le rejoindre au titre de la réunification familiale. Ces mêmes dispositions prévoient que ces derniers peuvent être accompagnés, le cas échéant, par leurs enfants mineurs non mariés dont ils ont la charge effective.
6. S'il ressort des pièces du dossier que M. A... B..., né le 31 décembre 2000, confié au service de l'aide sociale à l'enfance à compter du 9 août 2016, a, le 24 août 2017, été convoqué pour le 28 septembre 2027 au guichet unique pour demandeurs d'asile de la préfecture de Seine-et-Marne, il n'a cependant déposé sa demande d'asile que le 25 janvier 2019, alors qu'il était âgé de plus de 18 ans et majeur. Il avait donc atteint la majorité civile.
M. A... B... soutient que le retard du dépôt de sa demande d'asile est dû aux carences du service de l'aide sociale à l'enfance dans ses démarches administratives et faute qu'un administrateur ad hoc ait été désigné. Ces seules circonstances, si regrettables soient elles, ne sont pas suffisantes pour considérer que M. A... B... était mineur lors de sa demande d'asile, dès lors qu'il pouvait déposer seul une demande d'asile conformément aux dispositions précitées. Le ministre de l'intérieur et des outre-mer fait au demeurant valoir qu'un jeune mineur isolé peut déposer sa demande d'asile en l'absence de désignation d'un administrateur ad hoc en application de l'annexe 12 de la circulaire interministérielle du 25 janvier 2016, qui a été versée au débat. Il ne ressort pas de la décision du 11 mars 2021 de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) accordant le statut de réfugié à M. B... que ce dernier aurait déposé sa demande d'asile à titre conservatoire auprès de l'OFPRA avant ses 18 ans. Par suite, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a fait une exacte application des dispositions de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en considérant que la mère et les frères et sœur de M. B... ne pouvaient être éligibles à la procédure de réunification dès lors que l'intéressé était majeur au moment de sa demande d'asile.
7. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Aux termes des stipulations du premier paragraphe de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent utilement être invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.
8. Compte tenu de ce qui a été dit au point 6 et eu égard à l'âge du requérant, âgé de 23 ans à la date de la décision contestée, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et de l'article 7 de la charte des droits fondamentaux de l'Union-Européenne doivent être écartés.
9. Il résulte de ce qui précède que M. B..., Mme H... C... et Mme D... F... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande dirigée contre la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France née le 1er avril 2023. Par voie de conséquence, les conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant à l'application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B..., Mme C... et de Mme D... F... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., Mme H... C..., Mme D... F... et à M. I... C... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 16 mai 2025, à laquelle siégeaient :
- M. Gaspon, président de chambre,
- M. Coiffet, président-assesseur,
- M. Pons, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 juin 2025.
Le rapporteur,
O. COIFFETLe président,
O. GASPON
Le greffier,
R. MAGEAU
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 24NT01647002