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03/06/2025 | FRANCE | N°24NT02962

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 4ème chambre, 03 juin 2025, 24NT02962


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 12 août 2024 par laquelle la directrice territoriale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) lui a refusé le rétablissement des conditions matérielles d'accueil.



Par un jugement n° 2412874 du 5 septembre 2024, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté cette demande.



Procédure

devant la cour :



Par une requête, enregistrée le 18 octobre 2024, Mme A..., représentée par Me Chatela...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 12 août 2024 par laquelle la directrice territoriale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) lui a refusé le rétablissement des conditions matérielles d'accueil.

Par un jugement n° 2412874 du 5 septembre 2024, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 18 octobre 2024, Mme A..., représentée par Me Chatelais, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 5 septembre 2024 de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nantes ;

2°) d'annuler la décision du 12 août 2024 de la directrice territoriale de l'OFII ;

3°) d'enjoindre à l'OFII de lui octroyer le bénéfice des conditions matérielles d'accueil ou de réexaminer sa situation administrative, dans un délai de quinze jours suivant l'arrêt à intervenir, sous astreinte d'un montant de cent euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision contestée est insuffisamment motivée ;

- la directrice territoriale de l'OFII n'a pas examiné sa situation de vulnérabilité de manière précise ;

- elle a commis une erreur manifeste d'appréciation au regard de sa situation de vulnérabilité ;

- elle a méconnu les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

Par un mémoire en défense, enregistré le 19 février 2025, l'Office français de l'immigration et de l'intégration conclut au rejet de la requête.

Il soutient que la requête qui se borne à reproduire intégralement et exclusivement l'exposé des faits et moyens figurant dans son mémoire de première instance est irrecevable et que les moyens soulevés par Mme A... ne sont, en tout état de cause, pas fondés.

Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 28 novembre 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la directive n° 2013/33/UE du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de M. Derlange, président assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., ressortissante bissau-guinéenne née le 28 janvier 2001, a déposé une demande d'asile le 22 août 2022 et a accepté, le 24 août 2022, les conditions matérielles d'accueil proposées par l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII). Par une décision du 27 juin 2023, la directrice territoriale de l'OFII a mis fin au bénéfice des conditions matérielles d'accueil accordées à Mme A.... Par une décision du 12 août 2024, la directrice territoriale de l'OFII lui a refusé le rétablissement des conditions matérielles d'accueil. Mme A... relève appel du jugement du 5 septembre 2024 par lequel la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande d'annulation de cette décision.

2. En premier lieu, la décision contestée comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Elle prend notamment en compte la situation de l'enfant de Mme A..., né le 12 mars 2024. Par suite, le moyen tiré de son insuffisante motivation doit être écarté.

3. En deuxième lieu, il est constant que Mme A... a bénéficié, le 9 juillet 2024, d'un entretien tendant à évaluer sa vulnérabilité et qu'un médecin de l'OFII a rendu le 30 juillet 2024 un avis d'évaluation de cette vulnérabilité. Il ne ressort pas des pièces du dossier que l'OFII n'aurait pas pris en compte la situation personnelle de l'intéressée, en particulier sa vulnérabilité, préalablement à l'intervention de la décision contestée. Mme A... n'est donc pas fondée à soutenir que cet examen aurait été insuffisant.

4. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 551-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Les conditions matérielles d'accueil du demandeur d'asile sont proposées à chaque demandeur d'asile par l'Office français de l'immigration et de l'intégration après l'enregistrement de sa demande par l'autorité administrative compétente ". Aux termes de l'article L. 551-16 du même code : " Il est mis fin, partiellement ou totalement, aux conditions matérielles d'accueil dont bénéficie le demandeur, dans le respect de l'article 20 de la directive 2013/33/ UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant des normes pour l'accueil des personnes demandant la protection internationale, dans les cas suivants : / (...) La décision mettant fin aux conditions matérielles d'accueil prise en application du présent article est écrite et motivée. Elle prend en compte la vulnérabilité du demandeur. (...) / Lorsque la décision mettant fin aux conditions matérielles d'accueil a été prise en application des 1°, 2° ou 3° du présent article et que les raisons ayant conduit à cette décision ont cessé, le demandeur peut solliciter de l'Office français de l'immigration et de l'intégration le rétablissement des conditions matérielles d'accueil. L'office statue sur la demande en prenant notamment en compte la vulnérabilité du demandeur ainsi que, le cas échéant, les raisons pour lesquelles il n'a pas respecté les obligations auxquelles il avait consenti au moment de l'acceptation initiale des conditions matérielles d'accueil. ".

5. Il résulte de ces dispositions que les conditions matérielles d'accueil sont proposées au demandeur d'asile par l'Office français de l'immigration et de l'intégration après l'enregistrement de la demande d'asile. Si, par la suite, les conditions matérielles proposées et acceptées initialement peuvent être modifiées, en fonction notamment de l'évolution de la situation du demandeur ou de son comportement, la circonstance que, postérieurement à l'enregistrement de sa demande, l'examen de celle-ci devienne de la compétence de la France n'emporte pas l'obligation pour l'Office de réexaminer, d'office et de plein droit, les conditions matérielles d'accueil qui avaient été proposées et acceptées initialement par le demandeur. Dans le cas où les conditions matérielles d'accueil ont été suspendues sur le fondement de l'article L. 551-16, 3°, le demandeur peut, notamment dans l'hypothèse où la France est devenue responsable de l'examen de sa demande d'asile, en demander le rétablissement. Il appartient alors à l'Office français de l'immigration et de l'intégration, pour statuer sur une telle demande de rétablissement, d'apprécier la situation particulière du demandeur à la date de la demande de rétablissement au regard notamment de sa vulnérabilité, de ses besoins en matière d'accueil ainsi que, le cas échéant, des raisons pour lesquelles il n'a pas respecté les obligations auxquelles il avait consenti au moment de l'acceptation initiale des conditions matérielles d'accueil.

6. Mme A... soutient qu'elle est la mère d'un enfant âgé de cinq mois à charge, sans hébergement, sans ressources et avec un accès extrêmement limité aux denrées d'hygiène élémentaire. Il ressort effectivement des pièces du dossier que son enfant, né le 12 mars 2024, était âgé de cinq mois à la date de la décision litigieuse de refus de rétablissement. Toutefois, Mme A... ne produit aucun élément permettant d'établir la réalité de ses allégations pour le reste, alors qu'il ressort des pièces du dossier que lors de l'évaluation de sa vulnérabilité, le 9 juillet 2024, elle a précisé bénéficier d'un hébergement d'urgence, que le médecin de l'OFII, dans son avis du 30 juillet 2024, a évalué sa vulnérabilité à un niveau de 1 sur 3, avec une priorité, pour un hébergement sans caractère d'urgence et qu'elle a mis plus d'un an pour solliciter le rétablissement des conditions matérielles d'accueil dont le bénéfice lui avait été retiré par une décision du 27 juin 2023. Dans ces conditions, elle n'est pas fondée à soutenir que la directrice territoriale de l'OFII a commis une erreur d'appréciation en lui refusant le rétablissement des conditions matérielles d'accueil.

7. En quatrième et dernier lieu, aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, les tribunaux des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".

8. La décision contestée n'implique pas de séparer Mme A... de son enfant. Ainsi qu'il a été dit au point 5, il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme A... et son enfant vivaient dans des conditions particulièrement précaires à la date de la décision contestée. Par suite, la directrice territoriale de l'OFII n'a pas méconnu les stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant en refusant le rétablissement des conditions matérielles d'accueil de Mme A....

9. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir opposée par l'OFII, que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction, sous astreinte :

10. Le présent arrêt, qui rejette la requête de Mme A..., n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions de l'intéressée aux fins d'injonction, sous astreinte, doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

11. Les dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que le conseil de Mme A... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A..., à Me Chatelais et à l'Office français de l'immigration et de l'intégration.

Délibéré après l'audience du 13 mai 2025, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- M. Derlange, président assesseur,

- Mme Picquet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 juin 2025.

Le rapporteur,

S. DERLANGE

Le président,

L. LAINÉ

La greffière,

A. MARTIN

La République mande et ordonne au ministre d'État, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 24NT02962


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 24NT02962
Date de la décision : 03/06/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINÉ
Rapporteur ?: M. Stéphane DERLANGE
Rapporteur public ?: Mme ROSEMBERG
Avocat(s) : CHATELAIS MELANIE

Origine de la décision
Date de l'import : 07/06/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-06-03;24nt02962 ?
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