Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 27 mars 2023 par laquelle l'autorité consulaire française à Dakar (Sénégal) a refusé de lui délivrer un visa de long séjour en qualité de conjointe d'un ressortissant français.
Par un jugement n°2310875 du 29 août 2024, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 29 octobre 2024, Mme A..., représentée par Me Ndoye, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 29 août 2024 du tribunal administratif de Nantes ;
2°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de lui délivrer le visa sollicité ;
Elle soutient que :
- la décision en litige méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en ce qu'elle fait obstacle à toute possibilité d'entretenir sa relation matrimoniale ;
- elle méconnaît les stipulations du premier paragraphe de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors qu'elle est empêchée d'exercer son droit d'accès aux tribunaux : le divorce allégué ne peut être prononcé alors qu'elle se trouve au Sénégal.
Par un mémoire en défense, enregistré le 11 décembre 2024, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il s'en remet à ses écritures de première instance et sollicite le rejet de la requête.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Pons a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., ressortissante sénégalaise, s'est mariée le 7 juillet 2017 à Nguekokh (Sénégal) avec M. C... D..., ressortissant français, mariage transcrit dans les registres de l'état civil français le 26 juin 2019. Elle a sollicité la délivrance d'un visa de long séjour en qualité de conjointe d'un ressortissant français auprès de l'autorité consulaire française à Dakar, laquelle a rejeté sa demande par une décision du 27 mars 2023. Saisie d'un recours administratif préalable obligatoire formé contre cette décision consulaire, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a, à son tour, refusé de délivrer le visa sollicité par une décision du 6 juillet 2023, laquelle, en application des dispositions de l'article D. 312-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, s'est substituée à la décision consulaire. Mme A... a alors demandé au tribunal administratif de Nantes l'annulation de cette décision. Par un jugement du 29 août 2024, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Mme A... relève appel de ce jugement.
2. En premier lieu, et d'une part, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
3. D'autre part, aux termes de l'article L. 312-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le visa de long séjour ne peut être refusé à un conjoint de Français qu'en cas de fraude, d'annulation du mariage ou de menace à l'ordre public (...) ". En application de ces dispositions, il appartient en principe aux autorités consulaires de délivrer au conjoint étranger d'un ressortissant français dont le mariage n'a pas été contesté par l'autorité judiciaire le visa nécessaire pour que les époux puissent mener une vie familiale normale. Pour y faire obstacle, il appartient à l'administration, si elle allègue une fraude, d'établir que le mariage a été entaché d'une telle fraude, de nature à justifier légalement le refus de visa. La circonstance que l'intention matrimoniale d'un des deux époux ne soit pas contestée ne fait pas obstacle, à elle seule, à ce qu'une telle fraude soit établie.
4. Pour refuser de délivrer à Mme A... le visa de long séjour sollicité, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France s'est fondée sur le motif tiré du caractère complaisant du mariage, contracté à des fins étrangères à l'institution matrimoniale, dans le seul but de faciliter l'établissement en France de la demandeuse de visa.
5. En l'espèce, la requérante n'apporte aucun élément probant sur la réalité et la sincérité de l'intention matrimoniale avec M. C... D..., ni sur la réalité de la communauté de vie avant ou après le mariage, alors même que ce dernier s'est opposé à la venue de son épouse en France, a engagé une procédure de divorce et qu'il a été entendu par les services de gendarmerie pour des faits de violences conjugales. En outre, Mme A... n'a pas obtenu de titre de séjour alors qu'elle est entrée en France en 2021, munie d'un visa de long séjour en qualité de conjointe d'un ressortissant français, valable du 28 octobre 2021 au 27 octobre 2022. Par suite, la sincérité de la relation matrimoniale qui unit Mme A... à son époux n'est pas établie, et l'intéressée, en se bornant à produire une copie d'acte de mariage ainsi que des copies de son passeport et de son livret de famille, n'établit pas la sincérité de l'intention matrimoniale, ni la réalité de l'union alléguée. Par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir que la décision attaquée serait entachée d'une erreur d'appréciation ou aurait méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
6. En second lieu, aux termes du premier paragraphe de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera soit des constatations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle ".
7. Ces stipulations n'étant applicables qu'aux procédures contentieuses suivies devant les juridictions, lorsqu'elles statuent sur des droits ou obligations de caractère civil ou sur des accusations en matière pénale, et non aux procédures administratives, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées ne peut être utilement invoqué. Au surplus, si la requérante allègue que la procédure de divorce engagée par son époux ne peut aboutir si elle se trouve elle-même au Sénégal, la décision attaquée ne fait pas obstacle à ce qu'elle présente des observations écrites dans le cadre de l'instance civile introduite par son époux, ni à ce qu'elle se fasse représenter par un mandataire de justice.
8. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions tendant à l'annulation du jugement attaqué doivent être rejetées. Par voie de conséquence, les conclusions de Mme A... à fin d'injonction doivent être également rejetées ainsi que ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 6 juin 2025, à laquelle siégeaient :
- M. Gaspon, président de chambre,
- M. Coiffet, président-assesseur,
- M. Pons, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 24 juin 2025.
Le rapporteur,
F. PONSLe président,
O. GASPON
La greffière,
I. PETTON
La République mande et ordonne au ministre d'Etat ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°24NT03060