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24/06/2025 | FRANCE | N°24NT02043

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 5ème chambre, 24 juin 2025, 24NT02043


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. F... E... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 4 juin 2021 par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté son recours dirigé contre la décision du 17 décembre 2020 par laquelle le préfet des Yvelines a déclaré irrecevable sa demande de naturalisation.



Par un jugement n° 2109971 du 2 mai 2024, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête, enregistrée le 2 juillet 2024, M. F... E..., représenté par Me Ruffel, demande à la cour :



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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... E... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 4 juin 2021 par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté son recours dirigé contre la décision du 17 décembre 2020 par laquelle le préfet des Yvelines a déclaré irrecevable sa demande de naturalisation.

Par un jugement n° 2109971 du 2 mai 2024, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 2 juillet 2024, M. F... E..., représenté par Me Ruffel, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 2 mai 2024 du tribunal administratif de Nantes ;

2°) d'annuler la décision du 4 juin 2021 du ministre de l'intérieur ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de lui octroyer la nationalité française et, subsidiairement, de réexaminer sa demande de naturalisation dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier ; il n'a pas répondu aux moyens soulevés tirés du défaut d'examen particulier de sa demande et de l'incompétence de l'auteur de la décision ;

- la décision contestée est entachée d'un vice d'incompétence de son signataire ;

- le ministre n'a pas procédé à un examen complet de sa demande ;

- la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; il a fixé le centre de ses intérêts matériels et de ses attaches familiales en France.

Par un mémoire en défense, enregistré le 2 septembre 2024, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 ;

- le décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005 ;

- le décret n° 2013-728 du 12 août 2013 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Rivas a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. F... E..., ressortissant gabonais, a sollicité la nationalité française. Par une décision du 17 décembre 2020, le préfet des Yvelines lui a opposé l'irrecevabilité de sa demande, puis, le ministre de l'intérieur, saisi d'un recours administratif préalable obligatoire, lui a opposé la même irrecevabilité par une décision du 4 juin 2021. Par un jugement du 2 mai 2024, dont M. E... relève appel, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande d'annulation de cette décision ministérielle.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Il ressort des pièces du dossier que M. E... a soulevé devant le tribunal administratif de Nantes les moyens tirés de l'incompétence de l'auteur de la décision contestée et du défaut d'examen particulier de sa demande par le ministre de l'intérieur. Le jugement attaqué, qui vise ces moyens qui n'étaient pas inopérants, n'y répond cependant pas. En conséquence, le jugement attaqué, entaché d'irrégularité, doit être annulé.

3. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. E... devant le tribunal administratif de Nantes.

Sur la légalité de la décision ministérielle du 4 juin 2021 :

4. En premier lieu, aux termes de l'article 1er du décret du 27 juillet 2005 : " A compter du jour suivant la publication au Journal officiel de la République française de l'acte les nommant dans leurs fonctions (...) peuvent signer, au nom du ministre (...) l'ensemble des actes, à l'exception des décrets, relatifs aux affaires des services placés sous leur autorité : 1° (...) les directeurs d'administration centrale (...) ". Aux termes de l'article 3 du même décret : " Les personnes mentionnées aux 1° et 3° de l'article 1er peuvent donner délégation pour signer tous actes relatifs aux affaires pour lesquelles elles ont elles-mêmes reçu délégation : 1° (...) aux fonctionnaires de catégorie A (...) qui n'en disposent pas au titre de l'article 1er (...) ". Aux termes de l'article 8 du décret du 12 août 2013, dans sa rédaction applicable au litige : " (...) / La direction de l'accueil, de l'accompagnement et de la nationalité (...) élabore et met en œuvre les règles en matière d'acquisition et de retrait de la nationalité française. / (...) ". Selon l'article 3 de l'arrêté du 12 août 2013, dans sa rédaction applicable au litige : " La direction de l'accueil, de l'accompagnement des étrangers et de la nationalité comprend : (...) / - la sous-direction de l'accès à la nationalité française ; / (...) ".

5. Par l'article 1er d'une décision modificative du 12 septembre 2019, régulièrement publiée le 14 septembre suivant au Journal officiel de la République française, et l'article 1er d'une décision du 30 août 2018 portant délégation de signature, régulièrement publiée le 2 septembre suivant au Journal officiel de la République française, Mme A... D..., nommée par un décret du 28 septembre 2016 dans les fonctions de directrice de l'accueil, de l'accompagnement des étrangers et de la nationalité au sein de la direction générale des étrangers en France à l'administration centrale du ministère de l'intérieur, a donné délégation à M. C... B..., chef du bureau des affaires juridiques, du précontentieux et du contentieux, à l'effet de signer au nom du ministre de l'intérieur tous actes, arrêtés et décisions relevant de ses attributions au sein de la sous-direction de l'accès à la nationalité française. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision contestée, signée par M. C... B..., aurait été prise par une autorité incompétente ne peut qu'être écarté.

6. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que le ministre de l'intérieur a procédé à un examen particulier de la demande de M. E....

7. En troisième lieu, aux termes de l'article 21-16 du code civil : " Nul ne peut être naturalisé s'il n'a en France sa résidence au moment de la signature du décret de naturalisation. ". Il résulte de ces dispositions que la demande de naturalisation n'est pas recevable lorsque l'intéressé n'a pas fixé en France de manière durable le centre de ses intérêts familiaux et matériels à la date à laquelle il est statué sur sa demande. Pour apprécier si cette dernière condition est remplie, l'administration peut notamment se fonder, sous le contrôle du juge, sur la situation familiale du demandeur, sa durée de présence en France et le caractère suffisant et durable de ses ressources.

8. Il ressort des pièces du dossier que M. E..., né en 1996, est un ressortissant gabonais entré seul en France en 2011, à l'âge de 15 ans. En 2014, il a été pris en charge au titre de l'aide sociale à l'enfance. En 2016 il a obtenu une capacité en droit, mention assez bien, et a créé une entreprise de restauration en 2018 à Sartrouville. Il y a employé quelques personnes et a acquis un nouveau fonds de commerce à Paris en 2021. Néanmoins, l'intéressé, qui ne justifie pas de ses revenus, est également devenu père d'un enfant né en 2016 d'une relation nouée avec une ressortissante gabonaise établie en Allemagne. Cet enfant est établi aux cotés de sa mère, sans que les conditions de maintien de cette dernière dans ce pays soient précisées. M. E... rend ponctuellement visite à son fils et subvient partiellement à ses besoins par l'envoi d'argent. Dans ces conditions, alors même qu'il n'est pas établi que l'intéressé aurait conservé des liens familiaux au Gabon et malgré ses efforts d'insertion en France, il ne pouvait être regardé comme ayant fixé en France, de manière stable, le centre de ses intérêts familiaux. Par suite, c'est par une exacte application des dispositions citées au point précédent que le ministre de l'intérieur lui a opposé l'irrecevabilité de sa demande de naturalisation.

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision du 4 juin 2021 du ministre de l'intérieur. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 2109971 du 2 mai 2024 du tribunal administratif de Nantes est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. E... devant le tribunal administratif de Nantes, ainsi que le surplus de ses conclusions présentées devant la cour, sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... E... et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 5 juin 2025, à laquelle siégeaient :

- M. Degommier, président de chambre,

- M. Rivas, président assesseur,

- Mme Ody, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 juin 2025.

Le rapporteur,

C. RIVAS

Le président,

S. DEGOMMIER

La greffière,

S. PIERODÉ

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 24NT02043


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 24NT02043
Date de la décision : 24/06/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. DEGOMMIER
Rapporteur ?: M. Christian RIVAS
Rapporteur public ?: M. FRANK
Avocat(s) : RUFFEL

Origine de la décision
Date de l'import : 28/06/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-06-24;24nt02043 ?
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